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TROISIEME PARTIE: ÉTUDES EN CONTEXTE Chapitre 6.

EVALUATION DU RESPECT

8.4 RESULTATS: LES DROITS DE L’ENFANT

Dans les pages suivantes, nous allons présenter les résultats des analyses relatives à la partie du questionnaire concernant les droits de l’enfant.

Cette partie, comme nous l’avons déjà dit, est composée de huit articles tirés de la CRDE: § Droit à la liberté d’expression (art. 13)

§ Droit à la vie privée (art.16)

§ Droit de protection contre la violence (art.19) § Droit des handicapés (art. 23)

§ Droit à l’instruction (art. 28)

§ Droit des minorités ethniques, linguistiques, religieuses… (art. 30) § Droit au repos, aux loisirs et au jeu (art. 31)

§ Droit de protection contre l’exploitation économique (art. 32)

Pour chaque article, les sujets étaient amenés à:

§ Exprimer leur degré d’accord avec le droit énoncé suivant que les destinataires du droit sont "les filles" ou "les garçons".

§ Evaluer l’attribution de responsabilité par rapport à l’application de ces droits dans la société. Les agents proposés se réfèrent à la responsabilité personnelle (moi- même), à la responsabilité de différentes institutions (famille, école, gouvernement, forces de l’ordre) et au rôle joué par les institutions du droit coutumier et religieux.

§ Evaluer l’état de respect du droit dans la société, à l’école et dans la famille

Rappelons également les principaux objectifs qui ont guidé cette étude sur la représentation sociale des droits de l’enfant:

Ø Vérifier si, et dans quelle mesure, la structuration du champ représentationnel dépend davantage du droit énoncé ou des destinataires évoqués;

Ø Vérifier a) dans quelle mesure les attitudes à l’égard des droits proposés (en termes d’attribution d’importance et de responsabilité) s’organisent de façon correspondante aux problématiques générales qui ont accompagné la rédaction de la CRDE, et b) si cette organisation est partagée par l’ensemble des sujets, en tenant compte de leur insertion sociale (groupes et sexe);

Ø Dégager les principes organisateurs qui rendent compte des prises de position différenciées face à l’entendement commun;

8.4.1. Le champ commun

L’analyse de la structuration du champ représentationnel par rapport aux droits de l’enfant sera développée en deux étapes principales et, pour chacune d’elles, la stabilité du champ commun sera vérifiée par rapport à l’insertion sociale des sujets. Le premier aspect que nous allons examiner concerne les éventuels effets des destinataires dans l’organisation du champ représentationnel lorsque les sujets sont amenés à évaluer l’importance et le respect des droits: il s’agit donc de vérifier dans quelle mesure cette organisation se fonde sur l’évaluation des droits ou sur celle de ses destinataires.

Dans un deuxième temps, l’analyse du champ commun portera sur la structuration d’attitudes plus générales à l’égard des droits, comprenant l’évaluation de leur importance ainsi que les niveaux de responsabilité, s’agissant de leur respect, attribués aux différents agents considérés.

► Les destinataires

De façon analogue à notre manière de procéder dans l’analyse des résultats concernant les droits de l’homme, et afin de tester l’impact des destinataires de droits (filles et garçons) dans la structuration du champ représentationnel, deux analyses de classification hiérarchique ont été conduites: l’une sur les échelles d’évaluation de l’importance, l’autre sur celles du respect. Les résultats de ces analyses montrent, aussi bien pour l’évaluation de l’importance (Fig. 8.20) que pour celle du respect (Fig. 8.21), une organisation en deux classes principales de droits: la première regroupe le droit d’opinion et d’expression et le droit à la vie privée; la seconde réunit l’ensemble des autres droits. Mais ce qui nous intéresse davantage dans la lecture de ces résultats est le fait que les destinataires, filles et garçons, sont tous regroupés entre eux suivant le droit auquel ils se réfèrent.

Ces analyses, reproduites sur les quatre groupes de sujets et sur les hommes et les femmes, présentent des résultats identiques (que nous ne présentons pas pour cette raison). On retrouve, pour tous les groupes considérés et relativement à l’importance et au respect, l’opposition entre la classe constituée par le droit à la liberté d’opinion-expression, le droit à la vie privée, et celle qui regroupe l’ensemble des autres droits. Mais ce qui nous intéresse davantage ici est le fait que, dans toutes ces analyses, les destinataires sont systématiquement organisés en fonction du droit auquel ils se réfèrent.

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Fig.8.20. Echantillon total (EVALUATION DE L’IMPORTANCE): dendrogramme représentant la structure des articles de la CRDE en fonction des destinataires des droits

Distances 0 5 10 15 20 25 +---+---+---+---+---+ D. Minorités G òûòòòòòòòòòòòòòòòòòø D. Minorités F ò÷ ó Prot. Violence G òûòòòòòòòø ùòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòø Prot. Violence F ò÷ ùòòòø ó ó Instruction G òûòòòòòòò÷ ó ó ó Instruction F ò÷ ùòòòòò÷ ó D. Handicapés G òûòòòòòòòòòø ó ó D. Handicapés F ò÷ ùò÷ ó Prot.Exploitation G òûòòòòòø ó ó Prot.Exploitation F ò÷ ùòòò÷ ó Loisirs repos G òòòûòòò÷ ó Loisirs repos F òòò÷ ó Lib.opinion G òûòòòòòòòòòòòòòòòòòø ó Lib.opinion F ò÷ ùòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòò÷ Vie Privée G òòòûòòòòòòòòòòòòòòò÷ Vie Privée F òòò÷ Destinataires: F = filles; G = garçons

Fig.8.21. Echantillon total (EVALUATION DU RESPECT): dendrogramme représentant la structure des articles de la CRDE en fonction des destinataires des droits

Distances 0 5 10 15 20 25 +---+---+---+---+---+ D. Minorités G òûòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòø D. Minorités F ò÷ ùòòòø D. Handicapés G òûòòòòòòòòòòòòòòòòòòòø ó ó D. Handicapés F ò÷ ùòòòòò÷ ó Prot. Violence G òòòûòòòòòòòòòòòòòø ó ó Prot. Violence F òòò÷ ùòòò÷ ùòòòòòòòòòòòòòòòòòø Prot.Exploitation G òòòûòòòòòòòòòø ó ó ó Prot.Exploitation F òòò÷ ùòòò÷ ó ó Loisirs repos G òòòòòûòòòòòòò÷ ó ó Loisirs repos F òòòòò÷ ó ó Instruction G òòòûòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòò÷ ó

Instruction F òòò÷ ó Vie Privée G òòòûòòòòòòòø ó Vie Privée F òòò÷ ùòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòò÷ Lib.opinion G òòòûòòòòòòò÷ Lib.opinion F òòò÷ Destinataires: F = filles; G = garçons

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En conclusion de ces premières analyses, il résulte que l’évocation des destinataires des droits ne participe pas à la structuration du champ représentationnel et que l’objectivation des droits de l’enfant se fonde, aussi bien au plan abstrait (importance) que concret (respect), principalement sur l’évaluation des droits énoncés.

► L’organisation du champ commun

Le caractère convergeant des résultats que nous venons de décrire nous a permis de procéder à l’analyse du champ représentationnel en faisant abstraction des destinataires, pour tenir compte, cette fois, de l’évaluation de l’importance des droits, ainsi que de la responsabilité, s’agissant de leur application, que les sujets attribuent aux différents agents considérés. Il s’agit donc de tester la structuration du champ représentationnel lorsque les attitudes à l’égard des droits sont évaluées sur différentes dimensions.

Nous avons donc procédé en vérifiant d’abord, et pour chaque droit, le degré de corrélation (Alpha de Cronbach) entre les deux échelles d’importance (filles et garçons) et les sept échelles de responsabilité (Tab. 8.15).

Tab. 8.15. Indices moyens de fiabilité (Alpha de Cronbach) sur les deux échelles d’importance et sur les sept échelles de responsabilité (pour chaque droit)

§ Droit à la liberté d’expression α = .83

§ Droit à la vie privée α = .85

§ Droit de protection contre la violence α = .89

§ Droits des handicapés α = .88

§ Droit à l’instruction α = .84

§ Droits des minorités ethniques, linguistiques, religieuses α = .88 § Droit au repos, aux loisirs et aux jeux α = .84 § Droit de protection contre l’exploitation économique α = .88

Les valeurs élevées de ces indices rendent compte du fait que les réponses des sujets sur les différentes échelles se réfèrent de façon consistante au droit proposé. Elles nous ont donc permis de calculer un nouveau score, représenté par la moyenne des réponses aux neuf échelles pour chaque droit.

Afin d’analyser la structure du champ commun, ces nouveaux scores ont été soumis à une nouvelle analyse de classification hiérarchique.

Les résultats obtenus par cette analyse (Fig. 8.22) montrent clairement une structuration des huit droits en trois classes différentes dont le critère d’organisation peut être aisément

interprété à l’aune des étapes qui ont caractérisé le développement historique des droits de l’enfant.

Comme nous l’avons vu précédemment, la classification des droits dans la CRDE ne se présente pas de façon aussi systématique et explicite que celle concernant les droits de l’homme. Cependant, une lecture historique de leur promulgation permet de déceler une évolution conceptuelle qui repose sur une redéfinition des liens qui unissent l’enfant aux parents et sur une reconnaissance progressive de l’enfant en tant que sujet de droit. Aux droits à la protection, qui impliquent une conception de l’enfant comme un objet de tutelle, se sont ajoutés les droits subjectifs, qui comportent la reconnaissance de l’enfant comme citoyen, et successivement les droits strictement individuels, les droits-liberté, qui le sanctionnent comme sujet de droit à part entière.

Ø Droits-liberté. La première subdivision de l’arbre oppose précisément, comme nous l’avons vu dans les deux analyses précédentes, le droit à la liberté d’expression et le droit à la vie privée à l’ensemble des autres droits. En concevant l’enfant comme un individu libre de penser, de s’exprimer et d’avoir une vie privée, ces droits définissent l'enfant en tant que sujet de droit à part entière et l’émancipe de l’autorité parentale.

Le regroupement qui s’oppose au précédent est constitué à son tour de deux classes distinctes. Ø Droits subjectifs. La seconde classe regroupe des droits (le droit au repos, le droit des handicapés et le droit des minorités) dont l’exercice ne nécessite pas, théoriquement, de la participation directe des adultes. Ces droits posent la faculté des enfants d’assumer un comportement déterminé en fonction de leurs intérêts et considèrent davantage l’enfant comme un sujet de droit. Il s’agit, au sens strict, de droits subjectifs.

Ø Droits à la protection. Enfin, la troisième classe comprend les droits à la protection contre la violence et contre l'exploitation et le droit à l'instruction. L’enfant ne pouvant ni se protéger ni s'instruire par lui-même, ces droits définissent l’enfant en tant qu’objet de droits déterminés et consentis par l’adulte (Jaffé, 1997).

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Fig.8.22. Echantillon total: dendrogramme représentant la structure des articles de la CRDE

Distances 0 5 10 15 20 25 +---+---+---+---+---+ PROT.VIOLENCE òûòòòòòòòòòòòø PROT. EXPLOITATION ò÷ ùòòòòòø INSTRUCTION òòòòòòòòòòòòò÷ ùòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòø REPOS, JEUX òòòòòûòòòòòø ó ó D. HANDICAPÉS òòòòò÷ ùòòòòòòò÷ ó D. MINORITÉS òòòòòòòòòòò÷ ó LIB. EXPRESSION òòòòòòòòòòòòòòòòòûòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòòò÷ D. VIE PRIVEE òòòòòòòòòòòòòòòòò÷

Afin de vérifier la stabilité de cette organisation en fonction des insertions sociales des sujets, la même analyse a été conduite sur les quatre groupes de sujets (étudiants, enseignants, policiers, parents) et parmi les hommes et les femmes qui constituent notre population.

Ces analyses rendent compte d’une organisation de la connaissance essentiellement stable et partagée par les trois groupes d'adultes (enseignants, policiers, parents) et par les hommes et les femmes (ce qui, pensons-nous, rend superflue la présentation de tous les graphiques). Par contre, l’analyse conduite sur le groupe des étudiants a mis en évidence une organisation légèrement différente (Fig 8.23).

On observe que les étudiants associent, d’une part, le droit à l’instruction à la classe des "droits-liberté" et en particulier au droit d’expression et, d’autre part, le droit des handicapés à la classe des "droits à la protection". Il semble donc que si les adultes conçoivent l’instruction comme un "facteur de protection de l’enfance", les étudiants, quant à eux, considèrent l’instruction comme une liberté individuelle ou un instrument pour y accéder.

1: Droits-liberté