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LE RETRAIT DE LA CHOSE DES MAINS DES INTÉRESSÉS

Dans le document La consignation (Page 122-132)

TITRE DEUXIÈME : UN ENTIERCEMENT

SECTION 1. LE RETRAIT DE LA CHOSE DES MAINS DES INTÉRESSÉS

228. Puisque chacun des intéressés est potentiellement titulaire d’un droit sur l’objet,

aucun ne peut être favorisé en en conservant la maîtrise matérielle. L’objet consigné est retiré de leurs mains : le consignateur est dépossédé et le bénéficiaire n’est pas mis en possession. Cette idée dicte le régime de la consignation tant au stade de sa naissance que pour les temps qui suivent : l’objet est retiré et doit continuer de l’être effectivement et efficacement. L’étude de l’effectivité du retrait est celle de son principe (§ 1) ; l’analyse de l’efficacité du retrait est celle de son irrévocabilité (§ 2).

§ 1.L’

EFFECTIVITÉ DU RETRAIT

:

LE PRINCIPE

229. La consignation implique que l’objet soit retiré des mains des parties. En cela, le

mécanisme pourrait paraître empreint d’archaïsme, empêchant à l’objet d’accéder au marché et impliquant une défiance à l’égard des intéressés. La règle est pourtant justifiée : le principe

490 J. MESTRE, E. PUTMAN et M. BILLIAU, Traité de droit civil, Droit spécial des sûretés réelles, LGDJ, 1996,

n° 803 (en matière de gage).

491 Comp. J. LE BOURG, La remise de la chose, op. cit., n° 6, spéc. p. 18 : la remise prend « les traits d’un double mouvement : la dessaisine suivie de la saisine de la chose ».

du retrait de la chose consignée est non seulement dicté par la nécessité (A) mais doit également être véritable, ce qui implique sa matérialité (B).

A.L

A NÉCESSITÉ DU RETRAIT

230. Dépossession et possession. La compréhension du retrait, donc de la dépossession, ne

se laisse pas facilement saisir : tandis que la possession attire la lumière, son alter ego semble plus méconnu492. La meilleure approche de la dépossession semble donc être négative, en

partant de la possession.

231. La possession est définie à l’article 2255 du Code civil : elle « est la détention ou la jouissance d’une chose ou d’un droit que nous tenons ou que nous exerçons par nous-mêmes, ou par un autre qui la tient ou qui l’exerce en notre nom ». En ressortent un élément matériel (le constat de la détention ou de la jouissance de la chose) et un élément intentionnel (le fait de l’exercer par soi-même ou par autrui). D’où la définition doctrinale voyant dans la possession un « pouvoir de fait exercé sur une chose avec l’intention de s’en affirmer le

maître »493. La possession est un pouvoir de fait, elle est « l’exercice d’un droit »494.

232. Ces deux éléments matériel et intentionnel, la doctrine les tient pour des conditions d’existence de la possession, qui n’existerait qu’en cas de cumul d’un corpus et d’un animus. Le corpus est constitué par des actes d’exercice du droit, pouvant être des actes tant matériels que juridiques ; l’animus consiste dans le fait pour le possesseur de se comporter comme s’il était titulaire du droit possédé495 ; l’addition des deux constituerait la possession496.

492 Comp. C. civ. québécois, art. 2919 : « le possesseur de bonne foi d’un meuble en acquiert la propriété par trois ans à compter de la dépossession du propriétaire […] » (nous soulignons). Pour un exemple d’analyse de

la dépossession en creux de la possession, W. DROSS, obs. sous Civ. 1re, 11 mai 2017, RTD civ. 2017. 696.

493 G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique de l’Association Henri Capitant, op. cit., v° « Possession », sens I.1. 494 W. DROSS, Droit des biens, LGDJ, Domat droit privé, 3e éd., 2017, n° 234. Comp. H. PÉRINET-MARQUET

(dir.), Proposition de réforme du Livre II du Code civil relatif aux biens, op. cit., art. 543 : « la possession est l’exercice d’un droit par celui qui, alors même qu’il n’en serait pas titulaire, se comporte, en fait et en intention, comme s’il l’était ».

495 W. DROSS, Droit des biens, op. cit., n° 236.

496 Comp. J. DJOUDI, v° « Possession », Rép. civ., févr. 2017, n° 13 : « le corpus sans l’animus ne constitue pas la possession et l’animus sans le corpus ne saurait donner lieu à la possession acquisitive ».

233. Lorsque ces deux composantes de la possession sont réunies, le principe veut que la

possession puisse jouer un rôle probatoire ou acquisitif497. Dès lors, la dépossession est

étudiée lorsqu’il s’agit de présenter les exceptions à la règle probatoire ou acquisitive considérée498. Après avoir affirmé qu’ « en fait de meubles, la possession vaut titre »

(alinéa 1er), l’article 2276 du Code civil précise ainsi que « celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose, peut la revendiquer pendant trois ans, à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient » (alinéa 2). Le second alinéa vient donc poser une exception à la règle de la possession acquisitive en présence d’une dépossession involontaire499. La dépossession

consiste alors dans la perte du corpus et de l’animus.

234. Retrait du corpus. La perte du corpus est caractérisée lorsque le possesseur

« n’exerce plus les actes que peut accomplir un propriétaire »500, qu’il n’a plus de pouvoir de

fait sur la chose. Elle se retrouve dans les hypothèses où le propriétaire exerce son pouvoir de disposition juridique, soit qu’il transfère soit qu’il abdique la propriété de la chose.

235. La perte du corpus est en revanche beaucoup moins fréquente en dehors de ces

hypothèses, notamment en matière de sûretés réelles. En 1945 déjà, Hamel constatait le recul de la dépossession depuis une cinquantaine d’années à l’époque501, ce qui n’étonne guère au

regard de la logique économique du maintien de la possession : le créancier souhaite rarement que les contraintes liées à la conservation des choses données en garantie pèsent sur lui502,

tandis que le débiteur peut avoir besoin de continuer à s’en servir. Avec la dépossession, le crédit deviendrait « un ennemi de la production »503. Le gage avec dépossession serait ainsi

une sûreté de riche, le constituant perdant l’usage réel du bien504, sans pour autant que l’usage

soit transmis au créancier505, l’objet devenant inutilisable…

497 Pour une critique, W. DROSS, « Le singulier destin de l’article 2279 du Code civil », RTD civ. 2006. 27. 498 W. DROSS, v° « Prescription et possession - Prescription des choses mobilières », J.-Cl. Civil Code,

févr. 2013, n° 41 s.

499 W. DROSS, v° « Prescription et possession - Prescription des choses mobilières », art. préc. n° 43. 500 J. DJOUDI, v° « Possession », art. préc., n° 62.

501 J. HAMEL, « Le gage sans dépossession du débiteur », D. 1945. Chron. 37, spéc. p. 37. 502 M. BOURASSIN et V. BRÉMOND, Droit des sûretés, Sirey, Université, 6e éd., 2018, n° 905. 503 J. HAMEL, « Le gage sans dépossession du débiteur », art. préc., p. 37.

504 P. THÉRY, Sûretés et publicité foncière, PUF, Droit fondamental, 1988, n° 230.

505 C. LISANTI-KALCZYNSKI, Les sûretés conventionnelles sur meubles incorporels, préf. F. PÉROCHON, Litec,

Bibl. dr. entrep., t. 55, 2001, n° 20 : « la dépossession réalise l’affectation unique et exclusive de la valeur d’un

bien au créancier et se caractérise par la perte des prérogatives du constituant du gage sur la chose et non par celles qu’elle ferait naître au profit du créancier », car « elle prive le constituant de l’usage de la chose, mais ne

236. La dépossession peut faire figure d’archaïsme dans le droit des sûretés, archaïsme

contre lequel il faudrait lutter. Les sûretés réelles se distingueraient ainsi selon qu’elles sont constituées avec ou sans dessaisissement506, les secondes se diversifiant notamment grâce à

l’admission des hypothèques mobilières507. L’évolution du gage est, à cet égard, édifiante :

alors qu’il impliquait initialement la dépossession, la multiplication des exceptions à ce principe a finalement conduit les rédacteurs de l’ordonnance du 23 mars 2006 à supprimer la dépossession comme condition de validité du gage508. La dépossession a été ravalée au rang

de condition d’opposabilité alternative509.

237. Dans le cadre de la consignation en revanche, la dépossession est nécessaire. Sans

doute l’immobilisation d’une chose peut-elle étonner d’un point de vue économique, mais l’impossibilité d’identifier le véritable titulaire du droit discuté, qui a justifié la mise en place de la consignation, implique que l’objet soit retiré des mains des intéressés. L’objectif d’efficacité économique du droit des sûretés est étranger à la finalité de la consignation510.

238. Il faut enfin préciser que le corpus possessoire ne saurait être considéré comme étant

exercé par le consignataire pour le compte du consignateur, ce qui correspondrait à l’hypothèse de la possession corpore alieno. En raison de la simple potentialité des droits considérés sur la chose consignée, il est en effet impossible de savoir qui est le possesseur soi- disant représenté par le consignataire511. Or, ladite qualité de possesseur est sous-tendue par

l’idée que la personne a confié la détention matérielle de son bien de manière précaire, donc en vue de sa restitution. Dans la consignation, au contraire, le consignateur n’a aucune transfère pas cet usage au créancier qui ne peut faire aucun acte d’usage ou de jouissance ». En effet, le

créancier « n’a qu’un droit sur la valeur et à ce titre n’est investi d’aucun pouvoir sur les utilités de la chose qui

sont en quelque sorte stérilisées durant la vie de la sureté », il « conserve le bien exclusivement pour empêcher son détournement et par conséquent pour assurer son paiement ». L’auteur propose qu’il soit fait « référence à la “dessaisine” du constituant du gage » plutôt qu’à la dépossession.

506 P. SIMLER et P. DELEBECQUE, Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, op. cit., n° 590 s.

507 E. PUTMAN, « Sur l’origine de la règle “meubles n’ont point de suite par hypothèque” », RTD civ. 1994. 543. 508 Ord. n° 2006-346 du 23 mars 2006 relative aux sûretés. Sur cette évolution, P. CROCQ, v° « Gage », Rép. civ.,

févr. 2017, n° 14 s. Sur la distinction entre les gages avec ou sans dépossession, cf. supra n° 189.

509 Certains s’interrogent sur une plus franche opposition entre les deux gages, not. L. ANDREU, « Risque de non-

payement : le gage avec dépossession et le gage sans dépossession sont-ils équivalents ? », in Risques

d’entreprise : quelle stratégie juridique ?, LGDJ, 2012, p. 327 s.

510 Même si, parfois, la consignation est utilisée à fin de sûreté (cf. infra Seconde partie, Titre troisième).

511 Contra G.-A. LIKILLIMBA, « La possession corpore alieno », RTD civ. 2005. 1, n° 26 : « nonobstant le fait que le possesseur corpore alieno ne soit pas encore connu de manière certaine, puisque la plupart du temps, c’est la désignation même de ce dernier qui est à l’origine du litige, le séquestre, qui peut être le “tiers convenu” ou le “tiers désigné par la justice”, détient la chose pour le compte de qui il appartiendra ».

certitude quant au retour de l’objet en sa maîtrise : c’est là toute la spécificité de la mesure. Le consignataire n’est certes qu’un simple détenteur mais il est actuellement impossible d’identifier le possesseur de l’objet512. Puisque la possession est l’exercice d’un droit, la

simple potentialité du droit empêche la qualification de la possession.

239. Retrait de l’animus. Cette dernière précision conduit à considérer que l’animus est

lui aussi perdu, la consignation ne pouvant caractériser une possession solo animo513. Que la

consignation soit forcée ou non, il faut en effet considérer que la potentialité qui la justifie empêche quiconque d’être considéré comme ayant l’animus domini : le consignateur comme le bénéficiaire potentiel se disputent la chose et il n’y aurait pas de raison de reconnaître l’animus à l’un plutôt qu’à l’autre. Il faut donc le refuser aux deux : l’incertitude quant à la dévolution finale de l’objet empêche de caractériser la possession514.

B.L

A MATÉRIALITÉ DU RETRAIT

240. Intérêt de la dépossession matérielle. La dépossession est classiquement entendue

au sens matériel : il s’agit de retirer effectivement, matériellement, l’objet des mains de son possesseur. Elle peut présenter un certain intérêt même dans le gage, impliquant « la perte par le constituant de certaines prérogatives matérielles et juridiques sur l’objet du gage »515. Le

transfert de possession du gage apparaît traditionnellement comme une garantie du créancier « contre toute tentative de détournement de la part du débiteur »516. Si ces intérêts semblent

désormais insuffisants à propos de cette sûreté517, il en va différemment pour la consignation.

241. Consignation et dépossession matérielle. Que le possesseur actuel de la chose soit

débiteur ou que son droit de propriété soit contesté, il peut être tenté de dissiper la chose : psychologiquement, il peut se penser en droit de le faire, tant qu’une décision judiciaire

512 Comp. R. BOESCH, La possession par autrui, th. dir. F. JACOB, Université de Strasbourg, 2011 : l’auteur

considère qu’en principe, le tiers ne « possède » que pour le compte du créancier (n° 348 s.) mais que les parties peuvent prévoir que le tiers « possède » pour le créancier et le débiteur (n° 359 s.). Et de préciser que « la

possession pour autrui du tiers convenu se révèlera, à l’échéance de la créance, avoir été en quelque sorte alternative », l’alternativité disparaissant toutefois de manière rétroactive (n° 362, spéc. p. 205).

513 J. DJOUDI, v° « Possession », art. préc., n° 61 (et n° 50 sur les relations entre possession solo animo et le vice

de discontinuité de la possession).

514 Ce défaut d’animus se traduit même par une désappropriation (cf. infra n° 353 s.).

515 J. MESTRE, E. PUTMAN et M. BILLIAU, Traité de droit civil, Droit spécial des sûretés réelles, op. cit., n° 802. 516 S. QUINCARLET, La notion de gage en droit privé français, th., Bordeaux, 1937, p. 35.

d’attribution de la chose à autrui n’est pas rendue. À quoi s’ajoute que, dans le cadre classique de la consignation qu’est le procès, l’existence d’un litige entre les parties est généralement peu propice à leur coopération518, ce qui peut être facteur de risques supplémentaires pour la

sécurité de la chose. Le mieux est donc, dans ces hypothèses, de retirer toute emprise sur l’objet en procédant à une dépossession matérielle.

242. Plus encore, cette dépossession matérielle prend la forme d’un entiercement : le

consignateur perd la maîtrise de l’objet mais le bénéficiaire potentiel ne se le voit pas confier pour autant. À reprendre la comparaison avec le gage, l’entiercement présente en effet de nombreux avantages : le créancier évite d’être tenu d’une obligation de conservation de l’objet et il ne risque donc pas d’engager sa responsabilité en cas de perte519. Surtout, si la

dépossession protège le bénéficiaire de la sûreté contre le risque de dissipation par le constituant, l’entiercement permet la réciproque, en protégeant le constituant contre le risque de dissipation par le créancier520. La logique à l’œuvre dans la consignation est précisément

celle-ci : il faut protéger chacune des parties contre l’autre et le meilleur moyen d’y recourir est de procéder à une dépossession de l’une sans remise de l’objet à l’autre.

243. L’entiercement matériel découle d’ailleurs des textes relatifs au séquestre.

L’article 1956 du Code civil dispose très clairement que le séquestre conventionnel est effectué « entre les mains d’un tiers » qui devra « la rendre » à l’attributaire. L’article 1962 est moins explicite mais tout aussi probant : aux termes de son alinéa 1er, « l’établissement d’un gardien judiciaire produit, entre le saisissant et le gardien, des obligations réciproques », l’alinéa 2 précisant que le gardien devra représenter les effets saisis « soit à la décharge du saisissant […], soit à la partie contre laquelle les exécutions ont été faites ». Il semble en découler que le saisissant, le gardien et celui contre lequel l’exécution est faite sont trois personnes distinctes, ce qui confirme que l’objet est matériellement retiré des mains des deux intéressés. Le renvoi fait par l’article 1963, alinéa 2, au régime du séquestre conventionnel abonde d’ailleurs dans ce sens.

518 Quoique le législateur puisse avoir une opinion contraire, puisqu’il ne cesse de favoriser les modes alternatifs

de règlement des litiges.

519 M. BOURASSIN et V. BRÉMOND, Droit des sûretés, op. cit., n° 905. Ces avantages sont complétés par la

possibilité pour le créancier de se prévaloir d’un droit de rétention plus efficace que le droit de rétention fictif prévu à défaut de dépossession (J.-J. ANSAULT, obs. sous Com. 8 avr. 2015, RLDC n° 129, 1er sept. 2015,

p. 31 s. ; P. CROCQ, obs. sous Com. 8 avr. 2015, RTD civ. 2015. 665).

244. Consignation et rejet de la dépossession juridique. L’entiercement présentant des

inconvénients, son appréhension en matière de gage a été l’occasion de sa dématérialisation : l’entiercement est parfois constitué de manière purement juridique. En témoigne un arrêt du 12 janvier 2010 qui admet que la dépossession soit réalisée lorsque le champagne mis en gage demeure dans un local qui, bien qu’appartenant au constituant, est loué au tiers convenu et que la conservation de l’objet gagé, bien que réalisée par les salariés du constituant, ne le soit qu’en vertu d’un mandat reçu par eux du tiers détenteur et accepté par le constituant521. La

seule réserve jurisprudentielle tient à l’équivoque : il faut qu’il soit possible « d’identifier et d’isoler, de manière non équivoque, les marchandises effectivement remises en gage et d’assurer la publicité de leur dépossession »522. En somme, comme cela a été souligné, « peu importe où [les objets donnés en gage] se trouvent et sous la garde de qui ils sont » ; dès lors que le propriétaire « ne peut librement en disposer, il y a dépossession »523. L’entiercement

sans déplacement de la chose est admissible dès lors qu’un tiers peut interdire au propriétaire l’accès à l’objet524. En somme, si la chose ne va pas au tiers, c’est le tiers qui vient à la chose.

245. La tentation de transposer cette jurisprudence à la consignation est forte. La loi elle-

même semble l’encourager : l’article L. 321-2, alinéa 3, du Code des procédures civiles d’exécution dispose ainsi qu’à compter de l’acte de saisie de l’immeuble, « le saisi en est constitué séquestre sauf à ce que les circonstances justifient la désignation d’un tiers ou l’expulsion du débiteur pour cause grave »525. La jurisprudence n’est pas en reste, admettant

qu’un des héritiers soit désigné « administrateur séquestre d’un bien de la succession, même en présence de l’opposition d’un autre héritier »526. La solution n’est pas limitée au contexte

successoral : le créancier, en litige avec son débiteur, peut être constitué séquestre527.

521 Com., 12 janv. 2010, n° 08-17.420.

522 Com., 8 avr. 2015, n° 14-13.787. En l’espèce, il n’y avait pas de « mention relative à des droits particuliers sur les marchandises » affichée où que ce soit ni de restriction d’accès aux marchandises. Dès lors, la

dépossession était équivoque et le gage non valable.

523 A. AYNÈS, obs. sous Com., 12 janv. 2010, RDC 2010. 1336.

524 Sur l’organisation de l’entiercement en pratique, telle que mise en place par les sociétés telles Auxiga, Haro

ou Eurogage, J.-F. QUIEVY, « De la dépossession entre les mains du créancier gagiste », in Liber amicorum, Mélanges en l’honneur du Professeur Didier R. Martin, LGDJ, 2015, p. 527 s., spéc. p. 529.

525 Comp. CPCE, art. R. 221-19 : « le débiteur conserve l’usage des biens rendus indisponibles par la saisie à moins qu’il ne s’agisse de biens consomptibles » (al. 1er) ; « toutefois, le juge de l’exécution peut ordonner sur requête, à tout moment et même avant le début des opérations de saisie, la remise d’un ou plusieurs objets à un séquestre qu’il désigne ».

526 Civ. 1re, 30 juin 1965, Bull. civ. I, n° 436.

527 Civ. 1re, 7 mars 1989, n° 87-17.847, Bull. civ. I, n° 117. En l’espèce, des cautions et la banque créancière

avaient décidé de procéder à la « remise en gage » de fonds à la banque. Les juges du fond, approuvés par la Cour de cassation, y voient un « séquestre conventionnel » entre les mains du créancier. Ce prétendu « séquestre » est-il libératoire ? Il est décidé que non : la banque doit attendre l’issue du litige pour pouvoir

246. De telles solutions sont sans doute justifiées en termes de coût, la partie désignée

séquestre n’étant pas rémunérée. L’existence de sanctions civiles et pénales pesant sur le séquestre528 peut sembler suffisante et jouer un rôle de garantie du non-détournement par le

séquestre, même partial, de l’objet confié. Sans doute aussi l’existence de séquestres sans entiercement peut parfois constituer un usage. Pourtant, il nous semble contestable d’admettre un tel usage, qui paraît contraire au mécanisme de la consignation et à son esprit.

247. La sanction de détournement d’objet saisi et la responsabilité civile du saisi résultent

en effet de la simple indisponibilité : se contenter de la crainte de ces sanctions ou de la garantie qu’elles sont susceptibles d’offrir conduit à s’interroger sur l’autonomie du séquestre par rapport aux saisies. À quoi bon conférer la qualité de séquestre à l’une des parties, si l’effet est le même que dans le cadre d’une simple indisponibilité judiciaire ?

Dans le document La consignation (Page 122-132)