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Comment sont-elles créées lors de la coalescence?

8. Résultats et discussions

8.3 Discussions sur des HIPEs Apolloniennes

8.3.1 La création des petites gouttelettes dans une HIPE

8.3.1.1 Comment sont-elles créées lors de la coalescence?

et dans le chapitre « 8.3.1.2 Pourquoi sont-elles créées lors de la coalescence? », on étudiera sa compatibilité avec la thermodynamique, malgré le fait que des idées traditionnelles de la coalesce impose une diminution de surface totale pour réduire l’énergie de surface. Le chapitre « 8.3.2 D’où vient la métastabilité d’une HIPE Apollonienne? » est consacré à la discussion de la métastabilité inattendue des HIPEs Apolloniennes, malgré la coalescence continue en présence de si peu de tensioactif. Puis dans le chapitre « 8.3.2.1 Mesure de la vitesse de coalescence », on mesure et on compare la vitesse de coalescence des émulsions Apolloniennes à d’autres émulsions polydisperses à plus faible fraction volumique ; on montre que la métastabilité ne vient pas d’une vitesse plus lente de la coalescence, mais c’est plutôt grâce à leur mécanisme évolutif particulier (chapitre « 8.3.2.2 La conséquence de la coalescence-fragmentation ». Finalement, on appliquera des arguments thermodynamiques pour interpréter la persistance d’une structure Apollonienne dans une HIPE comme un minimum local en énergie libre.

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8.3.1 La création des petites gouttelettes dans une HIPE

8.3.1.1 Comment sont-elles créées lors de la coalescence?

On considère la coalescence de deux gouttes aléatoires, de rayon et . Le volume total est nécessairement conservé comme la quantité de matière ne change pas dans le système. Alors, on peut avoir les situations suivantes :

 Deux gouttes donnent une seule grosse goutte : la coalescence typique.

Le rayon de la goutte fille, , sera ( + ) / . Cela est le cas de coalescence typiquement

rencontrée. Si la coalescence est hiérarchique de telle sorte que ≈ à chaque stade, alors l’évolution peut être décrite par le modèle de Smoluchowski (cf. « 3.2.4.3 Smoluchowski coalescence algorithm »). Cependant, la distribution des tailles obtenue à la fin ne sera pas une loi de puissance puisque l’on obtiendra rapidement une goutte énorme macroscopique.

 Deux gouttes donnent deux

Ce processus correspond au réarrangement dans l’espace des gouttes.

 Deux gouttes donnent plusieurs gouttelettes filles : la coalescence-fragmentation.

On a vérifié par la simulation numérique (faite par Robert Botet) que cette situation engendre en effet des distributions de tailles en loi de puissance. Ainsi, pour obtenir une population extrêmement polydisperse, un événement de coalescence doit se produire en même temps que la fragmentation

(puisque le nombre de gouttes à la fin est plus important que le nombre initial). Or, on a trouvé que l’exposante de la loi de puissance dépend du nombre de gouttelettes filles créées à chaque reprise. Mettons la condition la plus stricte : on suppose que chaque événement de coalescence produit 3 gouttelettes filles sans chevauchement. L’exposante trouvée est toujours inférieur à 2, beaucoup trop faible par rapport au 3,47 pour un empilement Apollonien (car l’exposante = + 1). La Figure 57 montre les résultats d’une telle simulation, où on a commencé par deux gouttes de la même taille et elle s’est terminé par 108 gouttelettes par des coalescences successives.

Figure 57 : la simulation numérique de la coalescence entre 2 gouttes pour donner 3 gouttelettes filles à chaque reprise. On retrouve une distribution de tailles en loi de puissance, mais son exposante est beaucoup trop faible, soit environ 1,2.

117 Si on détend la condition sur le nombre de filles créées, l’exposante devient plus grande et on peut obtenir la bonne distribution de tailles. Cependant, ces simulations ne prennent pas en compte l’organisation spatiale de tous les gouttelettes engendrées : on a observé dans le chapitre « 8.1.4 La distribution de tailles dans chaque type de HIPE » (Figure 33, Tableau 2) que l’on peut avoir la bonne exposante si on laisse avoir lieu des déformations entre des gouttelettes (comme dans une HIPE hybride). Donc, les conditions qui mènent à une bonne distribution de tailles ne sont pas suffisante ; on doit considérer également des conditions qui mènent à une géométrie sphérique sans déformation.

Dans une HIPE liquide, des gouttes sphériques n’ont qu’un seul point de contact les unes avec les autres. Par conséquent, on a employé une simulation plus généralisée où deux gouttes qui coalescent peuvent donner un nombre quelconque de filles sans chevauchement, tout en respectant la conservation du volume et des contraintes de tangence. On a nommé ce processus « l’algorithme des Lapins » puisque les lapins sont renommés pour leur prouesse de prolifération. Pratiquement, cela veut dire que des gouttelettes filles sont créées de telle sorte qu’elles occupent le maximum de volume possible dans le vide laissé par les parents, mais qu’elles peuvent également occuper d’autres vides voisins, tant qu’elle ne se chevauchent pas avec d’autres gouttelettes qui délimitent ces vides. Le remplissage au maximum d’un vide est justifié par la nature liquide des gouttes qu’on cherche à simuler. Le remplissage des vides voisins est permis par l’écoulement capillaire. La simulation se fait suivant les étapes ci-dessous (Figure 58):

1. 60 sphères de tailles identiques sont aléatoires places dans un volume unitaire. On autorise des chevauchements à ce stade afin d’identifier des paires de sphères qui subiront la coalescence. (Figure 58a)

2. Une paire de sphères est choisie au hasard. On calcule leur volume total et leur centre de masse . On enlève cette paire de sphères, ce qui reste un vide principal plus ou moins centré sur .

3. On considère des vides autour de , y compris le vide principal, de telle sorte que le volume total des vides fasse 2 . Cette condition restreint le système pour qu’ils n’examinent que des vides aux alentours de l’événement de coalescence qui aura lieu. 4. Les vides ainsi trouvés sont remplis systématiquement, du plus gros au plus petit. Une sphère

fille qui respecte des contraintes de tangence est créée pour occuper chaque vide. Le processus s’arrête lorsque le volume total de sphères filles créées atteigne (Figure 58b). 5. On répète les étapes 2 – 4 (Figure 58c–e) jusqu’à ce qu’il ne reste plus de sphères

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(a) (b) (c)

(d) (e) (f)

Figure 58 : la simulation numérique par l’algorithme des Lapins. (a) On créé des paires de sphères qui se chevauchent. Puis on les remplace par des sphères « filles » qui occuperont le vide principal et des vides aux alentours. (b) montre la première itération. Toutes les 4èmes itérations sont montrées par la suite (c) – (e). L’état final du système (f) à la fin de l’algorithme des lapins est atteint lorsqu’il n’y a plus de sphères chevauchantes qui restent. Les sphères sont colorées pour montrer leur taille différente, bleu étant les plus petites et rouge étant plus grandes.

La première itération de l’algorithme a produit 13 gouttelettes filles (Figure 58b). Chaque itération par la suite a produit entre 22 et 8210 gouttelettes filles. Il fallait 32 itérations de l’algorithme des Lapins pour éliminer tous les chevauchements dans le système (Figure 58f). On a remarqué que lors d’une itération vers la fin, il y a eu un évènement de coalescence qui n’a engendré que 2 goutte filles non chevauchantes (Figure 59). On a vérifié que cela correspondait effectivement à un réarrangement dans l’espace des parents, où une goutte a légèrement grossi en volume au dépense de l’autre pour mieux occuper les vides selon les contraintes de tangence.

Figure 59 : (gauche) des gouttes chevauchantes identifiées par la flèche blanche. Le résultat de cette itération par l’algorithme des Lapins a donné deux gouttes filles sans chevauchement (droite). C’est effectivement un réarrangement local des parents pour mieux occuper des vides.

119 Un lecteur attentif remarquera que la maximisation des rayons des sphères dans les vides est bien consistante avec la définition d’une construction Apollonienne locale, selon Mandelbrot (1983)58.

Ainsi, il paraît que l’algorithme des Lapins crée des structures Apolloniennes localement, et l’ensemble de ces structures est un empilement Apollonien global. On a vérifié que c’est bien le cas

en examinant la distribution de tailles à l’issu de la simulation des Lapins et on a trouvé qu’il s’agit d’une loi de puissance dont l’exposante est très proche d’un empilement Apollonien (Figure 60). Le ( ) calculé à partir d’une simulation des Lapins à φ = 0,85 a également produit le même ( ) qu’un empilement Apollonien simulé à φ = 0,92 (Figure 61). Les deux facteurs de structure présentent un pic très écrasé, ce qui veut dire qu’il n’y a aucun ordre positionnel dans le système. Autrement dit, la probabilité de trouver une gros ou un petit voisin est indépendante de la taille de la goutte considérée.

Figure 60 : la distribution de tailles à partir d’une simulation numérique de l’algorithme des Lapins. La ligne rouge représente une loi de puissance dont l’exposante fait -.3,47, ce qui correspond à la = 2.47 d’un empilement Apollonien.

Figure 61 : ( ) pour une simulation numérique de l’algorithme des Lapins à φ = 0,85 (noir). Il a les mêmes

caractéristiques ( ) pour une simulation numérique d’un empilement Apollonien à φ = 0,92 (rouge).

Puisqu’il semble que l’algorithme des Lapins soit une autre façon d’obtenir un empilement Apollonien, on a comparé son facteur de structure calculé aux facteurs de structures mesurés pour nos HIPEs Apolloniennes. On a trouvé un bon accord entre eux (Figure 62). En examinant la variation de surface spécifique par l’algorithme des Lapins, on a trouvé qu’elle croît avec le temps (Figure 63), ce qui valide nos observations expérimentales par la diffraction du laser et par SAXS. En conséquence, notre déduction que beaucoup de petites gouttelettes sont créées lors de l’évolution des émulsions apolloniennes est aussi validée.

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Figure 62 : la comparaison entre ( ) de l’algorithme des Lapins (ligne noire) et ( ) des HIPEs Apolloniennes à φ

= 0,95 vieilles pendant 1 mois, fabriquées à 250rpm (points bleus), 500rpm (tirets rouges) et 1000rpm (points-tirets violets). Les cercles sont des valeurs moyennées sur les trois échantillons.

Figure 63 : la variation de surface totale en fonction de la proportion de chevauchement restant dans le système. La quantité de chevauchement diminue lorsque la simulation des Lapins s’avance, donc le temps va de droite à gauche sur cette figure. Il y a donc une augmentation nette de surface totale avec le temps.

On peut donc déduire qu’une HIPE liquide évolue selon un mécanisme de coalescence- fragmentation comme celui décrit par l’algorithme des Lapins : beaucoup de petites goutteles sont engendrées à chaque évènement de coalescence entre des gouttes afin de remplir des vides de

façon optimale. La somme de toutes ces constructions Apolloniennes locales donne alors un empilement Apollonien global et donc une émulsion Apollonienne.