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[325] Un chef ne doit jamais oublier que ses subordonnés sont des hommes.

À coté du service, ils ont leurs intérêts, leurs soucis, leurs sentiments humains. C’est à toute leur humanité qu’un chef compréhensif doit s’intéresser avec tact et discrétion.

[326] La question sociale est avant tout une question d’égards, disait Léon Harmel.

[327] Le devoir le plus essentiel du chef vis-à-vis de ses subordonnés est, dans l’exercice même du commandement, de reconnaître leur valeur d’hommes et de les traiter selon leur dignité de personnes raisonnables et libres.

[328] Parce que l’homme est une personne, il n’appartient qu’à lui-même et à Dieu ; il ne saurait appartenir à un autre homme qui puisse le considérer comme sa chose. Ce serait revenir à une conception païenne de l’autorité, en vertu de laquelle le maître antique possédait ses esclaves au même titre que ses troupeaux ou ses terres.

[329] Le service avant tout, cela est vrai. Mais le service n’est pas tout ; à quoi servirait une belle tâche pour le bien de l’humanité si elle aboutissait à rendre moins hommes ceux qui doivent y travailler ?

[330] La discipline est un moyen et non un but.

Elle doit être souple pour être formatrice ; elle doit laisser les hommes prendre leurs responsabilités.

On agit en homme dans la mesure où l’on comprend le pourquoi de ses actes.

[331] De la formation chrétienne, il a conservé l’idée belle et profonde que tout homme est important, non seulement comme sujet, comme citoyen, mais comme individu fraternel. (MAUROIS, en parlant de LYAUTEY).

[332] L’homme refuse la servitude mais ne répugne pas au service. À servir il trouve même la satisfaction d’un instinct naturel de fidélité et de sécurité.

Mais il veut être assuré d’obtenir l’estime et la confiance de son chef ; il veut avoir la certitude d’être par lui traité en homme.

[333] Brusque ou calme, celui qui reconnaît à chaque homme une individualité qui fait sa richesse et son orgueil ne peut pas ne pas mettre secrètement dans le ton comme la solennité d’un appel, appel d’un homme à un homme, comme le sentiment, malgré les différences et la hiérarchie nécessaires, d’une profonde et fondamentale égalité.

Nous ne parlons pas de cette égalité insultante, de ces tapes sur le ventre, de ce bon garçonnisme qui n’inspire que le dégoût à celui que l’on flatte, mais de ces fiers rapports d’un homme à un homme, d’un à un, l’un suzerain, l’autre vassal, liés par le devoir nécessaire du commandement et de l’obéissance. Ainsi, sous le monde de la féodalité, hiérarchisé à l’extrême et plein de célèbres et tragiques obéissances, coulait le flot souterrain et vivifiant de la fraternité chrétienne des âmes égales devant Dieu, malgré les inégalités salutaires, universellement acceptées.

(Capitaine MOREL, Esprit de finesse et de commandement)

[334] Un mot maladroit, un manque d’égards, une expression dure ou méprisante peuvent semer aujourd’hui une rancune qui lèvera demain en colère.

[335] Plus un chef est élevé en dignité, plus il doit ménager la susceptibilité de ses subordonnés, car plus une flèche tombe de haut, plus elle pénètre profondément ; si elle touche le cœur, elle peut être mortelle.

[336] Une injure dans la bouche d’un chef le déshonore et ouvre dans l’âme de l’inférieur une blessure inguérissable.

[337] Le maréchal de Belle-Isle écrivait à son fils :

Je vous dirai de n’employer jamais, avec vos soldats, des expressions dures, des épithètes flétrissantes, et de ne proférer jamais en leur présence des mots ignobles et bas.

Croyez bien, mon fils, que ce moyen est le seul bon, qu’il peut seul faire respecter les ordres, les rendre agréables, en accélérer l’exécution, et inspirer aux soldats cette confiance en leurs officiers qui est la mère d’une bonne discipline et des succès.

[338] Voici l’extrait très suggestif de la lettre écrite en 1831 par un canonnier au général Drouot sous les ordres duquel il avait servi en 1809 :

La principale chose, suivant moi, c’est de se faire aimer du soldat, parce que, si le colonel n’est pas aimé, on ne se soucie pas beaucoup de se faire tuer par les ordres de quelqu’un qu’on déteste. À Wagram, où ça chauffait et où notre régiment a tant fait, est-ce que vous croyez que, si vous n’aviez pas été aimé comme vous l’étiez, les canonniers de la Garde auraient si bien manœuvré ?

Moi, mon général, je n’ai jamais trouvé aucun colonel qui sut parler comme vous à un soldat ; vous étiez sévère, j’en conviens, mais juste ; enfin, vous parliez à un soldat comme s’il eut été votre égal. Il y a des officiers qui parlent aux soldats comme s’ils étaient les égaux des soldats, mais ça ne vaut rien selon moi…

[339] Un chef doit s’efforcer de créer entre lui et ses subordonnés une atmosphère et des relations de vraie collaboration. Le meilleur moyen pour cela n’est-il pas de les intéresser à la tâche qu’ils ont à accomplir en leur faisant partager, dans la mesure où ils en sont capables, l’idéal que vous poursuivez ?

[340] Chacun de nous est naturellement persuadé qu’il respecte la personnalité de ses collaborateurs. Tout homme de cœur cherche à le faire ; mais observer ce respect jusqu’au bout n’est pas si facile qu’on le croit. Car respecter

la personnalité humaine chez chacun de ses subordonnés, c’est leur parler avec la même estime qu’à ses chefs. (A.

CARRARD, Le Chef, sa formation et sa tâche,)

[341] Un militaire ne s’incline pas lorsqu’il salue son supérieur. Il doit au contraire se redresser franchement, et son geste crâne symbolise la fierté qu’il doit avoir de servir.

Ce serait déshonorer un pareil geste, tout de confiance et de fierté, que de lui faire signifier la platitude ou la faiblesse.

[342] Lors des premières occupations d’usines en France, quelles sont celles qui n’ont pas fait grève ? Partout où nous avons pu le contrôler, c’étaient des usines où le chef avait un contact personnel avec ses sous-ordres, où « l’homme » en tant que personnalité humaine était le sujet de son attention et de ses soins, où le chef savait s’intéresser à la famille des ouvriers, leur demandait des nouvelles de la maison et leur apportait de l’aide personnelle effective.

J’ai connu dans un de ces établissements un chef qui commence ses rapports d’usine par le coté personnel : il veut que ses sous-ordres le renseignent sur les fêtes ou les deuils, les anniversaires, les difficultés momentanées des hommes qu’il leur a confiés. Ce n’est qu’après qu’il passe aux questions techniques.

Lorsque ce contact personnel manquait, malgré tout ce qui d’autre part avait été fait pour les ouvriers, ces derniers ont occupé l’usine et manifesté une haine profonde contre des chefs qui les avaient traités en somme comme des

« machines à produire ». (A. CARRARD, op. cit.)

[343] J’ai toujours été convaincu que le supérieur doit respecter la personnalité de ses subordonnés ; ceux-ci ne remplissent jamais évidemment son idéal absolu. Mais nous devons nous servir de nos subordonnés tels qu’ils sont, en utilisant leurs qualités et même leurs défauts qui souvent ne sont que des exagérations de qualités.

Efforçons-nous de commander et d’obéir avec bonne humeur ; l’homme de mauvaise humeur et l’homme en colère sont des malades, donc des êtres de qualité momentanément inférieure.

Soyons toujours polis avec nos inférieurs ; quand on est poli, on élève ceux à qui l’on s’adresse ; quand on est grossier, on se rabaisse soi-même. Vis-à-vis du supérieur, l’impolitesse est une faute contre la discipline ; vis-à-vis de l’inférieur, elle est en outre une lâcheté.

La politesse seule rend supportable la dureté d’un reproche.

Parlons toujours doucement, ce qui n’empêche pas de parler avec fermeté ; en donnant des ordres, en faisant des observations sur un ton trop élevé, on affole les subordonnés, on les pousse eux-mêmes à crier, on enfièvre le service. (DE MAUD’HUY).

[344] Longtemps les ouvriers, écrasés par le machinisme, ont été victimes des progrès d’une technique sans âme et d’un libéralisme païen qui les a réduits au rang de matériel humain, parfois moins considéré que la machine qu’ils conduisaient.

Il en est résulté, dans l’âme ouvrière, un complexe d’infériorité qui a amené çà et là des réactions violentes.

C’est à partir du moment où un chef respecte la fierté de ses hommes et les traite véritablement en hommes que commence à être résolue la question sociale.