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Claudia considère que l'enseignante a tous les pouvoirs, elle a le rôle de choix: "Un professeur ça décide tout dans la classe, ma maîtresse à l'a un beau rôle elle, parce qu'a peut tout faire". Elle voit en Nicole l'enseignante, une amie qu'elle apprécierait beaucoup plus, si celle-ci lui concédait davantage de pouvoirs. "Nicole a serait encore plus mon amie, si a me donnait le droit de parler plus, de faire encore plus d'affaires: "La mère de l'enfant ainsi que l'enseignante ont vu juste quant aux perceptions de Claudia.

Claudia est fort consciente de la distance qui la sépare de l'enseignante, cette distance faite de l'autorité et des pouvoirs dé­ tenus par Nicole. Ses attentes se manifestent par son désir, de par­ tager le rôle de l'enseignante. Son insatisfaction provient du fait qu'elle est en mesure de comparer l'étendue de son rôle avec l'étendue du rôle de l'enseignante. Ce qu'elle trouve complètement démesuré.

Ici, nous sommes face à une élève qui réclame une plus gran­ de liberté au niveau des rôles, tout à fait à l'opposé de David. Elle réclame du pouvoir et encore du pouvoir. J'avoue qu’un tel compor­ tement d'élève peut déranger un professeur, et même lui faire un peu peur. Car le pouvoir que notre titre d'enseignante nous confère, nous tenons à le> garder. Nous avons besoin de nous sentir "maîtres à bord", parfois trop, et cela entraîne que certains enfants réclament à juste titre leur droit à une négociation des rôles, comme me l'a exprimé Claudia.

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Claudia décrit son rôle d'élève comme une fonction d'appren­ tissage qui requiert beaucoup de soumission: "un élève ça vient à l'é­ cole pour apprendre des choses, pis pour écouter ce que le professeur lui dit. Y faut que ça écoute le professeur, parce que c'est lui le "boss"." Elle décrit son rôle comme inégal en importance comparative­ ment à celui de l'enseignante: "c'est toujours le professeur qui a le rôle le plus important, pis ça, c'est pas égal". Enfin, elle considère qu'elle n'a pas grand droit, mais quand elle peut aider l'enseignante, elle s'en réjouit: "des fois, j'peux aider Nicole dans son travail, là j'sus contente. Tu sais des élèves, ça l'a pas le droit de faire beau­ coup de choses dans la classe, c'est des choses qui n'a pas le droit de faire". Les deux intervenantes, enseignante et mère, ont confirmé cette difficulté qu'éprouve Claudia, dans son rôle d'élève.

La position de Claudia en est une de non-satisfaction. Voyant son rôle d'élève limité, elle souffre de cette situation et sa prise de conscience la rend désireuse d'apporter des changements à son vécu sco­ laire.

On est souvent porté à penser que les enfants de ce groupe d'âge trouvent en leur rôle d'élève une satisfaction qui les rend heureux d'exécuter leur tâche. Claudia nous démontre ici le contraire. Pour ma part, il est clair que les élèves à qui j'ai affaire ont à se prendre en main, autant les Claudia que les David. Il leur faut décider de la façon dont ils veulent assumer leur rôle d'élève. A eux de choisir la place qu'ils prendront. Certains en prennent beaucoup, d'autres peu. Cela va de pair avec les besoins et les attentes qu'ils ont en tant qu'élève. Mais si j'en suis arrivée à pouvoir fonctionner de cette ma­ nière, il m'a fallu me battre, défendre mes idées autant avec mes su­ périeurs qu'avec les parents. Je peux honnêtement avouer que malgré les

obstacles rencontrés, j'ai vécu mon enseignement tel que je le perce­ vais, l'axant davantage sur la relation avec l'enfant, que sur la per­ formance. Il faut dire que l'apprentissage devient plus facile pour l'élève quand celui-ci a à choisir les rôles qui se jouent au sein de la classe. Pour Nicole, il n'en était pas ainsi. Elle craignait que les enfants de cet âge ne puissent arriver à assumer cette liberté de rôles, telle qu'elle se vivait dans la classe de Renée. Donc, même si elle percevait clairement le désir de Claudia d'étendre son rôle d'élève, elle ne pouvait le combler, considérant qu'il lui aurait fal­ lu changer le fonctionnement de sa classe et que la majorité du groupe se serait perdue dans un tel système. Elle ne se sentait pas prête à vivre une telle expérience avec son groupe; la structure de l'école la contraignait énormément et elle considérait aussi que la lutte qu'elle aurait à mener pour atteindre une telle vie de classe, dépassait ses énergies.

C) ROLE DES PAIRS

Les pairs jouent en quelque sorte une fonction de gratifica­ tion chez Claudia. Ils lui aident à rendre son rôle d'élève plus in­ téressant, car ils lui permettent de copier le rôle tenu par l'ensei­ gnante: "j'aime ça les autres élèves, parce que j'peux les aider sou­ vent, j'fais comme mon professeur". Pour Claudia, le groupe est indis­ pensable à la valorisation de son rôle d'élève: "une chance qu'on est plusieurs dans la classe, parce que j'peux aider beaucoup. Dans ce temps-là, j'sus très contente".

Claudia se comporte avec les élèves de la classe comme une âme protectrice. Elle les aime bien, même si à l'occasion on lui donne le nom de chou-chou, parce qu'elle peut les aider, et qu'elle tient dans ces moments-là, le rôle de l'enseignante. Elle est donc très satisfaite

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de ce que le groupe lui apporte, car il lui permet de jouer à l'assis­ tante de l'enseignante.

Il est heureux de constater que Claudia ait trouvé chez les pairs un élément rendant son rôle d'élève plus intéressant. Certains élèves, d'après mon expérience, se lassent malgré tout de ce rôle qu'on leur impose. Cette impatience provient du fait qu'ils sont vus par les pairs comme des chou-chou et qu'ils n ’aiment pas spécialement ce surnom. A nous donc de faire la part des choses. Comment? En expérimentant le rôle d ’assistant professeur (tuteurs). Des élèves comme Claudia sug­ gèrent une piste comme celle du tutorat. Cette piste était déjà ins­ crite dans les gestes de Claudia, mais n'avait pas de forme définie. Elle aurait été moins un "chou-chou" déjà dans la classe de Renée où la décentralisation des rôles était plus marquée.

D) ROLE DES REGLEMENTS

Claudia trouve que les règlements sont dérangeants. Pour elle, ils n'ont pas lieu d'exister, car elle est capable de faire sa propre dis­ cipline: "si y avait pas de règlements, moi je ferais les affaires bien pareil, j'en ai pas besoin souvent". Elle les perçoit comme une répéti­

tion d'obligations inutiles pour elle: "le professeur répète toujours la même chose avec ces règlements-là, pis moi, ça me tanne". Elle juge sé­ vèrement les règlements parce qu'ils sont décidés et imposés par l'ensei­ gnante: "dans notre classe, c ’est pas nous autres qui décident des rè­ glements, c ’est la maîtresse qui fait ça, c ’est plate. Moi, j'aimerais pourvoir les faire avec elle". La mère et l'enseignante perçoivent les réactions de Claudia de la même façon qu'elle: "elle les trouvait inu­ tiles et fort ennuyeux".

Un sentiment d 'a g re ssiv ité marque l'a tt itu d e de Claudia v is-