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11 — L’invasion des hommes sans ombre

Astaran voyageait entouré d’une dizaine de cavaliers Vadons, dont la valeur de combattant n’était plus à prouver. Il partait en ambassade auprès de Gontar, souverain du Barador, pour perpétuer une tradition qui perdurait depuis de nombreux lustres entre les deux États ; leurs rois échangeaient des diplomates à intervalles réguliers. La délégation vadonne avait pris la route depuis plusieurs semaines. Elle progressait sans se hâter plus que nécessaire, car aucune urgence ne l’obligeait à presser le pas.

Le jour commençait à décliner, lorsque l’homme qu’il avait envoyé en éclaireur revint au galop. Astaran arrêta sa troupe et attendit qu’il les ait rejoints. Le cavalier vint à sa hauteur et rapporta les faits qui avaient provoqué son retour :

— Votre Excellence, j’ignore ce qui se trame autour d’Orinel, mais j’ai observé des groupes d’hommes armés qui sillonnent la campagne.

— Des soldats ?

— Quelques-uns, Votre Excellence, mais aussi des gueux et même des femmes. Ils abordent tous les gens qu’ils croisent et, ce qui paraît curieux, c’est que tous se joignent à eux. Ils donnent l’impression de chercher quelque chose ou quelqu’un.

— Quelle livrée portent les soldats ? — Celle de Styrie, Votre Excellence.

— Ils restent chez eux, par conséquent. Ce n’est peut-être qu’une chasse à l’homme. Demeurons sur nos gardes et continuons notre chemin.

La troupe se remit en marche. Elle avait quitté Vadonia par le bac qui lui avait permis de franchir l’Albaran, puis elle avait emprunté la route du Nord qui remontait directement vers Styrria. Après quelques jours de voyage, elle avait infléchi sa course sur la droite pour longer le massif des Arravallons qu’elle comptait dépasser pour poursuivre son avancée vers Byzandore, par la vallée de l’Aquénor. Elle avait ignoré l’accès au col de la couronne et à présent chevauchait sur une petite route qui sinuait de prairies en sous-bois, dans un paysage verdoyant et forestier. À deux reprises, grâce à une position élevée, elle avait pu apercevoir au loin le donjon d’Orinel. Elle avait accéléré un peu son allure, pour l’atteindre avant la nuit et y trouver gîte et couverts.

Alors qu’elle émergeait d’un sous-bois, un groupe hétérogène, composé en grande partie de paysans, de villageois et de quelques femmes, encadré par quelques soldats arrêta la troupe. Leur armement, assez disparate, se constituait principalement de fourches, de faux et de couteaux. Ils semblaient déterminés et sûrs d’eux.

— D’où venez-vous et que cherchez-vous ici ? demanda celui qui commandait.

— Je suis Astaran, ambassadeur de Vadonie auprès du roi Gontar. Mes compagnons forment mon escorte et nous nous rendons à Byzandore.

— Alors, permettez que nous vous accompagnions jusqu’à Orinel ! Votre Excellence. — Je n’y vois pas d’inconvénient. Mais à quoi rime ce déploiement de forces ?

— Depuis quelque temps, un groupe de pillards harcèle les voyageurs dans cette région. Le baron Zuir a décidé d’en finir avec eux.

— Oh ! Mais nous sommes de taille à nous défendre, vous savez !

— Je n’en doute pas, Votre Excellence. Mais nous regretterions que vous soyez confondu avec eux et attaqué indûment. D’autre part, si vous n’avez pas envisagé d’autres dispositions, le baron Zuir sera, je présume, ravi de vous héberger pour la nuit.

— Face à de tels arguments, je ne peux que m’incliner. Nous n’avons pas dormi dans un lit depuis longtemps et je pense que cela nous fera le plus grand bien à tous.

— Parfait ! dans ce cas, veuillez nous suivre !

Les Vadons emboîtèrent le pas de la troupe qui malgré son apparence étrange faisait preuve d’une discipline toute militaire. Les soldats allaient devant. Puis les paysans, arme sur l’épaule, venaient derrière eux, sur trois rangs. Enfin, les femmes, qui avançaient en silence, fermaient la marche.

Depuis le matin, le ciel demeurait uniformément gris. Une épaisse couche nuageuse masquait le soleil, de sorte qu’aucune ombre ne se profilait sur le sol.

Astaran et ses compagnons ignoraient la réapparition des hommes sans ombres, car ils avaient quitté Vadonia avant qu’elle ne soit connue. Ainsi, aucune raison ne les incitait à se méfier de l’accueil qu’on leur réservait et encore moins à se douter du danger qui les guettait.

Un soldat était parti en avant pour prévenir le baron de leur arrivée, de sorte que celui-ci les attendait à l’entrée de la cité lorsqu’ils s’y présentèrent.

C’était un gros homme qui portait une barbe noire taillée en forme de V renversé. Sous d’épais sourcils, ses yeux marron, profondément encastrés dans leurs orbites, lui donnaient un regard sombre. Il était entouré de son connétable, du bourgmestre et de quelques notables de la ville. Il les accueillit avec un sourire cordial :

— Bienvenue dans notre modeste cité, Votre Excellence. C’est avec joie que nous vous recevons dans nos murs.

— Un plaisir partagé, Baron. Acceptez en retour les salutations de la Vadonie et du roi Gauddis !

valeur des cavaliers Vadons. Il savait qu’ils n’étaient pas équipés des terribles lames de carbonace : celles-ci ne quittant jamais le sol Vadon. Cependant, leurs armes étaient fabriquées dans un acier d’une qualité bien supérieure à ce qui sortait des forges styrriennes. Les attaquer de front aurait équivalu à signer l’arrêt de mort de trop de monde. D’ailleurs, son but demeurait avant tout de les asservir pour les livrer à Varjo.

— Veuillez nous suivre à l’intérieur. Je vais vous conduire à ma résidence, où j’ai pris les dispositions pour qu’un banquet et des lits confortables soient préparés pour vous.

— C’est très aimable à vous, Baron. Je témoignerai avec empressement de votre hospitalité auprès du roi Gauddis de Vadonie et de Gontar du Barador.

La troupe d’Astaran pénétra dans la ville en marchant devant ses chevaux qu’elle tenait par les rênes. Quelques heures plus tard, l’ambassadeur et ses hommes, assommés sous l’effet du vin drogué qu’ils avaient bu sans méfiance, s’assoupirent. Le baron et les notables les asservirent et le lendemain, les conduisirent devant Varjo, dans la grande salle de réception du donjon.

Lorsque la délégation vadonne entra, Varjo effectua un mouvement de recul. Il avait beau sonder les esprits, il ne parvenait pas à « sentir » les Vadons. Il s’écria sèchement :

— Arrêtez-vous ! Restez où vous êtes !

Zuir avança encore de deux pas. Celui-là, Varjo le percevait clairement comme un des siens, mais pas les Vadons qui échappaient à ses investigations mentales.

— Baron, que signifie ceci ? Je vous ai ordonné de convertir ou de tuer. Pourquoi ces Vadons sont-ils restés vivants ?

— Parce qu’ils sont ralliés, Monseigneur. Commandez ! Ils vous obéiront.

Varjo observa les Vadons, l’air étonné. C’étaient des hommes grands, altiers et au regard fier. Ainsi, voilà les descendants de ceux qui ont occis mon frère, pensa-t-il. Et il sentit monter en lui une bouffée de haine sans borne.

— À genoux, ordonna-t-il.

Les Vadons s’exécutèrent instantanément. Satisfait et rassuré, Varjo revint au baron : — Parfait, gardez-les-moi de côté, ils m’accompagneront à Byzandore et maintenant, hors de ma vue, avant que je ne les massacre.

Il les regarda quitter la salle avec un rictus de haine aux coins des lèvres. Quel meilleur moyen d’approcher Gontar, que de se mêler à une mission diplomatique, songea-t-il ! Cependant, il résolut de se tenir à l’écart d’eux, car il n’avait pas encore eu l’occasion de convertir lui-même un Vadon. Ne pas les « sentir » mentalement, lui inspirait une méfiance instinctive qu’il entendait bien entretenir.

— Baron, restez ici, je n’en ai pas terminé avec vous. — À vos ordres Monseigneur.

Varjo attendit que tous soient sortis avant de poursuivre :

— Demain, je partirai. Je vous laisserai à la tête d’Orinel avec la charge de transformer tous ces gueux qui vous entourent en soldats. Répandez-vous dans les environs, asservissez tous ceux que vous trouverez et, si vous rencontrez des récalcitrants, tuez-les !

— Où me procurerai-je des armes, Monseigneur ?

— Débrouillez-vous. Rallumez les forges, mettez des hommes au travail, mais que chacun possède au moins une épée. Agissez rapidement et tenez-vous prêt à répondre à mon appel.

— Je m’appliquerai à vous satisfaire, Maître. Puis-je savoir où vous allez ?

— Je vais conquérir Byzandore et récupérer quelque chose qui me revient de droit. — Seul et sans armée, Monseigneur ?

— Non, dix de tes meilleurs soldats m’accompagneront, ainsi que les Vadons que tu as si bien bernés.

— Cela risque de s’avérer insuffisant pour soumettre une si grande cité, Monseigneur. — Ce n’est pas ton problème. Tu as reçu tes ordres, exécute-les et tâche de te montrer à la hauteur, sinon…

Le ton employé se révélait assez lourd de menaces pour qu’expliciter les conséquences devienne inutile.

Le lendemain, Varjo partit en direction de Byzandore. Les soldats du baron marchaient devant lui et les Vadons asservis le suivaient. Il avait sélectionné avec soin les hommes, qui constituaient l’ébauche de la troupe, qui formerait plus tard sa garde prétorienne. Ce n’était pas qu’il en éprouve la nécessité, puisqu’il se montrait insensible aux armes qu’on pouvait lui opposer sur ce monde, mais elle lui servirait dans la mesure où elle le libérerait de la surveillance permanente de son environnement. Et puis, dans certains cas, pourquoi se salirait-il les mains quand d’autres pourraient accomplir les basses besognes à sa place ?

Ceux-ci semblaient vivre normalement, mais ils ne pensaient et n’existaient plus que par et pour Varjo. Ils avaient oublié leur passé ; ils obéiraient sans hésitation au moindre de ses ordres et mourraient sur place au besoin, pour accomplir leur mission. Ils avaient tous reçu le pouvoir d’asservir leurs semblables par l’imposition des mains et ils accompagneraient leur maître partout où il se rendait.

Sur la route, tous les voyageurs qu’ils croisaient étaient réduits à l’esclavage mental. Dans l’incapacité de s’y soustraire, ils oubliaient la destination et le motif de leur déplacement. Ils recevaient l’ordre de rejoindre Orinel et de se conformer aux instructions du baron Zuir.

Désormais, satisfaire leur maître était devenu l’ultime et unique but de leur vie.

De temps à autre, Varjo se retournait sur sa selle et regardait les Vadons. Chaque fois, cela provoquait, en lui, la même montée d’une bouffée de haine qu’il avait peine à contenir ; comme il aurait aimé les massacrer de ses mains ! Mais, les images de la fin de son frère lui revenaient à l’esprit et lui inspiraient une méfiance accrue à leur égard. Ces Vadons, qui semblaient des hommes ordinaires, ne se laisseraient peut-être pas tuer avec autant de facilité que les gueux qu’il avait côtoyés jusque-là. Si par le passé l’un d’entre eux avait pu terrasser son frère, lui risquait de subir un sort identique s’il en attaquait un de front. S’avéraient-ils tous de la même trempe ? Et sinon, comment reconnaître ceux qui l’étaient ? Ces deux questions l’obsédaient depuis que les Vadons asservis se trouvaient en sa présence, et l’empêchaient de réfléchir avec sérénité. Il devait absolument y apporter des réponses.

Depuis qu’une bourgade était apparue à l’horizon, la troupe grossissait de tous les passants qu’elle arraisonnait. Varjo ne désirant laisser derrière lui aucun bastion qui ne soit pas soumis à sa dévotion, il subjuguerait ce village, comme il avait asservi Orinel. Puis, il y instituerait un second poste de recrutement et de formation, avant de continuer son chemin.

À Orrulme, nom de la petite cité qu’ils avaient atteinte, les Vadons se présentèrent pour ce qu’ils étaient : une mission diplomatique de Vadonie. Ils justifièrent la présence de la troupe de soldats Styrriens, par le fait que le baron Zuir avait affirmé que les routes ne semblaient pas sûres et leur avait adjoint une escorte. Les Orrulmans les accueillirent et les hébergèrent. Varjo reproduisit à peu de chose près le même scénario qu’à Orinel et le tour fut joué.

Il consacra la journée du lendemain à organiser sa nouvelle conquête, instaura une hiérarchie, laissa des consignes semblables à celles qu’il avait données à Orinel et reprit la direction de Byzandore avec sa garde et les Vadons.

***

À Byzandore, dans le palais du roi Gontar, régnait une effervescence peu courante. Les serviteurs mettaient la dernière main aux préparatifs de la réception que celui-ci comptait donner, en l’honneur de la venue de son voisin, le roi Éristen d’Argastille.

La grande salle d’apparat resplendissait de propreté. Les sols reluisaient, comme ils n’avaient pas brillé depuis un temps certain et les murs étaient décorés de guirlandes multicolores. Dans le fond de la pièce, tournant le dos aux cuisines et face à l’entrée principale de celle-ci, les tréteaux qui supportaient de grands plateaux de bois formaient un vaste u qui occupait la quasi-totalité de la largeur des lieux. L’ensemble était garni de nappes immaculées sur lesquelles on avait disposé une vaisselle étincelante de blancheur et quelques bouquets de fleurs qui mêlaient leurs parfums aux fragrances de marinades et de gibier rôti

qui flottaient dans l’air.

Face au U des tables, une estrade accueillerait les musiciens et les artistes qui viendraient agrémenter la soirée. Le roi avait laissé à ses fils, le soin de trier, parmi tous les candidats, ceux qu’ils jugeraient le mieux à même de les distraire, sans les assourdir et avec la plus grande compétence.

La journée était bien avancée. Entouré de ses deux garçons, Gontar supervisait les derniers préparatifs. Il se réjouissait de recevoir ses hôtes, car les occasions de festoyer étaient devenues rares et il avait hâte d’entendre des nouvelles des autres territoires. Un soldat se présenta à lui :

— Sire, l’escorte du roi Éristen est apparue, à l’horizon. On l’aperçoit depuis nos murs. — Ah ! Enfin ! s’exclama Gontar. Les enfants, venez avec moi, ordonna-t-il à ses fils, nous allons sur les remparts, je veux vous faire voir quelque chose. Quant à toi, soldat, cours chez le maître-verrier, dans la rue des artisans, et informe-le que je l’attends au sommet de la tour à droite de l’entrée sud de la ville. Qu’il apporte sa dernière invention !

Suivi de ses deux fils intrigués par le mystère que leur père entretenait sur ce qui le motivait, Gontar se dirigea vers les remparts.

Vue depuis la cité, l’escorte d’Éristen n’apparaissait toujours que comme un petit point à l’horizon. Elle devrait marcher encore plusieurs heures avant de parvenir à l’entrée de la ville. Gontar et ses fils regardaient ce minuscule point qui semblait immobile, quand le maître-verrier arriva auprès d’eux. Il salua d’abord le roi, puis ses garçons :

— Mes respects, roi Gontar. Bonjour à vous jeunes princes.

— Bonjour ! maître Toulin, avez-vous apporté la chose ? s’enquit Gontar.

— Comme vous me l’avez demandé, sire. Voyez. Il déballa précautionneusement une sorte de long tube, légèrement conique, dont les extrémités étaient garnies d’une rondelle de verre, et le présenta au roi.

Celui-ci s’en saisit délicatement :

— Maintenant les enfants, vous allez pouvoir apprécier le génie de maître Toulin. Toi le premier Torkan, commanda-t-il à son aîné, en lui tendant l’instrument.

Torkan s’empara de cet objet qu’il ne connaissait pas, l’inspecta dans tous les sens et finit par demander :

— À quoi sert cette… chose ? Ce fut maître Toulin qui répondit :

— Portez la plus petite extrémité devant votre œil et dirigez l’autre sur... il regarda vers l’extérieur de la cité et acheva sa phrase, l’escorte du roi Éristen, par exemple.

Le prince s’exécuta, eut un sursaut de recul et s’exclama : — Quelle magie est-ce là ?

— Donne-le-moi, intervint son frère, en tendant la main vers l’appareil.

Torkan le lui remit et Josmon observa à son tour. Il exprima la même réaction que son aîné. Gontar les regardait en souriant. Il s’était comporté comme eux, la première fois que maître Toulin lui avait présenté sa trouvaille. Il laissa au maître-verrier, le soin de fournir des explications :

— À vous la parole, maître Toulin. Celui-ci reprit l’appareil et commenta :

— Cet instrument ne contient aucune magie. Il est né de la technique et en toute franchise, un peu du hasard. En donnant au verre une certaine forme, il acquiert la propriété de grossir les choses que l’on observe à travers lui, mais en inversant le sens des objets qu’on regarde. C’est un phénomène connu de tous mes confrères. Je me suis intéressé à ce mystère et j’ai découvert qu’en superposant plusieurs couches de verre de formes différentes, je parvenais à remettre les objets observés dans le bon sens. Puis, j’ai essayé d’améliorer la qualité des images que l’on voit à travers elles et je me suis aperçu que je pouvais également faire varier le grossissement, en modifiant la distance entre les différents éléments de l’ensemble.

Les deux princes avaient écouté poliment le maître-artisan. Ils se montraient aussi étrangers aux techniques verrières qu’ils étaient aguerris à celles du combat. De plus, connaître le comment et le pourquoi de la chose ne les intéressait pas plus que ça, pourvu qu’elle fonctionne.

— Comment avez-vous baptisé votre invention ? demanda Torkan.

— Je n’ai pas encore trouvé le nom définitif, mais je pense que « longue-vue » pourrait s’avérer une appellation appropriée.

— Une longue-vue… reprit le roi songeur, ça sonne bien. Oui, une longue-vue, pour ma part je l’adopte.

— Puisque vous l’avez choisi, sire, je ne saurais m’y opposer. Ce sera donc, une longue-vue.

Les jeunes s’emparèrent de l’instrument et regardèrent tour à tour, à nouveau. À vue d’œil, l’escorte d’Éristen semblait n’avoir presque pas avancé. Pourtant avec ce nouvel outil, on pouvait clairement se rendre compte de sa progression. Ils appréhendèrent immédiatement les avantages que cet objet pourrait procurer du point de vue militaire et ils en avisèrent Gontar. Ce fut Josmon, le cadet, qui parla :

bataille ?

— Bien sûr que j’y ai songé ! s’exclama Gontar. Croiriez-vous, jeune homme, que votre roi se soit ramolli au point de ne pas percevoir une telle évidence ?

Josmon n’eut pas à répondre. Son frère, qui scrutait l’horizon avec la longue-vue, lui coupa la parole :

— Père, une autre troupe se profile au loin. Si j’en crois cet outil, affirma-t-il en désignant l’instrument qu’il tenait dans ses mains, ce sont des Vadons avec une escorte de Styrriens.

Gontar se saisit de la lunette, regarda à son tour et confirma :

— Effectivement, ce sont bien des Vadons : certainement la mission diplomatique que leur roi m’avait annoncée. Ils arrivent en retard d’au moins dix jours. Je me demande quels problèmes, ils ont pu rencontrer en route, pour n’atteindre au but qu’à présent et sous escorte Styrrienne, en plus.

Il regarda encore, attentivement, les nouveaux venus. Un personnage en particulier attisait