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Partie 3 Analyse des résultats

3. Vivre son bi-plurilinguisme dans le groupe rouge

3.2. Représentations

Dans le questionnaire55, les items numérotés de 13 à 16 permettent de recueillir les représentations des enfants sur l’apprentissage d’une langue. Sur une base de dix-sept enfants, onze le considèrent compliqué, et neuf pensent qu’il est utile. En ce qui concerne le premier résultat, vu la diversité linguistique au sein de la classe, nous pouvons supposer que selon leur situation, les enfants font référence soit à l’apprentissage du français soit à celui de l’allemand. Quant au second résultat, nous pensons que c’est encore la présence de

54 Spielen se traduit par jouer.

plusieurs langues dans le groupe qui permet aux enfants de conscientiser les bénéfices de l’acquisition d’une autre langue. En effet, comme nous l’avons vu, apprendre une langue permet d’élargir son éventail de compagnons de jeu.

A la question 15 « Pour toi, apprendre une langue ça permet de découvrir des choses sur les gens qui la parlent », six enfants ont répondu positivement, sans que nous puissions affirmer qu’ils aient saisi la question. Neuf autres n’ont pas su y apporter une réponse. Nous pensons que la question était trop abstraite. Nous avons d’ailleurs essayé d’y remédier en donnant des exemples mais cet item est demeuré hors de portée pour la majorité, ce qui montre qu’à ces âges, les enfants ne sont pas toujours conscients de l’impact culturel de l’apprentissage d’une langue.

La question 16 était la suivante : « Pour toi, apprendre une langue ça se fait comment ? ». Les stratégies d’apprentissage citées par les enfants sont intéressantes à plus d’un titre. En effet, l’une d’entre elles souligne l’influence de leur contexte de scolarisation : six enfants pensent qu’une langue doit être étudiée à l’école. Nous supposons que les autres réponses, variées, reflètent, ne serait-ce qu’en partie, les stratégies de chacun : on apprend une langue en observant ou en imitant les natifs, en voyageant, ou encore en ayant recours à la traduction des mots étrangers par un tiers56. Quatre enfants appartenant à la tranche d’âge des 3-4 ans n’ont pas su répondre.

Afin de compléter cette analyse, nous avons pris en compte les questions 23 et 25. La première contribue à mesurer la conscientisation par les enfants de la gestion de leur répertoire. Cette question, « Tu parles une langue qui t’aide à comprendre d’autres langues ? Si oui, laquelle ? », s’est révélée difficile. Sur dix-sept enfants, neuf ont répondu « je ne sais pas », six ont choisi « non » et deux ont répondu « oui » sans pour autant nommer les langues en question. En comparant les réponses fournies à notre connaissance de leur répertoire, nous nous sommes rendu compte que ces deux enfants, appartenant à la tranche d’âge des 3-4 ans, ont répondu de manière erronée et probablement aléatoire, puisque les langues qu’ils dominent ne produisent pas d’intercompréhension57. Par ailleurs, parmi ceux qui ont répondu « non », deux enfants auraient dû répondre de façon

56 Voici des illustrations de stratégies, telles qu’énoncées par les enfants :

« Si tu veux apprendre le russe, il faut aller en Russie », « Il faut que tu pratiques avec un ami », « Il faut

que quelqu’un te montre », « On écoute la maitresse », « "Non" en arabe c’est "la" », ou encore « On apprend une langue en écoutant les gens parler ».

57 C’est-à-dire que les langues n’entraînent pas « la compréhension réciproque de sujets locuteurs de langues

génétiquement apparentées (ou langues voisines) comme les langues romanes, à partir de l’usage par chacun de sa propre langue » (Cuq, 2003 ; 136).

affirmative puisqu’ils sont simultanément italophones et francophones. Bien que les enfants soient tout à fait en mesure de gérer la dynamique de leur répertoire, ces résultats mettent en relief l’absence d’une conscientisation. Cependant, ceci ne semble avoir aucune conséquence sur les représentations concernant le fait d’être bi-plurilingue, comme le démontre la question 25, à choix multiples. Ils sont quatorze à considérer que parler plusieurs langues est « amusant » et à avoir combiné cet adjectif avec d’autres propositions. On retrouve, dans les réponses, cette idée de difficulté associée aux langues mais de façon atténuée : neuf enfants ont sélectionné les adjectifs « amusant » et « difficile ».

L’analyse de l’observation de classe et de l’entretien avec l’éducatrice nous a permis de définir la circulation et l’articulation des deux langues enseignées dans le groupe ainsi que la démarche didactique de L.T. Ce chapitre a également eu comme objectif d’étudier la gestion d’un répertoire pluriel par de jeunes enfants scolarisés dans un contexte exolingue, ainsi que leurs représentations à ce sujet. L’environnement linguistique des enfants participant à la recherche ayant été ainsi analysé, le chapitre suivant traitera de l’analyse de la démarche plurielle mise en œuvre.

Chapitre 8. Analyse de la biographie langagière et de la mise en

place des activités

Ce chapitre et le suivant traitent de l’analyse des activités. Dans celui-ci, nous commencerons par l’étude de la biographie langagière réalisée par les enfants puisqu’elle fait écho au contenu du chapitre précédent, encore présent dans l’esprit du lecteur. En effet, l’analyse des données viendra compléter ce qu’il sait déjà sur le bi-plurilinguisme des enfants du groupe rouge. Puis, nous présenterons l’analyse des difficultés rencontrées lors de la mise en œuvre des activités. Il s’agit d’éléments périphériques au recueil de données mais qui ont exercé une influence sur l’intervention. D’une part, nous analyserons les contraintes auxquels nous nous sommes heurtée avant et pendant l’implantation du projet d’éveil aux langues. D’autre part, nous traiterons les attitudes des enfants, non pas envers la diversité linguistique et culturelle – celle-ci sera traitée au chapitre suivant – mais plus généralement pendant la mise en place des activités.

1. La biographie langagière

La constitution d’une biographie langagière a été mise en œuvre afin de tenter de favoriser la construction identitaire de ces enfants dont l’environnement est imprégné de plusieurs langues. Les aider à conscientiser la pluralité nichée en chacun d’entre eux ainsi que la richesse de leur répertoire, et les rendre visibles à leurs yeux et aux yeux des autres, tel était l’un des objectifs de cette recherche. Nous présentons ici l’analyse du « détour » proposé en amont ainsi que celle de la démarche biographique.

1.1. Analyse de l’activité préparatoire et des conditions d’élaboration de la