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« La nature est bien une somme et non pas un tout »

1. P ROTOCOLES SPÉCIFIQUES DE MESURE DE L ’ ÉTAT HYDRIQUE DES PLANTES

1.1. TECHNIQUES POUR MESURER LÉTAT HYDRIQUE DUNE

PLANTE

Depuis les années 30, les chercheurs « biologistes » ont développé des méthodes à la fois précises et faciles à mettre en œuvre pour déterminer la teneur en eau du combustible sur le terrain (Chatto, 1997). Certaines méthodes relèvent de techniques directes (thermiques, électriques, mécaniques, chimiques…), d’autres de techniques indirectes (météorologiques, télédétection).

Généralement les méthodes indirectes font intervenir des variables environnementales (température, humidité relative de l’air, exposition du site, proportion d’ombres, saison…) et ne sont donc valables que dans les conditions pour lesquelles les modèles ont été développés. En d’autres termes, ces modèles ne sont pas extrapolables et une simple différence d’espèce ou de zone géographique suffit à fausser les résultats.

Dans cette première partie nous présentons brièvement quelques méthodes directes d’estimation de l’état hydrique d’une plante.

1.1.1.

MESURE PAR ÉTUVAGE

L’étuvage est la méthode la plus simple et la moins coûteuse, de loin la méthode universelle. Elle consiste à prélever une partie ou l’ensemble d’un végétal afin d’en extraire l’eau par séchage en étuve en condition de température stable. La différence des masses fraîches et sèches correspond à la masse d’eau contenue dans l’échantillon. La dessiccation dure généralement de 24 à 48 heures entre 60 et 90°C dans une étuve ventilée. On note que cette technique d’extraction thermique surestime légèrement la teneur en eau pour les végétaux contenant beaucoup de composés organiques volatiles, comme certains résineux.

Récemment, la société Neosystems© a développé une étuve portative alimentée par une batterie de voiture qui permet de peser et sécher sur le terrain les échantillons. Chaque mesure nécessite environ 20 minutes. Ce matériel est donc limité à un petit nombre de prélèvements.

1.1.2.

MESURE DE PROPRIÉTÉS ÉLECTRIQUES

On utilise la relation entre l’humidité et les propriétés électriques des végétaux, par l’intermédiaire d’appareils de mesure de capacité ou de résistance électrique. Ces derniers sont, d’après Hartley et Marchant (1988), les plus utilisés en foresterie et les plus précis. Les matériels disponibles sont multiples et variés : appareil diélectrique, de capacité, de perte de puissance, de capacité-admission, de Marconi, le Protimeter® (Buckley, 1988), le Granitec Meter®

Néanmoins, leur principal inconvénient réside dans leur difficulté à mesurer l’ensemble de la gamme de l’état hydrique des feuilles des végétaux (de 10 à 70%16). Certains sont fiables pour les faibles valeurs, d’autres pour les fortes et en général tous ces matériels nécessitent un calibrage fin et des conditions environnantes d’utilisation précises (température, humidité de l’air).

1.1.3.

MESURE MÉCANIQUE

Certains se sont penchés sur la relation entre la teneur en eau d’une feuille et sa résistance au pliage sans casser. Burrows (1991) obtint de bons résultats avec les aiguilles de pin et les feuilles d’eucalyptus. La méthode mériterait d’être testée sur d’autres espèces.

1.1.4.

MESURE CHIMIQUE

Le Speedy Moisture Tester de la société anglaise Mastrad© permet de mesurer la teneur en eau des feuilles de façon précise. L’échantillon finement haché est introduit dans un cylindre pressurisé contenant du carbure de calcium. Celui-ci réagit avec l’eau de l’échantillon en produisant de l’acétylène gazeux. La pression produite est mesurée et reliée directement à la teneur en eau de l’échantillon. Cette méthode nécessite la préparation des échantillons et n’est malheureusement valable que pour de faibles humidités (<30%).

Une autre méthode emploie la distillation du xylène (hydrocarbure benzénique pour les initiés). Elle utilise le principe selon lequel les propriétés d'ébullition d'un liquide sont modifiées lorsque ce liquide est mélangé avec un autre liquide non miscible (Buck et Hugues, 1939). Elle implique donc la distillation d’un échantillon de fluide en présence d’un solvant (xylène) miscible dans l’eau. L’eau distillée du fluide est condensée et séparée dans un tube récepteur spécialement conçu ou dans un bac gradué pour indiquer directement le volume d’eau distillée. Cette méthode nécessite l'emploi de matériels complexes de laboratoire et n'est donc pas utilisable sur le terrain. Néanmoins, elle trouve son utilité pour les végétaux à forte teneur en composés organiques volatiles.

Enfin une dernière méthode dite de « titrage Karl Fischer » est considérée comme la plus précise pour mesurer la teneur en eau des plantes (Hartley et Marchant 1988, Isengard 1994). La méthode est basée sur une réaction chimique spécifique avec une indication électromagnétique pour mesurer la teneur en eau de fluides à base minérale. Le réactif de Karl Fischer est un mélange d’iode, d’anhydride sulfureux, de pyridine et de méthanol. Ces produits contiennent moins de 0,005% d’eau. La teneur en eau totale est obtenue après dissolution complète de cristaux d’iode. L’eau dans l’échantillon réagit à l’iode. Quand l’eau n’est plus libre de réagir à l’iode, un excès d’iode dépolarise les électrodes, signalant la fin du test. Malheureusement seuls des chimistes qualifiés peuvent utiliser cette méthode dont le coût limite son usage à certains domaines (industries pétrochimiques, agroalimentaires…).

1.1.5.

LA MÉTHODE RETENUE ET LES INDICES ASSOCIÉS

La mesure de l’état hydrique de la végétation doit être rapide, facile et précise. La méthode de « titrage Karl Fischer » est la plus précise mais très difficile à mettre en œuvre ; l’étuvage est donc devenu LA méthode standard. On notera surtout qu’aucun appareil portatif de terrain n’est réellement adapté ni suffisamment précis pour des teneurs en eau couvrant une large gamme, de 10 à 70% d’eau par rapport à la masse fraîche.

Dans le cadre de notre étude, notre choix s’est logiquement porté sur la méthode la plus simple et la moins onéreuse, l’étuvage. Les échantillons sont prélevés sur le terrain et stockés dans un contenant hermétique, à l’abri de la lumière. Après une première pesée (masse fraîche) l’échantillon est séché pendant 24 heures à 60°C. Une fois refroidi l’échantillon est pesé à nouveau (masse sèche) et le calcul de sa teneur en eau initiale se fait simplement. Notons que la littérature est peu précise sur la durée d’étuvage. Nous avons donc procédé à des tests préliminaires pour connaître la durée d’étuvage nécessaire et suffisante pour extraire la quasi-totalité de l’eau de l’échantillon. L’expérience a été répétée 2 fois, pour 4 espèces (chêne vert, chêne kermès, arbousier et bruyère arborescente) et sur une durée de 87 heures. Pour des échantillons composés majoritairement de feuilles, plus de 99% de l’eau est extraite au bout de 16 heures d’étuvage seulement. Dans le cas de prélèvements composés de rameaux de petits diamètres (de 4 à 10 mm) un séchage en étuve de 48 heures est nécessaire pour extraire toute l’eau.

A partir de ces mesures de pesées, l’état hydrique de l’échantillon est représenté par un indice. Il existe plusieurs formules utilisant les masses sèche et fraîche (Tableau 7).

Tableau 7. Indices d’état hydrique à partir de pesées des échantillons

Sigle Libellé Formule Intervalle

FMC1 Foliage Moisture Content ( Masse fraîche – Masse sèche ) / Masse sèche ]0 ; +∞[

FMC2 Foliage Moisture Content ( Masse fraîche – Masse sèche ) / Masse fraîche ]0 ; +1[

IS Indice de Siccité 2 ( Masse sèche / Masse fraîche ) – 1 ]-1 ; +1[

Dans la littérature l’indice le plus couramment rencontré est l’indice FMC1 calculé par rapport à la masse sèche du végétal et recommandé par de nombreux auteurs : Van Wagner (1967), Blackmarr et Flanner (1968), Simard (1968), Viegas et al. (1992), Burgan (1996), Chuvieco et al. (1999, 2002 et 2003), Catchpole et al. (2001), Prasertsan et Krukanont (2003). Nous le choisissons en sachant qu’il est mathématiquement très simple de passer d’un indice à l’autre. Dans la suite nous le nommerons simplement FMC.

Un autre indice est parfois utilisé dans la littérature (Ceccato et al. 2001, Champagne et al. 2003, Datt 1999, Zarco-Tejada et al. 2003), l’Equivalent Water Thickness (EWT) donné par l’Équation 8.

Équation 8.

n

échantillo

l

de

Surface

Sèche

Masse

Fraîche

Masse

EWT

'

=

Unités : Masse Fraîche et Sèche en grammes et Surface en cm2

Il rapporte la teneur en eau de l’échantillon à sa surface et nécessite donc la mesure de la surface de l’ensemble des feuilles prélevées. Dans la réalité il est très difficile de mesurer l’indice EWT. Pour le chêne kermès par exemple, il faut près de 160 feuilles pour constituer un échantillon de 20 grammes seulement !

Nous avons calculé en laboratoire les indices FMC et EWT de feuilles de chêne vert et de chêne kermès au moyen d’une balance électronique (précision 10-4 gramme) et d’un planimètre17 laser (précision 10-3 cm2). De juin à octobre 2002, un total de 727 feuilles de chêne vert et de chêne kermès ont été pesées et scannées (Figure 12).

Figure 12. Exemple de feuilles de chêne vert (à gauche) et de chêne kermès (à droite)

Pour chaque espèce, nous obtenons une relation linéaire forte (r2 > 99%) entre la surface des feuilles et leur masse sèche, relation représentée par l’Équation 9 :