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Revue de la littérature des méthodes proposées pour la microélectronique

PARTIE I : LOGIQUE DE L’ECO-CONCEPTION DANS LE SECTEUR MICROELECTRONIQUE

Chapitre 5 : Enoncé de la problématique et question de recherche

1. Eco-conception d’un produit microélectronique : limites des méthodes et outils existants pour le

1.4 Revue de la littérature des méthodes proposées pour la microélectronique

Dans la littérature, on trouve plusieurs méthodologies d’éco-conception dédiées à l’industrie microélectronique ou illustrées par une étude de cas de cette industrie. Nous en avons identifié

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quatre, bien qu’ils en existent d’autres, permettant de résumer les travaux relatifs à l’utilisation de critères environnementaux dans la conception de produits microélectroniques. Pour [Griese’04], [Tang’06] et [Somani’06], ces méthodologies ont pour cadre le développement de nouvelles technologies sur des cas d’études académiques, tandis qu’on retrouve une méthode déployée par Intel, leader du marché des semi-conducteurs, lors de changement de filières technologiques [Harland’07]. Ces différentes méthodologies proposent des approches d’éco-conception pour des produits ou procédés de l’industrie microélectroniques, plus ou moins innovantes.

[Griese’04] propose une méthode sur la base de l’optimisation des procédés de fabrication. La méthode d’éco-conception proposée nécessite une collaboration entre les ingénieurs R&D et les spécialistes en éco-conception, ainsi qu’un partenariat direct avec des industries. L’étude de cas est conduite sur la technique de « solder paste stencil printing » pour le bumping de la plaquette, réalisé selon un processus de cinq étapes élémentaires. Il existe plusieurs autres techniques, celle-ci étant en développement à l’heure de la publication. L’analyse, combinée ente les aspects environnementaux et économiques, comporte trois étapes.

1. Détermination des paramètres-clé qui influencent les performances environnementales et économiques d’une technologie ;

Les coûts financiers de l’entreprise sont prédits pour la mise en production d’une ligne utilisant la technique de ‘stencil printing’. Les impacts environnementaux n’ont pas été évalués par le biais d’une ACV car cela aurait été difficilement applicable, selon l’auteur, du fait de la complexité du cycle de vie des produits électroniques et de la méconnaissance des applications ultérieures. Cependant, l’ensemble du cycle de vie est bien considéré grâce à une analyse de flux énergétiques et la toxicité des produits dangereux est mesurée avec l’outil ProTox [Schischke’02]. ProTox renvoie un indicateur unique, le Toxic Potential Indicator (TPI), mesurant la toxicité des flux massiques entrants. Les points faibles sont donc identifiés avec ces deux méthodes sur une ligne pilote.

2. Définition de scenarii de production ;

Pendant la phase de développement, il s’agit d’ores et déjà, de prédire l’intégration de la technique dans un contexte industriel. Les modèles d’intégration sont réalisés en partenariat avec des entreprises selon leur propre plan de production.

3. Comparaison aux technologies existantes et réévaluation des objectifs ;

Un benchmark permet d’identifier les performances des techniques déjà existantes et donc de se comparer afin d’être compétitifs. Sont alors fixés des objectifs, à la fois financiers et environnementaux, qui conduiront le développement pendant la conception détaillée.

La méthodologie proposée par [Griese’04] est assez classique et cohérente pour être intégrée dans un milieu industriel. L’intêret de cette méthodologie est d’avoir défini une alternative à l’ACV pour la mesure des impacts environnementaux.

[Somani’06] décrit une méthodologie d’éco-conception en six étapes pour des technologies semi-conductrices en développement, dont les performances d’une génération à l’autre sont comparées dans l’espace (performance, coût, environnement). Les analyses environnementales sont

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réalisées grâce à des ACV, dont la mise en place est simplifiée par le développement de modèles paramétriques sur les unités de procédés et la mise à disposition d‘une base de données d’ICV.

1. Identification de la technologie à évaluer ; le cas d’étude est un circuit intégré en trois dimensions.

2. Réalisation d’un état de l’art des alternatives; le circuit-3D est comparé au circuit traditionnel 2D, dont les performances sont connues et évaluées.

3. Définition d’une unité fonctionnelle, «un dispositif logique SRAM DRAM » ; cela permet la comparaison des deux technologies.

4. Conception de la route de fabrication du nouveau circuit-3D prototype pour l’unité fonctionnelle choisie.

5. Comparaison des impacts environnementaux et identification des axes d’amélioration, en termes de performances techniques et environnementales.

6. Amélioration sur les points critiques. Trois options de « handle wafer », identifié comme une étape critique, sont évaluées (couts, performances et impacts environnementaux).

La méthodologie proposée ici rajoute la composante de l’unité fonctionnelle par rapport à celle de [Griese’04]: elle s’attache à définir la fonctionnalité d’un produit et non plus seulement la fabrication d’une plaquette de silicium. L’analyse environnementale est cette fois-ci à base d’ACV : les impacts sont calculés à partir du principe d’ACV-simplifiée en utilisant des modèles paramétriques, comme ceux définis par [Murphy’03-a]. Le calcul est donc réalisé en utilisant des résultats d’ICV stockés dans une base de données. Une fois réalisée l’évaluation des impacts ramenée à l’unité de production adaptée, le processus de réduction des impacts environnementaux qui suit est classique.

La mise en pratique d’une telle analyse environnementale dans une entreprise, et donc sa généralisation à grande ampleur dans une usine ainsi que sa systématisation dans les phases de conception, est liée à la forte contrainte de récoltes de données et mérite une analyse de faisabilité.

[Tang’06] propose une méthodologie d’optimisation multiparamétrique (coût, environnement, fiabilité), illustrée par la re-conception d’une étape de ‘flip chip’. Les modèles de fiabilité sont basés sur des modèles constitués à partir de méthodes des éléments finis (FEA) ; l’évaluation environnementale utilise le TPI. Après avoir estimé ces trois aspects indépendamment, la méthodologie propose de les confronter en formalisant le problème de conception. Les contraintes sont formulées en un seul problème à partir de paramètres-clé identifiés comme critiques. Les valeurs optimales de deux paramètres, le choix de la résine underfill et la hauteur des billes, sont alors calculées en utilisant le logiciel VisualDOC29.

Tang et al. montrent avec cet exemple qu’un problème d’éco-conception peut être formulé comme n’importe quel autre problème de conception et que la solution optimale est identifiable avec des méthodes de résolution classiques. Le critère environnemental, s’il est correctement évalué, peut être intégré au même titre que le coût ou la fiabilité.

Lors du passage des technologies semi-conductrices en 130 nm sur des plaquettes 8 pouces à du 90 nm sur des plaquettes 12 pouces, Intel a mis en place un système de management environnemental complet en intégrant les principes de ‘Design for Environment‘. [Harland’07] décrit

les différentes approches choisies et les moyens mis en place pour pérenniser les pratiques. Le changement de nœud technologique a été lié à deux changements majeurs distincts : le renouvellement du parc des équipements et la construction d’une nouvelle usine et de ses infrastructures.

La première étape a été de proposer un schéma directeur pour les aspects environnementaux qui donnent des objectifs communs sur les performances environnementales à atteindre pour la technologie en développement. Ces objectifs concernaient à la fois la mise en conformité avec les réglementations et également des choix stratégiques de l’entreprise (comme la limitation de l’utilisation de PFC en production) liés au contexte mondial et à la considération des propriétés environnementales locales du site.

Le système présenté est complet car tous les acteurs du développement d’une nouvelle technologie sont impliqués : les équipementiers, les ‘architectes’ des infrastructures des nouvelles usines, les ingénieurs qui sélectionnent les équipements et qui mettent au point les recettes de fabrication. L’ensemble est coordonné par les ingénieurs EHS. Les acteurs principaux sont les ingénieurs-procédé : ceux qui optimisent les procédés d’un point de vue technique et économique, développent l’expertise pour l’optimisation environnementale.

La mesure des impacts est réalisée sur plusieurs aspects environnementaux. Des méthodes analytiques ont été développées pour prédire les impacts environnementaux sur les recettes élémentaires et les équipements et identifier les sources de pollution ou encore comparer les sites entre eux. Elles sont basées sur des systèmes de rapports trimestriels, où les données du site sont normalisées par unité de production (par exemple kilogrammes de COV par plaquette).

Cette mesure a pour but de limiter les impacts environnementaux lors du transfert en analysant notamment les tendances relatives par rapport aux anciennes technologies pour identifier les axes d’amélioration. Outre les mesures d’impacts, des informations qualitatives sont également données aux ingénieurs : une hiérarchie de prévention des pollutions (remplacer les produits dangereux, réduire la consommation de produits dangereux, réutiliser, recycler, abattre). Une communication est faite aux ingénieurs, pendant les phases de conception, sur des objectifs mesurables afin de les inciter à choisir la meilleure option, qui ne nécessite pas d’abattage de pollutions. Les conclusions sont rendues aux ingénieurs en vue de l’amélioration continue et la pérennisation des pratiques.

La méthodologie proposée appliquée dans l’entreprise leader du marché présente une différence notable par rapport aux méthodes universitaires : le rôle et responsabilités des acteurs sont clairement identifiés et la méthode est systématisée à l’échelle de l’entreprise. Harland et al. décrivent un système de management environnemental où les acteurs sont les ingénieurs de conception. L’étude de cas est illustré par un changement de filière technologique : la marge de manœuvre des concepteurs est alors la plus importante. On retrouve ici une vision de développement durable d’une entreprise. Toutefois, les méthodes d’analyse environnementale décrites ne permettent pas de définir l’impact environnemental d’un produit sur tout son cycle de vie puisque le cadre est limité à la zone de fabrication.