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Cahier des charges pour une méthode de caractérisation des technologies de

PARTIE II : PROFIL ENVIRONNEMENTAL DU PRODUIT MICROELECTRONIQUE

Chapitre 8 : Méthode de caractérisation environnementale pour la microélectronique 110

3. Caractérisation environnementale de la phase de fabrication d’un composant

3.1 Cahier des charges pour une méthode de caractérisation des technologies de

fabrication

L'analyse environnementale réalisée à l’aide d’une ACV quantifie les impacts générés par un produit et désigne les principales contributions à des impacts ou des flux. Pour cette étape, nous suggérons la démarche suivante:

1. Utiliser la méthode dans le chapitre 6 pour l’inventaire du cycle de vie ;

2. Localiser les impacts en fonction des spécificités du site de fabrication si possible ; 3. Modéliser l’inventaire dans un logiciel d’ACV spécialisé (GaBi, SimaPro, TEAM) ;

4. Restreindre le nombre d’indicateurs et sélectionner les méthodes de caractérisation telles que décrites dans les sections précédentes.

A ce stade, les impacts environnementaux générés par la fabrication d’un produit ont été déterminés. L'analyse des résultats de l'ACV permet de qualifier et de quantifier les impacts générés par le produit microélectronique mais pour comparer des technologies de fabrication sur des critères environnementaux, le problème qui se pose est de mettre au point une méthode de

caractérisation adaptée et robuste. Uniquement à partir des scores de caractérisation, il est difficile de décider quel produit est respectueux de l'environnement et quel impact est particulièrement important. La méthode doit fournir un moyen de calculer les impacts de la fabrication d’une puce dans son ensemble (ou à des niveaux d’abstraction inférieurs : ensemble d’opérations comme les blocs) et de définir les principales sources de pollution. L'objectif est de déterminer les impacts de la fabrication d’un produit et la manière de les réduire.

Les attentes d’un fabricant de produits microélectroniques vis-à-vis d’une méthode de caractérisation intégrant des étapes de normalisation, regroupement et pondération sont :

de disposer d’un système de notation pour évaluer les performances des technologies ;

de trouver aisément les points faibles des technologies parmi les nombreux sous-systèmes ;

de disposer d’un outil pour comparer les performances des sites de fabrication.

Normalisation : prérequis

La normalisation doit être stable à la fois géographiquement et temporellement afin de permettre de comparer des produits indifféremment fabriqués sur plusieurs sites de production et d’étudier les bénéfices/pertes environnementaux d’une génération à l’autre et ce pour l’ensemble des produits de l’entreprise ou du secteur d’activités. Dans les méthodes comme IMPACT2002+ ou EcoIndicator 99 [Goedkoop’00], les catégories de dommages (et non pas les catégories d'impact) sont normalisées au niveau européen. Ces méthodes utilisent un équivalent habitant, qui est la mesure des effets sur l'environnement qu'un habitant moyen européen cause en un an, sur une année de référence. Les effets sont comparés à l'échelle de cet équivalent-habitant. L'unité correspondante est appelée « Eco-point ». L’utilisation de cette unité, disponible dans les outils d’ACV, n'est pas appropriée pour le secteur de la microélectronique pour deux raisons :

Alors que le choix d’une zone de référence comme l’Europe entraine naturellement des distorsions dans l’évaluation des impacts, l’implantation multinationale des usines de production exclut le choix d’une zone précise pour la comptabilisation des impacts. C’est d’autant plus vrai que cette industrie utilise des produits chimiques très spécifiques fabriqués seulement dans quelques usines dans le monde ; l’approvisionnement d’un fabricant est irrémédiablement international.

Du fait de ses nombreuses spécificités et en particulier du fait des techniques de fabrication extrêmement consommatrices de ressources (électricité, eau, produit chimiques), l’industrie microélectronique a des impacts environnementaux, certes importants, mais qui lui sont propres et font partie de son « ADN ». On peut citer l’utilisation du silicium, de l’eau et des produits chimiques ultra-purs, les PFC pour la gravure de l’oxyde de silicium. Ces consommations et leurs impacts associés sont particuliers à la microélectronique et ne seront pas supprimés à moins de changement de trajectoire complet (semi-conducteur sur substrat organique), ce qui est peu probant.

Les jeux de normalisation des méthodes traditionnelles mettent en avant systématiquement les mêmes effets quelle que soit la technologie de boitier ou de puce et même au niveau du composant et ce de façon écrasante. Par exemple, la normalisation de CML souligne les catégories d’impacts « Abiotic depletion » et « Marine Eco-toxicity » qui représentent environ 80% de l’impact total normalisé tandis que Eco-Indicator c’est « Minerals » et « Climate Change » et « Respiratory

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Inorganics » (95% des effets normalisés). Les même effets sont surlignés systématiquement ce qui ne permet ni d’accéder à des informations plus microscopiques ni de discriminer les impacts de deux technologies différentes.

La normalisation n’a pas pour but de stigmatiser les activités d’un fabricant de composants microélectroniques mais plutôt de l’aider à maitriser ses impacts dans la mesure du possible en mettant l’accent sur les effets « anormaux » ou « disproportionnés » en regard de ce secteur d’activité, de ses produits et des pratiques courantes sur un marché compétitif .

Bien sûr, il ne s’agit pas de dédramatiser les impacts réels de l’industrie et de renseigner les parties prenantes sur l’ampleur des effets de cette industrie et des milliards de composants mis sur le marché chaque année. Une information normalisée à l’échelle européenne ou mondiale permettrait de montrer les effets prépondérants de cette industrie et de mettre en avant ses responsabilités vis-à-vis de la société et de l’environnement. Toutefois, cette information n’est pas directement utilisable par les concepteurs qui ne sont pas à même de bouleverser les trajectoires technologiques et les usages associés (cf. chapitre 3).

Note unique : quelles contraintes ?

Le principe de la note unique est apprécié des concepteurs, car il facilite la manipulation des résultats environnementaux. Pour les concepteurs, cela en fait notamment un outil d’aide à la conception, car, mis sous forme de bases de données, les « éco-indicateurs » constituent une aide facile d’utilisation pour le choix de solutions.

Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que ce principe de la note unique, destiné à faciliter l’approche de conception par les industriels, va à l’encontre des principes mêmes de l’éco-conception, notamment le principe de l’approche multicritère, et que le fait d’agréger un ensemble de résultats, d’une part fait perdre une partie des informations, et d’autre part représente une interprétation de l’information, ce qui pose la question de la pertinence « scientifique », donc de l’exploitabilité des résultats obtenus avec cet outil. L'interprétation des résultats d’ACV doit être extrêmement précise ce qui exige souvent l'expertise d'un spécialiste.

Résumé

Une normalisation adaptée responsabilise les concepteurs afin de tendre à réduire des impacts disproportionnés par rapport à ce qui se fait en termes de composants (concurrence, techniques en développement). L’intérêt d’une méthode de normalisation est de montrer quelles sont les technologies particulièrement polluantes par rapport à d’autres technologies et qui pourraient tendre à être améliorées en considérant un référentiel significatif ou en fixant un objectif probant. Sur le même principe, si l’on cherche à réduire l’empreinte environnementale, le moyen le plus efficace est de réduire un impact qui est trop important pour un produit microélectronique.

Pour être un support utile pendant la conception, les indications données par l’ACV doivent être pertinentes et compatibles avec le schéma de processus de décision interne et les besoins des ingénieurs. Ces différents éléments ont été pris en compte pour la mise au point d’une méthode de caractérisation et notamment pour la détermination des jeux de facteurs de normalisation et de pondération. Le résultat est un système d’évaluation pour évaluer et comparer les performances des technologies de fabrication.

3.2 Méthode de caractérisation dans le cas de l’entreprise STMicroelectronics

Cette section propose une méthode spécifique pour normaliser et pondérer les performances environnementales de la fabrication d’un composant à partir des scores de caractérisation. Certains résultats seront exprimés sous la forme d’un score unique : c’est un résultat combinant les différents aspects environnementaux significatifs du sous-ensemble ou de la phase du cycle de vie.

Présentation des indicateurs de suivi pour la gestion environnementale des sites

Pour répondre à la demande des fonctions dirigeantes d’avoir une cohérence avec la stratégie environnementale déjà mise en place, nous proposons une méthode de normalisation et de pondération adaptée au système de management interne de l’entreprise.

Les performances environnementale des sites de STMicroelectronics sont gérées et comparées entre elles grâce à un système appelé « Eco-Footprint », basé sur plusieurs indicateurs (Tableau 34).

Tableau 34 : Indicateurs figurant dans l'EcoFootprint

Catégories d’impact Ci Unité

Consommation d’électricité kWh/WO

Consommation d’eau m3/WO

Consommation de produits chimiques kg/WO

Réchauffement climatique kg CO2/WO

Déchet (recyclé/réutilisé) %

Utilisation de matériel kg/WO

COV g/WO

Acidification de l’air g SO2/WO

Eutrophisation g (P+N)/WO

Métaux lourds* g/WO

Produits Fluorés** g/WO

*Spécifique à l’assemblage du boitier / **Spécifique à la fabrication de la puce

L’Eco-Footprint se calcule de la manière suivante :

!"

/

Avec Eco-footprint(X) : performance environnementale d’un site X

SCi(X) : scores de caractérisation du site X

NCi : facteur de normalisation pour la catégorie Ci PCi : facteur de pondération pour la catégorie Ci

Les « standards », autrement dit des scores de référence internes, ont été établis pour fixer les valeurs des facteurs de normalisation et de pondération37. Les valeurs collectées sur les sites sont comparées aux standards de l’entreprise : on obtient une note autour de 1 pour chaque indicateur. Ces notes sont alors présentées sous la forme d’un diagramme-radar (Figure 27). Un ratio supérieur à 1 signifie que les performances du site sur cet aspect sont largement en dessous de ce qui est

37

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attendu par l’entreprise et que des investissements devraient être faits pour l’améliorer : unités de traitement des COV, système de réutilisation de l’eau, etc. Le système de gestion de l’environnement est géré sur ce concept.

Figure 27 : Présentation de l'EcoFootprint d'un site

Suggestion d’un jeu de facteurs de normalisation

Pour définir si l'effet environnemental généré par la fabrication est important, une référence doit être imposée. La définition de facteurs en fonction d’un scenario de référence est réductrice. Il existe de nombreuses technologies supportant la fabrication de circuits dont les fonctions ne sont pas comparables : la désignation d’une technologie de référence n’est pas envisageable car ne permet pas de gérer la diversité des circuits. Par ailleurs, la normalisation par la fonctionnalité d’un produit est également complexe : s’il existe des unités comme le DMIPS38 permettant d’évaluer les performances d’un circuit digital en mesurant le nombre d'instructions exécutées par seconde, il est difficile de comparer les fonctionnalités de circuits intégrant des parties analogiques.

Nous suggérons donc que les scores de caractérisation soient normalisés par rapport à des seuils d’acceptabilité. Le seuil d'acceptabilité de chaque catégorie est fixé par le donneur d’ordre, les fonctions dirigeantes et stratégiques de l’entreprise.

Le jeu de facteurs de normalisation proposé correspond à la somme des émissions générées par l’entreprise par unité de production sur une année de référence. En pratique, l’ensemble des flux entrants et sortants sur l’année 2010, année sans évènement marquant de production39, est inventorié pour les usines front-end et back-end. Les impacts associés sont calculés par une ACV puis ramenés à une unité de production : l’empreinte moyenne de l’entreprise en 2010 est ainsi calculée.

Pour la la puce, l’unité de production est la plaquette équivalente, une plaquette à 20 niveaux de masques et de diamètre 8 pouces. Les scores normalisés pour une puce sont calculés comme suit :

Pour i allant de 1 à 7, où i représente un indicateur d’impact présélectionnés

/ /20 /8

38

(D)MPIS signifie (Drysthone) millions of instructions per second.

39

Avec NCi(P) : score normalisé d’une puce P pour la catégorie d’impact Ci

SCi (P) : score de caractérisation d’une puce P pour la catégorie d’impact Ci

NCi : facteur de normalisation pour la catégoried’impact Ci n : nombre de masque de la puce P

D : diamètre en pouces de la plaquette supportant la puce

Pour l’assemblage du boitier, l’unité de production est le boitier, qui comprend un nombre de pins40 précis. Les scores normalisés pour un boitier B quelconque sont calculés comme suit :

Pour i allant de 1 à 7, où i représente indicateur d’impact présélectionnés

= /

Avec NCi (B) : score normalisé d’un boitier B pour la catégorie d’impact Ci SCi(B) : score de caractérisation du boitier B pour la catégorie d’impact Ci

NCi : facteur de pondération pour la catégoried’impact Ci p : nombre de pins du boitier B

Puisque les impacts de la fabrication d’un produit sont normalisés par rapport à un impact moyen de l’entreprise en 2010, les concepteurs chercheront à réduire les impacts environnementaux de la fabrication d’une technologie ou d’un boitier qui sont trop importants par rapport à ce qui se fait en moyenne dans l’entreprise pour une unité de production « moyenne ». Il s’agit de donner comme objectif commun aux concepteurs de l’entreprise, la diminution homogène de l’ensemble des impacts générés par les activités de l’entreprise. L’empreinte environnementale globale vise ainsi à diminuer. L’entreprise dans son système de gestion de l’environnement a pour objectif de réduire chaque année les impacts de 5% par catégorie, par unité de production.

L’impact moyen par unité de production est recalculé régulièrement afin de constater les progrès réalisés macroscopiquement sur l’ensemble de l’entreprise et les facteurs de normalisation sont réactualisés tous les cinq ans dans la méthode afin de prendre en compte le renouvellement technologique.

Comme on l’a vu précédemment, la définition de valeurs de référence en fonction de données d’objectifs environnementaux a la particularité d’être dépendante du système considéré. Nous assumons ce choix dans le cas spécifique de l’évaluation environnementale d’un composant microélectronique et d’autant plus qu’il est lié à la stratégie environnementale de STMicroelectronics.

40

L’unité « pin » est communément utilisée sur les sites. Un pin correspond à une connexion électrique du boitier : c’est une bille ou une patte selon la technologie. Cette unité inclut la complexité du boitier : chaque fois qu’une connexion électrique est rajoutée sur le boiter, les consommations de produits chimiques, d’électricité et de métaux augmentent.

123 Chapitre 8 : Caractérisation environnementale d’un composant microélectronique

La Figure 28 montre la contribution des catégories d’impact, selon plusieurs méthodes existantes de référence et selon la méthode utilisant des facteurs de normalisation par unité de production, sur l’année 2010 de référence. Les scores normalisés sont ceux d’une technologie à mémoire non volatile, fabriquée sur le site de Rousset. La méthode de normalisation par unité de production a l’avantage de mettre en avant toutes les catégories d’impact par rapport à toutes les autres méthodes soulignant de façon prépondérante un indicateur. Par ailleurs, la Figure 29 montre les résultats de la normalisation pour trois technologies radicalement différentes fabriquées dans trois sites de production différents. Les résultats sont représentés par unité de surface et par niveau de masque afin de les comparer sur une même échelle. Les résultats normalisés mettent en avant des aspects différents du fait des spécificités des techniques de fabrication.

Figure 28 : Comparaison des scores normalisés par différentes méthodes pour la puce (seuil à 5%)

Figure 29 : Normalisation de plusieurs technologies de puces – Résultats par unité de surface et par masque

Suggestion d’utilisation du score unique dans le cadre de la mise en place d’un système de management environnemental orienté-produit

En s’inspirant du système existant de calcul de l’indicateur de suivi des performances environnementales des sites, une méthode de pondération est proposée pour le suivi des performances des technologies de fabrication (plaquette pour la puce et boitier). Il a été défini à partir des facteurs de pondération existants dans l’entreprise. Pour des raisons de confidentialité

L'agrégation des résultats de l'ACV sous la forme d'un score unique est une solution qui permet de qualifier facilement les performances de la fabrication d’un produit. Une telle approche

augmente les chances que les résultats d’ACV soient jugés utiles par les fonctions dirigeantes. Ainsi, les scores normalisés puis pondérés sont agrégés en un score unique, sans unité.

Le score unique est utilisé pour la communication et pour comparer macroscopiquement les technologies de fabrication les unes aux autres. Pour la performance relative des technologies, un système de classification a été créé, avec trois classes (A, B et C) comme décrit dans la Figure 30 Les 25% meilleures (respectivement pires) sont identifiées comme la classe A (respectivement classe C).

Un enjeu alternatif consiste à suivre un système pyramidal et monter dans la pyramide. On fait un renouvellement tous les 5 ans avec une revalorisation de deux seuils haut et bas de façon à ce que les nouveaux seuils délimitent les deux parties supérieures et inférieures. Progressivement, la moyenne des performances des technologies tend à s’améliorer: ce système permet de mesurer et d'encourager les processus d'amélioration continue et de contrôler l'amélioration macroscopique des générations de technologies consécutives.

Figure 30 : Système de classification pyramidal