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8. Résultats et discussions

8.1 Le comportement macroscopique d’une HIPE vs sa composition

8.1.2 La rhéologie

On a utilisé la rhéologie pour quantifier ces comportements différents observés pour les HIPEs, en variant cette fois-ci systématiquement la concentration en tensioactif. On leur a imposé du cisaillement en rotation à faible fréquence.

Les modules ’ et ” d’un échantillon quantifient respectivement l’aspect « solide élastique » et « liquide visqueux » de son comportement vis-à-vis de la sollicitation mécanique. Les valeurs présentées ci-dessous ont été mesurées dans le régime viscoélastique linéaire de chaque échantillon (Figure 29).

Figure 29 : des mesures réalisées en état stationnaire dans le régime viscoélastique linéaire de chaque HIPE en fonction de sa concentration en tensioactif dans la phase continue. Des carrées sont des mesures de ’ et des points rouges sont des mesures de ”. Les lignes pointillées tracées démarquent trois régimes distincts : un comportement majoritairement « liquide visqueux » à faible taux de tensioactif < 3%C12E6, un comportement majoritairement « solide élastique » à forte concentration en tensioactif ≥ 8%C12E6, et un régime intermédiaire entre les deux.

Pour une HIPE à 0,6%C12E6 dans la phase continue, ’ = 0,05Pa et celui-ci monte jusqu’à 1370Pa pour une HIPE à 20%C12E6, ce qui représente une augmentation de 4,5 décades en ordre de grandeur. Par contre, ” est plus ou moins constant à 28,6Pa pour toutes les HIPEs, peu importe la concentration en tensioactif. C’est principalement dû au fait que toutes les HIPEs ont la même quantité d’huile, φ = 0,95, et que le comportement « liquide visqueux » vient des gouttes d’huile.

90 Le module de cisaillement complexe, ∗ s’écrit : = ’ + ”. Dans la représentation de Fresnel, s’il

y a plus d’une décade de différence entre les valeurs de ’ and ”, on peut considérer que le module qui l’emporte dirigera le comportement prépondérant de l’échantillon. Ainsi, on peut distinguer trois régimes dans ces HIPEs :

 ’ < 10 ”: régime liquide, écoulement possible, pour <3%C12E6 dans la phase continue ;

’ > 10 ”: régime solide, pas d’écoulement, pour ≥ 8%C12E6 ;

’ ≈ ": régime de transition, HIPE à structure hybride pour des concentrations intermédiaires en tensioactif.

Cette identification de la transition solide-liquide dans les HIPEs correspond bien au critère donné par Winter et Chambon (1986)97. Ce critère sert à l’origine à identifier le point de gélification pour un

polymère, qui se produit lorsque ’ = ” sous cisaillement en rotation à fréquence fixe. Son application est ensuite étendue à d’autres matériaux à caractère gélifiant, que ce soit la gélification par la réticulation chimique ou par la percolation physique98.

Les courbes d’écoulement pour les HIPEs sont aussi en accord avec cette distinction de trois régimes (Figure 30 et Figure 31) Des échantillons riches en tensioactifs où la concentration est supérieure à 7,8%C12E6 dans la phase continue présentent clairement un seuil d’écoulement, ,. Preuve en est, la contrainte de cisaillement appliquée, , devient constante et indépendante de la vitesse de déformation à partir de ̇ ≥ 0,3 . est entre 100 – 450Pa et il augmente avec la concentration en tensioactif pour les HIPEs solides. On n’observe pas ce plateau pour d’autres HIPEs, ce qui est cohérent avec leur caractère coulant (Figure 30).

Figure 30 : des HIPEs solides présentent un plateau où la contrainte de cisaillement appliquée, , devient constante en fonction de la vitesse de déformation, ̇ . Cette valeur du plateau renseigne sur le seuil d’écoulement, . D’autres HIPEs ne présentent pas un tel plateau.

91 Les HIPEs solides présentent également une pente négative pour leur courbe d’écoulement où la viscosité effective est exprimée en fonction de la vitesse de déformation et représentée en doubles- logarithmes (Figure 31). La pente négative signifie un comportement rhéofluidifiant, ce qui est bien documenté dans la littérature pour des HIPEs étudiées qui sont stabilisées par beaucoup de tensioactif.25,35,37,99–101 Ce comportement résulte de l’écoulement du tensioactif liquide dans les films

minces qui séparent des gouttes d’huile et ne dépend pas de la viscosité de la phase huileuse37.

Figure 31 : la courbe d’écoulement pour chaque HIPE à différent taux de tensioactif dans la phase continue. La pente nulle de la courbe pour les HIPEs à < 3%C12E6 indique un comportement Newtonien. Lorsque la concentration en tensioactif augmente, la pente devient négative, ce qui signifie un comportement rhéofluidifiant.

Les échantillons à concentrations intermédiaires, c’est-à-dire 4,0% et 5,4%C12E6, montrent également un caractère rhéofluidifiant. Cependant, leur courbe d’écoulement semble rejoindre celle des HIPEs pauvres en tensioactif lorsque la vitesse de déformation devient plus importante, au-delà de ̇ > 3,16 . La pente nulle des celles-ci – à 0,6% et 3%C12E6 dans la phase continue – implique que ces HIPEs à φ = 0,95 stabilisées par peu de tensioactif se comportent comme des fluides Newtoniens35. Ceci est une observation inconnue auparavant pour une émulsion à fraction

volumique aussi élevée. Jusqu’à présent, le comportement Newtonien n’est observé que pour des

émulsions à φ < 0,60100,102, au-delà de laquelle on retrouve un comportement rhéofluidifiant. Pour

des dispersions de sphères dures, cette fraction volumique limite est encore plus faible, à φ < 0,45103.

Il paraît donc que nos HIPEs à faible taux de tensioactif puissent être assimilées aux dispersions idéales de sphères dures où on suppose que chaque goutte suive la même trajectoire lorsqu’elle est mise sous cisaillement104.

Désormais, en raison de leur propriété d’écoulement, on appellera des HIPEs à faible concentration en tensioactif « des HIPEs liquides » et celles à forte concentration en tensioactif « des HIPEs solides ou type Lissant ». Celles à comportement intermédiaire seront « des HIPEs hybrides ». On essaiera d’expliquer ces différences rhéologiques par un examen de la structure interne des trois types de HIPEs.

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