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135 Le retrait de dessiccation peut ainsi être affecté par plusieurs facteurs : ceux liés au séchage

(humidité, température, vent) et ceux liés aux différents mécanismes exposés. Au niveau de la pâte cimentaire, le retrait de dessiccation dépend du rapport E/C, car celui-ci détermine le taux de séchage ainsi que la quantité d’eau évaporable [13]. La présence de granulats conditionne le retrait du mortier ou du béton et dépend du volume de pâte ainsi que de la nature des granulats utilisés [14], [15]. Ainsi, en connaissant le retrait de la pâte, la fraction volumique de granulats et leur module d’Young, une estimation du retrait du béton peut être effectuée [16]. La taille de la structure en béton affecte relativement peu l’amplitude finale du retrait, mais modifie la cinétique de celui-ci [17]. Par contre, la nature du ciment Portland semble avoir peu d’effet sur le retrait de dessiccation [3], même si la teneur en gypse semble réduire le retrait jusqu’à un certain degré [18] là où la teneur en alumine accélère la cinétique [19]. L’utilisation de substitutions (cendres volantes, laitier, fumée de silice) contribue à l’augmentation du retrait jusqu’à 60% dans le cas de taux élevés de substitution au laitier [20]. En effet, ces matériaux influencent à la fois le retrait chimique intrinsèque du liant et les propriétés du réseau poreux.

4.1.1.3 Retrait dans les matériaux alcali-activés

L’étude du retrait sur le béton au laitier alcali-activé, réalisée par Douglas et al., met en évidence un retrait bien plus important que pour les bétons ordinaires ou ceux incluant du laitier en substitution du ciment [21]. Ils ont également montré que l’augmentation du retrait de dessiccation est liée au rapport silicate de sodium/laitier, tout en n’ayant qu’un faible impact sur le retrait endogène. Collins et Sanjayan ont également trouvé des amplitudes de retrait plus importantes pour le laitier activé par différents types d’activateurs. Ils indiquent cependant qu’un fluage accru, une meilleure résistance à la flexion et un module élastique plus faible pourraient réduire le risque de fissuration dans le cas de retrait empêché [22]. Ils suggèrent l’utilisation de granulats à base de laitier pour atténuer le retrait, mais il s’en suit une perte d’ouvrabilité du béton [23]. Ils attribuent le gain en retrait (ainsi qu’en résistance à la compression) à la cure interne générée par ces granulats dans le matériau. Dans une autre étude, ils ont identifié la distribution des tailles de pores comme une cause probable du retrait supérieur du laitier alcali-activé. Celui-ci contient en effet plus de mésopores (2 nm – 50 nm) ce qui induit des dépressions capillaires plus importantes durant le séchage, malgré une perte de masse inférieure au ciment Portland hydraté [24].

Il existe plusieurs paramètres qui peuvent être exploités pour réduire le retrait dans le laitier alcali-activé. Le premier, proposé par Bakharev et al. consiste en l’utilisation d’entraineurs d’air, superplastifiants et réducteurs de retrait [25]. L’addition de ciment Portland [26], de gypse [27] ou d’oxyde de magnésium réactif (MgO) [28] peuvent permettre de réduire le retrait. L’utilisation de MgO, étudiée par Jin et al., doit cependant se faire à un taux inférieur à 5% et des précautions sont à prendre par rapport à la teneur initiale en MgO du laitier afin d’éviter la création de fissures. Pour le choix de l’activateur, Atis et al. concluent que l’activation au carbonate de sodium produisait le retrait le plus faible, comparée à l’utilisation de l’hydroxyde

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ou du silicate de sodium [29]. Aydin et Baradan ont identifié qu’un rapport SiO2/Na2O de la solution d’activation plus élevé causait une augmentation du retrait de mortiers au laitier alcali- activé [30].

Figure 4.4 : Retrait de géopolymères aux cendres volantes : cures thermique et ambiante (Wallah et Rangan [31])

Pour les géopolymères aux cendres volantes et au métakaolin, il n’y a pas encore suffisamment d’études qui traitent du retrait et des facteurs qui l’engendrent. Wallah et Rangan ont comparé le retrait dans des géopolymères aux cendres volantes selon leur mode de cure (thermique ou ambiante). Les éprouvettes qui ont subi une cure thermique à 60°C pendant 24 h ont un retrait bien plus faible que celles conservées à température ambiante. La valeur finale était même plus de 10 fois inférieure (Figure 4.4) [31]. Ceci peut s’expliquer par le départ par évaporation d’une grande partie de l’eau produite lors de la géopolymérisation pendant la cure thermique [32]. L’eau résiduelle après la cure thermique étant confinée en plus faible quantité dans les micropores, le retrait mesuré est plus faible. Ceci n’est pas le cas des éprouvettes conservées à température ambiante où l’eau conservée dans les pores est évacuée lors de l’exposition du matériau aux conditions de séchage. D’ailleurs, cette évacuation a lieu très rapidement (dans les deux/trois premiers jours) et conduit à une augmentation rapide du retrait, dans les géopolymères ainsi que le laitier alcali-activé [31], [33].

Pour le métakaolin, même si le retrait a été noté comme une problématique à résoudre ([34], [35]), une seule étude est disponible dans la littérature. Elle comporte des données sur l’effet de la formulation sur le retrait. Kuenzel et al. [36] y définissent une teneur en eau « structurale », dont le départ cause le début du retrait (Figure 4.5). Cette teneur en eau minimale varie en fonction des paramètres de la formulation, et son augmentation conduit à un retrait plus prononcé. Un rapport Si/Al plus élevé se traduit par un retrait plus grand qu’ils interprètent par une quantité plus importante d’eau mobilisée dans le gel ou alors l’augmentation du pourcentage de pores capillaires. La teneur en alcalin est également liée à l’augmentation de la teneur en eau « structurale » car les cations sont associés à de l’eau dans la structure du matériau. Le remplacement du sodium par du potassium a permis de réduire cette quantité et le retrait lié.

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Figure 4.5 : Retrait en fonction du rapport molaire eau/aluminium restant dans l'éprouvette (Kuenzel et al. [36])

4.1.2 Autres actions environnementales

4.1.2.1 Carbonatation

Dans les matériaux à base de ciment Portland, la carbonatation est définie comme la réaction du dioxyde de carbone atmosphérique avec le calcium dissous dans la solution interstitielle puis celui provenant des hydrates de la matrice cimentaire pour former du carbonate de calcium solide. Ce phénomène commence à l’interface avec l’air puis se propage au fur et à mesure de la diffusion du CO2 dans la structure. Ceci cause une acidification de la solution interstitielle qui, si le pH devient inférieur à 9, conduit à une dépassivation de l’acier dans un béton armé. Le CO2 peut également réagir avec les autres cations alcalins minoritairement présents dans la solution pour former des carbonates. En cas de séchage, la diffusion de cette solution vers la surface du matériau puis l’évaporation de l’eau cause l’apparition de taches blanches de précipités. Ce sous-phénomène, l’efflorescence, est nuisible à l’aspect esthétique du parement. La carbonatation est le plus souvent étudiée par des essais accélérés qui consistent à augmenter la concentration du dioxyde de carbone et suivre le front de carbonatation par phénolphtaléine.

Dans les géopolymères et les AAM, l’addition d’une grande proportion d’alcalins (sodium ou potassium) les rend sensibles à la carbonatation. Ces alcalins, étant relativement libres et très présents dans la solution, réagissent avec le dioxyde de carbone dissous pour former des carbonates alcalins (Me2CO3, avec Me le cation) [37], [38]. Dans le cas de systèmes riches en calcium, une décalcification de la matrice est possible, formant ainsi des carbonates de calcium de la même manière que dans le ciment Portland [39]. Cependant, pour cette famille de matériaux, la présence d’alcalins remet en cause la méthode d’accélération de la carbonatation. En effet, l’exposition à une concentration élevée en CO2 cause la formation de bicarbonates. La différence est conséquente car les carbonates (formés dans une atmosphère naturelle) ne font pas baisser pas le pH en-dessous de 10 (comme le cas du carbonate de calcium dans le ciment)

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et ne constituent donc pas un risque de dépassivation. D’autre part, les bicarbonates correspondent à un pH bien plus bas [37], [38], [40]. Une autre grande différence entre les matériaux cimentaires d’un côté et les géopolymères et AAM de l’autre, est la solubilité des carbonates formés. Le CaCO3 aura en effet une plus grande tendance à précipiter de par sa très faible solubilité, tandis que le Na2CO3, par exemple, est très soluble (300 g/l) [41].

4.1.2.2 Gel-dégel

Dans un sol, le matériau peut se trouver continuellement ou ponctuellement saturé en eau. Sa dilatation due au gel peut endommager la matrice si elle dépasse sa résistance en traction. Ce problème engendre un écaillage voire une fissuration des bétons, notamment dans la zone superficielle des sols exposée aux températures les plus basses. Dans les géopolymères et AAM, les mécanismes de dégradation sont similaires au ciment Portland. Ceci est dû à la nature physico-chimique des phénomènes impliqués dans le gel/dégel qui est susceptible d’affecter tout matériau poreux. Les caractéristiques du réseau poreux, la résistance à la traction de la matrice et le degré de saturation sont des paramètres bien plus influents que la composition chimique du matériau. La chimie peut cependant intervenir en ce qui concerne la solution interstitielle. En effet, la nature de la solution interstitielle affecte sa température de gel et les pressions atteintes. Ainsi, les études sur les géopolymères et AAM, qui restent insuffisantes, montrent que leur résistance au gel/dégel et notamment à la fissuration interne est supérieure ou égale à celle des matériaux cimentaires classiques [42]. Des examens des bâtiments construits en Russie et Ukraine n’ont montré aucun endommagement qui serait dû au gel. Les essais en laboratoire de leur part ne signalent aucune spécificité du mécanisme de dégradation. Les mêmes paramètres sont alors à considérer que pour le ciment, à savoir : la résistance de la matrice [43]–[45] et le développement d’un réseau de bulles d’air homogène au sein du matériau [21], [42].

4.1.3 Lixiviation et attaques acides

4.1.3.1 Lixiviation des matériaux cimentaires

Les pâtes cimentaires subissent des dégradations chimiques lorsqu’elles sont en contact avec différents types de solutions. Pour ces matériaux dont la solution interstitielle est basique et saturée, les milieux acides et faiblement minéralisés sont particulièrement agressifs et causent le départ des ions Ca2+ des différents hydrates présents dans le matériau. Ce processus est lié au phénomène de diffusion due aux gradients de concentrations entre le matériau et la solution environnante. Sa cinétique dépend des ions présents dans la solution, de la composition du liant [46], de la température [47] et du pH de la solution.

L’impact principal de ce type d’exposition est la décalcification du liant. Cette décalcification se traduit par la décomposition de la portlandite, de l’ettringite, des silicates de calcium hydratés (CSH) puis des aluminates de calcium [48]. Des échanges ioniques se mettent ainsi en place entre la solution et le matériau, à travers un front qui avance à partir de la surface exposée

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