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La grotte de la Fuie, un exemple de grotte fonctionnelle récente

2. P RESENTATION ET HISTORIQUE DE LA CAVITE

La grotte de La Fuie a été découverte fortuitement en 2001 sur le chantier de la RN 141 qui relie Limoges à Angoulême. Un effondrement en surface, sur le bas côté de la voie rapide, récemment achevée a permis l’accès au réseau souterrain. A la suite de cette découverte, une étude des risques d’effondrement sous la route a été mise en œuvre. L’Association de Recherche Spéléologique de la Rochefoucault (ARS) a été chargée de cartographier l’ensemble de la cavité.

La topographie du réseau reconnu (figures 41-42) montre que la grotte se développe horizontalement sur un niveau principal, sur environ 1 000 m de long selon un réseau de galeries horizontales localisées à moins de 10 m de la surface. La cavité s’organise en deux parties :

- Un axe principal, de direction générale SSW-NNE, relie les deux entrées artificielles ; il est constitué de la galerie des Ammonites, de la rivière des Bélemnites et se termine au nord en cul-de-sac par la salle de la Pieuvre. Les galeries sont très larges (10-15 m) dans la partie sud du réseau, mais deviennent plus étroites après la rivière des Bélemnites (< 3 m).

- Un second axe, de direction générale W-E, se développe perpendiculairement au principal, sur environ 200 m. Formant la partie orientale du réseau, il est constitué des salles des Oueds, du Laminoir et du « Réseau de la 16e ». Cet axe recoupe la première partie de la grotte au niveau de la salle des Oueds.

Le plan de la cavité topographiée ne présente pas une organisation très labyrinthique, contrairement aux autres cavités charentaises. La densité des conduits est estimée à 25,7 km/km². On a reconnu dans les salles de la Pieuvre et du Laminoir plusieurs départs de conduits qui ne permettent pas d’accéder au reste du réseau.

L’originalité de la grotte de La Fuie tient aussi à l’absence quasi-totale de spéléothèmes : aucune stalagmite, aucun gour, ni coulée, ni draperie ; seules quelques petites stalactites très sombres ont été reconnues dans la salle du Laminoir. Cette absence de concrétions suggère une cavité jeune, d’âge essentiellement holocène ou légèrement antérieure. Nous reviendrons plus tard sur cette hypothèse.

Le plancher de la cavité est constitué par un puissant remplissage, de 3 à 4 m d’épaisseur sur lequel les spéléologues progressent. Ce remplissage est cependant dépourvu de coupes naturelles. Les travaux d’excavation et de terrassement nécessaires à l’étude sédimentologique ont été réalisés dans la salle des Oueds (chap. 6).

A

2.1. La galerie des Ammonites et la rivière des Bélemnites : description des

trémies de collapse

La galerie des Ammonites est de loin la plus grande du réseau de La Fuie. Elle s’étend sur plus de 200 m. Sa largeur moyenne est de 15 m mais localement elle peut dépasser 20 m. La hauteur sous plafond est d’environ 3,50 m. Se développant de manière horizontale à 6 m de profondeur, elle change trois fois de directions depuis l’entrée n° 1 vers la rivière des Bélemnites : d’abord ONO-ESE, puis SSO-NNE et finalement SE-NO. Le plafond plan et large se développe à la faveur d’un joint de stratification. Le plancher de la galerie est constitué d’un épais remplissage argilo-limoneux. Le substratum n’est pas accessible. Séparée de la galerie des Ammonites par une trémie (collapse) (figure 43-45), la galerie de la rivière des Bélemnites se situe dans le prolongement nord. Elle présente les mêmes caractéristiques morphologiques. La différence principale tient à la présence d’une surface d’eau permanente liée à la nappe phréatique. En hautes eaux, la galerie est totalement ennoyée.

Figure 43 - Exemples de trémies de collapse dans la Fuie. Les trémies remontantes marquent les zones de soutirage du matériel altéré au sein de niveaux fantômisés sus-jacents. Elles sont les traces d’une fantômisation originale qui se développe à la faveur d’une altération biochimique de la roche. (Clichés 1-2-3, B. Losson, 17/09/2011 ; clichés 4-5, R. Maire 10/12/2006).

Le profil transversal en "V" (pente de 25°) des galeries et les encoches pariétales témoignent d’écoulements vadoses (libres) associés à des variations du niveau de la nappe karstique (flux et reflux). Les encoches et le toit plan et régulier mettent en évidence l’ancien niveau du remplissage. Les parois ont une morphologie très particulière. Arrondies et émoussées, elles présentent de nombreux insolubles qui apparaissent en relief (géodes de calcédoine, rognons de silex, filon dentelé ferro-manganique). Ces traits morphologiques se retrouvent de manière homogène dans toute la cavité et indique une dissolution en régime noyé avec écoulement très lent.

Figure 44 - Basses et hautes eaux dans la galerie des Ammonites. (a) Galerie des Ammonites en basses eaux. Les versants inclinés vers le centre de la galerie sont tapissés d’un dépôt argileux (Cliché D. Doucet, 19 février 2006). (b) Le réseau s’ennoie entièrement par remontée de la nappe karstique (b-c-d).

2.2. Les trémies de collapse : vidange de couloirs verticaux de fantômisation

Des cônes d’éboulis forment des trémies au contact du plafond qui se poursuivent par des cheminées obstruées de blocs de calcaires et chailles altérés mélangés à une matrice argileuse. Une quinzaine de trémies a été recensée dans l’ensemble du réseau. Celles-si correspondent à des zones d’effondrement évidées caractéristiques. Cette blocaille provient directement d’un niveau fantômisé supérieur avec brèches (chailles et fragments calcaires altérés) reconnu en sondage par les travaux routiers au droit de la cavité (figure 46). Leur observation a permis de mettre en évidence une évolution à partir de couloirs verticaux d’altération mettant en relation deux niveaux fantômisés. Le contact avec la couverture superficielle tertiaire est probable, mais aucun élément allochtone n’a été encore observé.

Ces trémies de collapse remarquables, en lien direct avec la fantômisation du Bajocien, sont des phénomènes morpho-sédimentaires contrôlés par une altération biochimique ancienne (fantôme de roche) exploitant des zones de faiblesses (failles, joints de strates) et les variations de la nappe phréatique.

Figure 45 – Evolution-type des trémies de collapse dans le réseau de la Fuie. Phase 1 : l’altération isovolume de la roche préfigure les galeries et les couloirs remontants. Phase 2 : les variations du niveau de la nappe permettent l’évacuation progressive des résidus de l’altération. Les conduits remontants se vident de leurs altérites (brèche de collapse). Phase 3 : les altérites de surface sont soutirés dans ces conduits verticaux évidés et finissent par former des cônes d’éboulis (trémies de collapse) dont les éléments sont redistribués par le flux et le reflux des fluctuations de la nappe.

2.3. La salle des Oueds

Cette salle mesure 30 m de long et 18 m de large. La hauteur sous plafond est d’environ 2,50 m. On y accède par la galerie des Ammonites, après avoir franchi un cône d’éboulis de 3 m de hauteur. L’entrée donne accès à un large plancher argileux, sur lequel reposent sur la gauche, trois grandes dalles calcaires effondrées, de 1,50 à ~ 2,70 m de long et de 50 à 70 cm d’épaisseur, qui proviennent de la voûte. Aucun dépôt ne les recouvre. Elles reposent sur une terrasse argileuse de 35 m², dont la surface est nettement visible sur la droite.

La salle est traversée du SE au NW par un chenal rectiligne peu profond (60 cm) aux versants raides. De l’autre côté du chenal, la topographie est variée. On reconnaît :

- une série de quatre petites dépressions circulaires de 0,50 à 1 m de diamètre, étagées, dans lesquelles s’accumulent quelques cailloux anguleux mélangés à des fragments de silex, qui permettent en remontant un accès au Réseau de la 16e ;

- un talus assez raide d’un cône d’éboulis d’environ 20 m de circonférence qui repose sur une terrasse plane ; des fragments de silex forment un glacis entre le cône d’éboulis et la surface de la terrasse.

C’est dans le chenal localisé au pied du cône d’éboulis que nous avons entrepris de dégager la coupe sédimentaire étudiée dans le chapitre 6.

3. FANTOMISATION DU CALCAIRE BAJOCIEN : FORAGES DE LA RN141 ET