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LE CADRE THÉORIQUE DES REPRÉSENTATIONS SOCIALES

5.2. LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DES DROITS DE L’ENFANT

Les études conduites par Molinari et Emiliani (1999) se situent dans l’approche théorique des représentations sociales que les auteurs (Emiliani, Molinari, 1995) ont défini "socio- dynamique". Selon ce modèle, l’insertion sociale des individus détermine le degré d’implication directe par rapport au thème étudié et, de ce fait, met en cause la perception de la responsabilité qui devient, dans une optique relationnelle, un facteur crucial des processus d’ancrage. Dans ce sens, si la position sociale des individus n’explique pas complètement la notion d’insertion sociale, elle en représente un élément constitutif, en raison de la dynamique qu’elle active par rapport au thème des droits de l’enfant. Ainsi, du point de vue des auteurs, les processus d’ancrage sont le résultat d’une dynamique réglée par des forces telles que les valeurs, l’identité sociale et la perception de la responsabilité. Dans une première étude (Emiliani, Molinari, 1999), qui s'adressait à des étudiants universitaires italiens, les processus

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d’ancrage sont analysés en fonction de l’imbrication de trois éléments: responsabilité, identité sociale et système de croyances (valeurs, explication des atteintes, sens de la justice).

Les résultats ont permis de détecter deux oppositions principales dans l’organisation des prises de position individuelles à l’égard des droits de l’enfant. Une première opposition s’explicite entre engagement personnel et désengagement. La deuxième oppose les individus qui considèrent ces droits comme un problème face auquel les adultes sont voués à prendre position dans leurs relations quotidiennes avec les enfants, et ceux qui envisagent ces droits comme un thème général qui devient saillant uniquement face à de graves violations. La logique des violations quotidiennes est soutenue par un système de valeurs qui renvoie au sens de solidarité et de démocratie, tandis que l’attention particulière aux atteintes graves s’accompagne d’un sentiment de menace personnelle associé à la défense des intérêts privés. Dans une étude ultérieure, les représentations sociales des droits de l’enfant sont encore étudiées par le biais de l’attribution de responsabilité à des agents qui, à différents niveaux, sont concernés par l’application de ces droits, mais cette fois-ci les auteurs définissent davantage l’insertion sociale des individus et considèrent quatre groupes de sujets: étudiants, enseignants, parents et policiers. Si, d’une manière générale, les résultats montrent que différents degrés de responsabilité sont attribués à chaque agent par rapport aux différents types de droits proposés, il apparaît aussitôt que le principe de responsabilité organise systématiquement les représentations sociales des droits de l’enfant. Les résultats sont encore plus clairs lorsque l’on conjugue le principe de responsabilité avec les autres éléments considérés: les appartenances sociales des sujets interrogés et le système référentiel des valeurs et des normes. On peut alors observer que parmi les quatre groupes initiaux de sujets, ces éléments produisent des compositions représentationnelles différentes. Les étudiants universitaires, en tant que jeunes adultes projetés vers leur réalisation personnelle, apparaissent comme un groupe particulièrement sceptique à l’égard du thème étudié, déçus par le grand nombre de violations et relativement peu confiants dans l’efficacité des différents agents proposés. Les positions exprimées par les parents et les policiers sont semblables sous différents aspects. Les deux groupes se déclarent très confiants par rapport à leurs possibilités d'intervention personnelle et très confiants à l'égard des autres agents, en particulier, les policiers, et se montrent très confiants vis-à-vis des forces de l'ordre. La haute considération de leur propre rôle et le sentiment d'efficacité qui l’accompagne font des policiers le groupe de sujets le plus optimiste. D’une manière cohérente, cet optimisme est à compléter par une idée de justice fondée sur le respect des lois codifiées, par l'adhésion à un système de valeurs centré sur la recherche du bien-être économique et sur la reconnaissance sociale, et par la

conviction que les violations des droits sont dues à la violence innée et à l'égoïsme propre à la nature humaine. Les parents, quant à eux, se montrent confiants à l'égard des différents agents proposés, mais se déclarent mécontents de l'état du respect des droits. L'importance considérable de l'engagement et de l'implication directe que suppose la condition de parent s'accompagne de la reconnaissance des atteintes quotidiennes aux droits de l’enfant et de la conviction que chacun devrait redoubler d'efforts. Le système référentiel des valeurs est double: d'une part, les parents expriment des valeurs qui concernent la dignité de tous, l'égalité et la justice sociale, et de l'autre, ils affirment des valeurs traditionnelles qui soulignent l'importance de l'intégrité familiale. Enfin, les enseignants se présentent comme un groupe particulièrement intéressant en raison de leur ambiguïté. Bien que l'engagement et l'implication directe à l'égard des enfants soient le propre de leur profession, les enseignants semblent avoir, par rapport à la responsabilité, une attitude "défensive". Ceux-ci n'attribuent de responsabilité ni à l'école ni à eux-mêmes et, en même temps, se déclarent satisfaits de l'état du respect des droits des enfants. En outre, ils ne prennent position ni par rapport aux valeurs ni par rapport aux explications des atteintes. Alors que les auteurs s'attendaient à ce qu'ils se posent en protagonistes dans le domaine des droits de l’enfant, les enseignants semblent préférer le rôle de figurants, en bornant leur engagement aux limites de leur classe: c'est ainsi qu'ils prennent position lorsqu'il s'agit de défendre l'intimité d'un enfant malade ou de plaider en faveur des droits des minorités. Dans ce groupe, l'implication directe, désignée par la profession et par l’appartenance à une institution qui, par définition, a pour vocation l'éducation, semble supporter une représentation faiblement articulée et pauvre d'éléments que les auteurs interprètent comme l'expression d'un besoin de se défendre face à la grande responsabilité qui est quotidiennement attribuée à l'école et aux enseignants.

TROISIEME PARTIE: ÉTUDES EN CONTEXTE