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Observations du chercheur

Dans le document CU CJ (Page 37-40)

8 Le Programme cantonal d’intégration vu par les acteurs en jeu

8.3 Observations du chercheur

Après avoir présenté une synthèse du discours des concepteurs et des enseignants, nous allons maintenant faire un bref survol du point de vue du chercheur. Cette partie est basée sur une synthèse de nos observations et un retour sur des extraits d’enregistrements qui concernent principalement les cours données à Neuchâtel par trois enseignants : Mme Meyer, Mme Petit et M. Lopez. Un plus gros nombre de données ont été récoltées dans les cours « S’intégrer au quotidien », car nous étions particulièrement intéressée à connaître ce que les personnes apprenaient en premier lors de l’arrivée à Neuchâtel25. Les éléments présentés ici se basent sur une synthèse des notes d’observation. Les exemples présentés ont été choisis en fonction de leur clarté d’illustration d’un élément de synthèse. Des situations similaires, parfois moins « typiques », peuvent être trouvées dans nos données.

La nature du cours « S’intégrer au quotidien »

25 Les cours « Connaître le pays d’accueil » sont en effet destinés aux personnes ayant une bonne maîtrise du français et ayant souvent déjà participé aux cours « S’intégrer au quotidien »

Dans leur structure, ils ressemblent beaucoup à des cours de langue « ordinaires »26. Il y a en effet un travail sur les notions de grammaire, le vocabulaire, la prononciation. Toutefois, les thématiques abordées au travers de ces exercices sont celles de la vie courante. Dans le cours de Mme Petit, les fiches de travail sont extraites du livre « Mosaïques », édité par la Coordination Asile, portant sur le vocabulaire de base, de la vie quotidienne, et essentiellement basé sur des illustrations et explications graphiques (peu d’écrit). Ceci est complété par des fiches tirées de la méthode « Clique et claques », qui met également l’accent sur les conversations de la vie pratique, avec par ex. l’écoute et la transcription d’un dialogue qui se passe à la gare. Dans le cours de M. Lopez, les thèmes de grammaire, prononciation, etc. sont traités autour de thématiques telles la présentation de soi, la famille, le mariage, le corps humain, les sentiments, le milieu naturel, qui donnent parfois lieu à des commentaires sur les différences entre la réalité suisse et celle d’autres pays (par exemple à propos de la cohabitation avant le mariage, lors du cours du 30 04 09). A chaque leçon, un travail est fait sur des documents qui ne sont pas des exercices de pure grammaire, mais par exemple des articles de journal, des BD, des documents officiels (par ex.

demande de visa), une carte du monde. Souvent, l’enseignant intègre également des séquences de dialogue entre apprenants, comme par exemple la mise en scène d’une rencontre entre deux inconnus dans la rue. Dans le cours de Mme Meyer, l’enseignante cherche régulièrement à donner des explications de vocabulaire qui font le lien avec le contexte neuchâtelois, par exemple pour expliquer le mot « pavés », il y a le renvoi à la rue du Château. Au niveau des fiches de travail toutefois, les phrases sont parfois plus abstraites de la réalité

26 Nous entendons par « ordinaire » un cours basé sur l’apprentissage de la grammaire, de l’orthographe et de la prononciation, avec des fiches écrites, un travail au tableau blanc et des exercices oraux. Il s’agit d’un type d’enseignement qui peut être trouvé dans une multitude de dispositifs dispensant des cours de langue, comme des écoles de langue.

quotidienne. Les élèves apprennent par exemples des phrases de type « Si j’étais une fleur, je serais une tulipe », lorsqu’elles travaillent sur la concordance des temps et des modes verbaux.

Il faut savoir que l’ensemble des apprenants de ce cours suivent aussi le cours « Connaître le pays d’accueil » où sont traitées les thématiques plus concrètes reliées à la vie neuchâteloise et suisse.

Les enseignants prennent également du temps pour présenter des événements qui ont lieu en ville de Neuchâtel ou qui pourraient intéresser les apprenants. Par exemple, lors de la dernière leçon de l’année, Mme Petit et M. Lopez donnent une liste de manifestations gratuites pour la période estivale. Lors de ce cours, M. Lopez présente une formation d’aide ménagère et distribue une circulaire pour l’inscription aux personnes intéressées. Des visites de lieux significatifs de la ville sont prévues le long de l’année (le château, un musée, la rédaction du journal local « L’Express »,…), et donnent parfois lieu à une discussion en classe, où les apprenants s’expriment sur les éléments qui les ont marqués.

La nature des cours « connaître le pays d’accueil »

Dans les cours « Connaître le pays d’accueil », des notions de géographie, d’histoire, de politique, etc. suisse et neuchâteloise sont abordées, et un travail est fait sur les lois et les documents officiels destinés aux migrants (par ex. demande de visa) ou utilisés dans la vie quotidienne (par ex. contrat de bail). Une place importante semble également être accordée au partage d’expériences personnelles, de récits concernant le pays d’origine, etc. Après avoir présenté une thématique en lien avec le système sociopolitique suisse, les personnes peuvent intervenir avec des réflexions personnelles. N’ayant observé que très peu de cours de ce type, nous ne pouvons toutefois pas donner plus d’éléments d’observation.

Le rôle de l’enseignant

D’une manière générale, nos observations nous portent à affirmer que les enseignants sont à disposition des apprenants pour des questions de toute nature. Pour ce qui est du

« scolaire », les apprenants interviennent régulièrement durant la leçon, pour poser des questions. Parfois ils amènent également des questions qui sortent de la thématique abordée dans le cours du jour ; l’enseignant prend alors le temps pour rebondir sur le sujet ou reprend la question dans un cours ultérieur. Les questions plus personnelles sont parfois abordées en cours, notamment lorsque l’apprenant amène le sujet dans le débat ou lorsque les issues de la discussion peuvent intéresser tout le monde (par ex. des questions de loyer). Il arrive également que l’enseignante sorte quelques minutes du cours pour écouter un apprenant qui souhaite urgemment parler d’un souci personnel (par ex. cours de Mme Meyer du 11 05 09). Souvent, les apprenants s’approchent de l’enseignante en fin de leçon pour éclaircir un point de la leçon qui n’est pas clair ou pour demander des conseils en matière de CV, orientation, ou autre. Par exemple dans le cours de M. Lopez (cours du 12 02 09), une apprenante s’approche de l’enseignant pour lui demander de l’aide dans la construction d’une interview qu’elle souhaite effectuer avec une personnalité politique, dans le but de rédiger un article pour un journal.Il convient toutefois de relever qu’une telle possibilité de s’exprimer à propos de thématiques sortant du sujet du jour ou de consulter l’enseignant pour des problèmes rencontrés dans la vie quotidienne n’est pas explicitement formulée par l’enseignant. En effet, ni lors du premier cours de l’année, ni lors de l’arrivée d’un nouvel apprenant, cela est exprimé. C’est alors à l’apprenant de prendre l’initiative en la matière.

Un autre élément à relever concernant l’attitude des enseignants est leur attention au rythme des apprenants. Les leçons sont parsemées de « ça va ? », parfois adressés à l’ensemble de la classe, parfois à un participant en particulier.

Ils essaient de trouver des moyens pour arriver à une compréhension partagée : soit par la traduction dans plusieurs langues, soit par le dessin ou les gestes, soit par l’appel à des apprenants de même langue que celui qui ne comprend pas.

Les questions des apprenants sont toujours bien accueillies.

Les enseignants prennent du temps pour s’assurer que tout le monde a bien compris, quitte à reprendre plusieurs fois un même point. Parfois, des apprenants plus expérimentés sont appelés à traduire certains éléments du cours ou à aider ceux qui sont en difficulté. La parole est donnée à tout le monde, à tour de rôle. Il y a également beaucoup d’encouragements

« c’est bien ! », « bonne réflexion ! ».

Les relations entre apprenants et l’ambiance générale du cours De manière générale, beaucoup d’apprenants arrivent plusieurs minutes avant le cours et en profitent pour discuter avec les autres. Bien que les échanges se fassent entre personnes de tout horizon linguistique, les personnes maîtrisant une même langue tendent à se regrouper et les échanges sont bien évidemment plus riches. Si une meilleure maîtrise du français permet d’approfondir les discussions entre personnes de nationalité différente, il y a tout de même une recherche de contact avec l’autre, dès le cours débutant. Dans le cours de Mme Petit, il y a beaucoup d’échanges entre les apprenants, malgré le fait qu’ils ne maîtrisent que très mal une langue commune. Lors des pauses, ils essaient d’échanger quelques phrases simples, aidés de gestes, ou en introduisant quelques mots d’une langue commune (anglais, une langue latine,…).

Pendant le cours, il y a plusieurs personnes qui s’entraident, et là aussi, non seulement entre apprenants de même origine linguistique. L’enseignante semble encourager ces échanges en faisant une pause assez longue dans le cours et en permettant le brouhaha tout au long du cours. En comparaison avec les deux autres cours observés, celui de M. Lopez est le plus silencieux, que ce soit avant, pendant ou après les cours.

L’ambiance peut être qualifiée de « studieuse », car avant le

cours plusieurs apprenants effectuent quelques exercices des leçons précédentes, en silence. Durant la leçon également, chacun travaille sur sa feuille et il y a moins d’échanges que dans les deux autres cours. Les dialogues sont souvent dirigés par l’enseignant (c’est lui qui donne la parole pour que les personnes s’expriment). Quelques participants essaient tout de même de s’entraider et interviennent avec des questions ou des commentaires. Il est possible que cela soit lié à la composition du groupe, avec peu de personnes parlant la même langue ou une langue commune. En effet, lorsqu’une nouvelle participante sud-américaine est arrivée, les échanges avant les cours ont de suite augmenté entre cette dernière et un apprenant parlant la même langue. Toutefois, l’enseignant semble jouer un rôle dans la limitation des échanges, car il intervient à plusieurs reprises pour interrompre les interactions entre des apprenants au cours de la leçon, contrairement par exemple à Mme Petit, qui tolère le bruit de fond. Dans le cours de Mme Meyer, plusieurs personnes s’entraident et posent régulièrement des questions. Les discussions entre apprenants sont très riches avant et après les cours, certains s’échangeant par exemple des recettes de cuisine, d’autres proposant de rentrer ensemble en voiture etc.

D’une manière générale nous constatons que les intentions exprimées par les enseignants lors des entretiens correspondent à ce que l’on peut observer dans la réalité. Bien que le caractère des cours soit assez « scolaire », dans le sens que les leçons s’articulent autour d’exercices de grammaire, prononciation etc., les enseignants créent une ambiance propice aux échanges, font des liens entre les choses apprises et le contexte neuchâtelois, et sont attentifs aux besoins de chaque apprenant. Le cadre créé semble être d’une qualité relationnelle importante et des éléments pouvant servir de ressource semblent bien présents. Qu’en est-il de la perception des apprenants ?

Dans le document CU CJ (Page 37-40)