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CHAPITRE 1 INTRODUCTION GÉNÉRALE

2. Pigment de marennine

2.3. Propriétés biologiques de la marennine

La présence de groupements phénoliques dans la molécule de marennine confère au pigment des rôles biologiques attrayants. Les phénols sont souvent impliqués dans des interactions avec les bactéries et les champignons symbiotiques et ils sont très recherchés pour leurs effets antioxydants et antibiotiques (Zdunczyk et al., 2002; Quideau et al., 2011). Effectivement, plusieurs activités biologiques ont été démontrées à partir de la marennine issue des cultures d’H. ostrearia. La marennine a montré une action allélopathique par inhibition de la croissance et du développement des espèces de microalgues autres que H. ostrearia lorsqu’elles sont exposées au pigment bleu (Moreau, 1970; Tremblin et al., 2000; Windarto et al., 2014; Prasetiya et al., 2016). La marennine aurait également des effets antioxydants (Pouvreau et al., 2008), anticoagulants (Bergé et

al., 1996), antimoraux (Carbonnelle et al., 1998) et antibactériens (Gastineau et al., 2012a).

L’activité antimicrobienne de la marennine nécessite une discussion particulière. Le terme antibactérien qui par définition désigne l’inhibition de la croissance bactérienne (Romero et al., 2012) est encore sous controverse pour la marennine. Par exemple, il a déjà été démontré que le pigment inhibe le développement de trois espèces de bactéries marines

à Gram(-), Vibrio aesturianus, Polaribacter irgensii et Pseudoalteromonas elyakowii dans le milieu Agar (Gastineau et al., 2012a). Cependant, Turcotte (2014) a démontré que la marennine n’est pas nocive pour le développement de V. splendidus même à des concentrations élevées (100 µg/ml) (Turcotte, 2014). L’action du pigment est plutôt de nature anti-virulente étant donné que le pigment a réussi à augmenter la survie des larves des bivalves dans les bassins d’élevage exposés à V. splendidus sans tuer les bactéries. Les activités biologiques ont été démontrées avec les deux formes de marennine (externe et interne). Toutefois, les différences au niveau de leurs poids moléculaires, de leurs propriétés spectroscopiques (Pouvreau et al., 2006b) et du degré de leurs actions biologiques (Tardy-Laporte et al., 2013) suggérèrent que chaque forme cible des activités qui lui sont spécifiques. Par exemple, Tardy-Laporte et coll. (2013) ont démontré que la forme externe interagit avec les bactéries d’Escherichia coli alors que la forme interne a une action beaucoup plus limitée. Par conséquent, le relargage de la forme externe dans le milieu extérieur suggère que cette forme particulière serait la plus impliquée dans les interactions avec les microorganismes environnants comme les bactéries, les champignons et les microalgues (Tardy-Laporte et al., 2013).

SECTION 3 :RMN IN VIVO : HISTORIQUE ET DERNIÈRES AVANCÉES

La résonance magnétique (RMN) nucléaire est une technique de caractérisation moléculaire qui a gagné une très bonne réputation auprès des biologistes, grâce à la faible énergie de radiation dans l’intervalle de radiofréquence, qui n’occasionne pas d’effet nuisible pour les tissus biologiques (Reckel et al., 2005) (voir chapitre 2). La RMN a permis de contribuer aux études sur les systèmes biologiques en se focalisant sur différents noyaux dans les organismes vivants analysés en entier (in vivo) ou dans les cellules et les tissus, ce qui est référé par la RMN in cell ou in cellulo. Dans ce cas les cellules ne sont pas nécessairement vivantes (Reckel et al., 2005; Serber et al., 2005; Warnet et al., 2015).

Historiquement, la RMN in vivo avait permis d’étudier les métabolites qui sont abondants, ce qui permet d’obtenir un signal spectral suffisamment résolu (Ratcliffe, 1994; Serber et al., 2005). Grâce aux avancées en matière de technologies spectroscopiques, de techniques de marquage isotopique et de manipulations génétiques, le terme in cell est apparu plus fréquemment pour se référer aux expériences qui permettent de scruter des molécules plus larges dans les systèmes cellulaires (Serber et al., 2001; Selenko et Wagner, 2007; Maldonado et al., 2011). Cependant, les études de la RMN in cell des grosses molécules ont toujours été limitées par la contrainte de la faible qualité spectrale (Selenko et Wagner, 2007; Maldonado et al., 2011). En effet, les types de mouvements sont déterminés par la dynamique globale de la molécule qui est largement dépendante de son poids moléculaire, de sa taille et de sa viscosité (Warschawski et al., 2011). De ce fait, la RMN in vivo a été pratiquement exclusive pour les petites molécules ou les grosses molécules libres et mobiles, ce qui explique en grande partie la dominance de la RMN en solution dans le domaine de la RMN in cell (Reckel et al., 2005; Serber et al., 2005; Selenko et Wagner, 2007; Maldonado et al., 2011).

Même si la première application de la RMN-ÉS in vivo est apparue dans les années 70, avec les travaux sur la bactérie du genre Acholeplasma (Oldfield et al., 1972; Stockton et

al., 1975), les études sur les membranes intactes ont été rares avant les années 90. En effet,

la faible résolution spectrale constituait un défi majeur comparé aux membranes purifiées. D’autant plus que les concentrations cellulaires importantes, l’hétérogénéité des échantillons, la rigidité de la matrice membranaire et la coexistence de plusieurs lipides différents dans un même système (Bernad et al., 1987) complexifient les analyses, puisqu’ils génèrent des anisotropies spectrales importantes, schématisées en de larges bandes spectrales (Warschawski et al., 2011). Durant les cinq dernières années, la RMN-ÉS a permis plusieurs contributions pertinentes dans ce sens, pour permettre d’étudier non seulement les grosses molécules de faibles mouvements moléculaires, mais aussi les systèmes hétérogènes et complexes (Warschawski et al., 2011; Separovic et Naito, 2014; Warnet et al., 2015). Aujourd’hui, la RMN in vivo permet de se référer plus fréquemment aux organismes vivants, comme les bactéries, les microalgues, et les petits invertébrés tant

que leurs tailles leur permettent de remplir un rotor de RMN (Chauton et al., 2003; Arnold

et al., 2015; Simpson et al., 2015; Laadhari et al., 2016).

Les défis de la RMN in vivo restent sans doute le maintien des échantillons dans des conditions physiologiques optimales au cours des expériences. Les changements extrêmes dans les conditions comme le passage de la culture dans le rotor accompagnée par un changement de pH, la diminution du taux de nutriments, du taux d’oxygène où l’augmentation des taux de déchets métaboliques affectent largement le taux de survie des organismes à analyser (Ratcliffe, 1994; Reckel et al., 2005; Serber et al., 2005; Maldonado

et al., 2011). Contrairement à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) où il est possible

de maintenir un flux de nutriment et d’oxygène pour le tissu, la RMN ne le permet pas, particulièrement pour la RMN-ÉS où les cellules sont très concentrées et condensées dans le rotor (Simpson et al., 2015). Même si les bactéries représentent un modèle convenable pour ce genre d’expérience, puisqu’elles possèdent une enveloppe robuste comparée aux cellules eucaryotes (Bloom et Mouritsen, 1988; Reckel et al., 2005), plusieurs heures (≈ 12h et plus) sont nécessaires pour obtenir des spectres résolus sur de tels systèmes. Cela constitue une contrainte majeure pour l’aspect in vivo, puisque les longues expériences affecteraient les métabolismes cellulaires et pourraient refléter des données biaisées et non représentatives de la cellule vivante (Davis et al., 1979; Reckel et al., 2005; Tardy-Laporte

et al., 2013).

Certains chercheurs ont trouvé des moyens pour protéger les cellules de la dégradation au cours du temps en ajoutant des agents chimiques comme le glycérol ou le ficcol (Maldonado et al., 2011). Cependant, une méthode plus efficace a été mise au point plus récemment pour résoudre ce problème de RMN-ÉS in vivo sur les bactéries. Il s’agit d’utiliser la RMN du deutérium combiné avec la technique de la rotation de l’angle magique (magic angle spinning (MAS)) qui permet un compromis entre une bonne résolution spectrale et la conservation des conditions physiologiques des échantillons vivants (voir explications théoriques au chapitre 2). La technique permet également d’augmenter la sensibilité spectrale tout en réduisant le temps de l’expérimentation d’un facteur de 10, permettant l’étude des membranes biologiques dans les cellules intactes à

l’état vivant sans avoir recours aux agents chimiques (Laadhari et al., 2016; Warnet et al., 2016).

SECTION 4 :SYSTÈMES MEMBRANAIRES

Pour décrire les mécanismes moléculaires des membranes cellulaires, deux champs d’expertise en RMN sont principalement utilisés. La RMN du phosphore permet d’étudier les têtes polaires des phospholipides, tandis que la RMN du deutérium permet d’étudier les mouvements des chaines acyles (Seelig, 1977; Seelig, 1978). Bien que ces techniques soient complémentaires pour révéler les mouvements des principaux constituants des membranes que sont les phospholipides, chaque technique présente des avantages et des limites. Les concepts théoriques sont détaillés dans le chapitre 2. Les études sur les membranes des bactéries ainsi que les mécanismes antibactériens utilisent trois principaux systèmes membranaires : (1) les membranes biologiques des cellules que ce soit des cellules vivantes et intactes (étude in vivo) ou non vivantes (étude in cellulo), (2) les membranes extraites des bactéries y compris les OMVs (outer membrane vesicles) et (3) les membranes modèles.

1. Membrane biologique des bactéries intactes