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Etat de l’art

S OMMAIRE DU CHAPITRE 2

II.3 Du risque local à la maîtrise totale

Nous vivons de plus en plus dans ce que le sociologue allemand Ulrick Beck appelle « une société du risque » où coexistent risques professionnels, environnementaux, sanitaires et risques pour l’emploi et les marchés. L’inégalité de la répartition des risques est aussi importante que celle de la répartition des richesses [Rouilleault 03], et l’évaluation des risques est au cœur de la problématique du management des risques.

Pendant longtemps les risques n’ont été considérés que du point de vue de l’impact immédiat (accident sur les machines, toxicité aiguë pour les produits chimiques) ; l’analyse et l’évaluation sont effectuées au niveau de la tâche. Aujourd’hui le champ est plus large et l’analyse plus approfondie. Pour expliciter le contenu de la notion d’évaluation des risques, nous prendrons deux exemples

émanant de deux sources différentes : une source académique et une source réglementaire.

II.3.1 Aspect académique de l’évaluation des risques

Dans le cas des produits chimiques, par exemple, il a fallu attendre l’ouvrage de référence de l’Académie des Sciences aux Etats-Unis en 1983 pour que soit défini un nouveau paradigme pour évaluer le risque chronique. Celui-ci fait apparaître une phase spécifique, l’évaluation des risques, qui est une phase d’interprétation des données, intermédiaire entre la phase de recherche (génération des données) et la phase de management (utilisation des données). Cette phase d’évaluation des risques se décompose en quatre opérations :

• Identification des dangers

• L’évaluation de la dose effet

• L’évaluation de l’exposition

• La caractérisation des risques

Ce paradigme a été confirmé en 1994 dans l’ouvrage « Science and Judment in Risk Assessment ». Il a été repris par l’Union Européenne en 1993 et 1994 dans les textes organisant l’évaluation des risques pour les substances existantes et nouvelles. Cette démarche qui sert de base à la mise en œuvre du règlement REACH permet aujourd’hui de mieux gérer les risques liés aux produits chimiques ; même si elle présente encore des faiblesses, comme le reconnaissent encore certains experts [INERIS. 05]. Pour ce domaine spécifique des produits chimiques, l’auteur suggère trois disciplines de base de l’évaluation des risques : épidémiologie, toxicologie et dosimétrie.

II.3.2 Aspect réglementaire de l’évaluation des risques

Pour expliquer le contenu de l’évaluation des risques au sens réglementaire (décret du 5 Novembre 2001en France), nous remontons vers la santé-sécurité au travail qui remplace progressivement celui de hygiène et sécurité au travail.

Le concept santé-sécurité au travail est apparu officiellement dans une importante loi cadre en Grande Bretagne en 1974 sous l’expression Occupational Health and Safety (The Occupational Health and Safety at Work Act 1974). Cette loi a opéré une véritable réforme dans l’approche, la pratique et au niveau des institutions en Grande Bretagne. Elle a introduit l’approche globale de la sécurité et l’a placée au niveau management ; elle a affirmé l’obligation de sécurité du chef d’entreprise, l’obligation de résultat et elle a amorcé une vraie évolution d’une approche purement réglementaire et sectorielle vers une approche de régulation et de maîtrise des risques. Elle a libéré l’activité prévention du poids des traditions et des statuts de certains acteurs ; les deux corps d’inspection (mines et travail) ont fusionnés et la mission de la médecine du travail re-située.

Sur le terrain, cette loi a conduit à une pratique intégrée des préoccupations santé-sécurité au niveau des trois constituants du système de travail (Technique, Humain et Organisationnel). Elle les a également intégrées au niveau des efforts et contributions des différents acteurs dans une approche interdisciplinaire, sans dominance d'une discipline ou d'une expertise sur les autres.

A la même époque (1976), nous avons connu en France le concept de sécurité intégrée introduit par la loi du 6 décembre 1976, mais à l’époque, l’approche technicienne avait dominé son interprétation et l’avait par conséquent confinée à la technique sans y intégrer vraiment l’homme et l’organisation. Nous étions encore dans la conception hygiène et sécurité et maladies professionnelles ; trois activités parallèles qui s’ignorent le plus souvent.

Le concept Santé-sécurité au travail est réapparu dans la directive cadre du 12 juin 1989. Cette directive a été transposée en Grande Bretagne par un texte réglementaire le « Management of Health and Safety at Work Régulation 1992 » accompagnée d’une démarche que l’on pourrait qualifier de démarche technico-juridique « Risk Assessment ou Evaluation des Risques ». Notons aussi que non seulement cette réglementation inscrit l’évaluation du risque dans le management, mais consacre également le mot lui même qu’elle affecte au titre du texte réglementaire.

Le concept de santé-sécurité au travail est explicité dans la définition de santé au travail adoptée par le Comité mixte « Organisation Internationale du Travail et Organisation Mondiale de la santé OIT/OMS » en 1995. Il est tout aussi intéressant de la rappeler pour mieux situer la notion de globalité.

La définition OIT/OMS 1995 :

« L’objectif de la santé au travail est de :

• promouvoir et maintenir le plus haut degré de bien-être physique, mental

et social des travailleurs dans toutes les professions ;

• prévenir tout dommage causé à la santé de ceux-ci par les conditions de

leur travail ;

• les protéger dans leur emploi contre les risques résultant de la présence

d’agents préjudiciables à leur santé ;

• placer et maintenir le travailleur dans un emploi convenant à ses

aptitudes physiologiques et psychologiques ;

• en somme adapter le travail à l’homme et chaque homme à sa tâche.

Les activités en matière de santé au travail comportent essentiellement trois volets :

• le maintien et la promotion de la santé des travailleurs et de leur aptitude

au travail,

• l’amélioration des conditions et du milieu du travail pour assurer la

sécurité et la santé au travail,

• l’adoption de systèmes d’organisation du travail et de cultures

d’entreprises susceptibles de contribuer à la sécurité et à la santé au travail et de promouvoir un climat social positif et le bon fonctionnement de l’entreprise.

Dans le présent contexte, l’expression culture d’entreprise désigne les systèmes de valeurs adoptés par une entreprise donnée. En pratique, elle se reflète dans les méthodes de gestion, dans la politique appliquée en matière de personnel, de participation, de formation et dans la gestion de la qualité de l’entreprise ».

Dans cette définition, on voit bien l’étendue du concept santé au travail dans la première partie et on voit également la notion de management et de système de management poussés jusqu’à la qualité de l’entreprise.

En France, la directive a été transposée par la loi du 31 décembre 1991, mais le concept santé-sécurité n’a pas été repris de façon unie comme nous pouvons le voir à la lecture de l’article L230-2 du Code du Travail « Le chef d’établissement prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs….. » ; il s’agit bien de mesures pour la sécurité et de mesures pour la santé. Cette idée de séparation, on la revoit plus loin dans le même texte « Les employeurs doivent coopérer à la mise en œuvre des dispositions relatives à la sécurité, à l’hygiène et à la santé selon des conditions……. ». En un mot, contrairement à l’approche britannique et à la définition de l’OIT/OMS, le concept santé-sécurité en France n’a pas servi l’approche globale, nous dirons plutôt qu’il a renforcé « involontairement » l’approche sectorielle.

Toujours dans cette transposition de la directive par la loi du 31 décembre 1991, le concept de l’évaluation des risques, devant occuper le cœur de l’obligation de sécurité du chef d’entreprise et par conséquent le cœur du système de management de la sécurité comme l’explicite aujourd’hui Hubert Seillan par exemple (Préventique N° 61/2002), est simplement introduit parmi les neu fs principes de prévention contenus dans l’article L 230-2. Même, s’il a été repris entièrement dans la troisième partie de l’article, placé parmi des principes déjà connus et même très pratiqués dans certaines entreprises, le concept de l’évaluation des risques n’a jamais fait l’objet d’une attention particulière. Les entreprises et les professionnels ayant toujours fait de l’évaluation des risques, souvent dominée par la recherche du couple Probabilité-Gravité et la recherche de mesures techniques appropriées et immédiates, la nouveauté voulue par la directive, c’est à dire son caractère d’obligation juridique spécifique, est passée sous silence. C’est précisément ce que vient corriger le décret du 5 novembre 2001.

Les exigences discutées plus haut renvoient à la maîtrise des risques. Ce dernier aspect est maintenant devenu prépondérant puisqu’on peut considérer qu’il englobe tout, à partir du moment où la notion de risque est étendue non seulement à l’aspect sécurité, mais à tout ce qui implique l’annulation ou la dégradation du service

attendu [Kerven.op.cit]. La vision est donc globale et systémique, à la fois pour la sécurité, pour la qualité, pour l’environnement ; elle l’est pour l’entreprise. Ces questions doivent être perçus comme un ensemble de paramètres à intégrer dans le management propre à chaque entreprise.

II.4 Le modèle de Processus de Danger dans une démarche