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Chapitre I : Contexte et enjeux de l’étude

III.3 Revue bibliographique de l’analyse du silicium liquide par LIBS

En amont du présent travail, des premières investigations ont été menées sur le silicium liquide dans plusieurs travaux. Ceux-ci avaient pour objectif de démontrer la faisabilité d’une telle analyse et de mettre en place un modèle d’analyse quantitatif pour la mesure du bore.

Darwiche et al. à l’Ecole Nationale Supérieure de Chimie de Paris (ENSCP) [88] ont travaillé à une échelle de laboratoire (charge <100 g) sur les impuretés B et Al. Le dispositif LIBS utilisé comprend : un laser Nd :YAG à 266 nm (impulsions de 4 ns à 4 Hz, énergie de 4 à 10 mJ sur un spot de diamètre 100 µ), un spectromètre Czerny-Turner (750 mm de focale) et une caméra CCD intensifiée. Ils optimisent leur signal en termes de ratio signal sur bruit (SBR) en mesurant des tranches de silicium dopé en bore. Après avoir montré que sur le solide leur SBR est meilleur pour une énergie laser de 10 mJ et une atmosphère d’argon à la pression atmosphérique. Ils effectuent ensuite une démonstration de faisabilité de la détection des impuretés B et Al dans le silicium liquide en utilisant ces paramètres optimaux. Pour cela ils fondent des granulés de silicium dans un creuset en graphite chauffé par un générateur d’induction. La surface du bain de silicium est maintenue exempte d’oxydes grâce à de multiples précautions : silicium très pur, atmosphère ambiante propre et surface sous fort balayage d’argon. L’aluminium et le bore sont détectés jusqu’à des teneurs de respectivement 6 et 1,6 ppmw. Dans ces travaux, aucun modèle analytique permettant une quantification n’est

cependant construit par les auteurs.

Benrabbah a poursuivi ces travaux durant sa thèse sur le « Développement de procédés plasma pour l’analyse du silicium photovoltaïque » qui est parue en 2015 [89]. Dans son dernier chapitre il s’est notamment intéressé à l’analyse du bore dans le silicium liquide par LIBS. Son dispositif expérimental comprends un laser Nd :YAG à 266 nm générant des impulsions de 5 mJ, durant 4 ns et sur un spot de 50 µm, ce qui correspond à une densité d’énergie de ~63 GW/cm². Un spectromètre Czerny-Turner équipé d’un réseau 2400 traits/mm et une caméra ICCD PI-MAX2 sont également utilisés. Le laser est focalisé sur la surface d’un bain de ~250 mg de silicium fondu par induction. Comme dans l’étude précédente, la surface est conservée propre avec un balayage d’argon soigneusement contrôlé. Une optimisation du signal en termes de rapport signal sur bruit est effectuée et 50 tirs laser sont moyennés pour chaque acquisition. L’effet de plusieurs paramètres expérimentaux sur le doublet de bore à 249,76 nm est évalué. Le résultat de ces travaux montre qu’augmenter la fréquence des tirs laser de 1 à 20 Hz permet d’améliorer l’intensité du signal en B et de réduire le fond continu (Figure 21-A). Cet effet est décrit comme résultant soit d’une surchauffe au point focal (accumulation rapide des tirs), soit des vapeurs réexcitées sur plusieurs tirs qui produisent des plasmas plus émissifs. Il est aussi montré qu’une surchauffe du bain de silicium entre 1500 et 1900 °C n’a pas d’effet sur le signal en bore (Figure 21-B).

Figure 21 : Effet sur les raies de bore à 249,68 et 249,77 nm : (A) de la fréquence des impulsions laser (B) de la température du bain d’après [89].

Les spectres d’émission sous hélium ont une intensité absolue et un fond continu beaucoup moins importants que sous Ar (Figure 22-A et B). Ceci est expliqué par un refroidissement plus rapide des électrons avec cette atmosphère qui conduit à un plasma qui émet moins longtemps.

Figure 22 : Comparatif de spectres de bore : (A) sous hélium et (B) sous argon pour plusieurs concentrations d’après [89].

A la suite de cette optimisation, un modèle quantitatif est construit pour effectuer des mesures quantitatives dans le silicium liquide. Des étalons sont préparés en incorporant des morceaux d’une plaquette dopée en bore à 119 ppmw à de l’EG-Si. Leur teneur réelle est

estimée par le calcul en connaissant les proportions de matière mélangées. Les étalons sont ensuite successivement fondus et mesurés par LIBS. L’évolution du signal LIBS (intensité de la raie de bore neutre à 249,68 nm normalisée par l’intensité du fond continu) est tracée en fonction de la concentration calculée pour chaque étalon (Figure 23). Une régression linéaire entre les points constitue le modèle quantitatif résultant de l’étalonnage. Des hyperboles de confiance à 95 % sont ajoutées autour des données afin de définir l’incertitude sur les concentrations prédites par le modèle.

La performance du modèle est ensuite évaluée en estimant des LOD et LOQ respectivement d’environ 2 et 3 ppmw à partir des hyperboles de confiance. Sa prédictivité est

enfin estimée avec deux faux inconnus de concentration calculée 8 ±0,5 et 35 ±2 ppmw. Les

concentrations mesurées avec ce modèle sont respectivement de 8 ±1 et 37,2 ±4 ppmw, ce qui

Figure 23 : Etalonnage du signal LIBS en fonction de la concentration estimée dans les étalons d’après [89].

Ces travaux préalables démontrent donc la faisabilité d’une mesure LIBS sur silicium fondu et la possibilité d’atteindre des niveaux de concentration et des limites de détection compatibles avec l’analyse du silicium de type UMG.

Ces travaux sont un point de départ intéressant qui démontre déjà que dans un matériau de grande pureté (le PV-Si), où les effets de matrice sont réduits, la technique LIBS permet des faibles limites de détection et de réaliser des régressions d’étalonnage de R² élevés. Le modèle développé présente néanmoins quelques limites en termes de reproductibilité et de précision. De plus, le dispositif de laboratoire utilise une mesure non- intrusive qui dans le cas présent reste valide avec un fort balayage d’argon. De tels résultats nécessitent donc une confirmation et un approfondissement à travers l’utilisation d’un dispositif intrusif permettant un transfert vers des installations à caractère industriel. Ceci constitue l’objet du travail de recherche présenté dans cette thèse.

IV Conclusion et objectifs de l’étude

Nous avons vu que l’industrie du silicium photovoltaïque est en pleine expansion et porteuse d’avenir. Le silicium qu’elle utilise pour ses propriétés photovoltaïques est produit par réduction carbothermique de la silice dans un four à arc. Le silicium obtenu (MG-Si) comprend des teneurs en impuretés nuisibles à l’effet photoélectrique et doit donc être purifié. La solution la plus utilisée (procédé SIEMENS) consiste en une purification dans un réacteur de dépôt chimique en phase vapeur. Une solution alternative vise à réduire les coûts de production et permet de purifier le MG-Si avec différents procédés issus de la métallurgie. Il n’existe pas à l’heure actuelle d’outil de qualité en ligne permettant un suivi en temps réel de ces procédés de purification ou encore de ceux de mise en forme du silicium. Ce suivi s’effectue actuellement par des analyses ex situ telles que la GDMS et l’ICP-OES, ce qui présente un coût non négligeable et ne permet pas leur ajustement en temps réel. Plusieurs techniques d’analyse seraient susceptibles de permettre un tel suivi directement dans le métal en fusion : les capteurs électrochimiques, la XRF, l’AAS et la LIBS.

La LIBS paraît être adaptée au domaine du PV puisqu’elle permet une mesure rapide et à distance jusqu’à des concentrations inférieures au ppmw. Cette technique se base sur de la

spectrométrie d’émission optique d’un plasma induit par une ablation laser. Sur les spectres d’émissions résultants, les intensités des raies sont proportionnelles aux concentrations en impuretés dans le bain. Deux principales approches sont alors possibles pour calculer ces concentrations : évaluer les propriétés physiques du plasma (T°, densité d’émetteurs et d’électrons) et étalonner l’équipement LIBS. L’approche que nous avons retenue est l’étalonnage puisque c’est la mieux maîtrisée et celle qui permet la construction des modèles quantitatifs les plus performants. La mesure d’un bain métallurgique sur une configuration industrielle nécessite une technique intrusive pour s’affranchir de la non représentativité de sa surface (oxydes, laitiers, évaporats). La solution retenue pour notre étude est le bullage d’un gaz inerte in situ afin de générer une surface fraîche et renouvelée sur laquelle s’effectuent les ablations laser.

L’analyse bibliographique révèle que très peu de modèles d’analyse quantitatifs ont été développés pour permettre un suivi en ligne. Ceux qui ont été construits sont bien souvent approximatifs et rarement validés par des mesures comparatives de faux inconnus avec une technique ex situ classique. Les meilleures limites de détection obtenues à ce jour sont de l’ordre de la centaine de ppmw pour les métalliques et de 10 ppmw pour les éléments légers.

Dans le silicium les éléments B et Al ont déjà été détectés à respectivement 6 et 1,6 ppmw.

Nos travaux visent à poursuivre ce qui a été déjà réalisé par les équipes de l’ENSCP et à réaliser un transfert de la technologie LIBS vers une échelle industrielle. Celles-ci ont démontré la faisabilité de la mesure LIBS dans le silicium liquide à une échelle laboratoire. L’intérêt de cette technique pour l’industrie PV a également été souligné puisque les LOD des éléments B et Al dans le silicium électronique sont estimées à seulement quelques ppmw.

Notre travail va s’articuler autour de deux principaux objectifs :

- Mettre en place et optimiser un dispositif apte à réaliser une analyse LIBS à l’échelle industrielle. Ce travail sera effectué dans le cadre d’une collaboration avec les équipes du CNRC (Conseil National de Recherche Canadien).

- Construire un modèle d’analyse quantitatif complet pour les impuretés du silicium métallurgique B, P, Al, Fe, Cu et Ti avec comme cible des limites de détection les

Les outils, méthodes et protocoles développés dans cette thèse pourront trouver une application directe dans les procédés de purification de l’UMG-Si et de mise en forme du SoG-Si. Par extension, tout procédé de métallurgie nécessitant une information en temps réel sur la composition de l’alliage fondu sera un champ d’application envisageable pour le futur.

Dans le chapitre qui va suivre, nous commencerons par décrire nos dispositifs expérimentaux et par optimiser l’ensemble des paramètres ajustables sur notre équipement.

Chapitre II : Mise au point et

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