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2. Les failles de l’échange langagier, risques de déliaison interpersonnelle interpersonnelle

2.3. Rupture du lien signifiant / signifié

La menace de déconnection se fait alors double. Si le langage ne communique plus (ni d’information, ni à autrui), c’est-à-dire s’il ne s’ouvre plus sur l’extérieur mais suit au contraire un mouvement centripète de repli sur lui-même, alors les personnages encourent un autre risque : celui d’une déconnection d’avec la réalité. L’individu qui ne vient éprouver son point de vue en le confrontant à celui d’autrui, qui ne peut nuancer son propos au regard de ce que lui a appris son interlocuteur, tend à verser dans l’erreur. Seul,

77 il s’éloigne de la vérité. Les liens interpersonnels ne sont par conséquent pas les seuls à menacer de se rompre. Ceux entre le dire et leur objet réel, eux aussi, s’avèrent quasi-inexistants. Ce risque de déconnection langagière totale – d’autrui et de la réalité – est mis en exergue dans chacun des romans, quoique dénoncé par des moyens légèrement différents.

-Exagérations

Dans Northanger Abbey, ce sont les idiolectes, semblables, d’Isabella Thorpe et de son frère John qui pointent l’existence d’un fossé potentiel entre les signes et le réel. Ces derniers usent d’un langage qui leur est propre, hautement hyperbolique104, multipliant les superlatifs.

Deux expressions caractérisent ainsi plus particulièrement Isabella : « my dearest Catherine » mais surtout « I have a thousand things to tell you », superlatif et hyperbole que l’on retrouve en maints endroits dans les propos d’Isabella, au discours direct (NA, 24, 31 et 41) ou indirect libre (NA, 45 et 46 notamment). Ces deux expressions sont dénoncées dans le texte à plusieurs reprises et de diverses façons. Deux stratégies principales de mise à distance ressortent plus particulièrement.

L’expression « I have a thousand things to tell you » est tout d’abord reprise par la voix narrative, qui vient l’insérer dans son récit. À l’ouverture du chapitre 10, voici comment le début de soirée entre les amies Catherine et Isabella est décrit, alors que celles-ci ont passé une partie de l’après-midi ensemble et se sont quittées à quinze heures :

The Allens, Thorpes, and Morlands, all met in the evening at the theatre; and, as Catherine and Isabella sat together, there was then an opportunity for the latter to utter some few of the many thousand things which had been collecting within her for

communication, in the immeasurable length of time which had divided them. (NA, 46)

La énième réitération de cette hyperbole ne surgit cette fois-ci non pas au discours direct, ni au discours indirect libre, mais bien au sein du récit hétérodiégétique, dans le corps

104 « Their shared vocabulary is dominated by a narrow and nearly obsessive reiteration of "excessively strong" terms of endearment, as if they are locked in a verbal world of some half dozen hyperboles that somehow have to fit the whole range of their thoughts. », Susan Allen Ford, Imperfect Articulations: Language and Structure in Jane Austen’s Novels, Michigan, University of Micfrofilms International, 1989, p. 19.

78 même du texte à la précision lexicale largement saluée par la critique. Elle se double en outre d’une modification intéressante puisqu’elle fait l’objet d’une nouvelle amplification. L’on notera en effet la transformation de l’expression « an hundred things » (NA,24) puis « a thousand things » (NA, 41, 45) en « many thousand things » (NA, 46), et ainsi le recours final à un pluriel emphatique, accentuant la nature excessive de l’expression. Le contraste se fait alors aussi saisissant qu’ironique. Il permet à l’instance narrative à la fois de critiquer implicitement pareille démesure, semblant aller toujours grandissant, et d’établir dans le même temps un lien de connivence avec le lecteur. Si les mots d’Isabella sont rarement en phase avec la réalité et ne semblent trouver aucun frein dans la diégèse, inscrivant la notion de déliaison au cœur du logos, ceux du narrateur, au contraire, épousent le réel et s’attachent à dénoncer les débordements linguistiques d’Isabella.

La seconde technique narrative soulignant la déconnection des propos de la jeune femme d’avec la réalité est non plus une stratégie de reprise à des fins contrastives mais de contraste seul. Ainsi, à la page 41, l’expression d’Isabella au discours direct, « My dearest creature [...] you have been at least three hours getting ready », se trouve immédiatement discréditée par son incohérence avec le récit neutre et objectif que vient de lire le lecteur et selon lequel : « Catherine took the advice and ran off to get ready. In a very few minutes she re-appeared, having scarcely allowed the two others time enough to get through a few short sentences in her praise » (NA,41). La dichotomie « three hours » et l’ensemble des expressions « ran off », « a very few minutes », « scarcely », « a few short sentences » achève de totalemement discréditer Isabella. Tout se passe comme si l’on était un cran plus avant dans le rejet et la volonté de mise à distance de pareils propos, comme si leur démesure à elle seule était également suffisamment visible pour n’avoir plus besoin d’être soulignée.

Le frère d’Isabella, John Thorpe, n’est pas à l’abri de pareilles extravagances linguistiques, loin s’en faut. Comme en témoigne le segment phrastique suivant, caractérisé par une accumulation de quatre superlatifs de supériorité, il verse tout autant dans les exagérations :

she readily echoed whatever he chose to assert, and it was finally settled between them without any difficulty, that his equipage was altogether the most complete of its kind in England, his carriage the neatest, his horse the best goer, and himself the best coachman. (NA, 43)

79 Les mots de John ont beau ne pas refléter la réalité, son opinion n’en est pas moins partagée par sa comparse. Que ces idiosyncrasies linguistiques soient en réalité le signe d’une superficialité commune à tous les enfants Thorpe, voilà qui apparaît lorsque les deux sœurs cadettes se voient donner l’unique occasion de s’exprimer :

Maria desired no greater pleasure than to speak of it [yesterday’s party]; and Catherine immediately learnt that it had been altogether the most delightful scheme in the world; that nobody could imagine how charming it had been, and that it had been more delightful

than any body could conceive. (NA, 80).

Les hyperboles et superlatif initiaux conduisent à un propos final circulaire et encore une fois presque sans queue ni tête, témoignant de l’artificialité de tous les enfants Thorpe. Ces exagérations langagières semblent d’autant plus difficiles à canaliser qu’elles menacent d’affecter les expressions des personnages au-delà du simple cercle familial.

L’héroïne Catherine Morland est ainsi la première confrontée à ce risque de contamination langagière. Janet Todd, Rachel M. Brownstein et Susan Fraiman105, parmi d’autres, ont souligné l’importance des remontrances explicites faites par le vertueux Henry à la survoltée Isabella quant à l’utilisation idiosyncrasique que celle-ci fait du langage. L’excessive Isabella est décrite par Henry comme usant des adjectifs « amazing » et « horrid » à tort et à travers. Recourant à ces qualificatifs à outrance106 et surtout sans se préoccuper le moins du monde de leurs acceptions sémantiques traditionnelles (prises respectivement au sens de « qui provoque l’étonnement » et de « terrible, qui engendre l’horreur »)107, n’envisageant au contraire que leur acception toute récente (« amazing » étant par exemple employé en tant que simple intensifieur)108, Isabella n’a de cesse de mettre à mal l’orthodoxie lexicale. Si c’est l’héroïne, Catherine,

105 Rachel M. Brownstein, «Northanger Abbey, Sense and Sensibility, Pride and Prejudice », dans E. Copeland et J. McMaster (éds.), The Cambridge Companion to Jane Austen, Cambridge, Cambridge University Press, 1997, p. 41 ; Susan Fraiman, Introduction à l’édition Norton Critical Edition de Persuasion, p. xi ; Janet Todd, Jane Austen in Context, Cambridge, Cambridge UP, 2005, p. 24.

106 Plusieurs occurrences du terme « horrid » peuvent être relevées, notamment aux pages 24, 25, 26, 32, 47, 62, 114 et 147.

107 Kenneth C. Phillips rappelle que seul ce dernier sens est accepté par Austen, qui se conforme ainsi à l’étymologie latine du terme, de horridus « prickly, rough shaggy […] causing a bristling or shuddering with fear », Kenneth C. Phillips, Jane Austen’s English, Londres, Andre Deutsch, 1970, p. 18.

108 Susan Fraiman, note de bas de page de l’édition Norton Critical Edition de Persuasion, concernant le volume I, chapitre 14, p. 73.

80 qui a recours la première à l’adjectif « horrid », celle-ci le fait dans un premier temps à bon escient, utilisant l’épithète pour s’enquérir de la nature à proprement parler horrifiante des romans gothiques proposés par son amie : « Castle of Wolfenbah, Clermont, Mysterious Warnings, Necromancer of the Black Forest, Midnight Bell [...] are they all horrid, are you sure they are all horrid? » (NA, 24-5). Lorsqu’à son tour Isabella opte pour le même terme dans la conversation qui s’ensuivra entre elles, son choix relève cette fois non plus de l’ordre du consensus ou du canon mais de la transgression puisqu’elle se sert de l’adjectif pour qualifier tant Sir Charles Grandison que Camilla, deux œuvres romanesques que tout, et peut-être principalement leur réalisme psychologique, oppose à l’horreur surnaturelle du gothique. Dans la description qu’Isabella donne du roman de Samuel Richardson, Austen va jusqu’à lui faire prononcer les deux adjectifs au sémantisme mal maîtrisé dans un seul et même segment : « Sir Charles Grandison! That is an amazing horrid book, is it not? » (NA, 26). Isabella ne cessera de commettre ces abus de langage tout au long du roman, maladresses lexicales que ne manquera pas de reproduire par la suite l’influençable Catherine.

L’épisode de Beechen Cliff, au chapitre 14, est réputé pour son imbroglio central entre Catherine et la sœur d’Henry suite aux choix lexicaux de l’héroïne109. Mais, chose moins relevée que cette référence implicite au contexte mouvementé de l’époque, c’est en outre dans ce même passage que Catherine a recours de manière inadéquate au terme « amazing », emploi non consensuel que soulignera Henry à de multiples reprises et dans une critique relativement acerbe. Cette critique explicite de l’arbitraire du signe linguistique ou de l’aspect individuel de l’utilisation du langage a souvent été perçue comme une critique des effets de mode et de l’artifice urbain, ce qu’elle est, indéniablement. Henry, en véritable défenseur de l’orthodoxie lexicale, souligne ce phénomène d’érosion du sens et n’a de cesse de dénoncer les multiples transgressions opérées par Isabella et Catherine à sa suite. En ce sens, son association à Samuel Johnson

109 Pour rappel, alors que Catherine annonce la publication à venir d’un roman gothique, le choix de ses termes (« something very shocking will soon come out in London » ; « I do not know […] who the author (is) but it is to be more horrible than anything we have met with » ; « it is to be uncommonly dreadful. I shall expect murder and everything of the kind ») laisse entendre à Eleanor que Catherine parle de toute autre chose. Elle est ainsi persuadée que son amie a entendu parler d’émeutes et de sérieux troubles politiques à venir. On notera que cette interprétation est fondée et tout à fait compréhensible, d’autant que Catherine a préalablement indiqué que Beechen Cliff lui évoquait la France et ses mystères.

Norman Page, The Language of Jane Austen, Abingdon, Routledge, 2011, p.16-17 ; Sandra M. Gilbert et Susan Gubar, « on Beechen Cliff Catherine finds that her own language is not understood. », « Shut up in Prose: Gender and Genre in Austen’s Juvenelia», dans H. Bloom (éd.), Jane Austen, Broomal, Chelsea House Publisher, 2004, p. 84.

81 – ce maître du langage, auteur du remarquable Dictionary of the English Language en 1755 – et dont Henry est décrit comme un lecteur avide, est plus que judicieuse. Elle ne laisse aucune ambiguïté quant au rôle attribué à Henry : celui de rappeler explicitement la norme. Cette dernière se trouve également implicitement renforcée par la romancière, qui fait utiliser l’adjectif « horrid » dans sa juste acception par la voix narrative à la page 128 notamment.

À travers ces efforts similaires, transparaît ainsi, au-delà peut-être d’une simple critique des effets de mode et des mœurs urbaines, le désir d’une certaine fixité des essences linguistiques. S’inscrivant dans la droite ligne de Johnson, et se reposant sur cette autorité extérieure supplémentaire, la visée commune à Henry et au narrateur semble avant tout être celle de la compréhension universelle. Le problème langagier soulevé n’est ainsi pas tant la pauvreté lexicale de certains, ou l’arbitraire du signe qui aurait du mal à transcrire une expérience subjective. Autrement dit, la réflexion sur cette limite langagière ne s’assimile pas à une réflexion sur un problème individuel, mais bien sur un problème social. Comme le figure peut-être ce décor qu’est la falaise (Beechen Cliff),

topos de la rupture peu commun dans les romans austéniens plus coutumiers des salons,

Henry, comme la voix narrative, ouvre la problématique de l’être (« Be »), de la parole et de sa difficile transmission. C’est l’atteinte à l’universalité du langage qui est montrée du doigt. Or, si toute possibilité de compréhension entre individus semble menacée, qu’en est-il du tissu social ? C’est une nouvelle fois le risque de fragmentation sociale qui est au cœur de la réflexion d’Austen sur le langage.

-Contradictions, flatteries et mensonges

Les exagérations langagières sont mises en évidence de manière légèrement différente dans Sense and Sensibility. La fréquence de ces dernières, s’enchaînant par occasions en cascade, et la multiplicité de leurs auteurs sont particulièrement frappantes. Au volume I, chapitres 19, 20 et 21, contradictions, flatteries et mensonges deviennent omniprésents, menaçant ainsi de prendre le dessus.

La première série d’exagérations survient dès l’arrivée de l’exubérante Mrs. Charlotte Palmer, fille de Mrs. Jennings et sœur cadette de Lady Middleton (elle-même propriétaire de Barton Cottage, demeure louée par les femmes Dashwood). Il est précisé,

82 dès les premières phrases de présentation, que cette dernière ne ressemble en rien à son aînée. L’onomastique se fait alors une nouvelle fois révélatrice. Effectivement, si l’on s’en tient au nom propre « Middleton », représentatif du caractère modéré de Lady Middleton, rien de mesuré ne semble caractériser Charlotte Palmer. Au contraire, le personnage apparaît rapidement comme le parangon tant de l’excès que de la contradiction, car la fausseté de l’exagération est toujours soulignée dans Sense and

Sensibility. Ainsi, au chapitre 19, Mrs. Palmer nous est d’abord présentée comme n’ayant

de cesse d’exprimer son ravissement. À peine franchie la porte de Barton Cottage à l’occasion d’une première visite rendue aux femmes Dashwood, cette dernière se pâme d’admiration devant la pièce offerte à ses yeux :

“Well! what a delightful room this is! I never saw anything so charming! Only think, mama, how it is improved since I was here last! I always thought it such a sweet place, ma’am! (turning to Mrs. Dashwood,) but you have made it so charming! Only look, sister,

how delightful every thing is! How I should like such a house myself!” (SS, 78)

Il nous a été précisé auparavant qu’il s’agissait d’une bien humble demeure, pourtant Charlotte Palmer ne s’exprime ici qu’au moyen de phrases exclamatives, qui plus est saturées d’adverbes intensifieurs (« so », « such a », « never », « always »), dans un débordement d’enthousiasme caractéristique de chacune de ses prises de paroles. Alors qu’elle pose ensuite son regard sur les dessins et peintures des sœurs Dashwood suspendus aux murs, le même transport la saisit :

“Oh! dear, how beautiful these are! Well! how delightful! Do but look, mama, how sweet! I declare they are quite charming; I could look at them for ever.” And then sitting down

again, she very soon forgot that there were any such things in the room. (SS, 79)

Cette fois, néanmoins, la fausseté de cette exagération est mise en avant par la voix narrative. L’emphase des expressions est dénoncée comme ne correspondant pas à la réalité.

Ce ne sera, en outre, pas la seule et unique fois que les propos excessifs de Mrs. Palmer seront contredits. « He is so droll! » est une phrase clé associée à Charlotte Palmer, cette dernière ne cessant d’y avoir recours pour décrire son époux. Or non seulement l’exclamation, combinée à la présence de l’intensifieur « so » et à l’utilisation

83 disproportionnée qu’elle fait de cette phrase, vient une nouvelle fois marteler le caractère échevelé du personnage, mais elle sert également à mettre en évidence la perpétuelle inadéquation entre ces dires et la réalité. En effet, c’est au sens de ‘drôle’ et de ‘comique’ que l’adjectif polysémique « droll » est employé, comme le signalent entre autres les rires de Mrs Palmer, concomitants avec l’énonciation. Or, après les rires de cette dernière et cette exclamation insistant sur la nature jugée facétieuse, pour ne pas dire désopilante, de Mr. Palmer, s’ensuit immanquablement une phrase réaffirmant au contraire la nature singulièrement taciturne et déplaisante de ce dernier. Ce rappel peut provenir de la voix narrative (« This was quite a new idea to Mrs. Dashwood, she had never been used to find wit in the inattention of any one »), comme, plus singulièrement, de l’intéressée elle-même (« “He is so droll! He never tells me any thing!” » 81; « “Mr. Palmer is so droll! [...] He is always out of humour.” », 82). Figure incarnant les abus langagiers par excellence, Mrs Palmer se voit en conséquence sempiternellement contredite par les faits, finissant, pire encore, par se contredire elle-même à maintes reprises, comme dans ce dernier exemple du chapitre 20 alors qu’elle évoque Mr. Willoughby, bien-aimé de l’héroïne Marianne : « “I know him extremely well,” replied Mrs Palmer—“Not that I ever spoke to him indeed” » (SS, 84).

À ce nombre d’ores et déjà pléthorique de propos insensés, viennent néanmoins s’ajouter les amplifications d’un second personnage. À peine la visite terminée et les Palmer retournés à leur résidence de Cleveland, s’ensuivent les exagérations de Sir John Middleton, dès le lendemain. Désireux d’annoncer l’arrivée de nouvelles arrivantes en sa demeure, ce dernier décide de se rendre chez ses cousines afin de les convier à rencontrer le nouveau groupe :

He set off directly for the cottage to tell the Miss Dashwoods of the Miss Steeles’ arrival, and to assure them of their being the sweetest girls in the world. From such commendation as this, however, there was not much to be learned; Elinor well knew that

the sweetest girls in the world were to be met with in every part of England. (SS, 87)

Les intensifieurs des chapitres 19 et 20 ont laissé place, en ce chapitre 21, aux superlatifs, habituels chez Sir John. L’accent n’en reste pas moins toujours mis, grâce à l’antithèse « the sweetest [...] in the world » / « every part of England », sur le fossé existant entre les signifiants employés et la réalité. Dans Sense and Sensibility, le cliché

84 hyperbolique, qui ne peut épouser parfaitement le réel, fait partie des expressions incriminées.

Suite aux exagérations de Charlotte Palmer, puis à celles de Sir John, surviennent celles des nouvelles arrivantes, les Miss Steele. Non seulement l’enchaînement est des plus rapides et les amplifications langagières se font omniprésentes, mais elles deviennent également délibérées. Le crescendo se fait ainsi relativement vertigineux car il s’avère tant quantitatif que qualitatif. La disjonction d’avec le réel s’accentue en effet, les exagérations s’apparentant cette fois à de la flatterie puis à de flagrants mensonges. La flagornerie de Lucy Steele ainsi que de sa sœur Anne transparaît d’abord dans leur attitude face à Lady Middleton et ses capricieux enfants :

With her children they were in continual raptures, extolling their beauty, courting their notice, and humouring all their whims; and such of their time as could be spared from the importunate demands which this politeness made on it, was spent in admiration of whatever her ladyship was doing, if she happened to be doing anything, or in taking patterns of some elegant new dress, in which her appearance the day before had thrown them into unceasing delight. [...] the excessive affection and endurance of the Miss Steeles towards her offspring were viewed therefore by Lady Middleton without the smallest surprise or distrust. (SS, 88)

Les signes qui parsèment ces premiers paragraphes afin d’indiquer que les agissements