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J 'a i compris que pour Claudia le b u lle tin é ta it synonyme de

A) ROLE.DE L'ENSEIGNANTE

Pour Steeve l'enseignante représente le chef: "Claire c'est le chef, a décide de tout, des règlements, des punitions, des affaires à faire". Il perçoit également chez l'enseignante une grande fonction d'aide: "Une enseignante ça nous aide à lire et à travailler, moi a m'aide beaucoup, parce que j'sus pas assez bon". Cette fonction d'aide

s'associe chez Steeve à l'amitié qu'il lui démontre "Mon professeur c'est sûr que c'est mon amie, parce qu'a m'aide beaucoup". L'enseignan­ te confirme ces perceptions. La mère de son côté n'arrive pas à ima­ giner que son fils puisse avoir une vision très claire de la fonction de l'enseignante. Elle relie cela aux difficultés qu'éprouve Steeve dans son apprentissage.

Steeve est satisfait du rôle tenu par Claire. Ses perceptions relatives à l'aide; "Claire a m'aide souvent, parce que j'ai plus de mi­ sère que les autres", à l'apprentissage: "A me montre beaucoup de cho­ ses", ainsi qu'aux responsabilités: "Claire a me donne les responsabi­ lités que je lui demande", me permettent de juger de cette satisfaction.

Steeve vit dans un système où il retrouve la sécurité dont il a besoin. Cette sécurité est apportée par l'emploi d'une démarche pédagogique telle, qu’elle donne à l'enseignante tous les pouvoirs. Certains élèves, entre autres Steeve, apprécient cette structure de classe et s'y sentent bien. Claudia elle, au contraire, vivant dans un contexte semblable, déplore que l'enseignante ait tous les pouvoirs, et elle réagit contre cette situation.

B) ROLE DE L'ELEVE

Steeve décrit son rôle d'élève presque uniquement en fonction de son travail académique: "Un élève comme moi ça travaille beaucoup ... ça fait des problèmes ..., ça se fait corriger par le professeur". Ses troubles d'apprentissage l'empêchent de percevoir positivement d'autres aspects de son rôle. "Dans la classe, j'aide pas souvent le professeur, j'sus pas assez bon ... j'dis pas mes idées, les autres les disent avant moi ... j'aide pas les autres élèves, j'sus pas capable, y riraient de moi". L'enseignante et la mère ont émis des déclarations similaires:

"Il n'a pas dû être capable de décrire son rôle d'élève, il avait trop de misère à l'école ... Il a dû dire qu'un élève, pour lui, ça doit travailler fort".

Steeve désirerait obtenir de meilleurs résultats en classe. Il prétend que sa place auprès de Claire serait alors différente et que celle-ci l'aimerait davantage. "Je pense que Claire m'aimerait plus, si j'étais plus bon". Il aime le rôle d'élève que cette structu­ re pédagogique lui permet de jouer. Il en est conscient puisqu'il a pu comparer avec les élèves d'une autre classe, où la vie pédagogique est différente: "Moi, j'aimerais pas ça que Claire a me demande de décider avec elle des affaires, j'serais pas capable. J'aime mieux qu'à me dise quoi faire".

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Cet enfant est un type de cas que nous retrouvons fréquemment au sein de nos classes. Il faut, je pense leur accorder une attention particulière, car ce sont des enfants qui ont tendance à se laisser écra­ ser par les autres membres de la classe, et à ne pas prendre, il va sans dire, leur place au sein du groupe. On se doit de chercher des points pour les valoriser et les faire se sentir utiles au sein de la commu­ nauté que forme la classe. Bien sûr, quand l'enseignement est axé sur la performance académique, il est plus difficile de trouver des éléments permettant une telle valorisation. Pour ma part, je pense que ce type d'enseignement désavantage quelque peu les enfants en troubles d'appren­ tissage. Vivant une forme d'enseignement axée sur la relation, je

suis en mesure d'affirmer que ces enfants peuvent vivre des années sco­ laires très heureuses. Bien sûr, ils n'atteignent pas des performances records, mais au moins, ils ont le goût de venir à l'école, de fournir un travail adéquat à leurs possibilités, sans avoir peur d'être jugés ou critiqués soit par l'enseignante, soit par les pairs.

C) ROLE DES PAIRS

Steeve voit le groupe comme une coimunauté où il n'occupe pas une place de choix: "Des fois y en a qui sont méchants avec moi, y me disent que j'sus pas bon. C'est pas tout le temps drôle d'être dans le groupe". Il considère les pairs comme ses supérieurs et adopte face à eux une attitude fort soumise: 'Moi j'écoute toujours ceux avec qui je travaille ... Moi j'donne jamais mes idées ... moi j'sus pas bon, j'peux rien leur montrer, ... J'suis les autres, c'est tout ...". Les percep­ tions de l'enseignante sont similaires à celles de Steeve. La mère, pour sa part, prétendait que le groupe devait aider beaucoup à Steeve et qu'il devait s ’y sentir fort bien. "Le groupe devait appuyer mon fils; je pense qu'il devait y trouver sa place, et qu'il était heureux d'en faire partie". Donc différence frappante dans les perceptions.

Ceci est peut-être un indice de ce que Steeve n'avait pas exprimé à ses parents ou au professeur: son sentiment de dévalorisation. Il devait travailler constamment pour "prouver" qu'il méritait une acceptation mi­ nimale de la part des autres.

Steeve constate que les pairs ne lui aident vraiment pas à obtenir une meilleure place dans le groupe. Il dit n'avoir que cinq (5) amis dans la classe, les autres profitent plutôt de sa situation d'é­ lève en difficulté pour minimiser son rôle, ce dont il ne peut être satisfait: "Des fois, j'aimerais ça être tout seul dans la classe avec mes amis, les autres y riraient pas de moi parce que j'sus pas bon".

Satisfait ou insatisfait de la fonction des pairs à l'inté­ rieur de son rôle? A ce chapitre, je pense que n'importe qui à sa pla­ ce aurait exprimé de l'insatisfaction à être considéré comme le membre "pas bon" du groupe. En tant qu'enseignante, je souligne que la situa­ tion de ces enfants en trouble d'apprentissage est souvent analogue à celle de Steeve, quand elle se vit à l'intérieur d'une structure péda­ gogique semblable. Pour en arriver à ce que Steeve trouve au sein du groupe une meilleure place, il faudrait lui donner la possibilité de jouer d'autres rôles. Cela pourrait exister si l'enseignante changeait sa perception de l'enseignement. Elle donnerait à son propre rôle une toute autre dimension, ainsi qu'à ceux qui en découlent. Le scénario pédagogique serait alors différent et pas uniquement axé sur la perfor­ mance de l'élève.

D) ROLE DES REGLEMENTS

Les règlements sont pour Steeve un cadre, une structure qui lui permettent de mieux jouer son rôle d'élève. Ils lui apportent la

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sécurité dont il a besoin dans l'exercice de sa fonction: "Moi les règlements ça m'aide à mieux faire mon travail". Steeve trouve parfois difficile de respecter les règlements, il les trouve exigeants: "C'est dur à suivre des règlements, y faut toujours les faire correct ... La maîtresse a nous surveille toujours". Les deux intervenantes ont émis des perceptions allant de pair avec celles de l'enfant. "Steeve, ça y prend des règlements. Tout seul, il ne ferait rien ... Les règle­ ments devaient ennuyer Steeve".

Bien qu'il soit conscient de la contrainte que les règlements créent dans l'exercice de son rôle d'élève, il ne peut concevoir l'exé­ cution de sa tâche sans cette forme d'encadrement. C'est pourquoi, il s'en dit satisfait "Pour moi, les règlements y sont tous nécessaires".

Même si Steeve trouve les règlements utiles, il n'en reste pas moins qu'ils le font se sentir continuellement sous surveillance.

Peut-être les règlements seraient-ils moins ardus à suivre s'ils étaient élaborés et décidés totalement par les enfants. Je crois que ce pro­ blème d'observance obligatoire, qui rend les règlements difficiles à sui­ vre, s'estomperait en grande partie, si on adoptait une structure pé­ dagogique qui permette à l'élève de jouer ce rôle décisionnaire. A preuve, ni David, ni Marie-Andrée n'ont perçu les règlements comme dif­

ficiles à observer car ils ne leur étaient pas imposés, eux-mêmes les avaient choisis comme cadre de fonctionnement. Ce qui fait toute la dif­

férence. J'ai adopté également cette façon de faire et les enfants ne m'ont jamais demandé si peu de discipline. C'est à eux qu'elle revient.

E) ROLE DU BULLETIN

Le bulletin était pour Steeve ce qui comptait le plus à l'é­ cole. En même temps, il était pour lui source de malheur, car il lui

permettait de constater sa non-réussite sur le plan académique "Le bul­ letin, c'est ce qui compte le plus pour moi à l'école. Moi, j'ai pas des bonnes notes, ça me rend malheureux. Je pense que la maîtresse pis les élèves y m'aimeraient ben plus, si j'étais plus bon". Les per­ ceptions de la mère ainsi que celles de l'enseignante rejoignent celles de Steeve: "Le bulletin rendait Steeve malheureux car il le mettait face à ses troubles d'apprentissage".

Voilà un thème dont Steeve n'a pas aimé être entretenu. Je considère cette position normale, car le bulletin n'était pour lui, que le moyen de constater ses échecs. Steeve ne manifestait donc aucune forme de rivalité ou de compétition vis-à-vis les pairs, en rapport avec le bulletin. Sa position d'élève en difficulté ne lui permettait pas ce genre de comportement. Il se contentait de revêtir un sentiment d'amertume face à son bulletin. C'était là le seul sentiment qu'il lui suggérait: "Moi, j'ai pas des bonnes notes, ça me rend ben triste ce bulletin-là des fois".

Le bulletin est conçu comme le trophée qui couronne le tra­ vail de l'élève. Mais qu'arrive-t-il quand un enfant comme Steeve ne réussit pas à fournir un travail digne de mention? Qu'arrive-t-il chez cette catégorie d'élèves qui ne peuvent adopter le bulletin comme valeur première? Il en résulte des enfants qui n'ont pas grande motivation à venir à l'école, des enfants pour qui le rôle d'élève n'est pas signi­ fiant. Pour Claudia qui vivait un scénario pédagogique semblable, il n'en n'était pas de même. Le bulletin, centre d'intérêt de la démarche pédagogique, la valorisait et la stimulait. Il rendait intéressant son rôle d'élève. Cela me porte à croire que ce type d'enseignement pri­ vilégie 'certains enfants; ceux pour qui l'apprentissage est chose facile. Je continuerai à axer mon enseignement sur la relation, car cette course aux notes me choque grandement, considérant qu'elle ne place pas l'élève face à lui-même, mais en continuel défi avec les autres.

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3.6 SYNTHESE ET ORIENTATION PEDAGOGIQUE

Chaque e n tre tie n f a i t auprès de ces enfants m'a permis de re ­