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CHAPITRE 2 ASPECTS THÉORIQUES & MÉTHODES UTILISÉES

1. Résonance magnétique nucléaire (RMN)

1.2. Application de la RMN de l’état solide pour l’étude des membranes

1.2.3. RMN du deutérium pour les membranes

La RMN du deutérium est une méthode performante qui permet d’étudier les propriétés des membranes lipidiques d’une manière quantitative et précise, parfois même plus efficacement que la microscopie confocale, car elle donne des informations au niveau

moléculaire (Juhasz et al., 2009). L’échelle de temps du deutérium, qui est de 10 µs, couvre la plupart des mouvements lipidiques ce qui rend cette technique convenable pour les études membranaires (Vermeer et al., 2007). Le deutérium est un noyau de faible abondance naturelle soit de ≈1% seulement (Poupko et al., 1994). Cela requiert généralement un marquage isotopique des structures ciblées. Nous rappelons que théoriquement un noyau quadripolaire, comme le deutérium, donne des spectres à deux pics séparés par un écart quadripolaire (∆νQ). Ce dernier permet de mesurer directement la dynamique des phospholipides deutérés notamment l’orientation et le degré d’ordre des chaines acyles (Oldfield et Chapman, 1971; Davis et al., 1976; Seelig, 1977; Vermeer et

al., 2007). Lorsque le marquage est effectué à un seul site, de la chaine carbone-deutérium

(C-D), les spectres sont relativement simples (Figure 36) et ressemblent au spectre théorique présenté précédemment (Figure 25). Par contre, pour le cas des membranes entièrement deutérées, l’aspect du spectre représente la superposition de tous les spectres des sites marqués au 2H sur la chaine (Figure 36) (Seelig, 1977; Davis et al., 1979).

L’écart quadripolaire nous permet de déduire le paramètre d’ordre SCD (Équation-11) qui donne une information directe sur l’orientation moyenne des liaisons carbone- deutérium par rapport à la normale de la bicouche, et de ce fait permet de déduire les propriétés dynamiques des membranes. Plus le paramètre d’ordre est important, plus le système est ordonné et rigide, et inversement (Seelig, 1977; Davis et al., 1979; Vermeer et

al., 2007).

Équation 11 : ∆νQ = 3/2.AQ. (3cos2θ -1) / 2).SCD

Figure 36 : Spectre RMN-2H d’un phospholipide marqué. (a) marquage d’un seul site sur les

chaines acyles, (b) marquage sur tous les sites des chaines acyles. Les mouvements sont plus rapides à l’extrémité du phospholipide (région 2) ce qui donne un ∆νQ plus petit que celui de la

région 1 qui est plus rigide (Marcotte, 2016).

Dans le cas des membranes biologiques, particulièrement à l’état d’une cellule intacte, le spectre du deutérium peut être compliqué à analyser et l’écart quadripolaire n’est pas toujours facile à extraire. Les chaines acyles peuvent ne pas être entièrement deutérées et même en cas d’un marquage complet des phospholipides, les sites du 2

H ne sont pas équivalents, en raison de la coexistence de plusieurs phases lipidiques et de la présence des protéines membranaires (Davis, 1979; Davis et al., 1979; Monck et al., 1992).

Pour pallier ce problème, Bloom et coll. ont développé la méthode de calcul des moments spectraux qui permet de déduire directement l’écart quadripolaire dans les systèmes qui ont plusieurs positions deutérées et dans différents environnements

moléculaires (Bloom et al., 1979). Par ailleurs, l’augmentation de la résolution spectrale lors de l’étude des systèmes biologiques complexes est également une stratégie qui aide à extraire l’information efficacement. Cela est assuré soit par une augmentation du temps d’acquisition des spectres, donc le temps de l’expérience (Davis et al., 1979; Pius et al., 2011; Tardy-Laporte et al., 2013; Laadhari et al., 2016), soit par l’utilisation de la MAS (Kristensen et al., 1991; Glaubitz et al., 1999; Warnet et al., 2016). La MAS offre un avantage supplémentaire puisqu’elle permet de réduire le temps de l’acquisition d’un facteur de 10 (Warnet et al., 2016) (Figure 37). Cela est avantageux pour les expériences effectuées en RMN in vivo, ce qui explique le choix de cette méthode dans cette thèse. Dans le cas de la rotation à l’angle magique, le terme (3cos2θ -1) s’annule dans l’équation- 11, ce qui ne permet pas de quantifier directement le paramètre d’ordre. Pour cela, le calcul des moments spectraux est une méthode d’analyse nécessaire qui permet de mesurer la fluidité membranaire à partir des spectres du deutérium enregistrés en mode MAS (Warnet

et al., 2016). Généralement, les moments spectraux de premier ordre (M1) et de second ordre (M2) sont les plus utilisés. Le M1 permet de mesurer la largeur du spectre, alors que le M2 permet de déduire le paramètre d’ordre du spectre soit le SCD. Autrement dit, le M2 est positivement proportionnel au degré d’ordre des chaines acyles et à la rigidité membranaire (Bloom et al., 1979; Davis et al., 1979; Davis et al., 2009; Laadhari et al., 2016; Warnet et

al., 2016).

Dans les chapitres 3 et 4 de ce mémoire, l’analyse des moments spectraux a été réalisée sur les spectres de MAS au moyen d’un programme. Le second moment correspond à la somme des écarts quadripolaires comme décrite dans l’équation-12 (Davis, 1979).

Équation 12 :

M

2

=

∫ 𝜔 2𝑓(𝜔)𝑑𝜔 ∞ 0 ∫ 𝑓(𝜔)𝑑𝜔0

=

4𝜋2𝜈𝑄2 5

〈𝑆

𝐶𝐷 2

où ω est la fréquence de Larmor, SCD est le paramètre d’ordre,υQ est la constante de l’écart

quadripolaire, qui est égal à 168 kHz pour les liaisons C-D dans les chaines acyles (Burnett et Muller, 1971). Lorsqu’on utilise la rotation à l’angle magique, l’intégration continue peut

Figure 37 : Exemples de spectres de membranes lipidiques marquées entièrement au 2H et analysées en mode statique et en mode de rotation à l’angle magique (MAS). Les spectres

reflètent la variation de la fluidité membranaire, ils sont par exemple moins larges lorsque la membrane est plus fluide (adaptée de Warnet et al., 2016)

être remplacée par une somme discrète de l’ensemble des bandes de rotation (Warnet et al., 2016). Dans ce cas, le second moment est calculé selon l’équation suivante:

Équation 13 :

M

2

= 𝜔

𝑟2 ∑ 𝑁 2𝐴 𝑁 ∞ 𝑁=0 ∑∞𝑁=0𝐴𝑁

où (ωr) défini la fréquence de rotation, qui a été fixée à 10 kHz dans nos expériences. Cette vitesse de rotation a été optimisée pour les bactéries, car elle permet d’avoir une bonne résolution tout en évitant de chauffer l’échantillon (voir annexe III). N définit le nombre de bandes de rotation et A, l’aire de chaque bande de rotation obtenue par intégration spectrale.