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VII. Hyperuricémie et goutte : complications

VII.2. Risques cardiovasculaires

L’association goutte et maladies cardiovasculaires est connue et fréquente. Par ailleurs, la goutte est associée à une augmentation du risque cardiovasculaire. Cela est bien connu et démontré et peut s’expliquer par l’association de la goutte avec plusieurs composants du syndrome métabolique comme nous l’avons vu précédemment (obésité, dyslipidémie, diabète voire hypertension artérielle). Toutefois, de nouvelles études semblent donner de nouveaux arguments sur le rôle indépendant de l’hyperuricémie et de la goutte sur les risques cardiovasculaires. 4

VII.2.1. Goutte et infarctus du myocarde

Ces dix dernières années, de nombreuses études scientifiques menées un peu partout dans le monde ont montré une augmentation de la fréquence de l’infarctus du myocarde (IDM) ainsi que de la mortalité par IDM chez les patients goutteux. 44

Ainsi la Health Professional Follow-up Study (dont le but est d'évaluer une série d'hypothèses sur la santé des hommes, allant des facteurs nutritionnels à l'incidence des maladies graves, comme le cancer, les maladies cardiaques et d'autres maladies vasculaires) ainsi que le Multiple Risk Factor Intervention Trial (large essai de prévention, randomisé pour tester l'effet de multiples interventions visant à réduire le risque de maladies coronariennes) ont permis de préciser respectivement la relation entre le diagnostic de goutte et le risque de mort ou d’IDM, et l’évaluation des divers facteurs de risques cardiovasculaires. Ces analyses en multivariées ont chacune porté sur plusieurs milliers d’hommes suivis pendant plus de 10 ans. Les conclusions de ces études montrent que la présence d’une goutte chez un patient est associée à une augmentation du risque de mortalité globale, de mortalité cardiovasculaire coronarienne et d’IDM non létaux. 50-53

Comment expliquer cette association ?

VII.2.2. Mécanismes d’association

VII.2.2.1. Inflammation chronique

La répétition des accès aigus dans la goutte non traitée induit de fréquents épisodes d’inflammations aiguës. De plus, entre les crises, comme nous l’avons vu précédemment une inflammation silencieuse subsiste. Même si le sujet n’a pas été encore largement étudié, certaines études montrent une élévation chronique du niveau de CRP (protéine C réactive, protéine de l’inflammation) dans les gouttes sévères, ce qui représente un marqueur de risque cardiovasculaire. 44

VII.2.2.2. Consommation d’anti-inflammatoires non stéroïdien (AINS) Les AINS font partis des traitements utilisés pour calmer les accès aigus. En cas d’accès aigus répétés lors de goutte chronique, leur consommation est augmentée et peut avoir un retentissement rénal et cardiovasculaire, via une diminution de la perfusion rénale,

une rétention hydrosodée pouvant aggraver l’insuffisance cardiaque et l’hypertension artérielle (HTA), ou encore provoquer une augmentation du risque thrombotique. 44, 54 VII.2.2.3. Hyperuricémie Beaucoup d’études épidémiologiques plaident en faveur d’une association indépendante de l’hyperuricémie avec la morbi-mortalité cardiovasculaire. En effet un certain nombre de données suggèrent que l’hyperuricémie joue un rôle important dans l’apparition de l’hypertension artérielle et des autres facteurs de risque qui lui sont souvent associées. 49 VII.2.3. Hyperuricémie et HTA

Dix-huit études prospectives incluant plus de 50 000 patients ont montré que la présence d’une hyperuricémie à l’inclusion augmentait le risque de voir apparaître une HTA au cours du suivi et ce, même après ajustement de l’ensemble des facteurs de risque d’HTA, en particulier la pression artérielle initiale et la fonction rénale. Une méta- analyse récente de ces études a conclu que chaque augmentation de l’uricémie initiale de 10 mg/L induisait une augmentation du risque d’HTA (risque relatif 1,13) au cours du suivi qui allait de 4 à 21 ans.

L’hyperuricémie peut donc être considérée comme un facteur prédictif d’HTA. 44

D’un point de vue biologique, plusieurs études expérimentales ont permis de montrer que l’hyperuricémie pouvait induire une dysfonction endothéliale possiblement à l’origine d’une HTA en passant par deux mécanismes.

Des premières études menées sur les rats ont permis de montrer qu’une élévation de leur taux d’acide urique sanguin augmentait leur pression artérielle et entrainait le dévoloppement d’une néphro-angiosclérose semblable à celle des lésions rénales de l’HTA ainsi qu’une HTA sensible au sel. 55, 56

Ce premier mécanisme d’HTA est dû à une stimulation de la production de rénine et l’inhibition de celle du monoxyde d’azote (NO) par l’acide urique. En effet, le NO possède des propriétés vasodilatatrices, la rénine quant à elle est une hormone produite par le rein entraînant une vasoconstriction des vaisseaux. L’acide urique va donc entraîner une vasoconstriction des vaisseaux (figure 15). Cette réaction est néanmoins réversible, après administration d’un traitement hypo-uricémiant, les rats hyperuricémiques retrouvaient ainsi une pression artérielle normale. 55, 57

53 Une autre étude menée in vitro sur des cellules musculaires lisses humaines montre que l’acide urique entraîne la sécrétion de PDGF et de MCP-1 qui va stimuler la prolifération des cellules musculaires lisses de la tunique moyenne des vaisseaux, conduisant ainsi à un épaississement des parois vasculaires (figure 15). Cette vasoconstriction devient alors irréversible et n’est plus dépendante du taux d’acide urique sanguin. Elle sera à l’origine d’une hypertension artérielle, mais aussi de lésions d’artériosclérose via l’inhibition de la fonction endothéliale des vaisseaux. 44, 59

Ces données, encore expérimentales, permettent de mieux comprendre l’association

entre hyperuricémie et HTA.

Figure 14 : Modèle de dysfonctions endothéliales induites par l’acide urique à l’origine d’une hypertension artérielle. 58

Figure 15 : Modèle de dysfonctions endothéliales induites par l’acide urique à l’origine d’une hypertension artérielle. 58