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2. Une problématique de recherche déclinée en 3 questions principales

4.3 Principaux procédés de stabilisation physico-chimique

4.4.5 Faisabilité du stockage des sédiments stabilisés dans le contexte réglementaire en

Les conditions d’entreposage des sédiments stabilisés en Installation de Stockage de Déchets Inertes (ISDI) ne garantissent qu’une faible protection des matériaux vis-à-vis des agents météoriques (pluie, vent). Ainsi, les principaux mécanismes susceptibles d’altérer le traitement des sédiments stabilisés sont liés à ces aspects météoriques et les conditions oxydo- réductrices sont également prépondérantes.

Par ailleurs, la réponse des sédiments stabilisés à des changements externes de pH est un critère à prendre en compte dans le scénario de stockage envisagé, car ce paramètre peut varier dans certaines conditions aggressives particulières (facteurs biologique ou aggresivité des eaux de percolation). Dans ce contexte, il est possible de réaliser, pour les sédiments stabilisés, une étude spécifique pour déterminer leur comportement à la lixiviation en conditions de stockage en ISDI, dans le cadre de la norme NF EN 12920+A1 [81]. Cependant, à l’heure actuelle, il n’existe pas d’outil expérimental standardisé pour vérifier la pérennité de la stabilisation des sédiments sur le long terme qui prenne notamment en compte la spécifité des sédiments (par exemple, réaction de la matrice liée à son oxydation).

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Par contre, il faut noter qu’une action nationale, à laquelle je participe en représentant l’IMT Lille Douai, est actuellement en cours dans le cadre d’un Groupe de Travail piloté par le BRGM pour proposer un protocole de vieillissement des sédiments gérés à terre. Une adaptation de ce protocole aux sédiments stabilisés serait alors envisageable.

Les objectifs de ce groupe sont multiples :

 Définir un protocole de veillissement des sédiments clair et standardisé, qui permettrait de statuer sur le comportement de ces matériaux gérés à terre à moyen et long terme ;

 Avoir un retour d’expérience fiable sur le comportement des différents sédiments testés afin de définir les paramètres régissant la mobilisation des polluants dans les sédiments gérés à terre ;

 Mettre à disposition des différents acteurs locaux confrontés à la gestion des sédiments (services décentralisés de l’état, maîtres d’œuvre, maîtres d’ouvrage, bureaux d’études, etc.), des gammes de valeur pour ces paramètres définissant le futur comportement de ces polluants.

Au stade actuel de connaissances sur la pérennité et la stabilité dans le temps du traitement par additifs minéraux, un suivi de la qualité des eaux souterraines en aval des installations de stockage serait pertinent, afin de s’assurer de la stabilité à long terme du traitement dans les conditions de stockage. Toutefois, la réglementation spécifique aux ISDI n’impose pas de suivi de la qualité des eaux souterraines de ces installations, qui ne comportent par ailleurs pas de dispositif de drainage des lixiviats en fonds de casiers.

Par ailleurs, le co-stockage de sédiments stabilisés entre eux ou avec d’autres déchets est un phénomène relativement mal connu. Des interactions peuvent se produire entre des matériaux stabilisés possédant des propriétés physico-chimiques distinctes, notamment en termes de pH ou de potentiel rédox. Or, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de régles en matière de co- stockage en ISDI de déchets stabilisés entre eux, ce qui peut s’expliquer par le fait qu’un déchet inerte ne doit pas réagir avec d’autres déchets et donc ne doit pas nécessiter de condition particulière de stockage.

Par conséquent, au regard des conditions de gestion des ISDI, et de la complexité d’évaluation du comportement à long terme des sédiments stabilisés il n’est actuellement pas recommandé de stocker des sédiments stabilisés en ISDI, en raison notamment :

 De l’absence de garantie sur la pérennité de la stabilisation des sédiments dans les conditions de stockage d’une ISDI sur le long terme ;

 Du mélange entre les sédiments et d’autres déchets, pouvant entrainer des problémes de réactivité potentielle ;

 Du fait qu’il n’existe pas de suivi obligatoire des eaux souterraines au droit des ISDI qui permettrait de contrôler la pérennité du traitement ;

 Du fait qu’il n’y a pas de couverture étanche (géomembrane) mis en place en conditions de stockage des ISDI.

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Ces remarques sont liées au fait que les sédiments ne peuvent pas être considérés comme inertes. Ils possèdent de facto une réactivité chimique, liée d’une part au changement de milieu physico-chimique auquel ils sont soumis à l’issue des opérations de dragage (passage d’un milieu immergé anoxique à un milieu terrestre oxydant), et d’autre part aux agents de stabilisation employés, qui peuvent être réactifs en conditions de stockage (possible dissolution des oxydes de fer en milieu anoxique).

Autrement, une stabilisation physico-chimique des sédiments peut être envisagée avec une mise en stockage en casier mono-déchet dans une ISDS. Cependant, la faisabilité réglementaire de ce scénario parait d’emblée compromise pour les sédiments non dangereux et valorisables. En effet, les prescriptions techniques de ce scénario de confinement sont drastiques car elles sont similaires à celles appliquées aux déchets dangereux. L’arrêté du 15 février 2016 modifie fondamentalement l’approche opérationnelle de gestion des sédiments à terre : ses prescriptions requièrent des objectifs de confinement nécessitant l’apport de matériaux dont les volumes sont importants (de l’ordre de 270 000 m3 pour 150 000 m3 de sédiments) pour encapsuler le dépôt à terminaison d’exploitation. La faisabilité technico- économique de ce scénario est d’emblée remise en question. D’une part le surdimensionnement même du confinement alors que les déchets considérés sont non dangereux et non inertes. D’autre part, par l’importance des investissements nécessaires à l’aménagement du site qui seront inévitablement répercutés sur les prix facturés aux producteurs de sédiments : ajoutés à la taxe sur les activités polluantes (TGAP), les coûts opérationnels de dragage avec gestion à terre des sédiments seront très difficillement soutenables pour les budgets des petits opérateurs portuaires. Pour ces opérateurs, la solution du stockage en Installation de Stockage de Déchets Non Dangereux (ISDND) reste possible mais cela nécessite un pré-traitement des sédiments afin de respecter les prescriptions réglementaires notamment en termes de siccité et de teneurs en sels dissous dans les éluats. Tout comme pour les ISDI, cela impliquerait la création d’un centre de transit en vue de la préparation et du traitement des matériaux avant transfert vers les installations réglementées. Au final cette solution relativement coûteuse est rarement privilégiée par les petits gestionnaires, cependant, elle peut rester envisageable dans le cadre d’initiatives collectives associants plusieurs opérateurs. Par contre, pour les gestionnaires disposant déjà d’ISDS tels que les grands ports maritimes et les gestionnaires de voies d’eau (principalement les VNF33 et la CNR34), ce nouveau procédé de stabilisation, relativement simple à mettre en œuvre, permettrait potentiellement d’améliorer la qualité des eaux rejetées dans le milieu naturel et de respecter les prescriptions réglementaires de l’arrêté du 15 février 2016.

En conclusion, dans le contexte réglementaire en vigueur, un scénario de valorisation des sédiments stabilisés semble plus rationnel pour l’ensemble des opérateurs portuaires au regard des enjeux environnementaux et technico-économiques. Ainsi, ce nouveau procédé de stabilisation physico-chimique par additifs minéraux pourra également être utile lors de la formulation des sédiments non dangereux non inertes en leur apportant à la fois des caractéristiques environnementales et (géo)-techniques intéressantes pour certaines filières de valorisation : (i) les produits de construction pour les infrastructures et les bâtiments, (ii) les matériaux routiers, (iii) la reconstitution de sols, (iv) la réhabitation de sites dégradés (matériaux de couverture d’ISDND ou ISDS, comblement de carrières et de sites dégradés, etc.).

33 Voies Navigables de France 34 La Compagnie Nationale du Rhône

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5. Quel(s) référentiel(s) pour vérifier

l’innocuité environnementale des

sédiments marins non-immergeables

valorisés dans le domaine du génie civil?