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6 — Le retour des hommes sans ombre

Varjo marchait dans le désert depuis plusieurs jours. Il ne souffrait pas de la chaleur. Elle le laissait indifférent et il ignorait la soif. Ce qui aurait constitué une épreuve mortelle pour un humain, ne figurait pour lui qu’une longue promenade forcée et ennuyeuse. Toute sa volonté était tendue vers le but qu’il s’était fixé ; venger le trépas de son frère et dominer ce monde sous-développé.

Depuis le Witzplads, il avait localisé la Vadonie. Il pensait qu’il aurait affaire à un peuple du même niveau que celui qu’il avait découvert à Byzandore. Aussi, fort de son état éthéré, avait-il tenté de s’introduire dans le palais du souverain. À sa grande surprise, il s’était heurté à une barrière invisible qui lui avait interdit l’accès, non seulement à celui-ci, mais également, à tous les bâtiments de quelque importance.

Comment ce peuple, apparemment du même niveau d’évolution que ceux du nord et de l’est, pouvait-il maîtriser des techniques spirituelles qui demeuraient à sa connaissance, l’apanage de sa seule race ? Cette interrogation en amena aussitôt une seconde : accédaient-ils aussi au Witzplads ? Il n’y avait pourtant décelé aucune autre présence. Néanmoins, il résolut d’y évoluer plus prudemment, désormais.

Il avait visité Vadonia, Brunnen et Belestran. Partout, le même obstacle avait arrêté ses investigations. De ce qu’il connaissait de la campagne de son frère, il avait retenu que Xorda n’avait jamais eu l’occasion de subjuguer un Vadon.

Lui pensait qu’aucune raison ne le lui interdisait. Puis, il réfléchit un instant et admit qu’il devait quand même envisager le cas contraire. Il conclut que si cela venait à se produire, le meilleur moyen d’atteindre son but consisterait à soumettre les États du Nord et de l’Est, pour constituer des armées nombreuses qu’il jetterait ensuite sur la Vadonie.

Pour en arriver là, il devait tout d’abord s’extraire du sable où son vaisseau était enfoui. Puis, il rallierait Byzandore, avec la ferme intention de récupérer l’enregistreur de Xorda. Celui-ci lui avait déjà livré des informations vitales pour sa survie, mais il voulait en disposer pour étudier à fond le parcours de son jumeau sur ce monde. Il désirait savoir pourquoi celui-ci avait échoué.

De retour dans son enveloppe corporelle, il avait analysé sa situation. L’enregistrement de son frère avait résolu son problème d’alimentation. Plus rien ne justifiait qu’il s’attarde encore dans ce lieu, auquel la disparition de l’énergie ôterait bientôt tout intérêt.

Il absorba une solide ration de bouillie rouge et modifia les commandes du synthétiseur, afin qu’il lui délivre des portions conditionnées pour être emportées, jusqu’à l’épuisement de

l’énergie disponible. Le processus s’en avérait gourmand et la machine en vint à bout dès la sixième ration. Varjo les rangea dans un conteneur cylindrique, hermétique, et muni d’une lanière, qu’il fit passer sur son épaule. Puis, il se dirigea vers l’arrière du vaisseau, dans le compartiment des machines, où il arma le système pyrotechnique prévu pour l’éjection du sas de secours.

Il avait profité d’une de ses sorties extracorporelles pour sonder l’épaisseur de la couche de sable qui recouvrait le vaisseau. À cet endroit, elle mesurait un peu moins de quatre mètres. Il se trouvait à mi-pente d’une très haute dune que l’éjection du sas ébranla avec force, ce qui provoqua l’effondrement de son sommet.

Des centaines de tonnes de sable, déstabilisées par l’onde de choc de l’explosion, déferlèrent sur la pente de la dune comme une avalanche. Leur chute entraîna dans leur sillage les masses de celui qui se trouvait en contrebas de l’astronef. Lorsque l’écoulement cessa, un rai de lumière filtrait dans le coin supérieur droit de l’ouverture pratiquée par l’éjection du sas de secours. Varjo s’allongea sur le sable qui avait pénétré à l’intérieur du vaisseau et entreprit d’agrandir le passage. Quand il le jugea suffisant, il étira son corps jusqu’à ce qu’il devienne assez fin pour s’y glisser. Il put ainsi s’extraire sans mal de sa prison souterraine et sans s’attarder, se dirigea vers le nord-ouest, avec Byzandore en point de mire.

***

Depuis le Witzplads, le veilleur avait assisté à toute l’opération. Il suivait assidûment Varjo depuis qu’il l’avait trouvé. Il avait calé son esprit sur sa fréquence spirituelle, de telle sorte que, malgré les mesures de prudence dont il s’entourerait désormais, il serait toujours en mesure de le retrouver.

Lorsqu’il était sorti de son sommeil millénaire, Varjo avait commis l’erreur de se croire seul capable d’accéder au Witzplads. Il s’y était rendu sans la moindre précaution pour dissimuler sa présence et avait donné libre cours à son tempérament colérique. Il ne se doutait pas que ses poursuivants de jadis avaient laissé derrière eux un dispositif capable de le neutraliser. Sa tendance à l’emportement l’avait trahi et alerté le veilleur. Sans elle, celui-ci aurait éprouvé beaucoup plus de difficultés à le débusquer. À présent, l’erreur s’avérait irrécupérable, mais Varjo l’ignorait. Quoi qu’il entreprenne, où qu’il aille, quoi qu’il décide, il se trouverait toujours sous surveillance.

La direction qu’il avait empruntée en sortant du sable et qu’il suivait depuis indiquait clairement sa destination. Le veilleur comprit rapidement ce qui le motivait et il jugea préférable qu’il ne puisse pas s’emparer de l’enregistreur de son frère. Aussi, décida-t-il de

visiter Gontar nuitamment.

***

Le roi du Barador se trouvait au milieu d’une bataille, sans armes pour se défendre. Autour de lui se déroulait l’habituel carnage des affrontements moyenâgeux. Des soldats hurlaient de douleur, puis mouraient achevés par un adversaire ou des suites de leurs blessures. Pas de quartier, pas de prisonnier. À la fin, il ne demeurerait que les vainqueurs et les cadavres.

Le conflit opposait des hommes sans ombre au soleil, au regard vide et inexpressif, à une alliance, où Gontar retrouva les anciennes couleurs du Barador et celles de Styrie. Un troisième étendard, qu’il ne reconnaissait pas, flottait entre les deux autres. Tout à coup, un soldat au visage méchamment balafré prit pour cible un adversaire qui le côtoyait et lui asséna un redoutable revers de son grand sabre recourbé. Le roi se trouvait sur la trajectoire de l’arme. L’attaquant avait frappé de taille et instinctivement, Gontar avait relevé ses bras pour se protéger. La lame passa à travers lui, sans provoquer la moindre blessure. Son agresseur ne s’en étonna pas, et, indifférent à sa présence, poursuivit son attaque.

Éberlué par sa mésaventure et à peine remis de sa frayeur, Gontar, qui n’était pas arrivé au bout de ses surprises, s’aperçut qu’à présent, il survolait le champ de bataille. Il planait au-dessus des combattants, dont le nombre s’amenuisait de minute en minute.

Sur l’arrière de la mêlée, il distingua deux géants qui s’affrontaient en silence. Chacun d’eux dépassait les deux mètres. L’un, au physique élancé avec le teint clair, avait noué ses longs cheveux blonds en queue de cheval. L’autre, massif, avec des muscles énormes et la peau sombre portait une toison noire et crépue, où luisaient des reflets rouge-orangé. Son adversaire, au contraire, était doté d’une anatomie harmonieuse. C’était un athlète puissant et racé.

Ils combattaient avec acharnement, l’un se montrant aussi agile que l’autre. Ils enchaînaient les passes d’armes à une vitesse et avec une précision ahurissante. Mais aucun ne semblait en mesure de prendre l’avantage sur son vis-à-vis.

Autour d’eux, l’affrontement avait cessé. Les partisans du géant sombre s’étaient regroupés à distance. Ils ne restaient plus que quelques dizaines, mais se préparaient néanmoins à revenir à l’attaque. Un peu supérieurs en nombre, leurs adversaires profitaient de l’intermède pour reformer leurs lignes. Ils s’interposaient, à présent, entre les hommes sans ombre et la lutte des deux géants et se préparaient à repousser l’assaut qui s’annonçait.

Soudain, le combat des deux colosses changea de physionomie. Le blond avait réussi à se placer sur le dos du sombre et il enserrait sa tête entre ses mains, ce qui semblait le paralyser.

Son corps entier luisait d’une vive lumière qui gagnait peu à peu son adversaire.

Gontar reconnut la scène. Féru d’histoire, il se rendait régulièrement à Barad, l’ancienne capitale du Barador, où il faisait stocker les archives du pays dans les sous-sols de la forteresse. Il y avait lu la description de ce combat. Il ignorait par quel sortilège, mais il assistait de visu à un évènement vieux de plus de mille cinq cents ans. Le lutteur sombre était Xorda, le maître des hommes sans ombre et son adversaire, le guerrier lumineux des Vadons.

Tout à ses réflexions, il avait perdu le fil de la bataille. Quand il y revint, le sol se refermait sous lui. Il avait englouti les deux combattants. Il vit un Baradoran s’approcher et ramasser un petit objet qui brillait au soleil. Il reconnut le pendentif qui lui venait de son ancêtre. C’est alors qu’un grand vieillard vêtu d’une ample robe grise apparut à son côté et s’adressa à lui :

— Roi Gontar, veuillez me pardonner de vous avoir contraint à assister à ce triste spectacle, mais cela m’a semblé nécessaire pour que vous saisissiez bien toute l’importance de ce qui va suivre.

Interloqué, Gontar demanda : — D’où sortez-vous, Monsieur… ?

— Mon identité et ma provenance demeurent sans intérêt. Écoutez plutôt ce que je suis venu vous confier.

Sans laisser à Gontar, l’occasion de reprendre la parole, il enchaîna :

— L’homme qui a ramassé le médaillon était votre ancêtre Sigurde. Il l’a gardé et cet objet s’est transmis de père en fils, jusqu’à vous. Entre vos mains, ce n’est qu’un innocent bijou, mais s’il venait à luire d’une manière inhabituelle, alors, une grave menace pèserait sur vous et les vôtres. A-t-il déjà émis une lueur insolite ?

— Oui ! Par tous mes ancêtres ! Qu’est-ce que cela signifie ?

— Cela annonce que le maître des hommes sans ombre est de retour. Votre médaillon doit disparaître sans attendre. Agissez de sorte qu’il quitte Byzandore et que celui qui s’en chargera soit seul à savoir où il est et reste avec lui, là où il l’aura emporté. Puis-je compter sur vous ?

— Nous procéderons ainsi que vous le demandez, mais cela suffira-t-il à empêcher le retour du maître des hommes sans ombre ?

— Je ne le crois pas, mais cela lui compliquera la tâche et nous procurera un gain de temps appréciable.

Avant que Gontar l’interroge encore, le vieillard commença à s’effacer, devint translucide et il disparut tout à fait. Gontar, quant à lui, sursauta dans son lit et se réveilla. Sa compagne bougea à côté de lui et d’une petite voix inquiète et ensommeillée demanda :

— Pourquoi remues-tu ainsi ?

— C’est encore ce rêve qui me poursuit depuis trois nuits. Rendors-toi.

Il s’assit au bord de sa couche, glissa les pieds dans de chaudes mules en peau de mouton, se leva et se dirigea vers la fenêtre de la chambre, dont il écarta légèrement la tenture. Le ciel commençait à s’éclaircir à l’est. Il délaissa la croisée et revint vers son lit, à côté duquel trônait une desserte où reposaient ses vêtements. Il s’habilla en silence et sortit de la chambre. Dans le couloir qui le conduisait aux cuisines, il rencontra le chef de la garde de nuit. Il l’interpella :

— Capitaine !

— À vos ordres, sire.

— Trouvez-moi le connétable et demandez-lui de me rejoindre dans mon cabinet, derrière le trône.

— Mais, il doit reposer encore, sire !

— Réveillez-le dans ce cas ! Est-ce que je dors, moi ? — Bien sire. Et il partit en courant.

Gontar passa par les cuisines. Les marmitons s’étaient déjà mis au travail. Il commanda qu’une solide collation pour deux soit servie rapidement dans son cabinet et s’y rendit aussitôt. Il y était parvenu depuis quelques minutes, quand des domestiques apportèrent deux plateaux chargés de victuailles et de boissons.

Le roi s’attabla, se remplit un gobelet de vin chaud qu’il goûta du bout des lèvres, puis il débita un gros morceau d’un appétissant pâté de sanglier et le déposa sur une belle tranche de pain. Il s’apprêtait à mordre dedans, lorsque le connétable toqua à la porte et entra, les paupières encore lourdes de sommeil :

— Veuillez excuser mon retard, sire, bredouilla-t-il en étouffant un bâillement.

— Je vous comprends, mon bon Garin. Asseyez-vous et tapez là-dedans, continua Gontar en désignant les mets disposés sur la table, rien de tel qu’un sérieux casse-croûte pour vous stimuler.

Garin s’installa en face du roi, se servit un gobelet de vin chaud dans lequel il trempa ses lèvres avant de demander :

— Puis-je savoir ce qui me vaut un réveil aussi matinal, sire ? — Mon médaillon, mon cher, mon médaillon !

— Votre médaillon ; sire ! Je ne vous suis pas.

— Mon médaillon doit disparaître avec celui qui l’emportera. — Dois-je comprendre que le porteur doit mourir, sire ?

— Certes non ! Pas du tout ! Je veux dire qu’un homme de confiance doit prendre mon médaillon et quitter Byzandore vers une destination connue de lui seul. Il devra y rester jusqu’à ce qu’il reçoive un avis contraire.

— Mais, sire, comment pourra-t-on lui envoyer un contre-ordre, si personne ne sait où il est ?

— Ne vous souciez pas de ceci, Garin, et ayez confiance en moi. Choisissez votre homme et présentez-le-moi avant la mi-journée.

— Bien sire. Cependant, m’expliquerez-vous le pourquoi de cette étrange requête ? — Me croirez-vous, si je vous affirme qu’un mage me l’a conseillé dans un rêve ?

Garin, stupéfait, observa le roi d’un regard éloquent. Il se demandait visiblement si celui-ci avait toute sa raison. D’un ton incrédule, il s’exclama :

— Dans un songe ; sire !

— Exactement Garin ! Cette nuit même ! Mais ce serait trop compliqué et trop long à raconter et le temps presse.

Garin dut se contenter de cette explication expéditive et aller s’occuper de l’exécution de la mission dont il venait d’être chargé.

Au crépuscule suivant, un cavalier quitta Byzandore. Il emportait le médaillon et disparut dans l’obscurité.

***

Lorsqu’il parvint à la frange du désert, Varjo marchait depuis plusieurs semaines. De loin en loin, quelques maigres touffes d’une végétation rabougrie apparaissaient au pied des dunes et il distinguait, ici ou là, les traces à peine perceptibles d’une faune certes rare, mais bien présente.

C’était les ondulations qu’un reptile avait laissées sur le sable en se déplaçant, les empreintes tout juste discernables d’un petit rongeur en quête de nourriture ou plus simplement, l’apparition d’insectes qui jusqu’ici, avaient brillé par leur absence.

Ces observations ravivèrent son ardeur et l’incitèrent à presser le pas. La monotonie du paysage le lassait. Jamais de sa vie, il n’avait vu autant de sable et pourtant, il avait déjà vécu longtemps. Il en était écœuré. Il se jura que dans la mesure du possible, jamais il ne remettrait les pieds dans ce désert.

L’horizon vert des steppes lui apparut, alors qu’il émergeait au sommet d’une dune particulièrement haute. Quelques heures plus tard, il en abordait les premières prairies jaunies par la proximité de l’erg. L’herbe était clairsemée, mais plus il avançait, plus sa densité

augmentait et plus elle verdissait. Il marcha encore quelques heures et il se trouva complètement immergé dans un océan de végétation luxuriante qui s’étendait à perte de vue.

Sa dernière ration de bouillie rouge ne constituait plus qu’un souvenir et les premiers signes d’inanition commençaient à se faire sentir. Il devait découvrir rapidement des animaux, pour exploiter l’information qu’il avait puisée dans l’enregistrement de son frère. Il s’échappa de son corps et s’éleva très haut, au-dessus de la steppe. Grâce à l’acuité visuelle centuplée que lui procurait son état éthéré, il trouva sans peine ce qu’il cherchait. Il réintégra aussitôt son enveloppe et se remit en marche.

Au creux d’un vallon verdoyant, quelques arbres formaient un cercle autour d’une résurgence, où une eau cristalline et fraîche attirait les animaux. Prédateurs et proies s’y succédaient pour s’abreuver, les secondes ne s’avançant qu’après s’être assurées que les premiers s’en étaient suffisamment éloignés.

Un troupeau de gros bovidés broutait un peu à l’écart. C’étaient des bêtes massives et musculeuses qui tenaient à la fois du bison et du buffle. De l’un, elles avaient hérité la toison drue qui recouvrait un poitrail et des épaules puissantes et de l’autre, un train arrière au pelage ras avec des cuisses, taillées à la hache, qui leur donnaient l’allure de culturistes surdéveloppés. Le sommet de leurs crânes s’ornait de grandes cornes effilées qui pointaient vers l’avant, après avoir dessiné un arc de cercle qui les ouvrait de part et d’autre de leur tête.

Beaucoup étaient couchés dans l’herbe drue. Les éléments les plus forts entouraient les femelles gestantes et les jeunes, maillons faibles du troupeau, pour les maintenir à l’abri des prédateurs, derrière le rempart de leurs corps et de leurs cornes. De grands mâles montaient une garde vigilante, dans toutes les directions, sur le pourtour du rassemblement.

Varjo étira son anatomie jusqu’à la rendre invisible et s’approcha de l’un d’entre eux qu’il tétanisa d’une puissante attaque mentale. La suite se révéla d’une facilité déconcertante. Il plaça une main sur le cou de l’animal à l’emplacement de la veine jugulaire et absorba son sang à travers sa peau. Pendant qu’il se rassasiait, une pensée émue pour son frère lui vint à l’esprit. Quelle fameuse paire ils auraient constituée tous les deux, si leurs caractères s’étaient accordés ! Quel gâchis ! Mais il était trop tard pour avoir des regrets. Xorda était mort et seule la vengeance soulagerait les remords de Varjo.

Alors qu’il s’éloignait de sa victime le roulement crescendo d’une galopade annonça la venue d’une bande de chevaux sauvages.

— Que demander de plus ? pensa Varjo. Voilà que mon véhicule est avancé.

Il subjugua l’étalon qui la conduisait et s’en servit de monture. Il s’en assujettit cinq autres, comme garde-manger et sans plus perdre de temps, reprit la direction du nord-ouest.

Après un voyage long et qu’il trouva fort ennuyeux, il arriva très tôt un matin, en vue d’Orinel. C’était une petite bourgade fortifiée, dont les remparts sortaient de terre au bord d’une large douve, aux eaux troubles et profondes, qu’un pont-levis présentement abaissé permettait de franchir. À cet endroit, les murs atteignaient une telle épaisseur, que le passage ressemblait à un petit tunnel dont deux imposantes herses de fer forgé hérissées de pointes acérées, actuellement relevées, protégeaient les extrémités. Des hommes d’armes montaient la garde de chaque côté pendant que d’autres, à l’extérieur, filtraient les entrées et percevaient le péage que tout visiteur devait acquitter.

C’était jour de marché. Malgré l’heure très matinale, de nombreux marchands, camelots et