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2. Une problématique de recherche déclinée en 3 questions principales

4.3 Principaux procédés de stabilisation physico-chimique

4.4.4 Les facteurs influençant le devenir des ETMM dans les sédiments traités par additifs

Cette section présente les phénomènes physico-chimiques susceptibles d’impacter le devenir des ETMM dans les sédiments traités par des additifs minéraux dans un contexte d’élimination sans protection particulière ou en remblais paysager. Ces mécanismes sont abordés à l’aide de schémas synthétiques cités notamment dans les guides du programme CAPHÉINE32 (source : BRGM).

Mécanismes chimiques en jeu à l’échelle moléculaire

Le schéma de Manceau et al (2002) [76] présente les réactions chimiques et les interactions électrostatiques qui peuvent se produire à l’interface solide/liquide (figure 30). Il a été établi dans le cadre d’études d’interactions d’ETMM avec des oxydes de fer mais il est applicable, à quelques nuances près, à de nombreuses phases minérales dont les additifs minéraux testés dans le cadre du projet SEDITOX. Le schéma de la figure 30 présente le cheminement possible d’un ion depuis la phase liquide jusqu’au cœur d’un minéral. Le scénario conduisant à la fixation de l’élément comprend plusieurs étapes :

1. La première étape est la formation d’un complexe de sphére externe (a). Dans ce type de complexe il n’y a pas de liaisons chimiques avec les groupes fonctionnels de surface car les ions en solution gardent leur sphère d’hydratation.Ce sont principalement les forces électrostatiques qui les maintiennent à la surface de la particule. L’adsorption est non spécifique. Les ions impliqués dans ces phénomènes sont facilement échangeables et donc relativement mobiles.

2. Formation d’un complexe de sphère interne (b). L’ion impliqué a perdu une partie de sa sphère d’hydratation et forme une liaison chimique avec les groupements de surface du minéral. La force de la liaison dépend de la structure électronique de l’ion adsorbé et du ligand auquel il est fixé. La complexation de sphère interne également appelée adsorption spécifique ou chimisorption.

32 Programme de recherche sur la caractérisation des phénomènes de transfert en zone insaturée d’élements

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3. Précipitation (g). La précipitation peut se produire directement en solution. Cela peut être le cas lorsque la limite de solubilité de l’espèce est atteinte. Elle peut également être initiée à la surface d’autres minéraux à la faveur de l’adsorption d’un nucléus. Certaines phases peuvent également incorporer dans leur matrice des éléments traces par co-précipitation.

4. Diffusion dans le réseau cristallin (d). Une fois adsorbé en surface, un cation peut diffuser dans le réseau cristallin et combler les lacunes de celui-ci, ou se substituer aux ions présents. Ce processus interviendra si le rayon ionique du cation considéré est voisin de la taille de la cavité ou du cation substitué.

L’efficacité du traitement par additifs minéraux dépend de la réactivité de surface des phases utilisées et en particulier de la bonne accessibilité des sites réactionnels. Dans ce cas, le mécanisme principal de fixation des ETMM est la complexation de surface (de type sphères internes ou externes en fonction de la nature des espèces chimiques), ce qui suggère une interaction forte entre les ETMM et les surfaces des additififs minéraux. L’utilisation de fer zéro valent aboutit à la précipitation d’oxydes de fer dans la matrice sédimentaire, ce qui peut conduire à la formation de co-précipités avec certains ETMM. A l’échelle moléculaire, les mécanismes engendrés par la présence des additifs minéraux auront donc tendance à renforcer le piégeage des ETMM fixés lors des premières semaines de traitement. Cette phase de traitement par aération du sédiment frais est importante car elle permet le bon transfert des ETMM les plus mobiles vers les additifs minéraux. Par ailleurs, il faut noter que la plupart des mécanismes (dissolution, précipitation, complexation, oxydation, etc.) évoqués par Manceau et al. (2002) [76] sont en fait constitués d’un ensemble de réactions élémentaires qui constituent chacune une étape du processus réactionnel. Cette distinction est importante car elle permet de faire le lien avec la cinétique des processus car certaines réactions élémentaires seront limitantes en termes de vitesse en fonction des conditions rencontrées dans les sédiments à traiter (pH, température, humidité des sédiments, présence d’oxygène, nature de la microflore bactérienne, niveau d’activité biologique). Qui plus est, la formulation de ces réactions ouvre également la porte à une modélisation mécanistique qui pourrait permettre de sélectionner les additifs et les dosages appropriés en fonction des caractéristiques intrinsèques de la matrice sédimentaire.

Figure 30. Schéma de synthèse illustrant les diférents mécanismes de fixation d’un complexe aqueux chargé à l’interface liquide solide a) adsorption ou physisorption ; b) chimisorption ; c) détachement ; d) absorption ou inclusion (cas des ions ayant un rayon et une charge similaire à l’un des ions du cristal) ; e) occlusion (poche d’impureté littéralement piégée à l’intérieure du cristal en croissance) ; f) attachement d’une molécule complexe ;

g) hétéro-nucléation (croissance épitaxiale) ; h) complexation organo-minérale ; i) complexation par des exopolymères bactérien. (D’après [76])

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Comportement des ETMM à l’échelle de l’agrégat

L’organisation des phases minérales amorphes et cristallines et des matières organiques des sédiments en agrégats est à l’origine d’une microporosité dans les matériaux poreux. Ainsi, l’ajout d’additifs minéraux pendant le pré-traitement des sédiments favorisera l’intégration des phases minérales de granulométrie fine dans la microporosité des matériaux traités. L’hétérogénéité de phases d’un milieu poreux tel que le sédiment couplée à la lenteur du transport dans la microporosité aboutit généralement à une variabilité spatiale des conditions chimiques à l’échelle des agrégats. Par conséquent, le devenir des ETMM peut être influencé par la structure du milieu même des matériaux traités en l’absence d’infiltration d’eau. Cette observation confirme la nécessité d’avoir des mélanges relativement homogène lors de l’ajout des additifs minéraux au sédiment afin de permettre l’intégration de ces nouvelles phases minérales réactives au sein des agrégats qui se formeront pendant le traitement par aération et compostage.

Figure 31. Microphotographies optique et électronique d’un sédiment marin vieilli ; de la pyrite framboidale (Pf) est contenue dans un liant alumino-silicaté riche en cuivre (C) contenant de la calcite et du quartz (d’après [77])

Lors du veillissement des sédiments marins notamment après lagunage sous forme d’andains, il a été observé la formation d’agrégats composés notamment de pyrite [77]. Ce phénomène d’agrégation est un processus par lequel les particules minérales (argiles, cations divalents ou trivalents, oxydes, carbonates et gypses) et organiques s’assemblent à la suite de réactions de réarrangement, floculation, et de cimentation. Ce phénomène peut aboutir à la formation d’une couche protectrice de certains minéraux (figure 31). Les agrégats peuvent alors se présenter sous différentes formes et tailles. Ils sont souvent regroupés dans les macro- agrégats (> 250 µm) et les micro-agrégats (< 250 µm) [78]. La dynamique complexe de l’agrégation est le résultat de nombreuses interactions entre différents facteurs. Les principaux facteurs qui contrôlent ce processus sont (i) internes à la matrice, incluant la minéralogie des argiles, les concentrations en carbonates, la nature des matières organiques, les oxydes de fer et d’aluminium ; ils sont également (ii) externes, incluant la microbiologie, la faune, les facteurs de management du matériau (e.g. labour, drainage), le climat, l’environnement, et l’influence des plantes [79] (figure 32). Ainsi, les agrégats formés avec les additifs minéraux peuvent évoluer dans le temps en fonction de leur stabilité dans le milieu poreux. Ces agrégats peuvent favoriser la stabilisation des ETMM dans le sédiment tout en limitant la perte des additifs minéraux par lessivage.

MEMOIRE D’HABILITATION A DIRIGER DES RECHERCHES 85 Figure 32. Organisation hiérarchique de la structure des sols d’après [78]. A chaque taille d’agrégat est associé

un type spécifique de matière organique du sol qui stabilise la structure.

Au sein de la microporosité des agrégats, l’adsorption déplace les espèces ioniques de la solution vers la surface des constituants de la matrice solide (argiles, oxyde de fer, matière organique, etc.) (figure 33). Les processus de « vieillissement » déplacent ensuite les ETMM de la surface vers la profondeur de la matrice solide. Les processus mis en jeu sont : la diffusion dans les micropores de surface (a), la diffusion dans le réseau des solides (b), le piégeage des ETMM par fermeture des pores suite à la précipitation d’une phase minérale (c), la précipitation directe de surface (d), la formation de complexes organiques stables (e).

MEMOIRE D’HABILITATION A DIRIGER DES RECHERCHES 86 Figure 33. Comportement des ions métalliques au sein d’un sol d’après [80] (Source : BRGM)

La succession temporelle entre l’adsorption, considérée comme un processus rapide dont l’équilibre est atteint au bout de quelques jours, et la stabilisation du fait d’autres mécanismes plus lents comme la précipitation et la diffusion, est donc soulignée. D’après le schéma de McLaughlin [80], la diminution durable de la biodisponibilité des ETMM par des additifs minéraux apparait donc comme un mécanisme envisageable du fait de cette stabilisation lente et progressive.

Comportement des polluants à l’échelle d’un site

Si la connaissance des mécanismes élémentaires est nécessaire pour espérer être en mesure d’anticiper l’évolution des transferts des éléments traces à l’échelle d’un site, il faut également comprendre leur hiérarchisation, c’est-à-dire leur expression en fonction des conditions physico-chimiques imposées par le contexte climatique local. C’est pourquoi le recueil des données au cas par cas sur les sites concernés est une étape indispensable.

Dans les milieux poreux non saturés, les espèces présentes dans la phase gazeuse peuvent se répartir rapidement dans le milieu. La pression partielle d’oxygène et de CO2 dans les sédiments non saturés déposés à l’air libre résulte d’un équilibre entre les échanges avec l’atmosphère (source infinie d’O2) et les consommations d’O2 et les productions de CO2 liées aux êtres vivants (bactéries, plantes, etc.), ces pressions partielles peuvent avoir une incidence forte sur les équilibres chimiques faisant intervenir les carbonates, les hydroxydes et les sulfures ainsi que le type de microflore présente et active (microflore à respiration aérobie ou anaérobie). En effet, la caractérisation de sédiments marins vieillis a montré que ceux-ci contenaient des phases potentiellement réactives, en particulier les sulfures, qui jouent un rôle important dans la mobilité des métaux. Leur oxydation avec l’oxygène moléculaire se produit lorsque la matrice sedimentaire présente une humidité comprise entre 60 et 90 %, cela conduit notamment à une solubilisation des métaux associés et à des interactions avec les carbonates présents dans les sédiments [77].

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En fonction de l’ampleur de cette réaction d’oxydation, l’acidité produite peut conduire à des variations de pH et affecter la stabilisation du piégeage des ETMM par les additifs minéraux. Cette déstabilisation des phases minérales adsorbantes dépend de la teneur en carbonates et de l’hétérogénéité de la matrice sédimentaire. Dans un scénario d’évolution à long terme, ce mécanisme de perturbation des équilibres chimiques à l’interface additifs/eau interstitielle devra être prise en compte afin de vérifier la bonne stabilité des ETMM à long terme et d’apporter des actions correctives (modification des dosages en additif minéraux) en fonction du degré d’impact observé.

Par ailleurs, le compartiment organique dont les caractéristiques sont évolutives au cours du temps (apport saisonnier de matière organique fraîche, processus biologiques d’humification et de minéralisation) a un impact significatif sur la spéciation des polluants. Il agit directement sur cette spéciation en tant que piège mais peut influencer également le devenir des ETMM piégés sur les additifs minéraux de manière indirecte en modifiant la chimie des eaux interstitielles : modification du pH, libération de solutés minéraux et organiques du fait de sa dégradation, solubilisation de macromolécules colloïdales. Les résultats obtenus dans des essais de lixiviation en batch ont montré que l’efficacité de certains additifs minéraux est affectée par l’état initial de la matrice sédimentaire et que leur efficacité semble être altérée dans la matrice compostée où les teneurs en matières organiques dissoutes sont plus élevées. La dégradation des composés organiques initialement présents ou l’apport de matières fraîches aura donc un impact potentiel sur la réversibilité des réactions de complexation de surface en fonction de l’affinité de certains ETMM pour ces molécules complexes. L’étude de cet aspect nécessite donc de connaitre la dynamique des apports en matière organique ainsi que les cinétiques de dégradation biologique dans le temps et sur le profil d’un site (variation des activités biologiques en fonction de la profondeur du profil considéré). Ce verrou de connnaissance s’ajoute aux nombreux autres relatifs à l’action bactérienne sur la dynamique des polluants.

Bien que ces hypothèses d’évolution à long terme des sédiments sous contraintes climatiques permettent d’élaborer un certain nombre de recommandations générales pour l’utilisation des additifs minéraux, il serait nécessaire d’aller plus loin et de capitaliser les résultats du projet SEDITOX, en prenant en compte dans un modèle complet les phénomènes de transfert, de transformation, et l’influence des plantes sur la disponibilité des ETMM ( par exemple dans un scénario d’élimination en terrain de dépôt avant et après requalification).

4.4.5 Faisabilité du stockage des sédiments stabilisés dans le contexte réglementaire