• Aucun résultat trouvé

pré-karstification/karstification depuis le Mésozoïque

1. H ISTOIRE GEOLOGIQUE ET GEOMORPHOLOGIQUE DEPUIS LA FIN DU KIMMERIDGIEN

2.1. Description des fronts de taille

Les fronts de taille ont été étudiés en détail dans trois carrières, Peusec vers la Touvre, Combe Brune sur l’interfluve Bandiat-Tardoire et Artenac en rive droite de la vallée de la Bonnieure (figure 10). Ces trois carrières permettent tout d’abord de rendre compte de l’extension des roches fantômisées sur le karst de La Rochefoucauld. Il ne s’agit donc pas d’un épiphénomène, mais bien d’une morphogenèse majeure dans la région, qui a conditionné l’évolution du karst par la suite. Dans un second temps, l’étude des fronts de taille a permis de mettre en évidence la diversité des roches affectées par l’altération/fantômisation. L’ensemble des couches géologiques jurassiques a subi une altération profonde, dans les trois dimensions et à des degrés très variés. Toutes les étapes et les morphologies de l’altération ont été observées. De ce point de vue, le karst de La Rochefoucauld est remarquable.

- La carrière de Peusec : elle s’ouvre en rive droite de la vallée de l’Echelle à 2,5 km au sud

des sources de la Touvre, dans les calcaires blancs du Kimméridgien inférieur. Le front de taille est dégagé sur 12 à 40 m de hauteur et permet de reconnaître les calcaires blancs et compacts du Kimméridgien inférieur et les calcaires plus marneux du Kimméridgien supérieur. Les calcaires sains graveleux se présentent sous la forme de bancs sublithographiques à faciès beige et compact. Leur altération se manifeste en pétrographie soit par des auréoles de teinte plus sombre et un aspect plus poreux, soit par des blocs bréchifiés blanchâtres très poreux présentant une perte de masse volumique de 30 à 40 %. Les zones à brèches et « fantômes de roche » s’érigent en grands couloirs verticaux (figure 9) et localement en bandes horizontales. Le départ des éléments solubles et d’une partie des insolubles a provoqué localement leur tassement sous forme de brèches de collapse.

Figure 9 - Carrière de Peu Sec. Couloir d’altération haut de 17 m avec schéma interprétatif. A. Roche saine ; B. Couloir fantômisé (brèches de collapse) ; 1. Strate de roche fantômisée en place ; 2. Dépôt limono-argileux hétérométrique ; 3. Blocs calcaires fantômisés roulés dans la matrice limono-argileuse ; 4. Joints de strate fantômisés ; 5. Remplissage de sables fluviatiles crétacés ; 6. Cône d’éboulis récent. Cette photo montre les différents stades d’évolution du pseudo-endokarst : une prékarstification ancienne avec des zones fantômisés in situ surmonté par un couloir fantômisé plus ou moins évidé avec une brèche de collapse (Cliché R. Maire, le 25 mai 2011).

Ce premier type de zone fantômisée est capital, car il constitue un ensemble de « cavités préfigurées » comme dans les carrières du Hainaut en Belgique (Quinif, 2010). Il est indispensable de l’étudier afin de comprendre la mise en place des réseaux souterrains. L’exemple du grand couloir fantômisé de la bordure nord de Peu Sec permet de voir le fantôme de roche en place (figure 9). L’altération de la masse carbonatée se développe de façon verticale dans la masse calcaire à partir de diaclase ou de faille (couloir d’altération) (photo 4 : 1-2-3). Elle se développe aussi de façon

son tassement qui peut provoquer des effondrements de pans entiers de la série stratigraphique sous forme de « brèches de collapse » (Quinif, 2010). Certains pseudo-endokarsts ont commencé à évoluer en cavités par tassement du fantôme ou par décolmatage lors de phases fluviatiles postérieures (chap. 2).

- La carrière de Combe Brune : elle s’ouvre dans les calcaires blancs oolithiques et légèrement

marneux du Callovien entre Rancogne et Pranzac. Le calcaire sain se présente sous la forme de bancs lithographiques blancs très massifs. L’attaque de l’altération progresse à partir des joints de strates et des diaclases jusqu’à isoler des blocs sains qui se retrouvent en position flottante au sein de la roche altérée.

- La carrière d’Artenac : elle s’ouvre dans les calcaires récifaux du Callovien supérieur et de

l’Oxfordien moyen en rive droite de la vallée de la Bonnieure, à la limite septentrionale du bassin de la Touvre. Les découvertes paléontologiques et archéologiques sur ce célèbre site charentais (Delagnes et

al., 1999) nous ont conduits à venir observer les morphologies et les formations bien visibles sur le front

de taille de cette carrière abandonnée. La roche saine est un calcaire marneux, finement détritique. Le passage de la roche saine au fantôme de roche se fait selon un gradient d’altération. La roche altérée se présente encore une fois sous la forme de blocs poreux. Les bancs commencent à se déstructurer, les interlits ont été évidés des matières solubles et insolubles. Puis la roche altérée passe au fantôme de roche, matérialisée par un calcaire poreux à surface rugueuse. Les blocs se désagrègent sous la forme d’une calcarénite très friable. Des couloirs de brèches verticaux se développent à proximité des zones fantômisées. Les blocs bréchifiés présentent des traces superficielles d’altération en auréoles liées à des processus d’oxydo-réduction (anneaux de Liesegang) et à des attaques ferro-bactériennes. Des sables fluviatiles cimentés colmatant les interstices de ces brèches indiquent une évacuation des produits de l’altération in situ bien avant l’apport de sables provenant de la surface. L’évacuation des produits d’altération s’organise par le décolmatage des brèches. Les résidus de la fantômisation sont par la suite remplacés par des apports détritiques exogènes.

Figure 11 - Caractères du front d’altération (fantômisation) dans le calcaire Kimméridgien de la carrière de Peusec (échantillon PS8). Au sommet (a), section coupée montrant les auréoles d’altération plus ou moins poreuses et au centre (gris) la roche plus compacte. Les photos de lames minces (a-b-c) montrent le contact entre la roche altérée (en gris) et la roche peu ou pas altérée (en beige, orange ou gris-clair). Les photos e, f, g montrent la pénétration de l’altération à la faveur d’une microfissure. Sur h (LN) et i (LP), on observe le rôle de la fixation du fer par des amas probablement ferro-bactériens, pouvant engendrer des micropisolithes de fer (j).

Figure 12 - Caractères de la porosité liée à la fantômisation dans le calcaire kimméridgien de la carrière de Peusec. Les photos a-b-c-d-e-f montrent la structure d’une surface coupée avec ses pores (20-200 µm) et le rôle de l’oxydation (b-c-d-f). Sur lame mince (g-h-i-j-k-l), en « lumière polarisée », l’altération affecte l’intérieur de certaines oolithes sparitisées (g), des logements sparitiques de microfossiles (h-i-k) et d’autres zones sparitiques (j). Une oxydation du fer apparaît de préférence autour des oolithes (l).