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Ruse de l’Histoire, ruse des historiens

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 107-116)

Chapitre 2 : Barthes avec Lucien Febvre

3.1. Ruse de l’Histoire, ruse des historiens

Les écrits sur la sixième section de l’École des Hautes Études commencent souvent par cette citation de Victor Duruy, élève de Michelet, ministre de l’instruction publique sous le Second Empire au sujet du décret de 1868 fondant l’École pratique, inspiré du modèle des séminaires allemands : « L’École des Hautes Études est un germe que je dépose dans les murs lézardés de la Vieille Sorbonne ; en se développant il les fera crouler ». Belle phrase d’allure prophétique, à laquelle on aurait envie de croire si l’on n’avait pas devant ses yeux les murs de la Vieille Sorbonne, plus solides que jamais, à leur place, et les années glorieuses de l’École des Hautes Études loin derrière elle. Non, l’EPHE n’a pas fait crouler les murs de la Sorbonne, mais elle a largement participé à la production d’une pensée vivante et créative, sans doute la plus séduisante du XXe siècle, qui naquit et se développa en France, entre les années 50 et 80.

Elle lui a donné ce dont elle avait besoin pour grandir : un foyer.

172 Jacques Lacan, Les Quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, séminaire XI, [1964], Seuil, 1973.

107 Lorsqu’en 1960 Roland Barthes entre à l’École des Hautes Études, la VIe section a déjà eu le temps de s’affirmer comme un centre novateur et en voie de développement contribuant massivement à l’essor des sciences humaines en France. Treize ans ont passé depuis sa création, mais cette période relativement courte a suffi à cet endroit atypique pour mettre en pratique une bonne partie des idées ambitieuses qui l’avaient créé.

C’est au lendemain de la Seconde Guerre mondiale que l’idée de la création de la VIe section semble avoir enfin trouvé le moyen de se réaliser. Beaucoup y avaient rêvé auparavant, notamment Marcel Mauss, mais les obstacles administratifs étaient jusque-là insurmontables.

Il a fallu de nombreuses coïncidences heureuses, ruses, et énergies, pour que ce projet réussisse.

Au commencement il y avait la bonne volonté de Pierre Auger et le talent stratégique de Charles Morazé. Plus tard, s’y sont associés la capacité d’administrateur de Fernand Braudel et l’autorité scientifique de Lucien Febvre.

Charles Morazé a lui-même raconté sa rencontre décisive avec John Marshall, qui représentait à ce moment la fondation Rockefeller et qui allait mettre en place le fameux plan Marshall en France. La rencontre a eu lieu lors de la conférence constitutive de l’UNESCO.

Lucien Febvre et Charles Morazé faisaient partie de la délégation française. Lorsque John Marshall explique son programme à Pierre Auger, alors directeur de l’Enseignement supérieur, ce dernier l’adresse à Charles Morazé. Voilà le point de départ de la naissance de la VIe section.

Selon les souvenirs de Morazé, Marshall, « déçu par les résultats de l’institut économique Rist », cherchait ailleurs. Morazé proposa l’École Pratique des Hautes Études, pour deux raisons : d’abord étant « para-universitaire », elle échappait aux « cloisonnements en facultés », mais aussi, parce que dans le projet initial de sa création, Victor Duruy a prévu une section de sciences économiques, ce qui simplifiait les tâches administratives. Cette section n’a jamais vu le jour, « tant nos économistes de la chaire avaient de longtemps préféré l’exposé doctrinaire aux analyses concrètes » : l’idée du séminaire et de l’enseignement de la recherche, raison d’être de l’École des Hautes Études, leur déplaisait. La section, restée vide au moment de la séparation de l’Église et de l’État, a été occupée par les sciences religieuses : « Pourquoi ne pas réparer cette lacune et cette usurpation occasionnelle en ajoutant une VIe section conforme aux premières intentions du fondateur 173? ».

Lucien Febvre n’était pas encore associé au projet, auquel il participe plus tard. À ce moment-là Charles Morazé négociait seul, d’un côté avec la fondation Rockefeller, de l’autre

173 Charles Morazé, Un historien engagé, Mémoires, Librairie Arthème Fayard, 2007, p. 171-172.

108 avec le Ministère de l’Éducation nationale, pour mettre en marche la VIe section. Sa bonne connaissance de l’histoire de « l’École » et de l’administration universitaire en France l’aidait dans ce projet. Avec Pierre Auger, ils étaient convaincus que le projet devait se faire le plus discrètement possible pour ne pas susciter de réactions. En réalité, la IIe section de l’École des Hautes Études n’existait plus, depuis fort longtemps. Il suffisait de la rayer du programme de l’année suivante et d’y ajouter à sa place la VIe section, déjà prévue, de sciences économiques et sociales. L’argent venant de la fondation Rockefeller, il n’y avait aucune raison que le ministère s’opposât au projet. Cependant, l’aide du mécénat américain ne suffisait pas. Pour résoudre le problème financier, il aurait fallu privilégier majoritairement, les professeurs cumulants. Brigitte Mazon décrit ainsi la solution trouvée: aux quatrième et cinquième sections de l’École des Hautes Études, dans des disciplines comme la philologie ou les sciences religieuses, existaient des directeurs d’études qui pouvaient « parfaitement constituer le noyau d’une équipe d’enseignement de sciences sociales et humaines174 ».

Il y avait encore une autre difficulté à résoudre : la différence entre les conceptions américaine et française des sciences humaines et sociales. Le désaccord apparaît déjà lors du conseil constitutif de l’UNESCO. Selon Brigitte Mazon, les Américains proposent deux départements séparés : l’un pour les sciences humaines, regroupant la philosophie, les beaux-arts et l’histoire, et l’autre pour les sciences sociales. Or, du côté de la délégation française, Lucien Febvre et Charles Morazé refusent de séparer l’histoire des sciences sociales175.

De nouveau Charles Morazé dut négocier avec la fondation Rockefeller pour imposer son point de vue. Mais cette fois, il va plus loin : il parvient non seulement à faire coexister l’histoire, les sciences sociales, l’économie et la philosophie au sein d’un même établissement, mais encore à faire de cet établissement le lieu d’aboutissement de l’ambition interdisciplinaire des Annales. Pour cette même raison, il désire faire de Lucien Febvre le premier directeur de la section :

Printemps 1947 […] L’affaire est pratiquement conclue. Du moins le croyé-je puisque notre directeur de l’Enseignement supérieur est certain que le ministre signera une décision anodine et sans implications financières pour l’année. J’ai rédigé le texte sur un coin de son bureau : « La section créée à l’École des Hautes Études sous le titre section des sciences économiques par le décret du 30 janvier 1859 prend le nom de VIe section des sciences économiques et sociales ». Sa mission sera d’assurer les enseignements de recherche concernant économie, société, civilisations. J’ai à dessein introduit dans ce

174 Brigitte Mazon, Aux Origines de l’école des hautes études en sciences sociales, le rôle du mécénat américain (1920-1960), CERF, 1988 p. 86.

175 Voir, Ibid., p. 88

109 projet de décret les trois mots sous-titrant désormais les Annales : ainsi se trouvera constitué d’avance le noyau à partir duquel se développera le nouvel organisme176. Le décret du 3 novembre 1947 créa officiellement la sixième section de l’École des Hautes Études. Il est intéressant de citer entièrement l’article 5 de l’arrêté ministériel de 1947 auquel Morazé fait allusion dans ses mémoires, car il transforme le plan originel d’une section des sciences économiques en celui d’une institution englobant toutes les sciences humaines et avant tout, l’histoire : « Les programmes sont soumis avant l’ouverture de chaque année scolaire à l’approbation du Ministre de l’Éducation Nationale par le Président de la section. Ces programmes devront déterminer les méthodes propres à l’étude des différentes économies, des sociétés et des civilisations. Par la critique historique et le droit comparé, par des tests et des enquêtes, la statistique et la cartographie, ils délimiteront et généraliseront les moyens les plus aptes à promouvoir toutes les sciences de l’homme ».

La section créée, Morazé intervient une dernière fois afin de convaincre Lucien Febvre d’en assurer la direction. Sa première tentative échoue ; Lucien Febvre se montre hésitant. Selon Pierre Daix, biographe de Fernand Braudel, c’est le retour de ce dernier du Brésil qui aide Charles Morazé à convaincre Lucien Febvre. Febvre voyait bien « quel levier cette création placerait entre ses mains pour avancer vers l’histoire au grand large dont il rêvait177 » ; mais pour mettre en place et à exécution ce plan, il avait besoin de Braudel comme « cheville ouvrière ». Grand administrateur autant que brillant chercheur, Braudel, qui se sentait de surcroît injustement évincé de la Sorbonne après le succès de sa Méditerranée, était alors la personne sur qui Lucien Febvre pouvait s’appuyer pour entamer un projet aussi ambitieux.

Selon Brigitte Mazon, en revanche, ce fut en évoquant le danger de la présidence de Gurvitch que Charles Morazé réussit à convaincre Lucien Febvre de candidater. Sa candidature fut effectivement une simple formalité ; sa seule présence suffit pour avoir la quasi-unanimité du noyau constitutif. Charles Morazé relate cette réunion informelle où tout se décide :

Le décret sort finalement au début de novembre 1947. Je retourne à la charge auprès de Lucien Febvre. Revenu du Brésil, Fernand Braudel m’appuie. Je gagne le président de mes rêves […]. Aussitôt, plume en main, Lucien Febvre esquisse un programme pour l’année scolaire qui commence. Chez lui, devant lui, outre moi-même, trois directeurs détachés des IVe et Ve sections (Ernest Labrousse, Fernand Braudel, Gabriel Le Bras).

[…] Qui tiendra la plume de secrétaire ? On se tourne vers moi qui fais non de la tête.

Braudel accepte : les destins sont noués178.

176 Charles Morazé op.cit. p.173-174.

177 Pierre Daix, Braudel, Flammarion, 1995, p. 255.

178 Charles Morazé, op.cit. p. 176

110 Quoi qu’il en soit, dès qu’il accepte la présidence, Lucien Febvre s’y implique avec enthousiasme, comme il le faisait pour tout projet qui lui tenait à cœur. Pendant les premières années, la direction de la VIe section reflète non seulement l’esprit des Annales mais également les ambitions que Lucien Febvre avait pour l’Encyclopédie française. Par sa forme, l’Encyclopédie française révélait déjà l’obsession de Lucien Febvre pour un savoir toujours en mouvement. Il en était le maître d’œuvre depuis 1933 et en concevait minutieusement tous les aspects, même formels. Les paginations suivent un modèle complexe qui, de pair avec la forme peu habituelle de la reliure, permet aux abonnés qui reçoivent sans cesse les mises à jour des chapitres, d’enlever les anciennes pages et de les remplacer par les nouvelles. Quelques décennies avant l’existence d’Internet, Febvre cherchait une encyclopédie qui ne soit pas un

« tombeau du savoir ». Même souhait pour l’enseignement à la VIe section. Mais il s’agit aussi de moduler les rapports entre les disciplines pour permettre aux différents savoirs de « vivre ensemble ». Enrico Castelli Gattinara explique que cette encyclopédie était devenue « un laboratoire géré de façon autonome, un lieu de rencontres et d’expériences, de problèmes et de solutions temporalisées ; elle offre l’analyse des divers formes et états du savoir, chacun avec sa découpe, son héritage et son outillage à utiliser activement plutôt qu’à suivre passivement ou à synthétiser d’une façon compilatoire179 ».

Nous voyons, dans les premiers programmes de l’enseignement de la section, une manière de diviser les sciences, qui se trouvait déjà élaborée dans l’Encyclopédie française. Gattinara montre encore la lente élaboration de ce programme et les hésitations qui l’accompagnent au moment où Febvre accepte la direction de l’Encyclopédie française. Le plan de l’Encyclopédie, il l’a rédigé personnellement, et il l’a modifié plusieurs fois, durant les années 1933-34.

« L’incertitude majeure » selon Gattinara, « concerne le classement des disciplines ». Dans les premiers plans, Febvre commence avec les sections « groupes humains » et « histoire », mais le plan final de 1934 donne la priorité à « l’outillage mental », c’est-à-dire logique, mathématique, langage, à la « formation mentale » de l’homme180. C’est dans un tel esprit que Febvre compte diriger la VIe section.

Ces événements n’ont pas qu’une valeur anecdotique. S’il faut tant insister sur l’engagement de Charles Morazé, Lucien Febvre et Fernand Braudel dans cette histoire, c’est surtout parce que leurs présences, leurs façons de voir l’Histoire et les sciences de l’homme, ont joué un rôle décisif, bien au-delà de la VIe section, dans le développement des sciences

179 Enrico Castelli Gattinrara, Les Inquiétudes de la raison, Vrin, 1998, p. 191.

180 Voir Ibid., p. 183

111 humaines en France. Ce qu’on appelle la « particularité française », le fait que les sciences sociales soient pendant très longtemps, sinon dominées, du moins contraintes de collaborer intensément avec l’Histoire, est le résultat direct de la manière dont a été mise en place la VIe section. Plus tard, lorsque cette dernière devient une école indépendante, le secrétaire du bureau de la section, Roland Barthes, qui a rédigé un programme scientifique pour la nouvelle École des Hautes Études en Sciences Sociales, insiste beaucoup, et à juste titre, sur ce rôle de l’Histoire :

En cherchant à préciser et, si l’on peut dire, à nuancer son originalité, l’École n’entend pas se distinguer artificiellement des autres institutions d’enseignement et de recherche qui existent en France. Certains des traits qui marquent l’École se retrouvent, à coup sûr, dans telle Université ou tel Établissement ; mais ce qui appartient à l’École, c’est la composition de ces traits, sa « figure ». L’École ne s’oppose pas ; elle pose sa différence, non par esprit de singularité mais parce que cette différence lui vient de l’Histoire elle-même181.

Plus bas dans le même texte, Barthes définit cette différence :

Par son origine, l’École dans la plupart de ses disciplines, a pu maintenir un contact étroit avec l’Histoire ; et l’Histoire, mobilisée au siècle dernier comme source de l’identité nationale, est devenue aujourd’hui par le travail même de nos historiens une école d’altérité : elle apprend à voir l’autre dans le même, elle contribue à ébranler ce qu’on pourrait appeler l’égo-centrisme des sciences humaines182.

Trois éléments caractérisent la VIe section dans les premières années de son existence : ladite place de l’Histoire parmi les sciences sociales, la volonté accentuée de chercher les moyens de mettre en place une vraie interdisciplinarité, et, nécessité ou ouverture d’esprit, la capacité de ses directeurs à se tourner vers des directeurs d’étude quelque peu atypiques.

Néanmoins, si l’Histoire a longtemps régné sur les sciences sociales, les historiens des Annales étaient, comme nous l’avons déjà démontré, profondément influencés par la sociologie, ou plus précisément par l’école durkheimienne. Cette influence se manifeste dans le programme de la première année de l’enseignement à la VIe section : la psychologie est considérée comme une branche de la sociologie, la langue est perçue comme un « fait social », la linguistique appartient également aux sciences sociales. Le vocabulaire employé par Lucien Febvre dans ce premier programme est largement inspiré de l’Encyclopédie française. En le résumant nous pouvons avoir une idée globale de l’esprit de la section. Le programme est divisé en six parties : I. Méthodes, II. Orientations et cadres historiques, III. Les sociétés humaines,

181 Roland Barthes, « Projet du programme scientifique de l’EHESS », (1975), Les Archives Nationales, Fonds de la présidence Jacques Le Goff, 19920571/1 66 AJ 1158.

182Ibidem.

112 IV. Les activités économiques, V. Civilisations et Civilisation, VI. Semaine d’enquête. La variété des cours proposés est impressionnante et la section regroupe des chercheurs dans différents domaines des sciences humaines. Lucien Febvre lui-même enseigne l’Histoire sociale, F. Braudel l’Histoire géographique et E. Labrousse l’Histoire et statistiques économiques. Joseph Vendryès (linguiste) enseigne l’outillage mental : le langage comme fait social. André Leroi-Gourhan enseigne « L’outillage technique : avant la machine », Georges Gurvitch enseigne les « systèmes moraux », et Claude Lévi-Strauss « La vie religieuse des primitifs ». En psychologie, il faut notamment mentionner Ignace Meyerson qui enseigne les

« bases psychologiques », dans un cours intitulé « Les bases de la vie sociale » regroupant trois professeurs. Un cours sur le machinisme est aussi partagé entre le sociologue Georges Friedmann qui enseigne « machinisme et psychologie » et l’historien de la science Alexandre Koyré prend en charge la deuxième partie de cet enseignement : « sciences et machines ». Une série de conférences sur « Guerre et société » est assurée par Roger Caillois.

Non seulement la langue, mais aussi la science et la technique, sont considérées comme essentiellement historiques, des « faits sociaux ». Ainsi les intitulés comme « outillage mental » ou « outillage technique » regroupent une grande partie des enseignements, et la linguistique, par exemple, est présentée comme outillage mental lui-même sous-branche de l’outillage des sociétés, qui appartient au groupe « sociétés humaines ». Lucien Febvre revient d’une certaine manière sur ses hésitations. La place accordée à l’outillage mental est effectivement grande, mais elle est subordonnée aux « sociétés humaines », renversant l’ordre de l’Encyclopédie.

Bien que cette forme de partage ait disparu à partir de 1951, et qu’on divise alors les enseignements en trois groupes – sciences historiques, sociologie et sciences économiques –, les traces de cette mentalité, celle de Febvre en particulier et des Annales en général, se voient dans le développement de la VIe section. Plus tard, un groupe de plus en plus nombreux de chercheurs dans en sciences sociales, linguistique et psychologie essaieraient de s’opposer à cette vision, mais à l’origine de la VIe section, le « fait social » – dont la variété explique la nécessité de l’unité des sciences de l’homme –, est considéré comme « fait historique » et garantit ainsi la centralité de l’Histoire dans cet espace fédératif que l’École des Hautes Études voulait créer pour les recherches en sciences humaines et sociales.

Le progrès de la section était rapide, tant sur le plan de la notoriété scientifique que sur celui du développement matériel. En dix ans, selon la lettre de Louis Velay à Clemens Heller exposant la situation de la VIe Section (1957), « le nombre de ses directeurs d’études est passé de 3 à 61, son budget annuel de 3 millions à près de 160 millions de francs et le nombre de ses

113 chercheurs et collaborateurs techniques de 10 à 100 ». Mais bien avant, c’est la réussite au niveau de la mise en pratique d’un vrai programme interdisciplinaire, qui justifie la fierté de Lucien Febvre pour son école. Il écrit dans une lettre adressée à la fondation Rockefeller que la Section « a réalisé de par la composition même de son corps enseignant, une collaboration dont beaucoup rêvaient depuis longtemps sans avoir pu la réaliser, entre des hommes formés à des écoles aussi différentes que celle de nos Facultés des Lettres, celle de nos Facultés de Droit, celle enfin de corps et d’organismes orientés nettement vers la pratique et l’action. D’où la figure originale de la nouvelle institution et ses succès rapides183 ».

La nécessité de la collaboration des différentes disciplines des sciences humaines, ainsi que la place importante de l’Histoire, reviennent souvent sous la plume de Febvre et Braudel durant cette période. C’était pour cette même raison que Braudel critiquait les départements d’area studies qu’il visite aux États-Unis, et souhaitait que le groupe des aires culturelles, qu’il voulait créer dans la VIe section fût différent :

Admirablement soutenus par une armée de sociologues et de spécialistes de Political sciences, disposant de tous les moyens matériels et humains nécessaires pour mener d’excellentes enquêtes, nos collègues américains sont déçus par les résultats pratiques et scientifiques de cet effort qui, de l’extérieur, nous paraît si magnifique. (…) En fait ce qui leur a manqué et leur manquera longtemps, c’est d’assurer à leurs expériences, toutes centrées sur l’étude de l’instantané, le concours de géographes, d’historiens et de philosophes valables […].

Fernand Braudel constate alors la négligence de trois points de vue essentiels :

La philosophie apportant les conditions indispensables d’une construction logique ; l’histoire (…) y introduisant la notion des mouvements profonds et de longue durée qui

La philosophie apportant les conditions indispensables d’une construction logique ; l’histoire (…) y introduisant la notion des mouvements profonds et de longue durée qui

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