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Ressources pour l’apprentissage du fonctionnement culturel et sociétal

Dans le document CU CJ (Page 72-75)

10 Une analyse transversale : Les ressources utilisées Suite à une phase de rupture, les personnes doivent s’engager

10.2 Ressources pour l’apprentissage du fonctionnement culturel et sociétal

Si les apprentissages linguistiques se révèlent essentiels pour les personnes interviewées, des connaissances relatives à l’environnement du pays d’accueil doivent également être construites. Dans la partie relative à la rupture culturelle et sociétale, nous avons vu que toutes les personnes interviewées percevaient des différences entre le pays d’origine et le pays d’accueil, sur le plan des relations interpersonnelles, du système sociétal et de la nourriture. Qu’est-ce qui a aidé les personnes dans la gestion de cette différence, pour qu’elle ne devienne pas négative ou pour que les difficultés rencontrées puissent être dépassées ?

Différentes institutions ou personnes ont un rôle dans la découverte du pays d’accueil. Les ressources ici listées occupent essentiellement un rôle dans la découverte du fonctionnement du système social et administratif, car le discours des personnes interrogées est focalisé sur cet aspect, plutôt que sur celui de la culture (mode de vie, significations partagées, etc.).

La parenté et la communauté d’origine

La parenté résidant dans le pays d’accueil semble être une ressource importante pour la toute première phase de l’insertion dans le pays d’accueil. C’est souvent ce lien qui a permis l’immigration : Marianna avait un oncle à Neuchâtel, Lucia sa nièce, Carmelo un cousin, Humberto une personne faisant partie de la famille élargie, Wema et Nabil le conjoint et sa famille, Vanessa la belle-sœur. Ce sont ces personnes qui effectuent une première introduction au pays d’accueil, en accompagnant la personne récemment immigrée dans la découverte géographique des lieux et des institutions de la ville,

ainsi que dans les premières démarches administratives pour le permis de séjour ou pour trouver un appartement, à l’image de ce que dit Humberto :

« Au début, quand il est venu il a connu seulement la personne qui l’a invité. Cette personne lui a présenté beaucoup de personnes qui sont en communication avec ses intérêts artistiques et lui ont montré certaines possibilités. (15 :4)

18.I : Au début, il y a eu d’autres personnes importantes ?

19.H (trad.): Toutes les personnes qui sont dans l’entourage de la dame l’ont beaucoup aidé (ma traduction : Ils lui ont expliqué comment fonctionne le système social ici en suisse, les coutumes). Le premier contact avec la langue s’est aussi fait chez elle, c’est là qu’il a pu apprendre les premières choses importantes pour avoir se débrouiller seul. C’est eux qui l’ont aidé à apprendre à bouger seul et l’ont aidé à arriver à ce cours de français. » (15 :8)

Il est à relever que ces liens ne sont que très rarement membres de la famille proche ou nucléaire, mais sont issus de la même communauté d’origine. En matière d’emploi, Marianna, Silvia, Carmelo, Marcello et Vanessa bénéficient des conseils et des contacts de personnes de la famille ou de la communauté pour trouver leur première place de travail. Humberto se fait même engager au sein d’une association artistique de la communauté. Les premiers liens fondamentaux en matière d’insertion dans le pays d’accueil sont donc de nature communautaire. Un tel résultat confirme ce que relevait Dahinden (2005), à savoir l’importance des réseaux communautaires dans l’accès à l’information pour des migrants allophones.

Les amis du pays d’accueil et le lieu de travail

Pour les personnes qui n’avaient aucun contact familial préalable, (Silvia, Gabriela, Tina et Marcello notamment), ce sont les amis du pays d’accueil qui sont importants pour ce qui est des questions administratives diverses, mais également le lieu de travail de la personne (Silvia et Marcello) ou du conjoint (Gabriela et Tina). Les amis jouent également un rôle important

dans l’orientation du nouveau arrivé vers les cours du COSM.

En effet, la moitié des personnes interrogées ont connu les cours par un ami appartenant à la communauté (Gabriela, Humberto, Carmelo, Sam, Silvia, Marianna, Lucia) ou externe (Tina, par une amie du cours d’été).

Institutions étatiques

Deux personnes disent avoir eu recours aux institutions étatiques telles la commune (Carmelo et Lucia) pour des questions administratives. 8 personnes sur 12 citent les cours du COSM comme un lieu ressource important sur le plan culturel et sociétal. Les visites organisées au sein des cours ont permis à Gabriela, Lucia, Wema, Vanessa de connaître de nouvelles villes Suisses ou des lieux en ville de Neuchâtel qu’ils n’avaient encore jamais fréquenté, comme le disent Wema et Vanessa :

« 26.I:Et puis est-ce qu’il y a d’autres choses que vous apprenez ou que ces cours vous apportent ?

27.W:Oui, par exemple on apprend à découvrir la Suisse. Elle (l’enseignante) nous amène partout. On était visiter l’usine de chocolat Suchard. Elle nous amène au château, par exemple cette semaine on va aller au château. Elle nous amène dans les musées.

28.I : C’est des choses qui sont utiles pour vous ? 29.W :Oui

30.I:Est-ce que vous aviez visité ces lieux avant ou c’est par ces cours 31.W:C’est par les cours. Quand je suis venue d’Afrique je suis directement rentrée, je n’avais pas de (mot incompréhensible) de découvrir la ville seule. » (21 :6)

« 104.I : Et pour d’autres aspects, au delà du français, est-ce que vous avez l’impression que ça vous a apporté quelque chose ce cours?

105.V: Oui parce qu’avec Mme Meyer on va visiter beaucoup de places. Par exemple elle nous a amené à Berne et moi je ne suis jamais allée à Berne avant. Et depuis moi je vais à Berne, parce que je connais Berne ! Parce qu’elle m’a amené une fois, c’est moi qui fait de guide pour mon mari et ma fille, mes copines, et on va se

promener un peu à Berne, ou aussi à d’autres endroits qu’on connaît pas à Neuchâtel, au musé. Je pense que c’est très bien pour les personnes qui arrivent parce qu’elles ne connaissent rien, elles ne savent pas. C’est bien pour connaître un petit peu.

111.I:Donc vous dites que par exemple elle vous a montré Berne et ça vous a donné envie d’aller visiter avec des copines, avec la famille?

112.V : Oui

113.I : Donc c’est des endroit intéressants qu’elle vous a montré?

114.V:Oui, autre fois je me disais « (Berne) c’est allemand, je ne comprends rien, je ne peux pas y aller ». Et puis Mme Meyer a dit « on y va! », et maintenant je peux y aller, maintenant je sais où est la gare ! Et (ainsi) on va doucement connaître autre chose! » (17 :12) Les thématiques abordées en cours, à savoir l’histoire et la géographie suisse, le système juridique, mais également des questions plus concrètes de location d’appartements ont eu un rôle important dans le parcours de Gabriela, Carmelo, Vanessa et Silvia, comme cette dernière le dit bien :

« 23.(…) L’autre jours on a parlé du loyer et il y avait un monsieur qui ne parle pas bien la langue, c’est une personne de 50 ans, c’est plus difficile pour lui : les personnes qui lui ont loué l’appartement n’étaient pas honnêtes avec lui. Nous étions tous touchés, parce que il n’a pas beaucoup de moyens et si quelqu’un le vole comme ça, ce n’est vraiment pas très joli. Mais ça je pense que ça arrive avec tous les étrangers. (…) Je voudrais tout apprendre tout de suite, pour savoir comment les choses se passent, parce que plus d’informations tu as, plus tu peux te défendre. (…) L’autre jour quand on était au cours, c’était très intéressant pour moi parce que je ne savais pas grand-chose et Mme Meyer a parlé de ça (loyer), c’était important.

25.I : C’est elle qui a amené le thème ou c’est quelqu’un du groupe ? 26.S : Je ne sais pas si ça fait partie du programme, mais je pense que c’est intéressant pour les autres aussi de parler des lois du travail etc. (…) » (23 :15)

Beaucoup ont eu recours à l’enseignant en tant que personne-ressource pour des questions de rédaction de Curriculum Vitae (Carmelo), de traduction (Lucia), de conseil divers (Vanessa) et

d’orientation vers d’autres institutions (Wema). Le secrétariat du COSM est également cité comme un point de référence pour diverses questions administratives comme la reconnaissance des diplômes acquis dans le pays d’origine (Humberto), l’éventail de possibilités de formation (Gabriela, Vanessa) ou l’orientation vers d’autres institutions (Nabil). Parfois les apprenants s’échangent entre eux des adresses intéressantes dans le pays d’accueil (Gabriela).

Activités individuelles de découverte

Quelques personnes cherchent également à mieux connaître le pays d’accueil en lisant des livres ou des journaux traitant de la vie locale (Humberto et Wema) ou partent à la découverte du pays en train (Humberto et Tina), à l’image de Humberto :

« 42.I : Quelles sont les autres activités qu’il fait ici (danse, cours)?

43.H (trad.): Il a pu voyager un peu, en direction de Zürich, puis en direction du Tessin pour voir comment c’est ici en suisse, les petits villages, comment ça marche. Il essaie aussi de chercher de la bibliographie qui parle de comment ça marche ici en Suisse, le système. » (15 :16)

Conclusion

Dans ce chapitre, nous avons pu donner un aperçu des ressources que les personnes disent utiliser dans l’apprentissage du fonctionnement des institutions du pays d’accueil. Nous avons vu que, dans la première phase de l’immigration, un petit noyau de personnes, souvent issu de la communauté d’origine, voire de la famille, assume le rôle de ressource en matière de connaissances à propos de l’environnement géographique et social. Cela correspond aux résultats de Dahinden (2005) pour qui les principaux informateurs pour les migrants allophones étaient les membres de la communauté. Dans un deuxième temps, le réseau d’informateurs s’ouvre grâce aux contacts des personnes du noyau, sur la place de travail ou par l’arrivée aux cours.

Certains cherchent des informations par des activités de découverte personnelle. Au fil du temps, les personnes

s’inscrivent donc dans une multitude de réseaux qui leur donnent accès à des informations sur le pays d’accueil, ce qui va dans le sens des constats effectués par Moret et Dahinden (2009). Malgré la variété des sources d’information, pour beaucoup, les cours du COSM jouent un rôle central dans l’accès à des informations de qualité en matière de connaissance de l’environnement. Il faut relever que la question de l’entrée dans la culture de la société d’accueil est moins évoquée en termes de ressources, ce qui peut être lié à un manque d’insistance de notre part sur cette thématique lors des entretiens.

Dans le document CU CJ (Page 72-75)