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2. Une problématique de recherche déclinée en 3 questions principales

4.3 Principaux procédés de stabilisation physico-chimique

4.3.2 Retour d’expérience national sur le traitement des sédiments

La stabilisation physico-chimique des sédiments est pratiquée à l’échelle industrielle par quelques sociétés de travaux publics dans l’objectif de valoriser les sédiments stabilisés, l’élimination n’intervenant qu’en dernier recours. Parmi les procédés brevetés et commercialisés, le procédé Novosol® a fait l’objet de nombreuses études.

Le procédé Novosol®, développé par la société SOLVAY, est conçu pour stabiliser des résidus minéraux contaminés par des éléments traces métalliques et métalloïdes (ETMM) et des composés organiques [61], [62]. Ce procédé est destiné à valoriser ultérieurement des résidus minéraux comme les sédiments potentiellement pollués [63]. Il couple une étape de stabilisation des ETMM par phosphatation (ajout de 2 à 3,5% d’acide phosphorique), suivie par une destruction des composés organiques par calcination entre 650 et 900°C. Entre les deux étapes, un dépôt en lit de séchage est réalisé pour obtenir un degré de saturation adéquat [64]. A l’issue de l’étape de calcination un liant hydraulique peut être mélangé au produit de calcination afin d’améliorer les performances mécaniques du produit final. Une démonstration de ce procédé en unité pilote industrielle a été réalisée sur des cendres volantes d’incinérateurs d’ordures ménagères et sur divers sédiments fluviaux. Des unités mobiles pilotes industrielles de phosphatation et de calcination capables de traiter des sédiments à 50% de teneur en eau, ont été développées. Le suivi du relargage des ETMM après mise en œuvre du procédé montre que certains éléments sont plus immobilisés que d’autres.

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Ainsi le plomb ou le zinc sont peu mobilisables par lixiviation après traitement, tandis que la mobilité de l’arsenic et du chrome peuvent augmenter à l’issue de l’étape de calcination [63], le cadmium étant lui peu sensible à ces opérations de traitement (mobilité identique). Cependant, une étude a montré que le chrome pouvait être stabilisé par la suite lors de la phase d’ajout de liants hydrauliques [65]. Cette étude a en outre montré que les sédiments traités par ce procédé possédaient des propriétés mécaniques suffisantes pour être réutilisés en sous-couche routière, en mélange avec d’autres matériaux.

Sur la façade Méditerranée, le projet SEDIMARD 83 a permis de mettre en place dans la rade de Toulon un pilote industriel pour traiter les sédiments de 10 sites portuaires (200 m3 par port), selon différentes modalités de traitement [57]. Parmi les procédés de stabilisation physico-chimique testés, on retrouve le procédé Novosol® (appliqué avec ou sans l’étape de calcination), des traitements par chaulage, destinés essentiellement à réduire la quantité de matière organique dans les sédiments, et un procédé de stabilisation par liants hydrauliques (stabilisation/solidification). Le traitement à la chaux est complexe à mettre en œuvre, car il nécessite une étape préalable de formulation et de définition de la nature de la chaux la plus efficace à utiliser en fonction d’une pollution variable d’un site à l’autre. De plus, le traitement à la chaux favorise de façon importante la lixiviation du cuivre et dans une moindre mesure du chrome, il ne fait pas chuter les teneurs en matière organique de façon significative et ne permet pas d’améliorer l’accessibilité aux filières terrestres en termes de classification environnementale (stockage ou valorisation).

Les traitements par liants hydrauliques sont plus efficaces sur les sédiments bruts que sur les fractions fines issues du dessablage. L’utilisation de matériaux calcinés à 450°C semble améliorer considérablement la résistance à la compression. Par contre pour atteindre une résistance à l’écrasement de 1MPa, la solidification à partir de formulations uniquement constituées à base de ciments nécessite des dosages importants compris en 10 et 15%, ce qui est très coûteux d’un point de vue économique. Les additifs de type cendre volante, mise en œuvre dans les formulations de traitements par liants hydrauliques, permettent d’améliorer les résultats à la compression. La stabilisation à partir de liants hydrauliques diminue à court terme le relargage des ETMM des sédiments traités et pré-traités.

L’application partielle (sans l’étape de calcination) du procédé Novosol sur des sédiments égouttés et dessablés a été mise en œuvre dans l’objectif de stabiliser les ETMM par piégeage dans de l’hydroxyapatite [Ca5(PO4)3OH] par ajout d’acide phosphorique (H3PO4). L’influence de la phosphatation sur l’évolution des concentrations en butylétains a été étudiée dans le cadre du programme SEDIMARD 83 par le laboratoire UT2A. Les résultats ont mis en évidence une inhibition de la dégradation de ces composés qui peut s’expliquer par un ralentissement de l’activité bactérienne ou la formation de complexes chimiques qui stabiliseraient les organoétains en les rendant moins disponibles pour une dégradation microbienne.

Par ailleurs, si l’on s’intéresse aux teneurs en ETMM dans les lixiviats, une différence notable peut être observée pour certains éléments. Afin de mieux visualiser les changements dus à la phosphatation, des taux de mobilisation ont été calculés selon l’équation suivante :

𝑡𝑎𝑢𝑥 𝑑𝑒 𝑚𝑜𝑏𝑖𝑙𝑖𝑠𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛 (%) = 100 ×[(𝑝ℎ𝑜𝑠𝑝ℎ𝑎𝑡é 𝑡 = 2 𝑚𝑜𝑖𝑠) − (𝑛𝑜𝑛 𝑝ℎ𝑜𝑠𝑝ℎ𝑎𝑡é à 𝑡 = 2 𝑚𝑜𝑖𝑠)] (𝑝ℎ𝑜𝑠𝑝ℎ𝑎𝑡é à 𝑡 = 2 𝑚𝑜𝑖𝑠)

L’application de cette équation à tous les éléments présents dans les sédiments bruts et dessablés traités et stockés pendant 2 mois sont représentés en figure 26. Pour les éléments dont la valeur du taux est supérieure à zéro, la quantité mobilisée est plus importante après phosphatation et inversement.

MEMOIRE D’HABILITATION A DIRIGER DES RECHERCHES 73 Figure 26. Taux de lixiviation des éléments traces métalliques et métalloïdes dans les sédiments bruts et dessablés

stabilisés par phosphatation.

Par conséquent, l’étape de phosphatation seule ne permet pas de bien stabiliser les ETMM. Il y a un petit effet positif pour des éléments comme Cr, Hg, Pb, et Zn mais rien de vraiment significatif. En revanche, pour les éléments comme l’arsenic et l’antimoine, la phosphatation entraîne une mobilité plus importante quel que soit le type de sédiments considérés (brut ou dessablé). L’influence des phosphates sur les espèces de l’antimoine est encore mal connue mais la plupart des études menées sur la mobilisation de l’arsenic présent dans des sols contaminés a montré que l’augmentation de la teneur en phosphates du milieu contribue à solubiliser l’arsenic. Le phénomène majoritaire mis en jeu semble être un échange d’ions entre les phosphates et les oxyanions tels que l’arsenic et l’antimoine.

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4.4 Stabilisation physico-chimique des éléments traces métalliques et métalloïdes

dans les sédiments de dragage : le projet SEDITOX

4.4.1 Contexte et objectifs

L’objectif du projet SEDITOX était d’étudier la faisabilité de la stabilisation chimique de sédiments marins par des additifs minéraux tels que les zéolithes et les oxydes de fer, qui sont de forts adsorbants vis-à-vis des ETMM. Il s’agissait de montrer que la gestion à terre des sédiments marins était envisageable, sans risques chimiques et écotoxicologiques significatifs après stabilisation. Au cours de ce projet, différents tests de lixiviation et percolation ont été réalisés, afin de mettre en évidence la toxicité potentielle des sédiments marins contaminés, ainsi que l’effet des additifs minéraux sur la biodisponibilité des contaminants. Ainsi, quatre sédiments bio-rémédiés nommés A, B, C, et D ont été traités par des additifs minéraux dans le but d’améliorer la qualité chimique et écotoxicologique des éluats issus de ces sédiments contaminés (tableau 20).

Tableau 20. Composition chimique des sédiments A, B, C et D.

Trois additifs minéraux ont été utilisés pour la stabilisation (tableau 21) des sédiments: le fer zéro valent, l’hématite et les fractions granulométriques grossière et fine d’une zéolithe naturelle.

Sédiment A B C D

pH 8,40 ± 0.02 8,35 ± 0.02 8,00 ± 0,02 8,30 ± 0,02

Carbone organique total g kg-1 69 ± 7 45 ± 4 43 ± 4 36 ± 4

As mg kg-1 114 ± 11 43 ± 4 35 ± 3 14 ± 1 Cd mg kg-1 4,0 ± 0.4 1,1 ± 0.1 1,5 ± 0.1 0,8 ± 0.1 Cu mg kg-1 1089 ± 109 241 ± 24 362 ± 36 174 ± 17 Mo mg kg-1 12 ± 1 18 ± 2 11 ± 1 16 ± 2 Ni mg kg-1 30 ± 3 30 ± 3 16 ± 2 19 ± 2 Pb mg kg-1 1272 ± 127 271 ± 27 400 ± 40 116 ± 12 Se mg kg-1 < 2 < 2 < 2 < 2 Zn mg kg-1 2659 ± 266 611 ± 61 865 ± 86 242 ± 24 TBT µg Sn kg-1 6398 ± 640 323 ± 32 3001 ± 300 941 ± 94 HAP mg kg-1 31 ± 3 7,36 9,33 2,80 PCB mg kg-1 0,73 ± 0,07 0,31 ± 0.03 0,41 ± 0.04 0,24 ± 0.02

MEMOIRE D’HABILITATION A DIRIGER DES RECHERCHES 75 Tableau 21. Caractéristiques des additifs minéraux utilisés dans le cadre du projet SEDITOX

Additif D50 (µm) Founisseur Composition

Hématite 0,77 Alfa Aesar 99,5%

Fer zéro valent 16,9 Sigma Aldrich 99,9%

Zéolithe naturelle 7,2 Zeochem (France) Clinoptilolite 84% Cristobalite 8% Feldspath 4% Illite 4%