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La responsabilité en question

Florence Belaen

Directrice culture, sciences et société, Université de Lyon, florence.belaen@universite-lyon.fr

modération

La responsabilité sociale est devenue le nouveau mot d’ordre de toute institution ou individu qui désire maîtriser son image et réaffirmer sa et/ou ses valeurs : une entreprise responsable, une production responsable, des consommateurs responsables. Il est intéressant de voir que ce vocable s’est infiltré dans le voca-bulaire du monde de la recherche et de l’enseignement supérieur, de manière certes encore anecdotique mais qui malgré tout encourage la perspective d’une ouverture du monde académique à son environnement, à la société. La création d’un Observatoire de la responsabilité sociale des universités (ORSU1) en atteste en partant du principe que « dans une société moderne en profonde mutation, le rôle de l’université dépasse en effet ses missions fondamentales de création et de diffusion des savoirs, de formation et de recherche. Il est aussi d’assumer sa responsabilité sociale et sociétale, qui prend également en compte les aspects économiques et environnementaux ». Cette idée d’une troisième mission pour l’université n’est pas nouvelle, mais dans un contexte de regroupement des diffé-rentes institutions de recherche et d’enseignement supérieur, ce qui est nouveau, c’est bien la prise de conscience, comme le rappelle François Vallaeys2 que cette responsabilité est avant une démarche collective et que l’on n’est pas responsable tout seul de quelque chose mais que l’on s’inscrit dans un écosystème où chacun doit assumer sa part de responsabilité. Les créations de communautés d’universi-tés et d’établissements à la suite de la loi Fioraso de juillet 2013 dans un contexte de montée en puissance des collectivités territoriales accentuent le fait que les universités sont de plus en plus invitées à assumer leur responsabilité territoriale, en contribuant à leur développement même si les enjeux et les modes de classe-ments mondiaux de ces établisseclasse-ments se positionnent à une échelle mondiale. La notion de responsabilité dépasse l’engagement social de l’institution dans son périmètre en réinterrogeant également la chaine de valeur de la pratique

scienti-1 http://orsu.fr

2 vallaeys, François, Pour une vraie responsabilité sociale. Clarifications, propositions, PUF, 2013.

fique. La commission européenne se dévoile très proactive dans ce domaine avec l’impulsion, notamment par le financement d’appels à projets ad hoc, incitant des actions et une gouvernance de type « RRI » : une recherche et une innovation responsables. Si la définition de cette notion reste vague – Recherche et d’inno-vation responsables (RRI) implique la collaboration des acteurs sociétaux tout au long des processus de recherche et d’innovation dans le but de faire concorder au mieux ces processus et leurs résultats avec les valeurs, les besoins et les attentes de la société3 – il est instructif de constater que cette notion est corrélée à 5 approches – celles d'éthique, d'égalité de genre, de liberté d'accès, d'engagement public et d'éducation aux sciences et intègre la relation à la société comme consti-tutif de la stratégie de recherche à long terme.

Ainsi la difficulté avec la notion de responsabilité, à l’instar du développement durable dans les années 80, est qu’elle concernerait tous les niveaux du monde de la recherche, que ce soit à l’échelle de l’institution elle-même en tant qu’orga-nisation (sa politique de ressources humaines, ses modalités de gouvernances, son plan énergie climat…) dans le prolongement de la Responsabilité sociale des entreprises (RSE) – ou que ce soit au niveau du cœur de l’activité lui-même : la recherche et la formation. Les présentes contributions donnent un premier aperçu des nombreuses interrogations que pose ce transfert d’approche venant du monde l’entreprise. La première contribution dans ce thème porte sur une réflexion de l’éthique et de la valeur de la recherche, par T. Magnin de l’Université catholique de Lyon et V. G. Delory, de l’École centrale de Lyon. La suivante offre un éclairage sur le second niveau à savoir la formation des chercheurs ou ingé-nieurs de demain et leur place dans la société par M-P. Ecudié de l’INSA de Lyon. Pour certains observateurs de l’évolution du monde de la recherche et de l’ensei-gnement supérieur, cet affichage ne serait que marketing et ferait oublier que seule la recherche d’excellence est le leitmotiv de ces établissements. Aucune commission de la Conférence des présidents d’universités ne porte à ce jour sur ces questions selon une approche globale. Mais en dépit de cet effet de mode, ces initiatives permettent de rappeler que la science ne peut être que plus forte en pensant non pas seulement à sa place dans la création de productions de valeurs marchandes mais dans son utilité sociale4 . En effet, la recherche ne peut que se retrouver renforcer en étant plus connectée à la société car cette dernière pose des enjeux complexes, pluridisciplinaires sans se préoccuper des chapelles d’écoles et qui rappelle que les savoirs savants ne pourront être bénéfiques que s’ils cohabitent avec les savoirs expérientiels et les savoirs d’usage. La recherche ne peut être que plus pertinente si elle est en mesure de s’interroger et de se remettre en question en permanence et de former de futurs chercheurs ou ingé-nieurs qui pourront être sensibles aux catégories socio-professionnelles. Est-ce

3 Voir déclaration de Rome du 21 Novembre 2014.

4 Voir la boutique des sciences de l’Université de Lyon http://boutiquedessciences. universite-lyon.fr.

La responsabilité en question 165 qu’en retour la société a besoin de la science ? Peut-être devrions-nous oser plus souvent nous poser la question de manière sincère, dans son contexte où tout propos devient acceptable et que des assertions fausses ont autant de valeurs que des vérités objectives, établies par des communautés de chercheurs depuis des décennies, comme le changement climatique.

Cette notion de responsabilité sociale offre l’avantage de rappeler le lien néces-saire et double entre l’université et la société.

Au moment où la biologie