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L’ALLIAGE Al – 3,5 % pds Ni

IV. 1-2 Sédimentation et croissance des grains équiaxes

Les images correspondant aux différentes étapes de la CET pour différents sauts de la vitesse de solidification sont présentées Fig.IV-1, Fig.IV-2, et Fig.IV-3. Dans un premier temps, pour une vitesse de solidification lente (Vg = 2 µm/s), les structures sont semblables à celles obtenues au cours de la solidification d’alliages non-affinés discutées dans le chapitre précédent: on observe une structure dendritique colonnaire qui s’avance dans la phase liquide avec un front eutectique à sa base. On peut remarquer dans la phase liquide l’existence d’une zone sombre autour et/ou entre les dendrites. Cette zone plus sombre correspond au liquide enrichi par le rejet de nickel au cours de la solidification. En théorie, il serait possible de quantifier la variation de concentration à travers cette couche solutale comme l’a fait R.H. Mathiesen et col. [2]. Néanmoins, ceci n’a pas pu être effectué dans nos expériences à cause de la résolution limitée et une dynamique de niveaux de gris trop faible.

La vitesse de tirage est ensuite augmentée de manière abrupte à un instant t0. Dans certains cas, la phase eutectique qui se solidifie sur le bord de la structure colonnaire devient plus sombre (Fig IV.3b et IV.3c). Ce changement est peut être lié à une variation de composition de la phase eutectique et donc de la taille relative des lamelles eutectiques. Des mesures locales de composition seraient nécessaires pour confirmer cette hypothèse mais elles n’ont pas pu être effectuées car l’échantillon a été refondu pour effectuer d’autres expériences de solidification. Peu de temps après (une à deux minutes), des grains équiaxes commencent à être visibles autour et au-dessus des dendrites, puis dans une bande presque horizontale. Il est important de noter que les grains ne sont visibles que lorsque leur dimension atteint une valeur de l’ordre de 50 µm, nettement supérieure à la résolution spatiale de la technique (7,46 µm), ce qui nous empêche d’observer les premiers instants de la germination. Après avoir germés, les grains équiaxes se développent et la plupart d’entre eux sédimentent sous l’action de la gravité. Ces grains tombent sur les dendrites colonnaires ou remplissent le canal liquide au dessus du front eutectique (Fig.IV-1b et IV-1c). Il est à noter qu’une analyse post-mortem de cette partie de l’échantillon pourrait conduire à la fausse conclusion que le régime de croissance est mixte dans cette région (dendrites colonnaires + grains équiaxes croissant en parallèle), alors que l’étude dynamique montre que ce n’est pas le cas.

Figure IV-1 : Transition colonnaire-équiaxe pour un gradient de température G = 30,5 K/cm et un saut de la vitesse de solidification Vg = 2 21 µm/s appliqué à t0.

a) t = t0 + 42s, b) t = t0 + 63s, c) t = t0 + 87s, d) t = t0 + 111s.

Figure IV-2 : Transition colonnaire-équiaxe pour un gradient de température G = 30,5 K/cm et un saut de la vitesse de solidification Vg = 2 18 µm/s appliqué à t0.

a) t = t0 , b) t = t0 + 116s, c) t = t0 + 185s, d) t = t0 + 309s.

Figure IV-3 : Transition colonnaire-équiaxe pour un gradient de température G = 30,5 K/cm et un saut de la vitesse de solidification V = 2 14 µm/s appliqué à t .

Front eutectique Front eutectique 1 mm 1 mm Front eutectique 1 mm (a) (b) (c) (d) (a) (b) (c) (d) (a) (b) (c) (d)

500 µm

(a) (b) (c)

L’étude en dynamique montre deux comportements pour les grains équiaxes : i) certains grains chutent immédiatement, ce qui suggère que la germination s’est faite sur des particules affinantes dans la phase liquide, alors que ii) d’autres se développent jusqu’à atteindre une taille critique avant de sédimenter. Les grains équiaxes sédimentent car la densité des grains solides d’aluminium (ρAl = 2550 kg/m3) est supérieure à celle du liquide enrichi en nickel (ρAl-6%pds Ni = 2474 kg/m3). Le second comportement est visible dans la

Fig.IV-4 : le grain se développent jusqu’à atteindre un diamètre de ≈ 500 µm avant de sédimenter. Ce comportement suggère que le grain a germé sur la paroi ou bien sur une particule collée à la paroi. Dans ce cas, le grain ne chute que quand son poids atteint une valeur suffisante pour le décrocher. Actuellement, nous ne sommes pas arrivés à estimer quelle proportion de grains germent sur les particules accrochées à la paroi ou dans la phase liquide.

Figure IV-4 : Développement et sédimentation d’un grain équiaxe qui a germé sur une particule affinante accrochée à la paroi, (a) t = t0 , (b) t = t0 + 21s, (c) t = t0 + 42s.

La vitesse de sédimentation des grains est mesurée en calculant la variation de la position z d’un grain entre deux instants donnés séparés de 2t. z est mesuré par rapport à un

point fixe du champ de la caméra, le décalage entre les images dû à la vitesse de tirage étant négligeable compte tenu des vitesses de sédimentation mesurées. On obtient la vitesse de sédimentation expérimentale Vséd-exp :

( ) ( ) ( )

t t t z t t z t Vséd − ∆ + = 2 exp (IV-1)

Dans nos expériences, la sédimentation des grains équiaxes est très souvent observée. Néanmoins, la chute des grains se fait sur de très faibles hauteurs (quelques centaines de microns) et sur des temps très courts (1 à 3 secondes). Compte tenu de la résolution temporelle de nos observations (1 image / 3 secondes), il existe une grande imprécision sur la valeur de ∆t. Ceci explique le faible nombre de mesures de vitesse de sédimentation que nous

avons pu effectuer (Tableau IV-2).

D’autre part, une vitesse théorique de sédimentation des grains peut être évaluée à partir de la loi de Stokes. Cette loi décrit la vitesse de chute d’une sphère dans un liquide sous l’action de la gravité. La vitesse de Stokes est donnée par:

η ρ 9 2 2 ∆ = r g VStokes (IV-2)

avec r rayon de la sphère, g accélération de la gravité, ∆ρ la différence de densité entre la sphère et le liquide et η la viscosité dynamique du fluide.

La comparaison entre la vitesse de Stokes et celle mesurée a été effectuée pour 4 grains et les résultats sont donnés dans le tableau IV-2. La tendance générale est correcte : les grains les plus gros tombent les plus vite. Par contre, les vitesses théoriques et mesurées sont différentes d’un ordre de grandeur. Cette différence peut être attribuée au fait que les grains tombent sur de faibles distances : les mesures sont effectuées au cours du régime d’établissement de la vitesse de chute alors que la vitesse de Stokes donne la vitesse de chute en régime permanent. De plus, les grains équiaxes sont assimilés à des sphères alors que la morphologie dendritique réelle est beaucoup plus complexe.

Rayon moyen du grain au cours sa chute (µm) Vséd-th (µm/s) Vséd-exp (µm/s) 78 1100 71 123 2724 111 130 3043 123 171 5265 156

On peut voir sur les figures précédentes (Fig.IV-1 à IV-4) que la plupart des grains ne sont pas alignés dans le sens du gradient de température longitudinal et ont une forme en V. Avec notre résolution limitée, il n’est pas possible de connaître l’orientation des grains au moment de leur germination et dans les premiers instants de leur croissance. Cependant, une fois une taille suffisante atteinte, nos observations montrent que les grains peuvent i) tourner au cours de leur chute, ii) rouler sur les grains situés au-dessous pour atteindre une position plus stable après leur chute, ou encore iii) être déséquilibrés et basculer si un de leur bras s’allonge plus que les autres. Par exemple, la Fig.IV-5 montre la croissance d’un grain équiaxe après sédimentation. Les deux branches de la partie inférieure ne se développent pas car elles sont bloquées par les grains situés en-dessous. Les deux branches supérieures s’allongent mais celle de gauche est à son tour bloquée par les grains voisins alors que la branche de droite qui n’est pas gênée continue de croître librement jusqu’à atteindre une longueur suffisante pour faire tourner le grain entier de 25°.

Figure IV-5: Rotation d’un grain suite à l’allongement d’une de ses branches. G = 30,5 K/cm, Vg = 9,5 µm/s. (a) t = t0, (b) t = t0 +163s, (c) t = t0 + 176s.