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POSITIVEMENT : TOUS LES BIENS

Dans le document La consignation (Page 41-51)

PREMIÈRE PARTIE : L’UNITÉ DE LA

SECTION 1. POSITIVEMENT : TOUS LES BIENS

50. La consignation est généralement présentée comme ayant un domaine assez limité

quant à la nature de l’objet consigné : elle ne pourrait avoir pour objet que les sommes d’argent (§ 1). Pourtant, il faut se garder d’une telle limitation : en réalité, la consignation peut aussi porter sur les autres biens (§ 2).

§ 1.L

ES SOMMES D

ARGENT

51. Une évidence. La consignation de sommes d’argent apparaît comme une évidence.

Les nombreux cas évoqués dans le Traité des consignations83 ont tous un objet monétaire. Ce

sera souvent le « prix de vente » (du fonds de commerce, des coupes de bois, des bestiaux saisis dans les bois des particuliers, etc.) qui sera consigné. Ce pourra encore être une somme d’argent à distribuer, notamment dans le cadre des procédures civiles d’exécution. L’évidence de l’objet monétaire conduit même tant les dictionnaires courants que les dictionnaires juridiques à définir la consignation comme « le dépôt […] de sommes ou de valeurs »84.

83 CAISSE DES DÉPÔTS ET CONSIGNATIONS, Traité des consignations en France, op. cit.

84 G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique de l’Association Henri Capitant, PUF, Quadrige, 11e éd., 2016, v° « Consignation », sens 1 ; Le Grand Robert de la langue française, v° « Consignation », sens I. V. toutefois

S. GUINCHARD et T. DEBARD (dir.), Lexique des termes juridiques, Dalloz, 25e éd., 2017-2018,

52. Une évidence historique. Une telle vision ne saurait étonner puisque, dès l’antiquité

romaine, les sommes d’argent pouvaient être consignées : elles devaient être placées dans des sacs scellés et cachetés, ce qui était désigné sous le vocable obsignatio, dont dérivera plus tard la consignation à partir de l’idée de cacheter (signare) ensemble (cum), puis ces sacs étaient déposés85. Cette assiette monétaire des consignations a été réaffirmée avec force en 1816 et la

création de la Caisse des dépôts et consignations : l’établissement nouvellement créé bénéficiait d’un monopole sur les consignations de sommes d’argent86. Historiquement donc,

consignation et sommes d’argent sont liées.

53. Une évidence en droit positif : l’article 1345-1, alinéa 1er, du Code civil.

L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations est venue consacrer l’assiette monétaire de la consignation : l’article 1345-1, alinéa 1er, du Code civil dispose désormais qu’à certaines conditions « le débiteur peut, lorsque l’obligation porte sur une somme d’argent, la consigner à la Caisse des dépôts et consignations ». L’affirmation d’une assiette monétaire des consignations est alors parfaitement claire.

54. La spécificité des consignations de sommes d’argent (renvoi). L’assiette monétaire

des consignations n’est d’ailleurs pas sans conséquence sur le régime applicable : les sommes d’argent méritent un traitement spécifique. C’est ainsi qu’il résulte des textes que les consignations de sommes d’argent donnent lieu, en principe, à un monopole de la Caisse des dépôts et consignations87 et que de ce monopole peuvent être déduites des règles spécifiques

relatives à l’utilisation de ces sommes88. Mais la spécificité des consignations monétaires n’est

qu’affaire de régime : la consignation est susceptible de porter sur toute sorte de biens.

85 Le mécanisme est parfaitement décrit in C. LOYSEAU, Cinq livres du droict des offices avec le livre des seigneuries et celui des ordres, Paris, 2e éd., 1614, p. 226. V. aussi M. ROY, Étude historique sur les

consignations antérieurement à 1816, op. cit., p. 6 ; J. LE ROND D’ALEMBERT et D. DIDEROT (dir.), Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une société de gens de lettres,

Paris, t. 4, 1754, v° « Consignation », p. 43 s. Pour une analyse détaillée, R. VIGNERON, Offerre aut deponere,

De l’origine de la procédure des offres réelles suivies de consignation, préf. F. STURM, coll. scientifique de la faculté de droit de Liège, 1979.

86 Ord. du 3 juill. 1816 relative aux attributions de la Caisse des dépôts et consignations créée par la L. du

28 avril 1816, dont la section 1 est consacrée à l’étude « des sommes qui doivent être versées dans la Caisse des

dépôts et consignations ». 87 Cf. infra n° 269 s. 88 Cf. infra n° 580 s.

§ 2.L

ES AUTRES BIENS

55. La consignation ne saurait avoir pour seul objet les sommes d’argent : son assiette

réelle est infinie. S’il faut le justifier sur le terrain de l’opportunité (A), il ne s’agit pas d’une proposition d’évolution du droit : le principe existe déjà en droit positif, ce dont il doit être dressé constat (B).

A.L’

OPPORTUNITÉ D

UNE ASSIETTE RÉELLE INFINIE

56. Une exclusion apparente. Par effet de miroir, il pourrait sembler que les textes

affirmant que la consignation peut avoir pour objet des sommes d’argent impliquent que la consignation ne puisse porter que sur elles. La première section de l’ordonnance du 3 juillet 1816 relative aux attributions de la Caisse des dépôts n’évoque que les « sommes qui doivent être versées dans la Caisse des dépôts et consignations » ; plus explicitement encore, l’article 1345-1, après avoir évoqué la consignation des sommes d’argent, précise que « lorsque l’obligation porte sur la livraison d’une chose », le débiteur peut « séquestrer celle-ci auprès d’un gardien professionnel » 89. Il semblerait donc, a fortiori depuis la réforme de 2016, que

seules les sommes d’argent soient dûment consignables, ce que renforcerait le critère organique consistant à poser que la consignation est forcément faite à la Caisse des dépôts.

57. Une apparence trompeuse. Sans doute le droit romain ne consacrait-il la

consignation qu’en présence des sommes d’argent, mais cette exclusivité d’assiette monétaire des consignations a disparu ultérieurement. Ainsi Pothier définissait-il la consignation comme le dépôt fait par autorité de justice « de la chose ou de la somme » due par le débiteur90 ; de

même, certains textes d’Ancien Régime montraient la possibilité de la consignation d’autres objets91. Il n’est donc guère étonnant de retrouver dans le Code civil de 1804 – et jusqu’en

octobre 2016 – une formulation indistincte, le débiteur pouvant, face à un créancier

89 L’alinéa 2 précise que « si le séquestre de la chose est impossible ou trop onéreux, le juge peut en autoriser la vente amiable ou aux enchères publiques. Déduction faite des frais de la vente, le prix en est consigné à la Caisse des dépôts et consignations ».

90 R.-J. POTHIER, Traité sur différentes matières de Droit civil, appliquées à l’usage du barreau ; et jurisprudence française, t. 1, Traité des obligations, Paris, Orléans, 1773, n° 572.

91 Une Délibération du 19 août 1465 (citée in M. ROY, Étude historique sur les consignations antérieurement à 1816, op. cit., p. 31) accepte de transférer au Roi les consignations en deniers, mais aussi « en vaisselle d’argent et bagues ». Au moment de la liquidation des consignations sous la Révolution, certains versements en objets et

en argenterie subsistaient et durent faire l’objet d’une liquidation spécifique prévue par l’arrêté du 5 nivôse an VII (25 déc. 1798) (p. 162).

récalcitrant, « lui faire des offres réelles et, au refus du créancier de les accepter, consigner la somme ou la chose offerte »92 : le débiteur devait simplement faire sommation au créancier de

retirer la chose et se faire autoriser en justice à la déposer en un autre lieu93 ; « c’est encore là une consignation »94. De la même manière, il est intéressant de noter que l’actuel monopole

de la Caisse des dépôts et consignations vaut non seulement pour les sommes d’argent mais aussi pour les titres financiers consignés95 : n’est-ce pas la preuve que la consignation peut

avoir un objet non monétaire ?

58. Sans doute les sommes d’argent méritent-elles une appréhension particulière96 : cela ne

signifie pas pour autant que l’assiette de la consignation est nécessairement monétaire. Il n’est même pas satisfaisant de distinguer, ainsi qu’y procède l’article 1345-1 du Code civil, entre la « consignation » des sommes d’argent et le « séquestre » des autres biens : à l’étude, il apparaîtra en effet que les termes « consignation » et « séquestre » présentent une certaine fongibilité, que les deux mots désignent un seul et même mécanisme97. Dès lors, le champ réel

du séquestre se confond avec celui de la consignation ; or, si ce n’est la limitation du séquestre à la seule hypothèse d’une « chose contentieuse »98, la mesure peut a priori

concerner tout type d’objet. L’article 1961 du Code civil précise ainsi que « la justice peut ordonner le séquestre : 1° des meubles saisis sur un débiteur ; 2° d’un immeuble ou d’une chose mobilière dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes ; des choses qu’un débiteur offre pour sa libération ». Le texte vise donc expressément les meubles comme les immeubles et il semble possible d’en induire, dès lors que consignation et séquestre se confondent, que tous les biens sont susceptibles d’être consignés. L’apparente exclusion de la consignation en présence d’objets non monétaires peut donc être combattue.

92 C. civ., anc. art. 1257, al. 1er (nous soulignons). 93 C. civ., anc. art. 1264.

94 O. LE CLERCQ, Le droit romain dans ses rapports avec le droit français et les principes des deux législations,

Liège, 1811, t. 4, p. 139. L’auteur indique que la règle existait déjà en droit romain (p. 365), ce qui conduit à douter de la limitation de l’assiette de la consignation aux seules sommes d’argent même à Rome.

95 CMF, art. L. 518-17.

96 Cf. supra n° 54 et les renvois. 97 Cf. infra n° 139 s.

59. Une exclusion inopportune. Cette exclusion peut et doit être combattue. Les finalités

poursuivies par la consignation99 justifient d’en étendre le champ. La consignation peut être

libératoire, permettant au débiteur de se libérer malgré l’opposition ou l’absence de son créancier : le débiteur d’une obligation de somme d’argent ne mérite pas plus de protection que le débiteur d’une obligation non monétaire. La consignation peut être conservatoire, visant purement et simplement à mettre de côté l’objet dans l’attente de la solution d’un litige ou d’une situation incertaine : il serait injustifié de limiter la protection conservatoire aux seules sommes d’argent. La consignation peut jouer le rôle d’une sûreté, l’objet étant entiercé afin d’assurer la bonne exécution d’une obligation : pourquoi se contenter d’une assiette monétaire pour cette garantie ? La limitation de l’assiette de la consignation et l’exclusion des biens non monétaires sont injustifiées. Le droit positif vient d’ailleurs expressément contredire cette exclusion.

B.L

E CONSTAT DE L

ASSIETTE RÉELLE INFINIE

60. Les faux amis : les diverses occurrences du mot « consignation ». Sans doute la

consignation peut-elle porter sur tout type de bien mais il ne faudrait pas déduire cela de certaines occurrences du terme, le vocable « consignation » étant parfois employé dans les textes et contrats dans un sens spécifique, voire dans le sens de la langue courante. Dès lors, l’assiette de ces diverses « consignations » ne saurait servir d’indice pour la détermination de l’assiette de la consignation étudiée dans le cadre de ce travail.

61. Le mot « consignation » est ainsi utilisé de manière spécifique en droit de la

consommation. Lorsque les articles L. 215-7 et L. 215-8 du Code de la consommation permettent aux agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de « consigner, dans l’attente des résultats des contrôles nécessaires », les « produits » non conformes, ne respectant pas les normes de sécurité ou présentant un danger pour la santé des consommateurs, le terme est employé au sens de simple indisponibilité100. L’article L. 215-7, alinéa 2, précise ainsi que « les produits, objets

99 Sur lesquelles, cf. infra Seconde partie.

100 J. CALAIS-AULOY et H. TEMPLE, Droit de la consommation, Dalloz, Précis, 9e éd., 2015, n° 256. Le cas

échéant, lorsque le « soupçon » de non-conformité laisse place à une certitude, l’indisponibilité est remplacée par une véritable saisie (n° 262).

ou appareils consignés seront laissés à la garde de leur détenteur » : l’entiercement, qui est pourtant une composante de la consignation101, est écarté en matière de consommation.

62. En droit maritime, une figure connue est celle du consignataire102. Plus précisément, il

en existe de deux sortes. Le consignataire du navire, qui est un mandataire de l’armateur, a pour mission de faciliter l’escale dans un port où l’armateur n’a pas d’établissement103. Le

consignataire de la cargaison, qui est un mandataire des ayants droit à la marchandise, a pour mission de réceptionner et vérifier l’état de la cargaison104. L’utilisation du terme

« consignation » ne doit pas tromper : le législateur lui-même qualifie l’un et l’autre de ces consignataires de mandataires105.

63. Le vocable « consignation » peut encore être retrouvé en matière commerciale pour

désigner la mise à disposition de marchandises à un tiers, en vue d’en permettre la vente : l’obligation de « consignation des marchandises » peut ainsi se retrouver dans les contrats d’agence commerciale ou d’affacturage106. Il s’agit alors d’une hybridation de deux

contrats107 : un mandat et un dépôt108. Il est possible d’en rapprocher la figure du dépôt-vente,

parfois désignée par le terme « consignation » 109. Peut encore être mentionnée la vente avec

101 Cf. infra Première partie, Titre deuxième.

102 J. BONNAUD, « Définition du consignataire de navire et de l’agent maritime français », DMF 2001. 1041 ;

E. DU PONTAVICE, « La responsabilité des consignataires de navires ou un exemple de ce qu’il ne faut pas faire

lorsqu’on entend réformer le droit maritime », in Études offertes à René Rodière, Dalloz, 1981, p. 447 s.

103 P. BONASSIES et C. SCAPEL, Traité de droit maritime, LGDJ, Traités, 2e éd., 2010, n° 645 s. ; sur la « notion de consignataire du navire », A. R. A. MOUSSA, Le consignataire du navire en droit français et égyptien, LGDJ, Bibl. dr. maritime, fluvial, aérien et spatial, t. 22, 1983, spéc. première partie.

104 P. BONASSIES et C. SCAPEL, Traité de droit maritime, op. cit., n° 658 s. Lorsque ce consignataire agit « à la fois pour le compte de l’armateur et des intérêts [de la] cargaison : on admet qu’il puisse recevoir un double mandat » (P. DELEBECQUE, Droit maritime, Dalloz, Précis, 13e éd., 2014, n° 592). Pour un exemple jurisprudentiel, Com., 10 mai 1984, n° 82-14.076.

105 C. transp., art. L. 5413-1 : « le consignataire du navire agit comme mandataire salarié de l’armateur […] » ;

art. L. 5413-3 : « le consignataire de la cargaison intervient comme mandataire salarié des ayants droit à la

marchandise […] » (nous soulignons). La jurisprudence se conforme à cette qualification : v. p. ex. Com.,

21 févr. 1995, n° 93-15.663.

106 M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, Sirey, Université, 3e éd., 2015, n° 968.

107 A. BÉNABENT, « L’hybridation dans les contrats », in Prospectives du droit économique, Dialogues avec Michel Jeantin, Dalloz, 1999, p. 27 s.

108 M. MALAURIE-VIGNAL, Droit de la distribution, op. et loc. cit. : il s’agit alors de faire de l’agent « le dépositaire des biens qu’il a pour mission de vendre au nom et pour le compte du mandant ».

109 Sur les difficultés de qualification (vente sous condition résolutoire ? dépôt assorti d’un mandat ? vente pure

et simple ? vente sous condition résolutoire ?), F. COLLART DUTILLEUL et P. DELEBECQUE, Contrats civils et commerciaux, Dalloz, Précis, 10e éd., 2015, n° 810 ; sur la diversité des utilisations du mot « consignation » et les difficultés qui en résultent, note 5, p. 794.

consignation, qui correspond à l’hypothèse concrète des bouteilles consignées110 : selon

l’interprétation faite de la volonté des parties, il sera tantôt considéré que la consignation de l’emballage consiste en un prêt de celui-ci, tantôt qu’il s’agit d’une vente avec promesse de rachat111. Dans toutes ces hypothèses, l’opération, si elle présente des spécificités et n’est pas

toujours aisée à qualifier, peut in fine entrer dans les qualifications connues : vente, mandat, dépôt ou prêt.

64. Le terme « consignation » est donc utilisé à propos de produits, navires, cargaisons,

marchandises, bouteilles, bagages… Mais cela ne doit pas tromper : il ne s’agit que d’occurrences non techniques du terme, qui ne permettent pas de corroborer l’assiette réelle infinie de la consignation : il est nécessaire de la vérifier au regard du mécanisme spécifique, sui generis, qu’il s’agit ici de cerner. Il convient ainsi de s’assurer que la consignation est susceptible de porter sur tout type de bien, la jurisprudence, et singulièrement celle relative au séquestre112, pouvant ici servir de laboratoire.

65. Les choses corporelles mobilières. Selon l’article 1959 du Code civil, le séquestre

peut avoir pour objet « des effets mobiliers », ce que confirme d’ailleurs le choix fait par les rédacteurs de rattacher ce mécanisme au dépôt113. À s’en tenir à des exemples de séquestres

imposés dans des procédures récemment arrivées devant la Cour de cassation, le séquestre se retrouve ordonné à propos de disques durs114 ; de documents, fichiers, pièces et supports115 ; du

mobilier et des marchandises trouvés dans un garde-meubles116 ; d’un avion117 ; d’éléments de

preuve118 ; de photographies d’artiste, de lettres et cartes postales écrites par lui, de coupures

de presse et d’un dessin signé par lui représentant la personne contestant la mesure de

110 Longtemps pratiquée en France et encore maniée dans certains pays voisins, telle la Belgique, la consigne de

bouteilles, permettant le lavage à la réutilisation de celles-ci, semble revenir à la mode en Bretagne.

111 Pour le prêt, Civ. 1re, 2 mars 1954, D. 1954. 275 ; pour la vente avec promesse de rachat, Com., 26 janv.

1960, Bull. civ. III, n° 36. Sur ces problématiques de qualification, P. MALAURIE, L. AYNÈS et P.-Y. GAUTIER, Droit civil, Les contrats spéciaux, LGDJ, Manuel, 9e éd., 2017, n° 85.

112 V. les nombreux arrêts cités in J. ISSA-SAYEGH, v° « Séquestre. Généralités. Séquestre conventionnel.

Séquestre judiciaire. Constitution » J.-Cl. Civil Code, juin 2012. Sur l’identité de nature entre consignation et séquestre, cf. infra n° 139 s.

113 C. civ., art. 1916 : « il y a deux espèces de dépôt : le dépôt proprement dit et le séquestre ». 114 Com., 29 nov. 2017, n° 16-22.060, Bull. civ. IV, n° 1418.

115 Civ. 2e, 19 oct. 2017, n° 16-24.586. 116 Civ. 3e, 30 mars 2017, n° 16-13.236.

117 Civ. 3e, 19 janv. 2017, n° 15-25.230, publié au Bulletin. 118 Civ. 2e, 23 juin 2016, n° 15-15.186, Bull. civ. II, n° 1074.

séquestre119 ; de dessins120 ; etc. Les exemples pourraient être multipliés, tant la mesure de

séquestre est fréquemment ordonnée.

66. Les choses corporelles immobilières. De la même manière, la consignation peut

porter sur tout objet corporel immobilier. Contrairement au dépôt, dont il est pourtant présenté comme une « espèce » par l’article 1916 du Code civil, le séquestre peut, selon l’article 1959, « avoir pour objet, non seulement des effets mobiliers, mais même des immeubles »121, ce dont

la jurisprudence se fait parfois l’écho122. Dans le domaine particulier de l’usufruit,

l’article 602, alinéa 1er, du Code civil prévoit également que si l’usufruitier, obligé en vertu de l’article 601 de donner « caution de jouir raisonnablement », ne « trouve pas de caution », « les immeubles sont donnés à ferme ou mis en séquestre ». L’assiette immobilière du séquestre et, partant, de la consignation, ne paraît donc pas poser de difficultés autres que « matérielles »123 éventuellement, et sauf, le cas échéant, à en adapter le régime124.

67. Les choses incorporelles. Dès lors que les meubles comme les immeubles sont

susceptibles d’être placés en consignation/séquestre125 et que l’article 516 du Code civil

précise que « tous les biens sont meubles ou immeubles », l’assiette réelle infinie de la consignation se trouve vérifiée. Quid toutefois des biens incorporels ? Sans doute était-ce plus délicat à leur égard mais « la jurisprudence a étendu le séquestre à ce genre de biens »126.

L’étude de la jurisprudence récente montre que cette extension ne pose plus guère de

119 Civ. 2e, 12 mai 2016, n° 15-15.158, Bull. civ. II, n° 744, aff. Charles Trénet. 120 Crim., 23 mars 2016, n° 14-88.357, Bull. crim., n° 869.

121 Adde C. civ., art. 1961 : « la justice peut ordonner le séquestre : […] 2° d’un immeuble ou d’une chose mobilière dont la propriété ou la possession est litigieuse entre deux ou plusieurs personnes » (nous soulignons). 122 V. ainsi, pour le séquestre d’un entrepôt, Crim., 29 juin 2016, n° 15-82.164.

123 Sur l’entiercement en matière immobilière, cf. infra n° 266.

124 Sur la problématique de la publicité de la mesure de consignation, cf. infra n° 496 s.

125 Il est d’ailleurs envisageable de consigner une universalité : rien ne s’oppose à ce que soit mis sous séquestre

un troupeau par exemple. La jurisprudence admet même qu’une succession entière fasse l’objet d’une telle mesure (Req., 17 déc. 1895, DP 1895. 1. 467 ; Req., 13 juin 1898, DP 1898. 1. 530). En revanche, le séquestre ne saurait porter sur la totalité du patrimoine d’un débiteur pour en réaliser l’actif (Civ., 10 juill. 1876, DP 1876. 1. 313), le principe étant, hors incapacité ou cessation des paiements, qu’une personne ne saurait être dessaisie de l’administration de son patrimoine (Amiens, 24 oct. 1963, JCP N 1964. II. 13704, note J. A., D. 1964. Somm. 44). Dans des circonstances tout à fait exceptionnelles toutefois, il est possible de mettre sous séquestre la totalité des « biens ennemis » ; il s’agit alors d’un séquestre dit « d’intérêt général » (F.-J. PANSIER, v° « Séquestre », Rép. civ., oct. 2010, n° 46 s.). De tels séquestres d’intérêt général ont pu être prononcés sur des

biens allemands (v. ainsi TC, 12 déc. 2011, n° 3816) mais ont également pu être ordonnés plus anciennement (v. E. ROBIN, Le séquestre des biens ennemis sous la Révolution française, Paris, Éditions Spec, 1929).

126 J. ISSA-SAYEGH, v° « Séquestre. Généralités. Séquestre conventionnel. Séquestre judiciaire. Constitution »,

Dans le document La consignation (Page 41-51)