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Le pédagogue et jurisconsulte français Jean-Baptiste-Étienne Boulet et l’écrivain allemand Richard-Otto Spazier réunissent leurs efforts pour fonder en mars 1835 un périodique cosmopolite de langue française sous le titre la Revue du Nord et

principalement des pays germaniques. La Bibliographie de la France annonce la parution

du périodique le 4 avril 1835 :

Revue du Nord et principalement des pays germaniques, fondée par J.É. Boulet, de Metz, et R.O Spazier, de Leipsic. Première année. N.1. Mars. In-8° de 15 feuilles. Imp. de Moquet, à Paris. — À Paris, passage des Petits-Pères, n. 17.

Paraît tous les mois par cahier de près de 200 pages. Prix ; par trimestre...10-0286.

En janvier 1836, interviennent des modifications de fond. Le cofondateur Richard-Otto Spazier quitte la direction du périodique et O.-O.-J. Pellion devient le directeur de publication. Le recueil porte définitivement le titre complet mais encombrant au premier coup d’œil : la Revue des États du Nord ou choix d’articles traduits des nouvelles

publications de l’Allemagne, la Suisse, la Belgique, la Suède, le Danemark, la Pologne, la Russie, etc., sur la Littérature, les Beaux-Arts, les Sciences, l’Industrie, le Commerce, l’État politique, la Philosophie, etc., dans ces diverses contrées ; et accompagnés de notices historiques, statistiques et biographiques, tendant à faire connaître les mœurs et les usages, la marche et les progrès de l’esprit humain chez les peuples Slaves et Germaniques, etc.

De toute évidence, la Revue du Nord n’a pas suffisamment retenu l’attention des chercheurs287 et n’a pas bénéficié de travail monographique. Nous ne pouvons signaler que l’article de S. Grombakh288 consacré à Sophie Conrad, rédactrice de la Revue du Nord.

286

La Bibliographie de la France, XXIVe année, 1835, n° 14, 4 avril 1835, p. 221.

287

Eugène Hatin cite certainement le périodique en question mais en se trompant sur le nom du fondateur : « Revue du Nord, et principalement des pays germaniques, par Boulay de la Meurthe. 1835-1838, in-8°. » Voir E. Hatin, Bibliographie historique et critique de la presse périodique française, Paris, Firmin Didot frères, 1866, p. 394.

288

С. Громбах, «Из ранней истории знакомства Франции с Пушкиным (Одна из первых переводчиц

Пушкина во Франции)», Статьи и материалы по истории Франции [S. Grombakh, «Aux sources de la

rencontre de la France avec Pouchkine. Une des premières traductrices de Pouchkine en France », Annuaire d’études françaises], Moscou, Académie des sciences de l’URSS, Institut de l’histoire universelle, 1977, pp. 226-232.

C’est en grande partie le dépouillement de tous les numéros qui nous a permis de décrire son profil.

La durée du périodique est assez courte ; elle s’étend de mars 1835 jusqu’à septembre 1838. Comme on le note à la dernière page de la couverture du périodique, « la

Revue du Nord paraît tous les mois par livraisons de 160 à 200 pages dont trois forment un

gros volume in-8 ».

Orientation

La Revue du Nord se révèle concise quant à l’annonce de son programme politique et esthétique. L’introduction insérée dans le premier numéro du périodique et rédigée par Philarète Chasles ne donne qu’une idée générale sur la Revue.

Avant tout, disons quelques mots sur son auteur. Professeur au Collège de France et lauréat du prix d’éloquence décerné, en 1827, par l’Académie, Philarète Chasles (1798-1873) se distingue dans l’histoire littéraire comme un bon connaisseur des littératures anglaise et allemande qui font respectivement l’objet de ses multiples ouvrages. Il entretient des rapports amicaux avec le cofondateur de la Revue Richard-Otto Spazier à cause de leur intérêt commun pour l’œuvre de Jean-Paul, Friedrich Richter289.

D’inspiration romantique et de conviction cosmopolite, Philarète Chasles figure parmi les critiques littéraires majeurs de l’époque. Dans son introduction il met en avant l’idée romantique d’universalité et de « fraternité des nations »290 mais autour de « l’Europe civilisée » : « les lumières politiques de l’Angleterre, de l’Allemagne, de la France, de l’Italie s’uniss[ent] en un vaste et puissant faisceau »291.

Chasles exprime l’intérêt de la Revue pour « toutes les intelligences septentrionales »292 ayant accompli des progrès en matière culturelle :

289

Tous les deux ont contribué de façon différente à la publication de l’œuvre de cet auteur allemand : Richard-Otto Spazier, Jean-Paul Richter, Ein biographischer Commentar Zu dessen Werken, Leipzig, 1833, 5 tomes en 2 volumes in-8° ; Philarète Chasles, Œuvres de Jean-Paul Frédérick Richter. Traduit par Philarète Chasles, Bruxelles, Abel Ledoux, 1834-1835, 4 tomes en 2 volumes.

290

Introduction, Revue du Nord et principalement des pays germaniques, mars 1835, p. 12.

291

Ibid., p. 12.

292

Il reste donc à creuser une mine bien féconde, celle du Nord tout entier, quand même on voudrait en excepter l’Angleterre. Jusqu’au fond de la Russie le génie du Nord est en mouvement ; pendant que l’Espagne se livre aux luttes intestines qui absorbent son énergie, pendant que l’Italie, si riche cependant en intelligences lumineuses, déplore les essais d’une liberté étourdiment généreuse, il n’y a pas une région du Nord qui ne concoure pour sa part à l’œuvre de civilisation293.

En plus de la Scandinavie, il sous-entend sous les « intelligences septentrionales » également l’Europe Centrale et Orientale.

À la fin de son introduction, Chasles s’exclame pour affirmer le sérieux du périodique : « L’étude, l’étude ! le grand sacerdoce de la pensée ! C’est lui qui conservera toujours la flamme de la religion, de la patrie, du génie et des arts »294.

Fondateurs et collaborateurs

Boulet Jean-Baptiste-Étienne295 (1804-1864) dont le nom est rarement cité dans les dictionnaires biographiques est originaire de Metz. Il reçoit une formation d’avocat et devient directeur d’institution d’enseignement à Maisons-Laffitte près de Paris. Sa position libre face au gouvernement le fait se tourner, à partir des années 1830, vers l’enseignement sous diverses formes : il publie un Cours d’études préparatoires en 1840 en 7 volumes et des Manuels pratiques. Connaisseur des lois, il s’essaie dans l’édition journalistique.

Cofondateur allemand de la Revue du Nord, Richard-Otto Spazier296 (1803-1854) est mieux connu du public. Né à Leipzig, il est issu d’une famille littéraire allemande : son oncle Friedrich Richter, dit Jean-Paul, fréquentait les grands écrivains romantiques de Weimar, Goethe et Schiller. Dans sa ville natale, Spazier étudie la philosophie et le droit. Il tombe sous l’influence de son aîné et lui consacre ses premiers travaux.

Spazier se tourne, très jeune, vers le journalisme et voyage beaucoup entre Leipzig, Nuremberg et Dresde. En 1830, il fait paraître à Nuremberg le journal Nuremberg Blätter. 293 Ibid., p. 11. 294 Ibid., p. 13. 295

René Paquet, Dictionnaire biographique de l’ancien département de la Moselle : contenant toutes les personnes notables de la France et des pays étrangers. 6e éd., Paris, Hachette, 1893, pp. 111-112; Gustave Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains : contenant toutes les personnes notables de la France et des pays étrangers, 6e éd., Paris, Hachette, 1893, p. 113 ; Charles Leclerc, Biographie des Grands Lorrains, Metz, SMEI, 1975, p. 178.

296

Allgemeine Deutsche Biographie, Herausgegeben durch die historische Commission bei der Königt. Akademie der Wissenschaffen, München, Ducker und Humblot, 1912, p. 57.

Lors de son passage à Dresde, il rencontre des émigrés polonais qui le renseignent sur l’insurrection polonaise de 1831. Le jeune journaliste décide alors d’écrire un livre sous le titre l’Histoire du peuple polonais et de sa campagne. Son ouvrage obtient un certain succès car il connaîtra trois éditions à Paris297.

En 1833, Spazier va s’installer à Paris où il fait connaissance avec Boulet. Ensemble ils se lancent dans la création de la Revue du Nord. Pour Spazier surtout le but principal est de rapprocher tout d’abord les cultures française et allemande. Il y rédige les articles abordant les aspects différents de la culture allemande298.

Pour assurer la qualité des publications futures il essaie de gagner à ce projet les hommes de lettres allemands séjournant en Allemagne et en France. Ainsi, Spazier invite Ludwig Börne qui, pourtant, refuse sa collaboration en raison de la politique rédactionnelle mal conduite selon lui :

Il n’était pas d’accord, ni sur le contenu des publications prévues, ni sur le choix des collaborateurs. Il critiquait le fait que principalement des Français devaient contribuer au journal pour défendre une culture qui leur était encore trop étrangère299.

Probablement suite aux différends rédactionnels, Spazier abandonne vers l’année 1836300 la direction de la Revue du Nord pour travailler en tant que correspondant au journal Allgemeine Zeitung.

À sa place arrive J.-J.-O. Pellion, receveur des finances et peu avisé dans la politique rédactionnelle d’une telle revue cosmopolite. Faute de références dans les dictionnaires, nous avons dû nous contenter de sa note explicative concernant son contentieux financier en 1846 n’ayant aucun rapport avec la presse301.

297

Richard-Otto Spazier, Histoire politique et militaire de la révolution polonaise pendant les années 1830-1831, Paris, s.n., 1830, 1834.

298

« Le vieux livre et Louis Tieck », mars 1835, pp. 14-28 ; « Philosophie. Oken et la philosophie naturelle », mars 1835, pp. 93-104 ; « Tableau de l’Allemagne actuelle », avril 1835, pp. 241-255 ; mai 1835, pp. 425-440 ; juin 1835, pp. 1-16 ; juillet 1835, pp. 177-192 ; « Les Eaux de Toeplitz et la ville de Kalisz », août 1835, pp. 436-448 ; « Le Nord et le Midi de l’Allemagne », septembre 1835, pp. 68-87 ; « Histoire du droit public et de la constitution actuelle de la confédération germanique », octobre 1835, pp. 232-253 ; « Des Femmes Allemandes et de leur influence sur la littérature germanique », décembre 1835, pp. 4-19.

299

Rachid L’Aoufir, Ludwig Börne (1786-1837) : un Parisien pas comme les autres, Paris, Budapest, Torino, L’Harmattan, 2004, p. 108.

300

Ses articles ne paraissent que dans les numéros de l’année 1835.

301

J.-J.-O. Pellion, « Note pour M. J.-J.-O. Pellion, Ancien Receveur des Finances », Paris, P. Baudoin, 1847, 4 p.

Il est difficile de sélectionner les collaborateurs permanents durant toute la parution de la Revue. Néanmoins, selon la fréquence de leurs contributions, nous pouvons distinguer les noms suivants : Sébastien Albin (1836, 1837), L. Auquier302, P. Christian (1837, 1838), Joseph Mainzer (1835, 1836), J. Maugars (1835, 1836), Meldola (1837), le comte de Sorgo et la baronne Carlowitz en 1838.

Sophie Conrad

La figure importante de la Revue du Nord n’est autre que Sophie d’Ott épouse Conrad. Son statut est rappelé à la fin de l’article traduit d’Ossip Senkovski : « La Revue

du Nord compte Mme Sophie Conrad au nombre de ses rédacteurs »303. L’information sur elle est fort lacunaire304 mais nous pouvons préciser quelques détails de fond.

Née à Saint-Pétersbourg, Sophie Ivanovna d’Ott se marie avec l’officier alsacien Conrad à la fin des années 1810 — au début des années 1820. Son époux ayant servi dans l’armée napoléonienne participa aux campagnes allemande et russe de 1810-1813. Il fait preuve de courage et obtient le grade de colonel. Son caractère séduit sans doute la jeune Sophie d’Ott. Après leur mariage, le couple s’installe à Strasbourg et plus tard déménage à Ville d’Avray, près de Paris. Mais lors des guerres carlistes, au début des années 1830, le colonel Conrad part pour l’Espagne et prend la tête de la Légion étrangère305. En juin 1837, il périt dans une bataille près de Saragosse.

302

Novembre 1835, décembre 1835, janvier 1836, juin 1837, juillet 1837.

303

[Ossip Senkovski] « L’inconnu. Article pour mon hôte. Par Baron Brambeus, pseudonyme. (Traduit du Russe, par Mme Sophie Conrad, née d’Ott) », Revue du Nord et principalement des pays germaniques, mai 1835, p. 610.

304

Nous apprenons quelques éléments sur sa vie dans la monographie consacrée à Ludwig Nabielak, homme politique, poète et historien polonais. Réfugié en France, ce dernier connut le mari de Sophie Conrad. Voir Wladysław Zawadzski, Ludwik Nabielak, opoweść historyczna, Lwow, s.n., 1886, chapitre IX, pp. 138-147.

305

Le National publie l’information concernant Conrad dans les numéros du 19 janvier et du 9 février 1837 : Faits divers. –Le colonel Conrad, commandant la légion étrangère, a publié, le 6 janvier, un ordre du jour ainsi conçu :

« Je m’empresse de porter à la connaissance de la légion que les nominations provisoires que j’ai fait faire, en date du 1er décembre, viennent d’être confirmées par S.M., et que les brevets m’en sont parvenus aujourd’hui. En conséquence, les intéressés désignés dans l’ordre du jour précité, se présenteront chez moi après-demain, 8 du courant, à midi, pour que j’aie la douce satisfaction de leur remettre leurs brevets.

Je porte aussi à la connaissance de la légion, avec une vive satisfaction, que des fonds doivent arriver d’un jour à l’autre et qu’aussitôt qu’ils seront encaissés, je ferai payer aux braves soldats qui ont tenu une discipline si exemplaire, malgré les privations qu’ils ont eu à endurer, le mois de solde arriérée qui leur est dû et qui leur sera payé en une fois ainsi que je le leur ai promis ».

Nouvelle d’Espagne. –Le document officiel suivant apprendra quelle a été solution donnée par le gouvernement de Madrid à l’affaire de deux officiers de la légion étrangère qui s’étaient insurgés contre leur commandant en chef.

Malgré ses responsabilités familiales, Sophie maintient les liens avec son pays et suit les actualités littéraires. En 1831, à Paris, paraît en 4 volumes sa traduction du roman de Mikhaïl Zagoskine Youri Miloslavski, ou Les Russes en 1612. Sa relation très amicale avec le rédacteur en chef avisé de l’Abeille du Nord Nikolaï Gretch se révèle au moment de la parution de la Revue du Nord. Lors de son séjour en France en 1838, Gretch rencontre à plusieurs reprises Sophie Conrad et parle d’elle dans ses Lettres de voyage en termes chaleureux. Voici quelques passages :

[Я] остановился в Hôtel de Neustrie, rue Pont-Mahon, n°9... Попреодевшись,

бросился я бежать в rue Thiroux, к госпоже Конрад, на имя которой адресованы были письма ко мне из Петербурга, нашел два письма, прочитал их, и ожил. Слава Богу! дома все обстоит благополучно306

.

[[Je] suis resté dans l’Hôtel de Neustrie, rue Pont-Mahon, n°9... Je me suis changé et j’ai couru dans la rue Thiroux chez Sophie Conrad. Elle m’avait envoyé les lettres de Saint-Pétersbourg. J’en ai trouvé deux, je les ai lues et je me suis réjoui. Tout allait bien à la maison.] [Я] посетил П.В. Поггенполя, и позавтракал у Софии Ивановны Конрад : таким образом провел я последние часы пребывания у особ, с которыми мне труднее всего было расставаться. [...] В три часа пошли мы в королевский коллегиум ; я обещал Софии Ивановне Конрад посетить старшего её сына, Эрнеста, который здесь воспитывается, и при этом случае видел внутренность французской гимназии307 . [[J’] ai visité P.V. Pogguenpol et j’ai pris le petit déjeuner chez Sophie Ivanovna Conrad. Ainsi, j’ai passé mes dernières heures chez ceux dont j’avais le plus de mal à me séparer. [...] À trois heures, nous sommes allés dans le collège royal ; j’avais promis à

Ministère de la guerre.

À M. le brigadier Conrad, commandant la division auxiliaire française. Madrid, le 13 janvier 1837.

« Malgré le grave attentat commis contre la subordination et la discipline de la légion auxiliaire, sous les ordres de V.S., par les capitaines, qui en faisaient partie, et qui mériteraient d’être punis avec toute la rigueur des lois militaires, S.M., accueillant avec bonté la généreuse intercession de V.S., a daigné faire usage de sa clémence royale en faveur de ces individus et de décider, en conséquence, qu’il sera sursis à la cause qui s’instruit contre eux, à raison des excès dont V.S. m’a donné connaissance dans sa lettre du 3 courant. Mais S.M. ordonne en même temps que les nommés [...] cessent aussitôt d’être au service de son auguste fille la reine dona Isabelle II, duquel ils se sont rendus indignes à raison de leur criminelle conduite. V.S. est chargée de leur notifier l’ordre de quitter immédiatement l’Espagne, et de les prévenir que la grâce qui leur est accordée deviendrait nulle s’ils rentraient sur le territoire espagnol sans une permission royale expresse. V.S. est aussi chargée d’apprendre aux autres officiers que S.M. apprécie l’honneur et la délicatesse dont ils ont fait preuve dans cette fâcheuse occurrence. Je l’annonce à V.S. par ordre royal et pour son accomplissement. Dieu garde V.S., etc.

Le ministre de la guerre. Signé Vera. Pour copie conforme :

« Le brigadier commandant la division auxiliaire française. » Conrad. »

306

Путевые письма из Англии, Германии и Франции [Les Lettres de voyages d’Angleterre, d’Allemagne et de France], Saint-Pétersbourg, N. Gretch, 1839, 1ère partie, XV, pp. 195-196.

307

Nikolaï Gretch, les Lettres de voyages d’Angleterre, d’Allemagne et de France, op. cit., 2e partie, XXV, pp. 157-158.

Sophie Conrad de visiter son fils aîné Ernest, qui recevait son instruction là-bas, et à cette occasion, j’ai pu voir l’intérieur du lycée français.]

Cependant, les propos suivants démontrent que Gretch fournit à Sophie Conrad ses propres études et celles de Thadée Boulgarine sans avoir établi de contact direct avec la

Revue du Nord : Прочим знакомым разослал я, при визитных карточках, экземпляры моей статьи : Воспоминания, помещенные в Новоселье, и переведенные госпожой Конрад на французский язык. Я нашел её в Revue du Nord, и перепечатал, для раздачи на память308 .

[J’ai envoyé aux autres personnes trois cartes de visite, les exemplaires de mon article : les Mémoires insérés dans le Novosélié et traduits par Mme Conrad en français. Je l’ai trouvé dans la Revue du Nord et je l’ai copié pour pouvoir le distribuer comme souvenir.]

À cette époque, Nikolaï Gretch a tout intérêt à chercher une collaboration avec un périodique qui n’appartient à aucun clan politique. Après avoir été accusé d’espionnage à plusieurs reprises, Gretch reste méfiant à l’endroit de la presse française.

Sophie Conrad fait preuve d’une collaboration assidue avec la Revue du Nord jusqu’au mois de juillet 1837, un mois après la mort de son mari. Ses lettres309 à la rédaction de la Revue du Nord sont publiées dans la rubrique « Correspondance ». Malheureusement, le contenu des lettres ne donne pas d’idée sur la politique rédactionnelle de la Revue concernant la thématique russe, mais elle clarifie la personnalité de Sophie Conrad.

Sophie Conrad ne se contente pas de traduire, pour le périodique, des extraits des œuvres310 et des articles russes311. De plus, elle est chargée de rédiger les comptes rendus312 de la production russe.

308

Ibid., p. 157.

309

« Correspondance de la Revue des États du Nord. Moscou, ce 20 juin 1835 », juillet 1835, pp. 324-326 ; « Correspondance de la Revue des États du Nord. Strasbourg, septembre 1835 » octobre 1835, pp. 341-344 ; « Correspondance de la Revue des États du Nord. Une lettre de Sophie Conrad », décembre 1835, pp. 162-164.

310

B. Fiodorov, Le Fantôme, nouvelle historique, traduite par Me Sophie Conrad, née d’Ott, juin 1835, pp. 111-127 ; Lagetchnikov, Le dernier Novik ou La conquête de la Livonie, sous le règne de Pierre le Grand, août 1835 ; Eugène Onéghine, roman en vers d’Alexandre Pouchkine, (Im. du russe par Mad. S. Conrad.), avril 1837,

Iakov Tolstoï

Iakov Tolstoï cherche à nouer des contacts avec la Revue du Nord un an avant la disparition de celle-ci. Il l’évoque dans ses rapports aux responsables de la Troisième section de la Chancellerie intime de Sa Majesté :

...j’annonçai à Son Excellence que les rédacteurs de la Revue du Nord m’ont fait des propositions pour travailler à leur Journal313.

Les rédacteurs de la Revue du Nord viennent de me faire des propositions pour travailler à leur Journal. Ce recueil est mensuel ; il a promis de s’abstenir de politique, mais il est si difficile de tenir parole, quand il s’agit d’une question qui embrasse tout, qui s’ingère partout et envahit la science même. Quoi qu’il en soit, sans prendre aucun engagement positif, j’ai consenti à devenir collaborateur de ce Journal et à leur fournir des articles statistiques, historiques et littéraire sur la Russie. Cette participation pourrait être utile par la publicité que je pourrai donner aux réformes salutaires et aux grandes vues de notre Gouvernement ; il me sera possible de réfuter a priori, si j’ose me servir de ce terme, les calomnies que l’on forgera contre la Russie à la fabrique polonaise. Les rédacteurs de ce Journal sont en même temps collaborateurs d’autres Journaux Quotidiens et politiques, et je ne serais pas fâché de me mettre en relation avec eux afin de pouvoir de temps en temps par leur ministère me frayer un accès auprès des feuilles politiques. Mais ce Journal se traîne lentement dans l’ornière de la presse ; on lui reproche d’être trop excentrique ; il a peu d’abonnés, n’est pas riche ; néanmoins, il est assez recherché par les hommes studieux et éclairés qui ne s’adonnent pas exclusivement à la politique314.

Par la lettre du 9 février 1838, sans doute d’Adam Sagtynski, la Troisième section approuve cette prise de contact :

Je vous recommande de persister dans le zèle éclairé et la circonspection dont vous avez fait preuve jusqu’à présent. Il [Benckendorff] désire surtout que vous avanciez dans vos travaux sans vous précipiter afin de ne rien compromettre. Il [Benckendorff] vous autorise à accepter la proposition des rédacteurs de la revue du Nord, ainsi que toute autre proposition de ce genre qui pourrait vous être faite par la suite de la part des rédacteurs des autres journaux marquants. M. le Comte Benckendorff est d’avis que plus vous étendrez

pp. 20-26 ; L’Icare russe. (Mœurs russes, sous Pierre-le-Grand) traduit par Sophie Conrad, juillet 1837, pp. 219-266.

311

« L’inconnu. Article pour mon hôte. Par Baron Brambeus, pseudonyme. (Traduit du Russe, par Mme Sophie