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hydrologie, exokarst et types de cavités

1.1. Le système karstique de la Touvre : aquifère et piézométrie

Le système de la Touvre est étudié depuis plusieurs décennies et bien décrit dans la littérature (Seguin, 1969 ; Quélennec et al., 1971 ; Vouvé, 1975 ; Rambaud, 1979 ; BURGEAP, 1978, 1979, 1980, 1981 ; Bonnin et Seguin, 1982 ; Rouiller, 1987 ; Blavoux et al., 1988 ; Mudry, 1991 ; Hydro-Invest, 1991, 1993, 1994 ; Choppy, 1995 ; BRGM, 1996 ; Larocque, 1997 ; Larocque et al., 1998 ; Larocque et Razack, 1998 ; Kurtulus et Razack, 2007).

Deux aquifères principaux, séparés par l’écran marneux du Toarcien-Aalénien, sont connus : - un aquifère infra-toarcien, assez réduit, se développant dans les sables fins de l’Infra-Lias et les calcaires dolomitiques du Lias moyen et n’affleurant que sur la marge orientale du secteur d’étude au contact du Massif central (BRGM, 1996) ;

- un aquifère beaucoup plus vaste (550 km²) supra-toarcien ou aquifère du Jurassique moyen et supérieur, qui alimente les sources « vauclusiennes » de la Touvre (débit moyen 13 m3/s) et de la Lèche (débit moyen 1 m3/s). Une relation éventuelle entre ces deux aquifères, à la faveur de grandes fractures, n’est pas prouvée.

Nous nous sommes intéressés, dans le cadre de cette thèse, uniquement au second aquifère, de loin le plus considérable, en raison de ses liens directs avec le système karstique de la Touvre et de son importance pour la ville d’Angoulême dont l’alimentation en eau potable est assurée par captage dans le Bouillant (sources de la Touvre). Les prélèvements pour l’alimentation en eau potable de la ville totalisent 10 à 12 millions de m3/an (Larocque, 1997). L’industrie prélève environ 5 millions de m3/an et l’agriculture 6 à 8 millions de m3/an. Au total, 21 à 25 millions de m3/an sont prélevés, soit moins de 6 % de l’écoulement moyen annuel (450 millions m3/an). A partir des années 1970, les premières études (forages, stations piézométriques, stations hydrométriques, prélèvements, traçages) ont été entreprises afin d’améliorer la gestion et la protection des eaux de la Touvre (Quélennec, 1971 ; BURGEAP, 1978, 1979, 1980, 1981). Ces études traduisent un souci de la part des autorités locales en matière de vulnérabilité de cette unique ressource en eau.

Ces études ont également permis de préciser les limites de l’unité hydrogéologique. Nous n’avons pas nous-mêmes mené ce type d’opération, préférant nous appuyer sur les nombreuses synthèses connues. Plusieurs expériences de coloration, résumées dans le tableau suivant, ont permis de mettre en évidence un lien assez rapide, de 54 à 106 m/h, entre les pertes-grottes des

(tableau 2).

Lieu dit Rivière Dates Quantité colorant (kg) Débit pertes (m3/s) Durée de l’injection Débit Touvre (m3/s) Distance (km) Temps (h) Vitesse (m/h) Chez Lascoux Tardoire 15.9.70 15.4 0.177-0.080 4h00 6.0 13.0 258 54 Chez Lascoux Tardoire 16.4.71 13.0 1.400 2h00 13.0 13.0 122 106 Champ de la Queue Bandiat 3.11.70 10.0 0.083 2h00 ? 7.0 120 56 Puy Vidal Bandiat 14.5.71 12.0 0.220 1h24 18.2 9.5 96 98

Tableau 2 - Tableau récapitulatif de quatre expériences de traçage (Quélennec et al., 1971). Les temps de transit du colorant (fluorescéine) varient entre 4 et 10 jours avec des vitesses de l’ordre de 50 à 100 m/h suivant le lieu et l’époque de l’injection.

Ces résultats montrent que l’on a un écoulement noyé assez rapide à partir des pertes (Bonnin et Séguin, 1982). Pourtant les courbes de tarissement et de décrue montrent des coefficients de tarissement très faibles. On a donc affaire à un karst complexe, avec des circulations rapides à partir des pertes qui représentent entre 55 et 60 % de l’alimentation des sources de la Touvre et des circulations beaucoup plus lentes, provenant des infiltrations dans les calcaires (40 à 45 %), à l’origine de courbes de tarissement extrêmement plates, étudiées en détail plus loin (figure 23).

Figure 23 - Coupe géologique intégrant le système souterrain de la Touvre dans les calcaires jurassiques (partie aval et moyenne). Le bassin d’alimentation de l’aquifère karstique de la Touvre est limité à l’est par la zone d’affleurement du Toarcien-Aalénien et à l’ouest par les faciès marneux du Jurassique supérieur. On a une circulation rapide basale provenant des pertes et une circulation lente provenant de la masse altérée qui donne des courbes de tarissement très plates (réservoir poreux très capacitif) (dessin et conception G. Dandurand).

L’étude piézométrique a permis de montrer qu’un écoulement souterrain permanent s’effectue de la Bonnieure vers le bassin de la Tardoire, puis vers la Touvre (Hydro-Invest, 1991, 1993, 1994 ; Larocque, 1997) et donc d’établir la superficie du bassin d’alimentation à 550 km² (Touvre et Lèche). En intégrant la partie non carbonatée des bassins versants de la Bonnieure, de la Tardoire et du Bandiat, l’aire d’extension est triplée, estimée à 1 500 km² (BURGEAP, 1978, 1979, 1980 ; Hydro-Invest, 1991).

M. Larocque (1997) en a fait la synthèse cartographique dans sa thèse (figures 24-25). Elle met en évidence les variations piézométriques entre les périodes de hautes eaux et celles de moyennes eaux. En hautes eaux, la nappe ne se trouve qu’à quelques mètres sous la Tardoire et en relation directe avec le Bandiat jusqu’à Chazelles. A partir de Chazelles, la surface piézométrique plonge jusqu’à 20 m sous le lit du Bandiat. Par contre, en moyennes eaux, la nappe se situe à 20 m sous le lit du Bandiat au niveau de Marthon, mais continue à descendre vers le nord, jusqu’à 30 m. Les variations piézométriques sont donc très importantes au niveau du Bandiat et de la Tardoire. En revanche, les profils piézométriques montrent une faible amplitude des variations piézométriques au niveau de la Bonnieure. D’autre part, M. Larocque a mis en évidence, au niveau de la Bonnieure, la présence d’une « crête piézométrique ». A partir d’un certain seuil, en basses eaux, les eaux ne s’écoulent plus vers les sources de la Touvre. La liaison hydraulique entre la nappe sous la Tardoire et la nappe sous la Bonnieure se déconnecte. Une nappe perchée persiste dans les formations détritiques tertiaires, mais sans lien avec la nappe karstique de la Touvre. A l’inverse, en hautes eaux, la Tardoire déborde. Le niveau de la nappe atteint celui de la Bonnieure.

Les cartes piézométriques en basses eaux et en hautes eaux indiquent un gradient piézométrique moyen de l’ordre de 0,56 %, soit 56 cm/km. En outre, entre un épisode de crue ou de tarissement, le battement de la nappe est très important puisqu’il peut atteindre au maximum 30 m dans le piézomètre de la Rochefoucauld (Hydro-Invest, S. Renié, 2009). Le battement de la nappe est donc très important pour un karst avec si peu de relief.

Par ailleurs, ces forages, mis en œuvre pour mesurer la piézométrie, ont permis des découvertes importantes à partir de l’observation de faciès très singuliers (Hydro-Invest, B. Dubéarnès, 1994). Celui réalisé à Mornac a mis en évidence une alternance de passées très recristallisées et dures où les oolithes sont à peine visibles et de passées où les oolithes sont libérées sous forme de billes non cimentées (S. Renié, communication orale). M. Larocque (1997) note également des pertes d’outils forants et de carottiers dans des cavités profondes. On peut s’interroger sur la nature de ces cavités. Il peut s’agir de vides karstiques liés à la vidange de zones altérées ou bien de zones fantômisées très poreuses. Croisées avec les informations du forage de Mornac, ces données confirment les observations effectuées en carrière sur une fantômisation de la série carbonatée qui implique une circulation très lente des eaux à côté de drains à circulation plus rapide.

Figure 24 - Cartes piézométriques en hautes eaux de mars 1994 (Hydro-Invest, 1994 cité par Larocque, 1997).

Figure 25 - Cartes piézométriques en moyennes eaux de septembre 2005 (Hydro-Invest, 1994 cité par Larocque, 1997).

1.2. Le fonctionnement hydrologique et hydrodynamique du système :