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VII. Hyperuricémie et goutte : complications

VII.4. Cercle vicieu

VII.4.4. De l’hyperuricémie à l’IRC

Enfin, l’hyperuricémie est à l’origine d’une dysfonction endothéliale à l’origine d’une élévation de la pression artérielle et d’une hypoperfusion rénale. Le tout va provoquer des lésions dans les différentes structures du rein : c’est ce qu’on appelle la néphroangiosclérose, aboutissant à terme à un déclin de la fonction rénale. 25, 44, 45, 54-57, 59, 63

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La goutte est donc une maladie chronique aux atteintes multi-systémiques dont l’accès articulaire aigu ne représente que la partie visible d’un iceberg. En dehors des crises, une inflammation de bas grade, silencieuse, persiste. À termes et sans traitement approprié, l’élévation de l’uricémie au-dessus de sa valeur seuil peut avoir des répercussions irréversibles sur les plans ostéo-articulaire, cardiovasculaire et rénal. Il est donc très important de diagnostiquer cette pathologie et de mettre en place une prise en charge adaptée, visant à l’abaissement de l’uricémie en dessous du seuil des 60 mg/L, permettant ainsi la dissolution des dépôts uratiques déjà créés, d’éviter la formation de nouveaux cristaux et la disparition de l’inflammation chronique, tout deux à l’origine des complications multi-systémiques. 20

Des recommandations de diagnostic et de prise en charge éditées par des comités scientifiques de renom existent et permettent d’appréhender au mieux cette pathologie

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CHAPITRE II - Diagnostic et prise en charge de la goutte

I.

Diagnostic

I.1. Recommandations internationales

Plusieurs critères plus ou moins spécifiques existent pour poser un diagnostic de goutte. Au fil des années, de nombreuses associations éducatives et scientifiques regroupant des spécialistes en rhumatologie mais également des patients atteints de pathologies rhumatismales ont émis des recommandations. Parmi celles-ci, on retrouve les critères de Rome en 1963, les critères de New York en 1966, les critères de l’American College of Rheumatology (ACR) pour le diagnostic de la goutte aiguë en 1977 et 2012, et enfin les recommandations de l’European League Against Rheumatism (EULAR) en 2006 actualisées en 2014 pour le diagnostic et la prise en charge de la goutte, puis de nouveau en 2016 pour la prise en charge thérapeutique. 20, 26, 64,

Toutes ces recommandations sont discutées par la communauté scientifique car leurs méthodologies sont différentes et leurs objectifs également : certaines reposent sur un diagnostic clinique (New York, ACR) et d’autres énoncent des critères scientifiques discutables (Rome). 26

Les recommandations de l’EULAR présentent l’avantage d’inclure des données de recherche et des niveaux de preuves pour chaque recommandation avancée. Ces recommandations se basent sur des critères cliniques mais également biologiques, c’est donc pour toutes ces raisons que j’ai choisi de m’appuyer et de développer ces recommandations pour le diagnostic et la prise en charge de la goutte dans cette thèse.

I.2. Recommandations EULAR

Depuis les premières recommandations EULAR 2006, de nouvelles données importantes ont été publiées, en particulier l’apport de l’échographie, les modalités de prescriptions de la colchicine et l’arrivée sur le marché du febuxostat en 2010. 64

Ces recommandations sont issues d’un travail d’experts européens réunissant quinze rhumatologues, deux généralistes, un radiologue, un statisticien et deux patients. Elles sont basées sur une revue exhaustive de la littérature entre 2006 et 2013. Le niveau de preuve de chaque recommandation est chiffré sur une échelle de 0 à 10, 10 étant la recommandation la plus fiable. 64 I.2.1. EULAR 2014 : Diagnostic de goutte Les huit nouvelles recommandations de l’EULAR 2014 en termes de diagnostic de goutte sont énoncées dans le tableau ci-après :

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Le diagnostic définitif est basé sur la mise en évidence des cristaux d’urate de sodium dans le liquide articulaire ou la ponction d’un tophus. Sa recherche est recommandée en cas de suspicion de goutte (FR=9).

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Le diagnostic de goutte doit être évoqué devant toute arthrite aiguë de l’adulte. Lorsque l’analyse du liquide n’est pas possible, les signes cliniques suivant évoquent une crise de goutte : atteinte monoarticulaire du pied (en particulier de la première métatarso- phalangienne) ou de la cheville ; antécédent de crise aiguë similaire ; installation brutale d’une douleur et d’un gonflement (en moins de 24 heures) ; rougeur, sexe masculin ; présence de comorbidités cardiovasculaires et hyperuricémie. Ces signes sont évocateurs sans être spécifiques (FR=9).

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Il est fortement conseillé d’analyser le liquide articulaire et d’y rechercher les cristaux de tout patient souffrant d’arthrite indéterminée (FR=9).

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Le diagnostic de goutte ne peut être affirmé devant une hyperuricémie isolée.

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Lorsque le diagnostic de goutte est incertain et l’identification des cristaux impossible, des explorations par imagerie doivent être effectuées pour rechercher des dépôts d’urate et des éléments de diagnostic différentiels (FR=9).

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Des radiographies sont indiquées pour rechercher des arthropathies uratiques mais ont peu de valeur pour le diagnostic de la crise de goutte. L’échographie est plus performante pour le diagnostic d’une arthrite aiguë ou chronique goutteuse en mettant en évidence des tophus infracliniques ou le signe de double contour à la surface des cartilages articulaires. Le double contour est très spécifique des dépôts d’urate (FR=8,5).

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Les causes d’hyperuricémie chronique doivent être recherchées chez tout patient souffrant de goutte : insuffisance rénale chronique; surpoids ; médicaments (diurétiques, aspirine à faible dose, cyclosporine, tacrolimus) ; consommation excessive d’alcool (en particulier les bières et les alcools forts) ; sodas sucrés ; viandes et crustacés (FR=9).

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Les comorbidités vasculaires doivent être recherchées chez tout patient goutteux : obésité, insuffisance rénale, hypertension, insuffisance coronarienne, insuffisance cardiaque, diabète et dyslipidémie (FR=9). Tableau 2 : Nouvelles recommandations EULAR pour le diagnostic de goutte (FR = force de la recommandation). 64

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I.2.1.1. Mise en évidence des cristaux d’UMS

Le diagnostic définitif et certain de la goutte est toujours basé sur la mise en évidence des cristaux d’urate de sodium, soit dans le liquide articulaire, soit par ponction d’un tophus après observation en microscopie (figure 19 et 20).

Les cristaux d’urate de sodium sont fins, en aiguille, très biréfringents avec une biréfringence négative. Cette recherche des cristaux d’urate doit être effectuée chez tout patient souffrant d’arthrite, en particulier de rhumatisme inflammatoire inclassé. 64

I.2.1.2. Critères cliniques

Lorsque l’analyse du liquide articulaire n’est pas possible, par exemple en cas d’atteinte des petites articulations, le diagnostic peut être porté devant la présence de signes cliniques évocateurs suivants : - Sexe masculin (2 points), - Atteinte monoarticulaire du pied ou de la cheville, en particulier de la métatarso- phalangienne du premier rayon (2,5 points), - Début brutal (atteinte maximale en moins de 24 heures) (0,5 point), - Rougeur (1 point), - Gonflement, épisode antérieur similaire (2 points), - Présence d’une hypertension ou de comorbidité cardiovasculaire (1,5 points), - Hyperuricémie (3,5 points). Ces éléments cliniques sont évocateurs sans être spécifiques (FR=9). Ils sont issus du travail de JANSSEN et de ses collaborateurs qui ont proposé des critères cliniques (appelés critères de Nijmegen) en pondérant chaque item.

Il est à noter que la présence d’une hyperuricémie isolée ne suffit pas à poser un diagnostic définitif de goutte. 64

Figure 19 : Amas de cristaux d’urate monosodique observés au microscope en lumière polarisée (gauche)

Figure 20 : Amas de cristaux d’urate monosodique observés au microscope avec compensateur rouge de premier ordre (droite)

Un score inférieur à 4 sur 13 permet d’écarter le diagnostic et un score supérieur ou égal à 8 permet de porter le diagnostic de goutte avec certitude dans 80% des cas. 65 Autre élément, le caractère brutal de la crise est très évocateur d’un diagnostic de crise de goutte. Ce dernier est souvent plus aigu qu’une arthrite septique, avec un maximum en moins de 12 heures. 64 I.2.1.3. Intérêt de l’imagerie En l’absence de liquide articulaire analysable, les experts recommandent l’utilisation de l’échographie qui est devenu un outil d’imagerie indispensable, que ce soit pour le diagnostic mais également pour le suivi des patients. 64, 66

En effet, deux signes à l’échographie ont une grande spécificité : le double contour (figure 21) et la présence de tophus (figure 22). 64

La radiographie conventionnelle n’est d’aucune aide dans les accès aigus puisqu’elle ne trouve au mieux qu’une sémiologie aspécifique faite d’épaississement des parties molles périarticulaires. En revanche, la radiologie a toute sa place dans le diagnostic de la goutte chronique, notamment lorsque cette dernière est tophacée.

Tophus

Figure 21 : Image en double contour d’une articulation métatarso-phalangienne. 67 Figure 22 : Cliché échographique avec présence de tophus. 68

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Une lésion très évocatrice est le tophus intra-osseux (figure 13) de localisation préférentielle au niveau des os tubulaires des mains et des pieds. Cette lésion donne un aspect radiologique troué ou encoché, signe de la présence d’une géode.

Bien que permettant d’observer de nombreuses lésions spécifiques, la radiologie conventionnelle a peu de place dans le diagnostic de goutte, tant l’expression clinique ayant conduit au diagnostic aura précédé ses traductions sur des clichés radiographiques. 26

I.2.1.4. Comorbidités, causes et facteurs de risque

Enfin, les experts recommandent fortement le dépistage et la prise en charge des comorbidités cardiovasculaires chez tout patient goutteux ainsi que la recherche des causes d’hyperuricémie chronique (insuffisance rénale, médicaments, obésité et syndrome métabolique, apport alimentaire en recherchant en particulier la consommation de bières, y compris les bières sans alcool, les alcools forts et les sodas sucrés).

Les médicaments hyperuricémiants sont les diurétiques de l’anse et les thiazidiques, la ciclosporine, le tacrolimus et l’aspirine à faible dose. En cas d’hypertension artérielle, il faudra favoriser le losartan et les inhibiteurs calciques qui possèdent des propriétés uricosuriques. 64

II. Stratégie de prise en charge thérapeutique

II.1. Recommandations internationales

Comme pour le diagnostic, de nombreuses recommandations internationales existent pour la prise en charge de la goutte : on trouve ainsi les recommandations établies par la Société Britannique de Rhumatologie (BSR), celles de l’ACR précédemment citées, et une nouvelles fois les recommandations de l’EULAR, actualisées en 2016 pour la prise en charge de la pathologie. 69

Une fois encore, j’insisterai sur les recommandations de l’EULAR, étant celles les plus largement utilisées en Europe. 21, 69

II.2. Recommandations EULAR

À l’instar des autres recommandations, les recommandations de l’EULAR soulignent la nécessité d’associer des traitements pharmacologiques et non pharmacologiques chez les patients diagnostiqués goutteux. Les choix de la thérapeutique et des conseils à destination du patient doivent tenir compte de plusieurs paramètres : 69

- La clinique : accès aigu, ou goutte chronique

- Des facteurs de risques du patient : âge, sexe, antécédents familiaux, alimentation, alcool, médication, comorbidités, hyperuricémie, fonction rénale. Depuis les premières recommandations de 2006, de nombreuses modifications ont été apportées avec des schémas plus précis du traitement de la crise, du traitement hypo- uricémiant et de sa cible thérapeutique.

L’apport important de ces nouvelles recommandations se trouve dans la place primordiale que doit occuper l’éducation du patient sur sa pathologie et sa prise en charge. En effet, des données récurrentes montrent une mauvaise prise en charge de la goutte avec une observance thérapeutique médiocre. Dans de nombreuses études, les médecins reconnaissent passer peu de temps pour informer les patients, et inversement les patients se plaignent de ne pas être écoutés et informés. 69, 70, 71

Les nouvelles recommandations tiennent compte de ces constats et mettent en avant l’implication du patient et son éducation dans la prise en charge thérapeutique. Le patient doit en effet recevoir toutes les informations nécessaires sur la physiopathologie de la maladie, les différents types de traitements et le rôle de l’alimentation. 69 II.2.1. EULAR 2016 : Prise en charge de la goutte Les quatorze nouvelles recommandations de l’EULAR en termes de prise en charge de la goutte sont renseignées dans les tableaux ci-après (tableaux 3 & 4) :