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5.4 Conclusion . . . 125 Le titre de ce chapitre reprend celui d’un ouvrage de Pauli et al. (2002), contenant un court essai de Pauli sur la pensée képlerienne. Ce texte, initialement paru en 1952, sous le titre « L’influence des représentations archétypiques sur la formation des théories scientifiques chez Kepler » s’inscrit dans l’interrogation de Pauli sur l’élaboration de lois naturelles.Klein(2000) évoquait ainsi cette recherche de Pauli :

Pauli reste perçu comme un monomaniaque de la physique, ne croyant qu’aux vérités mathématiques que la raison est capable de plaquer sur le monde. La réalité fut tout autre. Pauli, loin de ne s’intéresser qu’à la seule physique, se passionna pour la philosophie et pour différentes formes de mysticisme, notamment pour la kabbale juive. [...] À l’opposé de la conception purement empiriste qui veut que les lois naturelles soient tirées des seules données de l’expérience, Pauli voulait mettre en avant le rôle joué par l’intuition dans la formation des concepts scientifiques. Il lui sembla que ce rôle de l’inconscient était implicitement contenu dans la notion d’archétype proposée par Kepler au début du XVIIe siècle

A contrario, à la même époque, Einstein renvoie lui, le succès de Kepler à la confrontation avec les faits de l’expérience.

He had to free himself from an animistic, teleologically oriented manner of thin-king in scientific research. He had to realize clearly that logical-mathematical theo-retizing, no matter how lucid, could not guarantee truth by itself ; that the most beautiful logical theory means nothing in natural science without comparison with the exactest experience. Without this philosophical attitude, his work would not have been possible. (Kepler et Baumgardt,1951, p.13)

106 Chapitre 5. Le cas Kepler

Nous allons voir que Kepler a su se créer un chemin bien particulier, sans doute unique, plus complexe que ne le laisse entendre Einstein. Cette question difficile de la pensée du réel par Kepler va faire l’objet de la première partie de ce chapitre, avant que nous ne tentions d’en voir les caractérisations dans la recherche de Kepler sur les pavages. Plusieurs auteurs ont étudié Kepler de façon très globale, nous allons ici nous concentrer sur les dimensions « mathé-matiques » de son œuvre, en laissant un peu de côté certaines problémathé-matiques astronomiques, même si cela reste assez illusoire comme on va pouvoir le constater.

5.1 Formation et premier ouvrage

5.1.1 Éléments biographiques

Pour développer quelques brefs éléments biographiques, nous nous appuyons sur (Caspar,

1958), référence pour la biographie de Kepler1 et la publication de ses œuvres2, mais également sur (Delambre,1821), sur un éloge de Condorcet, (Crepel,1998), lu en 1777 à l’Académie, sur (Gingerich,1973) et (Faidutti,2010).

Il n’apparaît pas tout le temps dans les récits, que la famille Kepler était noble et s’était longtemps distinguée au service des empereurs. Il est vrai qu’au moment de la naissance de Johannes (le 27 décembre 1571 à Weil) la fortune avait déserté la famille et les conditions de vie du jeune Kepler étaient difficiles. Né prématurément, de santé tout d’abord fragile, il vit une ambiance familiale agitée. Son père, mercenaire dans l’armée du Duc de Wurtemberg, souvent parti en campagne, finit par disparaître en 1589. Johannes parvient à suivre des études, malgré un intermède de 1579 à 1581 pendant lequel il doit travailler. Il est, en 1589, autorisé à entrer à l’université de Tübingen et suivra une formation complète qu’il souhaite orienter vers la théolo-gie afin de devenir ministre luthérien. Des circonstances diverses et le soutien de son professeur de mathématiques à l’université, Michael Maestlin, qui l’a formé à la théorie copernicienne, lui font finalement accepter un poste de professeur de mathématiques à l’école protestante de Graz. Bien que l’éloignant de son Wurtemberg natal, cette période fut, pour Kepler, un temps de stabilité (1594 - 1600), et il y en eut peu, qu’il mit à profit pour faire paraître le

Myste-rium Cosmographicum, (Kepler et Segonds, 1993). Il le fit parvenir, parmi d’autres à Tycho Brahé3, qui le reçut en 1598 et invita aussitôt Kepler à le rejoindre. Ce premier échange fut le début d’un court mais tumultueux et productif parcours commun qui vit tout d’abord Kepler retrouver Brahé, après avoir été banni de Styrie, tombée sous la domination de Ferdinand II. Kepler travailla alors à la rétrogradation de mars, à l’élaboration des futures tables rudolphines mais poursuivit aussi la construction de son Harmonices Mundi. La mort de Brahé survint brutalement, le 24 octobre 1601, et Kepler fut alors nommé mathématicien impérial, auprès de Rodolphe II. Kepler connaît à nouveau une période de plus grande sérénité. Seront publiés en particulier durant cette période : Astronomia pars Optica, (Kepler et Chevalley,1980), en 1604, sur l’optique et la vision, De Stella nova in pede serpentarii, en 1604, sur la supernovae,

Astronomia Nova, en 1609, où Kepler énonce deux premières lois fondamentales en astronomie, Strena sive de Nive sexangula, également en 1609, où il rend compte de sa découverte de la

symétrie hexagonale des flocons de neige et en 1610 Dissertatio cum Nuncio Sidero, en soutien à Galilée. L’année 1611 fut une année d’infortune aussi bien familiale que politique pour Kepler, qui perdra sa femme puis trois de ses cinq enfants issus de ce premier mariage, et qui dans les troubles politiques commence à perdre ses appuis. Il envisage rapidement de partir de Prague,

1. De nombreuses biographies moins scientifiques ont également été publiées, par exemple (Koestler,1960), jugée « engaging and sometines exasperating » par Caspar ou (Luminet,2010) ou (Chardak,1989)

2. L’édition de référence des œuvres complètes de Kepler est en cours de publication à Munich, chez l’éditeur Beck.

5.1. Formation et premier ouvrage 107

pour Linz, ce qu’il fera en avril 1612, après la mort de Rodolphe II, précédemment déposé. Il sera mathématicien à Linz de 1612 à 1626, années qui verront la publication, en 1614 de De

Vero Anno quo Aetermus Dei Filius Humanam Naturam in Utero Benedictae Virginis Mariae Assumpsit, travail sur l’année de naissance du Christ, en 1615, de Stereometria doliorum vi-narorum, sur les unités de mesures usuelles dans le commerce, de son Epitome Astronomiae Copernicanae ou Kepler présente l’astronomie copernicienne, de l’ Harmonices Mundi en 1619,

d’une réflexion sur l’astrologie en 1620, Astrologicus et de tables de logarithmes en 1624, Chilias

logarithmorum. A nouveau pourchassé par la guerre, Kepler doit fuir Linz et trouver refuge

à Ulm puis Sagan dans des conditions périlleuses. Il trouve l’énergie de travailler aux tables rudolphines, point d’aboutissement de longues années de recherche, qui seront publiées en 1627. Kepler rédigera à cette époque Somnium, seu opus posthumum de astronomia, un récit fantas-tique d’un voyage de la Terre à la Lune, qui paraîtra en 1634. Kepler mourra à Ratisbonne en 1630, où il venait faire valoir ses revendications financières.

5.1.2 Vers la publication du Mysterium Cosmographicum

D’après (Caspar, 1958, p.36), Kepler se souvient de deux événements marquant de son enfance. En 1577, sa mère, du haut d’une colline lui montra le passage d’une grande comète et en 1580 son père lui fit observer, par une nuit étoilée, une éclipse de lune. En dehors de ses deux instants très particuliers, ce n’est pas dans le contexte familial que Kepler a pu trouver matière à sa formation. Toutefois, les ducs du Wurtemberg menant une politique volontariste pour l’éducation, des moyens sont mis en œuvre pour la formation des jeunes du duché. Ainsi, le jeune Johannes est envoyé à l’école où il apprendra rapidement l’allemand et le latin, mais pour trois ans seulement, son père le retirant bientôt pour travailler aux champs puis dans la taverne familiale. Après cette période loin des classes, il a l’occasion de bénéficier d’une bourse accessible aux jeunes protestants pauvres et prometteurs. Bien que sans beaucoup de bagages, Johannes Kepler réussit une épreuve sélective qui lui permettra d’accéder au petit séminaire d’Adelberg. C’est une fois admis au grand séminaire, qu’il suivra un enseignement basé sur le Trivium : grammaire, rhétorique et dialectique et sur le quadrivium : arithmétique, géométrie, musique et astronomie. Il poursuivra sa formation à l’université de Tübingen avec l’étude du latin, du grec, de l’hébreu, de la dialectique, de la rhétorique et des mathématiques, en vue de devenir pasteur. Esprit curieux et travailleur infatigable, Kepler enrichit sa formation par une fréquentation assidue de la bibliothèque. Il profite des cours de Michel Maestlin, astronome acquis à la pensée copernicienne, et qui professe à l’université les mathématiques. Kepler sera un fervent disciple de ce maître avec qui il conservera une relation privilégiée. C’est ainsi, puissamment outillé d’une solide formation classique et d’un intérêt certain pour l’astronomie qu’il commencera sa carrière comme professeur de mathématiques à Graz.

Les travaux astronomiques de Kepler ont trouvé leur source à l’université, mais c’est à Graz qu’il les développa. Kepler, ayant toujours souhaité que sa pensée soit la plus explicite possible, rédige dans ses publications de nombreux passages où il délivre non seulement sa pensée scientifique mais des éléments la contextualisant. Il en est ainsi dans sa préface du

Mysterium Cosmographicum, (Kepler et Segonds,1993, p.31) :

[...] je voudrais te dire, tant sur la raison de ce petit livre que sur la raison de mon entreprise, certaines choses qui à mon avis te permettront de mieux comprendre et de mieux me connaître.

Et Kepler d’afficher tout de suite sa posture :

Déjà du temps où, à Tübingen, il y a six ans, je travaillais sous la direction du très célèbre Maître Michel Maestlin, j’étais remué par les multiples incommodités de l’opinion usuelle sur le monde [...], au point [...] que j’ai même composé une dis-putation soignée au sujet du premier mouvement, pour montrer qu’il se produit par

108 Chapitre 5. Le cas Kepler

suite de la rotation de la terre. J’en étais venu à assigner aussi à la terre le mouve-ment du soleil, mais alors que Copernic le fait à partir de raisons mathématiques, je le faisais à partir de raisons physiques ou, mieux encore, métaphysiques. Et dans ce but je me mis à rassembler peu à peu soit à partir de l’enseignement de Maestlin soit par mes propres forces, les avantages que Copernic présente, du point de vue mathématique, par rapport à Ptolémée [...]. (Idem)

Dès ce premier extrait de son premier ouvrage, les positions sont claires et en ceci Kepler ne variera pas :

However, Kepler did not subsequently abandon the broader approach of the Mysterium cosmographicum. Similar metaphysical arguments reappeared in his Harmonice mundi (1619), and he reissued the Mysterium cosmographicum in a second edition in 1621, in which he qualified only some of his youthful arguments. Given the persistence of these ideas in Kepler’s work, it is clear that he himself did not experience some sort of conversion experience and become a modern scientist. (Voelkel,2001, p.2)

Nous verrons plus loin que l’originalité de Kepler est pourtant indiscutable, que ses travaux ont une grande part de modernité et nous préciserons la relation de Kepler aux objets des « expériences ». Nous voyons pour l’instant que, pour Kepler, c’est bien l’idée d’une justification

a priori de la nature qui peut guider ses recherches. Toutefois cette recherche a priori peut

prendre différentes voies et c’est aussi là, la force de Kepler qui saura développer aussi bien des arguments mathématiques, que physiques4, que métaphysiques. Le projet est le suivant :

Enfin en l’année 1595, alors que je désirais occuper le loisir que me laissaient mes cours d’une manière profitable et accordée à ma charge, je me jetais de toute la force de mon esprit sur ce sujet. Et il y avait alors trois choses particulièrement dont je cherchais avec obstination pourquoi elles étaient ainsi et non pas autrement, à savoir : le nombre, la grandeur et le mouvement des orbes. Ce qui me poussait à m’attaquer à ce problème, c’est la belle harmonie des choses immuables, Soleil, étoiles fixes et espace intermédiaire, avec Dieu le Père, le Fils et le Saint Esprit, similitude que je poursuivrai plus à fond dans ma cosmographie. (Kepler et Segonds,

1993, p.32)

Concernant les orbes, Kepler explore plusieurs pistes :

Je m’attaquai d’abord à la question au moyen de nombres, et je cherchai si un orbe ne serait pas le double d’un autre, le triple, le quadruple ou tout autre rapport, ou si ce rapport ne se trouvait pas entre les écarts d’un orbe par rapport à un autre. [...] N’ayant rien obtenu par cette voie, j’essayai l’approche par une autre voie extraordinairement audacieuse : entre Jupiter et Mars ainsi qu’entre Venus et Mercure, j’intercalai deux nouvelles planètes [...] Je pensais pouvoir ainsi produire une certaine régularité dans les rapports [...] Mais même l’interposition d’une planète dans l’immense hiatus entre Mars et Jupiter ne suffisait pas. (op. cit., p.32 et 33)

Kepler fit d’autres tentatives, avec des sinus (Figure 5.1), puis avec des figures régulières, après avoir tenté de montrer à ses étudiants l’organisation des grandes conjonctions (Figure

5.2).

Kepler passa l’été à tester la première hypothèse, sans succès, succès qu’il ne rencontra pas plus pour la deuxième. Toutefois :

5.1. Formation et premier ouvrage 109

Figure5.1 – Recherche de régularité utilisant les sinus

110 Chapitre 5. Le cas Kepler

la considération de figures me plaisait, en tant qu’il s’agit de quantité et donc d’une réalité antérieure au ciel. [...] Aussi je me remis à l’étude : pourquoi mettre des figures planes entre des orbes solides ? Faisons plutôt intervenir des corps solides. Et voilà Lecteur, la découverte qui fait la matière de tout ce petit livre. Car il suffit d’être un tant soit peu expert en géométrie pour que ces quelques mots fassent immédiatement venir à l’esprit les cinq corps réguliers, avec les rapports de leurs sphères inscrites et circonscrites, et pour que l’on ait devant les yeux le scolion de la proposition XVIII des Éléments d’Euclide [...]. (Op. cit., p.36)

Dès le 2 août 1595, Kepler fait part, à mots couverts, de son hypothèse à Maestlin, (op. cit., p.202) et le 14 septembre 1595 il la précise dans une nouvelle lettre à son maître, (Caspar,

1938a, p.32) :

Accipe inventum.

Inter intimam  et summam  superficiem est Cubus, inter  et ♂ Pyramis, inter ♂ et ♁ (Randbemerkung : ♁terra) Dodecaedron, inter ♁ et ♀ Icosaedron, inter ♀ et  Octaedrum sive Octaedrj quadratum, [...]5

Cette organisation emblématique sera l’un des fondements des travaux de Kepler. Mais Kepler, loin de se reposer sur cette intuition initiale, n’a de cesse de rechercher l’harmonie dans tous les objets qu’ils manipulent, figures planes, gammes musicales, nombres, ...

The polyhedral hypothesis became the centerpiece of Kepler’s first book, the Mysterium cosmographicum [...]. The polyhedral hypothesis proved to be a very fertile source of ideas, and Kepler buttressed the argument with numerous auxiliary arguments based on the astrological, numerological, and metaphysical appropriate-ness of the arrangement he was proposing. (Voelkel,2001, p.4)

Mais si Kepler fonde ses développements sur de telles analogies, nous le verrons, il sait aussi développer un autre mode de pensée.

5.1.3 Une dernière leçon

On l’a déjà dit, la publication de ce premier ouvrage de Kepler permit la rencontre avec Tycho-Brahé après son expulsion de Graz en septembre 1600. La relation avec Tycho-Brahé a été houleuse, pour des questions financières et scientifiques. Concernant ces dernières, les attentes initiales de chacun des deux protagonistes sont trop distinctes pour que Kepler trouve son compte dans la tâche que lui confie Brahé :

Despite Kepler’s express hope of receiving from Tycho improved values for the planetary distances with which to test and improve the polyhedral hypothesis, Ty-cho would not provide this information. Instead, he assigned Kepler to work on the theory of Mars and gave him observations for just that planet. Despite being barred from developing the primary argument from the Mysterium cosmograph-icum, Kepler could still pursue his motive force hypothesis. And during his first few months with Tycho, Kepler experienced some remarkable successes in his research with Mars. (Voelkel,2001, p.6)

Les relations s’apaiseront toutefois, à tel point que c’est à Kepler que Tycho-Brahé deman-dera de faire fructifier sa richesse, le recueil d’années d’observations astronomiques. Si Kepler possède déjà l’imagination et une excellente connaissance mathématique, il apprend auprès de

5. Traduction libre : Voici l’invention.

Entre les surfaces interne de Saturne et externe de Jupiter est le cube, entre Jupiter et Mars la pyramide (c’est-à-dire le tétraèdre), entre Mars et la Terre, le dodécaèdre, entre la Terre et Vénus l’icosaèdre, entre Vénus et Mercure, l’octaèdre ou carré octaèdre, ...

5.2. Éléments de la pensée képlerienne 111

Tycho-Brahé la rigueur de l’observation et reçoit une leçon d’humilité du grand scrutateur du ciel qu’était Tycho-Brahé.

5.2 Éléments de la pensée képlerienne

En ce bas monde ou sur la terre se cache une nature intellectuelle, qui est capable de géométrie.

Kepler Comme on l’a vu dans la chapitre 4, Kepler se revendique clairement de Proclus. Nous présentons donc dans un premier temps quelques éléments de la pensée Proclusienne. Ce qui nous intéresse ici c’est le point de vue philosophique de Proclus, dont les commentaires sur le livre I des Éléments, (Proclus,1948), sont cités sur la page de titre du livre I de l’Harmonie du

monde.

5.2.1 Proclus

Pour Itard(1949) :

Proclus, né à Byzance en 412, mort à Athènes en 486, nous apporte dans son Commentaire, non pas, comme Pappus dans sa collection, des démonstrations nou-velles, des découvertes mathématiques même, dont il paraît être incapable, mais des renseignements précieux, parce qu’ils sont à peu près les seuls qui nous restent, sur bien des points de l’histoire des mathématiques pré-euclidiennes [...] Le mathé-maticien n’a actuellement rien à apprendre de ce commentaire, alors que la lecture d’Euclide, Archimède, Apollonius, Diophante, Pappus, Ptolémée, Héron même, peut lui apporter encore bien des éléments de réflexion. L’historien des sciences aura au contraire toujours besoin de recourir à Proclus.

Proclus, un des derniers représentants de l’École d’Athènes, rédigea son commentaire des

Éléments près de huit siècles après leur rédaction par Euclide.

Pour (Lernould,2010, p.14)

Les deux prologues au commentaire offrent ainsi à Proclus le lieu de dévelop-per des thèmes majeurs de la philosophie des mathématiques de l’Antiquité tar-dive. C’est ainsi que la première question préalable - le premier « point capital » (κφαλαιoν) - qui est traitée dans le Prologue I (chapitre un) développe l’idée que l’essence mathématique est intermédiaire entre l’essence intelligible (simple, imma-térielle) et l’essence sensible (divisée dans la matière). De la même manière, le Prologue II s’ouvre sur un premier point capital qui est celui du statut ontologique des objets géométriques, à savoir, s’ils sont en eux-mêmes séparés ou non des choses sensibles.

Pour (Lernould,2010, p.16) toujours,

Proclus rejette fortement l’idée aristotélicienne selon laquelle les objets du mètre seraient des concepts empiriques abstraits. Les cercles « imaginés » du géo-mètre ne dérivent pas par « abstraction » des cercles sensibles.

les objets mathématiques ne peuvent pas tirer leur existence d’une opération de l’âme humaine qui, œuvrant par les procédés de l’abstraction et de l’induction, les produirait en tant que réalités postérieures par rapport aux sensibles, et dépendantes de ces derniers. [...] l’abstraction et l’induction étaient considérées comme utiles pour passer de l’appréhension des objets sensibles à la pensée de concepts généraux, mais

112 Chapitre 5. Le cas Kepler

ni l’une ni l’autre n’étaient considérées comme étant des méthodes scientifiques à proprement parler. En somme les véritables sciences mathématiques portent sur les objets mathématiques antérieurs aux objets sensibles et indépendants de ces derniers. (ibid., p.46)

Proclus développe trois arguments en faveur d’objets mathématiques antérieurs aux objets sensibles (ibid. p.46) : « l’exactitude et la variété des objets mathématiques ainsi que le caractère irréfutable des sciences mathématiques », « les démonstrations, basées sur ce qui est universel, sont meilleures que celles basées sur ce qui est particulier ou même individuel », « l’âme ne peut

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