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« La nature est bien une somme et non pas un tout »

Données 2 sites de chêne kermès (Montpellier) 2 sites de bruyère arborescente (Maures) 6 sites d'arbousier (Maures)

4. C OMPORTEMENT TEMPOREL DE L ’ ÉTAT HYDRIQUE DE LA VÉGÉTATION MÉDITERRANÉENNE

Au sein de ce chapitre, nous avons tout d’abord décrit les méthodes de mesure de l’état hydrique de la végétation méditerranéenne. Puis nous avons précisé que le comportement spatial du stress hydrique évolue d’un individu à l’autre. Il semble qu’aucune échelle de structure spatiale de variation de la teneur en eau ne puisse se distinguer. Dans cette quatrième partie du chapitre, nous abordons plus en détails le comportement temporel des processus de dessèchement des plantes.

Tout processus biologique est régi par une « vie », un « cycle » plus ou moins long. Nous essayons de répondre à la question suivante : quelle est la variabilité temporelle de l’état hydrique de la végétation méditerranéenne ? Il est clair que les phénomènes de dessèchement et d’hydratation de la végétation en milieu méditerranéen sont directement liés au régime de précipitation, d’une part, et à la nature des sols et leur capacité à stocker l’eau, d’autre part.

Nous disposons de plusieurs dizaines de stations de mesures (35 au total) réparties sur le Causse d’Aumelas près de Montpellier (CEMAGREF), dans le massif des Maures (INRA) et dans les 15 départements de l’Entente (réseau ONF).

Nous étudions les campagnes 2001 et 2002 et pas moins de vingt espèces différentes couvrant les principales formations arborées et arbustives méditerranéennes. Ces conditions de départ de l’étude couvrent deux années très différentes (2001 sèche, 2002 pluvieuse) et des conditions édaphiques variées.

L’unité de mesure de la variabilité temporelle est le Jour. En conditions favorables, il faudrait donc un relevé quotidien sur chaque site et pour chaque espèce afin d’identifier le délai de réponse de la végétation à un épisode pluvieux. Cela n’a jamais été le cas et la fréquence des relevés de FMC varie de 2 à 15 jours selon les sites et les opérateurs.

Au niveau statistique, plusieurs analyses sont développées :

la description statistique du délai moyen de réponse de la végétation après un épisode pluvieux,

l’analyse de tendance ,

4.1.

ANALYSE DE TENDANCE

Nous utilisons le test non paramétrique de Spearman (annexe 5) pour faire l’analyse de tendance dans une série chronologique. Soit xi une réalisation de la variable aléatoire X. Nous désirons savoir si les xi peuvent être considérés comme des réalisations indépendantes les unes des autres. Pour cela, Spearman propose le raisonnement suivant : si les réalisations sont indépendantes, l'échantillon ne présente pas de structure, donc pas d'ordre privilégié. On testera donc la présence de dépendance en comparant l'ordre de l'échantillon recueilli avec celui issu d'une procédure de tri.

Cette comparaison se fait grâce au coefficient de corrélation de Spearman rs. Sous l'hypothèse H0 d'indépendance, le coefficient de corrélation doit être nul. Dans le cas d’un processus purement aléatoire, rs=0 et sa variance

σ

rs2 = n

(

−1

)

−1.

Chaque fois, pour les sites d’étude suivis, on a pu mettre en évidence une tendance entre la teneur en eau des feuilles et le jour de l’année. Par exemple, pour l’arbousier du site A du massif des Maures suivi en 2001, nous avons :

rs = - 0,82 σ²rs =0,02 σ²théorique = 25-1 = 0,04 ainsi σ²rs ≠ σ²théorique

L’évolution de l’état hydrique de la végétation méditerranéenne n’est donc pas un processus aléatoire mais suit une tendance. Le contraire nous aurait étonnés !

4.2.

STATISTIQUES DESCRIPTIVES DU COMPORTEMENT TEMPOREL

Nous essayons ici de connaître le délai de « réponse » de la végétation à un épisode pluvieux. A chaque observation d’humectation des feuilles d’une espèce (hausse de la teneur en eau mesurée) au niveau d’un site, on associe un ou plusieurs épisodes pluvieux antérieurs. Étant donné l’absence de prélèvements quotidiens, on ne peut qu’estimer une fourchette inférieure-supérieure du nombre de jour [jinférieur ; jsupérieur]. Dans certains cas nous observons une hausse de la teneur en eau des plantes alors qu’aucun épisode pluvieux récent n’a été mesuré par la station météorologique la plus proche. Pour éviter les omissions, nous ne conservons que les pluies datant de moins de 16 jours.

Tableau 16. Calcul des délais de réponse pour les deux campagnes

Intitulé Année 2001 Année 2002

Nombre de hausses de la teneur en eau de la végétation 289 339 Épisodes pluvieux de moins de 16 jours avant la hausse 62 % 95 %

Nombre d’épisodes pluvieux retenus 180 322

Lame d’eau moyenne 21 mm 22 mm

Fourchette moyenne de délai [ 4,6 ; 7,6 jours ] [ 2,9 ; 7,1 jours ] Fourchette médiane de délai [ 3 ; 7 jours ] [ 1 ; 7 jours ]

Les calculs ci-dessus confirment bien la différence de régime de précipitation entre les deux années. Pour l’année 2002 pluvieuse, il est aisé d’associer chaque accroissement de FMC à un épisode de pluie datant de moins de 16 jours (95% des cas). L’année 2001 en revanche comptabilise beaucoup moins d’épisodes et il est difficile de faire correspondre chaque hausse à une lame d’eau. En effet, une bonne partie des pluies (38%) n’a pas été observée par les stations météorologiques « proches » des sites (de 5 à 30 km selon les cas) du fait de

En résumé, nous avons observé pendant les étés 2001 et 2002 près de 502 accroissements de la teneur en eau de la végétation, correspondant à des épisodes pluvieux datant de moins de 16 jours. En moyenne on peut considérer que la végétation méditerranéenne a un délai de réponse à une pluie de 5 ou 6 jours. Dans les deux tiers des cas ce délai est inférieur à 8 jours.

4.3.

ANALYSES DE VARIANCE ET FACTORIELLES

L’analyse de variance (ANOVA) selon l’espèce prélevée n’a pas permis une bonne modélisation (r² de 9% pour jinférieur, de 5% pour jsupérieur). De même l’ANOVA selon le site de prélèvement est mauvaise (r² de 16% pour jinférieur, de 13% pour jsupérieur). Les tests de classement et de regroupement (par exemple Test de Fisher LSD Least Significant Difference26) des espèces ou des sites ne sont donc pas significatifs.

Même si l’on peut supposer que sur les 20 espèces suivies, certaines s’hydratent plus rapidement que d’autres, les tests utilisés ne permettent pas de les différencier. En conclusion, ni l’espèce, ni le site ne sont des facteurs jouant un rôle sur la réponse de la végétation après une pluie.

On peut aussi penser que la quantité de pluie (Qpluie) joue un rôle. Pour cela on effectue l’analyse factorielle en composantes principales (ACP) des variables quantitatives (jinférieur, jsupérieur et Qpluie). jinférieur et jsupérieur expliquent 93% de l’axe 1, Qpluie explique 99% de l’axe 2. La quantité de pluie tombée ne semble pas jouer un rôle direct sur le délai de réponse de la végétation.

4.4.

CONCLUSION

La teneur en eau de la végétation méditerranéenne, observée sur les années 2001 et 2002, pour un ensemble d’espèces (20) et de sites (35) différents, augmente en moyenne 5 ou 6 jours après un épisode pluvieux. Le rôle de l’espèce ou du site d’étude n’est pas majoritaire sur ce facteur, la quantité de pluie non plus. Le délai observé inférieur à la semaine peut s’expliquer par la combinaison de multiples facteurs locaux biotiques, abiotiques et climatiques. Ainsi nous suggérons de travailler à une échelle inférieure ou égale à 8 jours (deux tiers des cas) pour :

les fréquences d’échantillonnage et de relevés de terrain,

les données d’observations de télédétection (photographies aériennes, images satellitaires).

Dans le cas où ce délai serait dépassé, les observations risquent d’omettre certaines évolutions de l’état hydrique des plantes et donc de compromettre les analyses basées sur ces relevés.

5. SYNTHÈSE

La tâche n’est pas aisée. Comment peut-on mesurer une vérité de terrain de l’état hydrique de la végétation la plus représentative de la réalité ? Le problème réside surtout dans le besoin en précision, conditionnée par l’utilisation de la donnée.

A l’heure actuelle, dans le système opérationnel de prévention des incendies, l’ONF mesure la teneur en eau des plantes à travers un réseau de trente stations. Une à deux fois par semaine, l’état hydrique des feuilles est calculé. La précision n’est pas recherchée ; l’importance réside surtout dans la répétitivité des prélèvements chaque année sur les mêmes sites et espèces. Les données produites sont transmises aux services de sécurité civile qui intègrent ces informations aux systèmes de prévention des risques aux niveaux départemental et régional. L’ONF retient 2 seuils, quelle que soit l’espèce, en deçà desquels le risque est important (teneur en eau < 40%) ou très important (< 30%). L’enquête des services SDIS met en évidence un intérêt limité de ces relevés ponctuels pour la gestion quotidienne du risque de feu dans chaque département.

Les mesures effectuées par les autres laboratoires (INRA, CEMAGREF, CEREN) n’ont pas de rôle décisionnel mais une pure finalité de recherche. La précision demandée est alors beaucoup plus stricte et la représentativité des mesures se pose plus particulièrement dès lors qu’on compare l’indice FMC aux autres tests (inflammabilité, modèles de combustion, de propagation du feu, mesures radiométriques, images satellitaires…). Le protocole de prélèvement doit dans ce cas être précis et suivi par les opérateurs, concernant le matériel prélevé (type de feuillage, nombre d’échantillons…) ou l’heure et le jour du prélèvement. Ce protocole est très contraignant car il doit tenir compte des problèmes soulevés de variabilités spatiales et temporelles du stress hydrique.

Il est donc important, avant même de comparer les données de télédétection aux FMC de terrain (chapitre 4), de nuancer nos propos et de ne pas considérer la donnée de terrain comme vraie mais plutôt comme une estimation grossière d’un état physiologique d’un ensemble d’individus en un lieu donné.

Avant d’aborder de grandes dimensions spatiales, métriques à kilométriques, nous souhaitons travailler à l’échelle élémentaire où ont lieu les échanges atmosphériques de la plante, à savoir la feuille. Dans le prochain chapitre, l’indice FMC est plus facile à mesurer puisque chaque échantillon est composé d’une seule feuille, laquelle fait l’objet de nombreuses expériences…

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« La méthode expérimentale, considérée en elle-même, n’est rien

d’autre qu’un raisonnement à l’aide duquel nous soumettons