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Chapitre I : Contexte et enjeux de l’étude

III.2. b Méthodes intrusives

L’inaptitude des méthodes non-intrusives de surface à garantir l’absence d’oxydes sur un procédé industriel a conduit au développement de techniques de mesure intrusives.

- Sonde immergée en surface du métal

Une première solution de mesure intrusive consiste à introduire une sonde dans le métal liquide. Cette sonde comprend les optiques de focalisation/collecte et permet de délimiter une portion de la surface du bain. Cette zone isolée peut alors être conservée propre et sans oxydes indépendamment du reste du métal.

Un système LIBS basé sur ce principe est développé par Noll et al pour une application industrielle dans des aciéries (charges de ~100 kg). La solution utilisée consiste à sonder le liquide avec une lance d’immersion sous balayage d’argon [76]-[79]. La lance d’immersion comprend une partie permanente en cuivre (« PL » sur la Figure 15) et une partie consommable en alumine réfractaire (« T » sur le figure) insérée dans le métal en fusion (~20 cm sous sa surface). La partie en cuivre est refroidie par circulation d’eau pour éviter d’endommager les dispositifs optiques. L’ensemble de l’équipement est disposé sur une plateforme hydraulique (« P ») qui permet sa translation verticale (« A »). A chaque fois que la composition du bain est modifiée la lance est remontée et redescendue pour renouveler le volume de liquide de la cavité. Afin de protéger la fenêtre de la sonde optique (W2 sur la figure) des poussières ou des projections liquides un débit d’argon de ~20-30 l/minbalaye la cavité.

Figure 15 : Dispositif de LIBS avec immersion d’une lance réfractaire dans le bain d’après [76].

Ce dispositif a permis la quantification des éléments C, P et S dans l’acier liquide avec des LOD de respectivement 3, 21 et 11 ppmw. Un exemple d’étalonnage est présenté

Figure 16. Il a été réalisé en mesurant l’intensité de la raie de Ni à 231,6 nm normalisée en fonction de concentrations de références mesurées par SD-OES sur des échantillons solides prélevés.

Figure 16 : Courbe d’étalonnage du Ni dans un acier liquide d’après [79].

Cette technique trouve sa limite dans l’encrassement des optiques malgré le balayage d’argon important. De plus, le fait que ce dispositif soit déplacé par un système hydraulique entraîne des vibrations qui perturbent le bon alignement des optiques. R. Noll estime que la fenêtre en entrée de la sonde optique doit être nettoyée toute les 5 heures (changée toute les 20 heures) et que le laser doit être réaligné après 15 heures d’utilisation [76]. Enfin, l’insertion d’un dispositif refroidi par eau dans un métal en fusion pose bien évidement des problèmes de sécurité. Si l’enveloppe se perce et que l’eau entre en contact avec le métal, la formation d’hydrogène peut entraîner une explosion.

Ces problèmes d’alignement du faisceau peuvent être résolus en reliant le laser à la sonde avec une fibre optique. Ray et al. proposent un tel dispositif pour l’industrie de l’aluminium (T°~800°C) [80]-[81]. Leur sonde est en acier inox non refroidi et l’ajustement du débit gazeux permet de former une bulle statique à son extrémité (Figure 17-A).

Figure 17 : Schémas de principe de dispositifs de mesure LIBS avec une sonde d’immersion (A) d’après [80] et (B) d’après [82].

Les auteurs tentent d’appliquer des droites d’étalonnage construites sur des étalons solides pour des mesures dans le liquide. Ils obtiennent des signaux LIBS très différents pour les éléments Mg et Mn dans le solide et le liquide (Figure 18). Ces différences sont attribuées à une vaporisation sélective dans le liquide qui rend le plasma non représentatif de sa composition. Leur conclusion est qu’un étalonnage sur solide n’est pas valable pour mesurer un liquide. Ils réalisent donc seulement une observation qualitative de l’augmentation du signal LIBS avec l’ajout de morceaux de Cr, Mn, Mg et Cu.

Figure 18 : Comparaison de courbes d’étalonnage sur un alliage d’aluminium solide et liquide pour (A) Mg normalisé par une raie de Fe (B) Mn normalisé par une raie de Fe.

Saro et Weisberg ont breveté une solution similaire [82] comportant cette fois une sonde en SiC. Le gaz s’écoule désormais en continu au travers d’ouvertures latérales proches de son extrémité (Figure 17-B). D’après les auteurs, les bulles générées via les ouvertures latérales permettent de favoriser le brassage du bain et l’extraction de ses impuretés. Aucune application de ce dispositif n’est, à notre connaissance, reportée dans la littérature.

Utiliser une sonde immergée dans le bain présente de nouvelles difficultés et inconvénients :

- Dans les cas présentés, les durées de vie de la sonde et des optiques sont limitées en raison de l’agressivité de l’environnement (haute température, poussières, projections).

- Quand une fibre optique est utilisée, les performances de la technique sont bridées car il existe une énergie laser maximale transmissible sans l’endomager.

- La sonde en acier ou en matériau réfractaire introduit des impuretés dans le métal, ce qui est incompatible avec le silicium de grade photovoltaïque.

- D’après Sabsabi et al. [83] une oscillation périodique de la surface sous les ondes de choc des ablations laser et la génération de bulles en surface de bain peuvent apparaître et altérer la validité de la mesure.

- Dans une configuration où les ablations se font sur une interface statique métal/gaz, non ou peu renouvelée, la couche limite de silicium échantillonnée par le laser n’est pas forcément représentative de la composition en volume. Elle peut être appauvrie en éléments qui s’évaporent facilement ou encore enrichie en éléments ayant une affinité importante pour les traces d’oxygène présentes dans l’atmosphère. Enfin après un ajout d’impureté dans le métal celle-ci peut mettre un temps non négligeable pour diffuser jusqu’à la surface de la couche limite.

- Ouverture latérale

Une autre approche de mesure intrusive consiste à réaliser une ouverture latérale au travers du creuset ou de la poche de traitement et à y buller un gaz inerte (brevet de Carhoff

et al. [84]). Les ablations laser s'effectuent alors directement dans les bulles, sur une interface

gaz/métal propre et renouvelée dans le temps.

Humber et al. [85] tentent une application de ce brevet avec un dispositif de LIBS monté sur une poche de décarburation argon-oxygène (Figure 19). Le gaz de bullage utilisé est un mélange d’argon et d’azote préchauffé. Les essais effectués montrent que l’ouverture latérale se bouche durant la mesure.

Figure 19 : Dispositif LIBS avec bullage latéral sur une poche de décarburation argon-oxygène d’après [85].

Cette méthode n’a pas permis la réalisation d’un suivi en ligne et a rapidement été abandonnée en raison des sérieux inconvénients qu’elle présente :

- Le métal a tendance à s’infiltrer dans l’ouverture latérale et à la boucher.

- En cas de défaillance du système de bullage, le métal en fusion s’écoule par l’ouverture et détruit les équipements adjacents.

- La mesure LIBS s’effectue en un point fixe du bain proche des parois de la poche. Le métal présent à cette position est moins brassé que le reste du bain, sa composition peut donc être différente et altérée par la diffusion des impuretés issues du creuset.

- Canne de bullage

Afin de s’affranchir de tous les inconvénients du bullage latéral, le Conseil National de Recherche Canadien (CNRC) a déposé un nouveau brevet [86]. Dans celui-ci, une canne de bullage légèrement inclinée par rapport à la verticale est utilisée pour sonder le liquide (Figure 20). L’échantillonnage laser s’effectue désormais au cœur du métal en fusion et au fond d’une bulle gazeuse.

Figure 20 : Schéma de principe de la LIBS avec canne de bullage sur un bain de zinc d’après [83].

Cette solution présente de nombreux avantages :

- L’ensemble de l’équipement de LIBS, positionné à l’extérieur du four de fusion est protégé du rayonnement du bain.

- La canne de bullage peut être composée du même matériau que le creuset pour réduire la contamination de la charge.

- Chaque tir laser s’effectue sur une bulle distincte. L’atmosphère dans la bulle est parfaitement propre et transparente au faisceau laser. La surface analysée est totalement renouvelée à chaque tir.

- En moyennant plusieurs tirs par mesure, la concentration mesurée est statistiquement plus représentative de la composition du bain en volume.

Le dispositif a été utilisé avec succès pour contrôler plusieurs procédés industriels dans une large variété de matrices : bains ou alliages de zinc (~700°C), de cuivre (~1200°C), de magnésium (~700°C) [83] ou encore mélanges Fe-Ni-Cu (~1100°C) [87]. Il a permis d’obtenir un répétabilité (~1 %) et une précision décrite comme « excellentes par rapport aux mesures LIBS sur une surface stable et stationnaire » [83].

Cette solution est retenue pour l’analyse du silicium en fusion de grade solaire. L’équipement LIBS utilisé dans notre étude a été développé dans le cadre d’un échange

scientifique entre les équipes du CEA-LITEN et celles du CNRC. Le prototype mis en place a été dimensionné et défini afin de prendre en compte les difficultés liées à l’analyse du silicium en fusion (température, milieu agressif, …) et la détection des impuretés à des niveaux bas de concentration (optimisation de la chaîne d’analyse via le choix des composants et du laser).

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