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Les raisons de l’engagement d’une entreprise

PARTIE I : LOGIQUE DE L’ECO-CONCEPTION DANS LE SECTEUR MICROELECTRONIQUE

Chapitre 3 : Quels enjeux pour un fabricant de composants ?

3. Les raisons de l’engagement d’une entreprise

Avec l’avènement des politiques-intégrées-produit sur les biens de grande consommation, le besoin de certifier des produits intermédiaires, c'est-à-dire qui ne sont pas directement destinés au consommateur final, devient plus important. Ce phénomène est dû à une pression législative accrue mais aussi des demandes de certains clients. Dans cette partie, nous allons voir quelles sont les spécificités du secteur qui expliquent l’engagement croissant des entreprises microélectroniques dans un programme de management de l’éco-conception et ce qui les y poussent aujourd’hui. Nous avons relevé les différents avantages prônés par les entreprises, tous secteurs confondus puis, si

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besoin, nous amenons de remarques spécifiques au secteur microélectronique. Les sources utilisées sont principalement les sites internet, les rapports annuels et les journaux généralistes sur l’actualité des entreprises (Expansion, Usine Nouvelle).

3.1 Evolution des règlementations : mise en conformité et anticipation

Les exigences relatives aux questions environnementales se sont renforcées depuis 2000 à travers le monde. Des textes législatifs relatifs aux produits verts sont apparus. La Figure 9 montre que les textes concernant les aspects environnementaux des produits se sont multipliés. La plupart des gouvernements ont introduit des règlements et co-régulations incitant les entreprises à prendre des mesures pour devenir plus durables et à mettre en œuvre les principes de responsabilité étendue du producteur : le Tableau 5 donne un aperçu des réglementations en vigueur dans certains pays. Ces textes de lois sont prompts à inciter les entreprises à s’engager sur l’aspect environnemental de leurs activités.

Figure 9 : Evolution des législations environnementales dans le monde de 2000 à 2009

Tableau 5 : Exemples de législations relatives au Life Cycle Thinking

Région Loi/ Directive/ Réglementation Produits concernés

Japon Law for the Life Cycle Economy

Law for the Promotion of Utilization of Recyclable Resources Law for the Recycling of Specified Kinds of Home Appliances

Appareils ménagers Equipements électriques et électroniques

Chine Circular Economy Promotion Law Cleaner Production Promotion Law

Equipements électriques et électroniques

Australie National Packaging Covenant and proposals for similar co-regulatory schemes for TVs and Computers

Télévisions, Ordinateurs

Etats-Unis

California RoHS Law Equipements électriques et

électroniques Japon Ministry of Economy, Trade and Industry. Law for promotion of

effective utilization of resources, octobre 2001

http://www.meti.go.jp/english/information/data/cReEffecte.html

Lampes fluorescentes,

Europe Directive relative à la limitation de substances dangereuses dans les équipements électriques et électroniques (RoHS)

Directive relative aux déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE)

Directive relative aux véhicules hors d'usage (VHU)

Registration Evaluation Authorization of Chemicals (2006) (REACH) Directive pour l’éco-conception des produits liés à l’énergie (ErP)

Véhicules

Produit utilisant de l’énergie Equipements électriques et électroniques

Tous ces textes tendent au même objectif qui est la mise en place d’une économie circulaire. L’intégration de l’environnement aux valeurs de l’entreprise est donc un moyen de répondre aux législations et de les anticiper. Un système de gestion orienté-produit permet aux entreprises de limiter les risques liés à la chaîne d’approvisionnement, par exemple l’achat puis l’incorporation de substances bannies du fait d’une mauvaise traçabilité.

Le secteur microélectronique est concerné principalement par trois textes européens intégrant le « life cycle thinking » [Szendiuch’07]:

Directive RoHS : pour un fabricant de produits microélectroniques, elle se matérialise par des obligations de retirer certaines substances et de respecter des seuils sur la contenance en d’autres substances.

Règlement REACh : ce règlement vise à supprimer progressivement dans l'Union Européenne les substances les plus dangereuses. La charge de la preuve de l'innocuité des agents chimiques utilisés est inversée puisque c'est à l'industriel de le faire avant la mise sur le marché, par des études sur les risques sur la santé humaine et sur l'environnement.

Directive EuP élargie pour devenir ErP: à la suite d’une décision datant de Juillet 2005, l'Union Européenne a lancé une consultation avec des réglementations autour des problématiques d'éco-conception couvrant presque tous les produits consommateurs d'énergie disponibles sur le marché, groupés en 20 catégories : ordinateurs de bureau, portables, écrans d'ordinateurs, etc. La plupart des clients d’une entreprise microélectronique sont potentiellement concernés par ErP.

Outres les aspects environnementaux, la responsabilité des fabricants de composants microélectroniques vis-à-vis de principes du développement durable est étendue à des aspects éthiques. Depuis 2010, une section de la loi américaine Dodd Frank24oblige les entreprises américaines à être transparentes quant à l’origine de leurs métaux. L'industrie électronique doit faire face à un problème grandissant dû à l'usage des ‘conflicts metals’. L'exploitation de certains métaux est associée à de graves violations des droits de l'homme dans les zones de conflit de République Démocratique du Congo et de ses pays limitrophes. Pour répondre à cette obligation, l’industrie microélectronique a dû mettre en œuvre rapidement des systèmes de traçabilité robustes sur la provenance de ses métaux afin de limiter les risques d’approvisionnement non-éthique.

Par l’application de ces directives, les responsabilités des fabricants et distributeurs sont étendues à l’ensemble du cycle de vie du produit. La tendance mondiale du durcissement des réglementations et de l’introduction de réglementation incluant du « Life Cycle Thinking » joue un rôle critique dans le développement de système de gestion de l’environnement dans tous les secteurs d’activités. La mise en conformité est l’un des moteurs puisque l’éco-conception est utilisée comme outil pour répondre à une exigence et non à une option.

Outre l’arrivée de défis en conception pour qu’un produit soit mis en conformité, la difficulté est également de jongler avec le contexte législatif mondial assez hétérogène. La communication des entreprises microélectroniques invoque aujourd’hui la règlementation comme un stimulus

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contrairement à certains arguments présentant les mesures de protection de l'environnement comme un fardeau financier qui affaiblirait leur compétitivité sur les marchés internationaux.

3.2 Réaliser des bénéfices économiques et financiers

L'éco-conception n'est pas seulement un argument en faveur de marketing: elle peut conduire à de réelles réductions de coûts, car elle est considérée par les entreprises comme un processus d'optimisation continu. L’éco-conception est un nouvel outil pour l’entreprise utile pour maîtriser ses coûts et réaliser des gains financiers. En effet, elle devient un moyen d’optimiser la production en consommant moins de matières (flux de matières et d’énergie), en utilisant des procédés plus performants ou encore en maîtrisant des coûts additionnels liés au traitement des déchets et émissions. De plus, un système efficace de veille règlementaire permet de réduire des coûts supplémentaires liés à une mise en conformité pressante ou à des amendes de non-conformité. Dans une étude franco-québécoise sur l’exemple de 30 entreprises, [Plouffe’11] montre que l’éco-conception est un facteur de rentabilité et de compétitivité. 80% des entreprises engagées dans ces démarches ont des marges égales ou supérieures à celles d’un produit conçu de façon traditionnelle.

[Albertini’11] considère que les leviers, qui motivent l’engagement d’une entreprise, peuvent être réuni dans un seul, l’aspect économique. Les motivations des entreprises à s’engager dans une démarche environnementale seraient essentiellement économiques dans la mesure où elles cherchent, soit à éviter les pénalités et les sanctions financières en se conformant aux règlements, soit à « maintenir leur légitimité auprès de leur parties prenantes pourvoyeuses de ressources », comme les clients et les actionnaires, ou encore à tirer profit des contraintes imposées par les parties prenantes en cherchant à obtenir un avantage concurrentiel et l’acquisition d’un savoir-faire.

3.3 Développer un avantage compétitif

Tandis que le critère environnemental fait de plus en plus partie de l’acte d’achat, la mise sur le marché d’un produit éco-conçu est un argument concurrentiel. L’intégration de contraintes environnementales en conception amène une différenciation positive et permet une communication avantageuse sur le produit. En effet, une conception intégrant les exigences environnementales est novatrice et fait gagner des parts de marché, à condition d’être pionniers du secteur. [Judge’98] écrit que l’avantage compétitif repose sur la capacité de l’entreprise à combiner l’ensemble des ressources, humaines, financières et matérielles, en utilisant les savoirs et « savoir-faire » dans le cadre d’une stratégie engagée.

La mise en œuvre d’un système de gestion de l’éco-conception dans une entreprise doit être effectuée de manière pérenne pour prouver la légitimité de ses engagements : l’entreprise informe ses clients qui lancent les produits électroniques en certifiant les produits intermédiaires. Les actionnaires et autres parties prenantes sont demandeurs d’informations sur l'environnement et de données précises et factuelles. Une entreprise regarde la politique environnementale de ses fournisseurs et recherchent des résultats significatifs.

Ainsi, le produit éco-conçu peut donner lieu à l’ouverture de nouveaux marchés ou au moins répondre aux attentes naissantes du marché. De plus, la communication sur les performances environnementales du produit et la mise en avant de pratiques d'éco-conception prouvent que

l’entreprise est engagée dans une politique pérenne en faveur du développement durable. Cette valorisation possible des produits éco-conçus incitent les industriels à s'engager dans une démarche d'éco-conception. Une entreprise développe un avantage compétitif par le biais de l’innovation, en ajoutant de la valeur au produit.

Il existe deux types de demandes des clients relatives à des produits éco-conçus :

les demandes exprimées par les clients finaux pour des produits «verts». L’entreprise a comme stratégie d’emporter de nouvelles parts de marché ;

les demandes exprimées par des donneurs d’ordre. Il s’agit alors de respecter un cahier des charges client. Le cahier des charges oblige les concepteurs à imaginer des solutions plus respectueuses de l’environnement (baisse de la consommation électrique par exemple).

Aujourd’hui, dans le cas d’un produit microélectronique, les demandes des clients finaux ne concernent pas directement l’amélioration des performances environnementales. Cependant, les questions relatives à l’impact généré par les produits sont en augmentation croissante, montrant l’intérêt nouveau des entreprises vis-à-vis de ces problématiques. Les entreprises vérifient également la maturité des processus d’éco-conception mis en place par ses fournisseurs. Cette vérification est notamment réalisée par le biais des agences de notation extra-financière.

On remarque que pour les entreprises dont le cœur de métier est l’électronique et non pas le semi-conducteur (Samsung, Hitachi…), les politiques environnementales sont initiées sur les autres produits puis l’activité semi-conducteur bénéficie de l’image de marque et des actions précédentes sur les produits grand public.