6. Que cherche-t’on à savoir maintenant?
6.2 Quel est l’impact environnemental des traitements appliqués aux sédiments de curage et de
Principaux traitements appliqués dans le domaine du génie civil
Afin d’atteindre le niveau de performance technique requis pour les usages possibles en génie civil (matériaux routiers et assimilés, remblais paysagers, bétons et matériaux préfabriqués, matériaux céramiques, etc.), 3 grandes familles de procédés de formulation sont envisageables :
1) la recomposition granulaire avec des matériaux granulaires minéraux ;
2) le traitement aux liants hydrauliques, hyperpouzzolaniques ou géopolymères ; 3) le traitement aux liants hydrocarbonés/thermodurcissables/thermoplastiques.
La recomposition granulaire : La formulation d’un matériau alternatif avec d’autres matériaux granulaires minéraux est généralement pratiquée afin d’améliorer les caractéristiques géotechniques des matériaux et produits de construction et ainsi accroître leur domaine d’emploi. Ce type de formulation peut être préalable à un traitement aux liants hydrauliques. Dans ce cadre, les sédiments sont mélangés à d’autres matériaux naturels ou alternatifs pour constituer un nouveau matériau alternatif ou un matériau routier destiné à être utilisé directement dans l’ouvrage.
Cette phase de préparation des matériaux alternatifs est critique car elle peut faire évoluer les propriétés physico-chimiques des sédiments et modifier le comportement des polluants associés. Par conséquent, il est indispensable de connaitre l’impact environnemental associé à la mise en œuvre d’un tel procédé en particulier pour les gisements déjà identifiés comme matériaux alternatifs dans la méthodologie du SETRA (2011), à savoir, les laitiers sidérurgiques, les sables de fonderie, les mâchefers d’incinération de déchets non dangereux, les cendres de centrales thermiques, etc. Dans le cadre de la thèse de Zeinab Mkahal (2018-2021) dont le démarrage est prévu à la rentrée 2018, différentes typologies de mélanges seront étudiés afin de constituer des matériaux alternatifs ou routiers acceptables d’un point de vue technique et environnemental, et cela pour différentes typologies de matrices sédimentaires (fluviales et marines).
Le traitement aux liants minéraux : Les matériaux routiers traités aux liants minéraux et utilisant un matériau alternatif, éventuellement recomposé au préalable, sont courants. Cette opération est pratiquée afin d’améliorer les caractéristiques géotechniques du matériau final et ainsi accroître son domaine d’emploi. Le traitement aux liants hydrauliques (ciment ou liant hydraulique routier) et/ou à la chaux de matériaux alternatifs élaborés à partir de sédiments, bénéficie d’un large retour d’expérience [57]. L’utilisation d’autres typologies de liants minéraux de type hyperpouzzolaniques ou géopolymères est peu répandue à l’échelle industrielle mais constitue une piste prometteuse pour l’amélioration des performances techniques et environnementales des matériaux alternatifs en technique routière.
La comparaison entre la chimie du ciment Portland et celle du géopolymère montre de profondes différences, expliquant leurs propriétés. Le durcissement du ciment Portland se fait par simple hydratation du C3S en CSH et Ca(OH)2 alors que la prise du ciment géopolymère s'effectue par polycondensation d'oligo-(sialate-siloxo) de potassium ou de sodium en poly-(sialate-siloxo). La spectroscopie RMN du Silicium montre bien la différence entre les deux systèmes : d'un coté une matrice faite de petites molécules (oligomères), c'est le CSH, de l'autre une structure polymérisée tridimensionnelle, le géopolymère. Pour fabriquer un ciment géopolymère, on emploie : une matière première aluminosilicate (argiles calcinées, roches calcinées ou non, cendres volantes, laitier de haut fourneau, etc.) ; un réactif alcalin inoffensif (silicates solubles de sodium ou de potassium avec un rapport molaire SiO2:M2O > 1,45, M étant Na ou K); et de l'eau.
MEMOIRE D’HABILITATION A DIRIGER DES RECHERCHES 161
Dans le cadre de la thèse d’Addelhadi Bouchikhi (2017-2020), nous travaillons sur la synthése d’un liant géopolymère à base de déchets de verre et de métakaolin dans la perspective de la stabilisation/solidification de sédiments fluviaux dans un matériau routier de type « couche d’assise ». De par leur composition chimique, les déchets de verre seront préférentiellement utilisés en substitution de silicates de sodium ou potassium solubles, ceci permet notamment de réduire les coûts liés à l’ajout de solutions de silicates commerciales. Les sédiments fluviaux ainsi traités font l’objet d’études d’aptitude au traitement et d’études de formulation pour la mesure de leurs performances mécaniques et environnementales.
Le traitement aux liants thermodurcissable/thermoplastiques : Le traitement aux liants thermodurcissables/thermoplastiques de matériaux alternatifs est peu répandu. Le traitement se fait à l’aide de résines commerciales de type polyester ou époxy en présence d’un durcisseur (molécule chimique permettant la réticulation des résines polymèriques). Dans le cadre du projet SEDIPLAST (2015-2018) et de la thèse d’Ilyas Ennahal (2016-2019), des bétons polymères sont préparés à partir de sédiments fluviaux et marins dans l’optique de la fabrication de produits de construction de type « dalles de terrasse ». Les sédiments ainsi traités font l’objet d’études d’aptitudes au traitement et d’études de formulation pour la mesure de leurs performances mécaniques et environnementales.
La filière « reconstitution de sols »
Initialement peu étudiés, les sols anthropisés, tel que les sols urbains, ont été reconnus comme une catégorie de sol à part entière à partir de 2005 au sein du WRB46. Cette reconnaissance fait suite à la création d’un groupe de travail dédié au sein de l’IUSS47 sur les SUITMA : « Soils in Urban, Industrial, Traffic, Mining and military Areas ». Les SUITMA se différencient de sol « naturel » par (i) leurs compositions hétérogènes, (ii) la présence de matériaux grossiers et anthropiques (brique, béton, asphalte) et (iii) la présence potentielle de contaminants. Ils sont le fruit de processus anthropiques tel que : le mélange de matériaux, la compaction, l’excavation ou l’apport (volontaire ou non) de matériaux anthropiques.
Les déchets constituent donc des matières premières secondaires susceptibles d’être utilisés dans la reconstitution de sols anthropiques. Selon le Code de l’Environnement (art. L541-1), un déchet correspond à « tout résidu d’un processus de production, de transformation ou d’utilisation, toute substance, matériau, produit ou plus généralement tout bien, meuble abandonné ou que son détenteur destine à l’abandon ». Autrement dit, tout élément qui est abandonné est un déchet. Ce n’est pas pour autant que cet élément est inutilisable, en l’état ou après modification. Seuls les déchets qualifiés d’ultimes sont réellement inutilisables et doivent être stockés pour éviter des pollutions de l’environnement.
Le document pris comme référentiel des déchets potentiellement utilisables en construction de sols est le Catalogue Européen des Déchets. Une sélection restreinte des déchets potentiellement intéressants pour la reconstitution de sols a été proposée dans le cadre du programme SITERRE de l’ADEME (tableau 41).
46 World Reference Basse for soil ressources 47 Union Internationale de la science du Sol
MEMOIRE D’HABILITATION A DIRIGER DES RECHERCHES 162 Tableau 41. Liste des gisements de déchets susceptibles d’être utilisés pour la reconstitution de sols (d’après les travaux
du programme SITERRE).
N° Description du déchet Codification du
Catalogue Européen des Déchets
1 Briques (sans plâtre, sans enduit, …) 170102
2 Tuiles et céramiques 170103
3 Déchets issus de la fabrication de la chaux/plâtre/ciment (déchet avant cuisson)
101301
4 Déchets issus de la fabrication de la chaux/platre/ciment (déchet de calcination et d’hydratation de la chaux)
101304
5 Terres excavées 170504
6 Minéraux issus du traitement des déchets
(déchets de dessablage des stations d’épuration, STEP)
191209
7 Boues de dragage 170506
8 Déchets de la sylviculture 020107
9 Déchets municipaux de jardins (biodégradables) 200201
10 Sciure de bois 030105
11 Déchets de bois de construction 170201
12 Composts déclassés 190503
13 Déchets de tissus végétaux 020103
14 Boues provenant des eaux résiduaires urnbaines 190805
15 Déchets de boulangerie – pâtisserie
(matières impropres à la consommation ou à la transformation)
206010
16 Déchets provenant du nettoyage des égouts 200306
17 Boues provenant du traitement in des effluents autres que celles visées à la rubrique 03 03 10
303110
18 Déchets de balayage des rues 200303
19 Boues provenant du traitement in situ des effluents de l’industrie laitière 205020
20 Boues de désencrage provenant du recyclage du papier 303050
21 Boues provenant du traitement biologique des eaux usées industrielles autres que celles visées à la rubrique 19 08 11
190812
22 Béton du bâtiment 170101
23 Mélange de déchets du bâtiment 170107
24 Pneus usagés 160103
25 Ballast 170508
26 Gypse 170802
27 Déchets de terre cuite 101208
Dans le cadre du projet VAL’AGRO (2016-2019) financé par le programme SEDIMATERIAUX et dont j’assure la coordination avec l’industriel BAUDELET Environnement, nous abordons une nouvelle filière de valorisation des sédiments fluviaux non dangereux, à savoir, la reconstitution de sols en milieux dégradés. Dans son contenu, le projet comprend deux applications potentielles, à savoir, la formulation de « substrats de végétalisation » et de « remblais ».
Pour la première application, il s’agit d’étudier la faisabilité de la mise en œuvre d’une couche de couverture d’installations de stockage de déchets non dangereux (ISDND) en fin d’exploitation. Pour ce faire, du compost de déchets verts est mélangé aux sédiments à des proportions variables en fonction de sa teneur initiale en matière organique afin de constituer un substrat de végétalisation répondant aux critères techniques et environnementaux requis pour cette application. Cet horizon superficiel peut varier entre 30 cm et 50 cm selon le type de végétation prévu (strate herbacée, arbustive et/ou arborescente, mixte) et les attentes du maître d’ouvrage.
MEMOIRE D’HABILITATION A DIRIGER DES RECHERCHES 163
Dans la seconde application, il s’agit d’associer des matériaux d’origine urbaine et/ou industrielle au sédiment pour la formulation de remblais de terrassement. Cette pratique vise donc à reconstruire un sol support et restaurer des fonctions élémentaires de la couverture pédologique permettant de donner un nouvel usage aux sites dégradés. Dans cette optique, trois typologies de matériaux sont actuellement étudiées dans le projet pour la reconstitution de profils de sols en sites dégradés : (i) un substrat de végétalisation, (ii) des granulats artificiels et (iii) et des remblais solidifiés. Ces matériaux fabriqués à partir de sédiments sont susceptibles d’être utilisés dans diverses configurations :
Figure 72. Applications étudiées dans le cadre du projet VAL’AGRO
Methodologie appliquée pour l’évaluation environnementale des matériaux ou produits fabriqués
La caractérisation complète du comportement à la lixiviation d’un déchet dans des conditions spécifiées requiert l’application de la métholodologie de la norme européenne NF EN 12920+A1. Dans cette méthodologie, le relargage de constituants solubles par contact avec l’eau est considéré comme l’un des mécanismes majeurs de relargage qui entraîne un risque éventuel pour l’environnement pendant le cycle de vie des déchets dans un scénario de réutilisation. Ces essais ont pour objectif d’identifier les propriétés de lixiviation des déchets. Les modes opératoires permettant de caractériser le comportement des déchets peuvent généralement se diviser en trois étapes, à l’aide de différents essais en fonction de l’objectif poursuivi :
La caractérisation de base constitue une caractérisation complète des déchets en réunissant toutes les informations nécessaires en vue d’une gestion sécurisée des déchets sur le court et long terme. Elle doit fournir des informations sur le déchet (type et origine, composition, consistance, lixiviabilité, etc.), des informations permettant de comprendre le comportement des déchets dans le scénario de gestion considéré, la comparaison des propriétés du déchet par rapport aux valeurs limites, ainsi qu’une détection des variables clés (des paramètres critiques tels que le rapport liquide/solide (L/S), la composition du lixiviant, les facteurs contrôlant la lixiviabilité tels que le pH, le potentiel rédox, la capacité complexante et les paramètres physiques) en vue des essais de conformité.
Les essais de conformité sont utilisés afin de démontrer que l’échantillon à un moment donné correspond à la population d’échantillons soumis précédemment à la caractérisation de base, et sont par conséquent utilisés pour évaluer la conformité à des valeurs réglementaires limites. L’essai de conformité porte principalement sur les variables clés et sur le comportement à la lixiviation identifié par les essais de caractérisation de base.
MEMOIRE D’HABILITATION A DIRIGER DES RECHERCHES 164
Dans le cas où une phase terrain est prévue dans le projet (par exemple, dans le projet VAL’AGRO) des essais de vérification in situ sont utilisés en tant que contrôle, afin de confirmer que le déchet est bien similaire à celui qui a été soumis aux essais de caractérisation ou de conformité. Il faut noter que les essais de vérification in situ ne se limitent pas aux seuls essais de lixiviation.