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Se représenter le phénomène

Dans le document PARCE QUE L’AMOUR N’EST PAS TOUJOURS GAI (Page 155-158)

6.1 Regards croisés sur la violence entre partenaires masculins

6.1.1 Se représenter le phénomène

qui oeuvrent au sein des communautés gaies en Communauté française de Belgique se représentent-ils le phénomène?

2. Comment ces représentations influencent-elles la demande d’aide des hommes gais, ainsi que les pratiques des intervenants communautaires?

Dans un premier temps, les représentations sociales des deux groupes de participants sont mises en lumière à partir de deux éléments constitutifs, soit l’information et l’image, et analysées à partir des sources de connaissances des participants et de leur proximité à l’objet d’étude. Dans un deuxième temps, l’influence de ces représentations est circonscrite à partir des composantes de l’attitude des personnes interrogées face au phénomène, principalement leurs réactions pragmatiques et émotives. Dans un troisième temps, les réactions normatives révélées par les participants, c’est-à-dire leur compréhension et leur analyse du problème, sont décortiquées à l’aune de perspectives théoriques issues des études féministes sur la violence conjugale.

6.1.1 Se représenter le phénomène  

Les éléments de définitions de la violence entre partenaires masculins fournis par les participants renvoient principalement à une conception hétérosexuelle comme champ de référence, bien qu’une volonté soit manifeste dans leur discours de formuler une définition non différenciée du phénomène, dans laquelle le genre et l’orientation sexuelle des protagonistes ne sont pas prédéterminés. Ancrés dans leur conception structurelle des discriminations, plusieurs intervenants du deuxième groupe précisent d’ailleurs que le fait de camper l’homme dans le rôle de l’agresseur et jamais dans celui de victime relève d’une vision hétéronormative

du couple et de la violence conjugale qui affecte grandement l’expérience des hommes gais, puisqu’il est alors difficile de reconnaître la situation comme étant une forme d’abus et de l’élever au rang de problème social qui affecte les communautés gaies. Ce point de vue tiré des données de l’étude rejoint les conclusions avancées par d’autres chercheurs (Kulkin et al., 2007; St. Pierre, 2008).

Les participants des deux groupes mentionnent les termes « pouvoir » et

« contrôle » d’un partenaire sur un autre pour définir le rapport de domination et les manifestations de violence, ce qui correspond à la position retenue dans le dernier plan d’action national de lutte contre la violence entre partenaires adopté par les gouvernements belges qui situe la violence conjugale sous l’angle de violences structurelles (Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, 2010).

Invités à donner un exemple d’une telle prise de contrôle, les participants répondent spontanément par des images associées à la violence physique : une bagarre entre partenaires, un visage tuméfié, des ecchymoses sur les bras, etc. Les perceptions des participants quant à la sévérité et la prévalence et de cette forme de violence chez les hommes gais est d’ailleurs sujette à débat entre les participants des deux groupes confondus. Bien qu’il ne s’agisse pas de la plus fréquente, les écrits montrent que la violence physique est la forme de violence la plus dénoncée aux autorités et celle qui est dépistée le plus facilement pour les intervenants concernés et les membres de l’entourage de la victime (Finneran &

Stephenson, 2012; Murray & Mobley, 2009; Welles et al., 2011). De plus, la violence physique permet souvent à la victime de prendre conscience de sa situation et de valider son expérience comme étant de la violence conjugale.

La violence psychologique se traduit, selon les participants, par différentes manifestations, dont l’emprise de la jalousie et la menace du dévoilement forcé de l’orientation sexuelle. Ces facettes de la violence conjugale ont été évoquées principalement par les intervenants du deuxième groupe, et par les hommes qui ont déjà vécu de la violence dans leurs relations intimes. Cela renvoie aux expériences professionnelles et personnelles comme sources d’informations à propos du phénomène. Il semble que la proximité à la violence entre partenaires instille chez ceux plus proches de l’objet d’étude une compréhension différente et plus personnelle du problème, comparativement à ceux qui, de leur propre aveu, n'en ont qu’une connaissance théorique. Cette proximité leur permet entre autres d’évoquer certaines dimensions de la violence conjugale comme la spirale et le cycle de la violence, en plus de cerner les défis associés à la demande d’aide des hommes gais qui vivent de la violence dans leurs relations intimes. Cette interprétation semble corroborer la proposition de Moliner et Gutermann (2004) voulant que la proximité à l’objet représentationnel influence le rôle de la représentation chez les acteurs sociaux. Selon ces chercheurs, la représentation joue un rôle surtout descriptif chez les personnes ayant peu de contact avec l’objet, tandis qu’elle joue un rôle plutôt explicatif chez celles qui en ont une expérience plus soutenue ou récurrente.

Loin de condamner l’ouverture sur le plan sexuel ou de faire l’éloge de la monogamie, les participants soulignent toutefois les défis que recèlent la négociation et le maintien des ententes conjugales, l’absence de modèles positifs, les pressions ressenties au sein des communautés gaies et les perceptions négatives qui sont accolées à ces formes atypiques de conjugalité dans la population générale. Peu documentée chez les hommes gais, la violence sexuelle en contexte conjugal a pourtant été abordée à maintes reprises pas les participants de l’étude, notamment sous l’angle des ententes conjugales et de la place

accordée à la sexualité en général dans les interactions au sein des communautés gaies. Il ressort du discours des personnes rencontrées que la négociation de ces ententes peut mener à la violence dans certaines circonstances, surtout si l’un des partenaires a une faible estime de soi ou si d’autres leviers de manipulation sont déjà à l’œuvre au sein du couple. Cela rejoint les conclusions des travaux de Shernoff (2006) sur la conjugalité gaie. La question du viol est toutefois évacuée du discours des participants, ce qui laisse penser que le sujet incarne tout de même une « zone muette » du champ représentationnel (Chokier & Moliner, 2006). Autrement dit, les pressions normatives associées entre autres à la socialisation des hommes et à leur victimisation font en sorte que le viol en contexte conjugal est passé sous silence, car il renvoie à un système de valeurs empreint d’interdits et de tabous sur cette question.

Dans le document PARCE QUE L’AMOUR N’EST PAS TOUJOURS GAI (Page 155-158)