• Aucun résultat trouvé

Partie 3 Analyse des résultats

1. Présence du français dans la classe

Cette section va nous permettre de rendre compte de la disposition de la classe ainsi que des moments de la semaine dédiés à l’enseignement du français. Le groupe rouge ayant quotidiennement son propre Morgenkreis, c’est-à-dire sa propre réunion matinale, celle-ci fera également l’objet d’une analyse.

1.1. Disposition de la classe

La distribution de l’espace reflète les principes du jardin d’enfants que nous avons exposés dans la deuxième partie de ce mémoire et que nous rappelons ici au lecteur : un apprentissage ludique, un principe d’autonomie de l’enfant ainsi qu’un objectif de socialisation de celui-ci. Le groupe rouge se partage le deuxième étage avec une autre classe. Les deux salles sont séparées par ce qui est appelé le Bistrot, terme désignant l’espace dans lequel les enfants des deux classes prennent leur collation du matin. Les enfants ont le droit de circuler librement dans la classe et, pendant le jeu libre, ils traversent parfois le Bistrot afin de rejoindre des camarades de l’autre classe. Le groupe rouge est spacieux, il comporte :

- Un coin jeu ;

- Un coin regroupement qui fait également office de coin lecture ;

- Quatre tables de formes et de tailles différentes sur lesquelles aucune activité n’est préparée à l’avance par l’éducatrice. En effet, respectant le principe

d’autonomie de l’enfant, des boîtes de jeu, des jouets et du matériel nécessaire à la réalisation d’une activité manuelle – coloriage, découpage, peinture – sont mis à la portée des enfants. Ils sélectionnent l’activité, l’installent et la rangent une fois qu’ils ont terminé.

Quelques supports visuels en langue française sont affichés dans la classe. De grandes cartes sur lesquelles figurent les jours de la semaine sont suspendues au-dessus du

coin regroupement. Les couvertures des albums français étudiés pendant l’année ont été photocopiées et plastifiées et font l’objet d’une exposition murale49. Lors de notre entretien

avec l’enseignante, nous avons cherché à savoir si les enfants avaient accès aux albums. Celle-ci nous a fait part du fait qu’en Allemagne, le coût des ressources en français était élevé, et que par souci de conservation du matériel pédagogique, les enfants ne pouvaient accéder librement à ce dernier. Toutefois, L.T. précise que toutes ces affiches ont un objectif soit culturel, soit pédagogique ; elles aident à créer un environnement francophone dans la classe, et servent de support à l’éducatrice.

1.2. L’enseignement du français au fil de la semaine

La langue française est travaillée, à des degrés divers, tout au long de la semaine. Le lundi est consacré à une activité dirigée portant sur la langue, qui dure une demi-heure et qui a lieu dans le Bistrot. Le groupe rouge est alors séparé : L.T. prend d’abord en charge les francophones. Les germanophones restent dans la classe avec les assistantes et prennent part à une activité en allemand sur le même thème. Puis l’équipe enseignante s’échange les groupes. Le travail effectué lors de ces deux séances a fait l’objet d’une observation et sera traité dans la prochaine section.

Le mardi est dédié à une activité créative qui va donner l’occasion à l’éducatrice d’approfondir le thème de la veille. Elle n’a pas eu lieu lors de notre intervention, nous n’avons donc pas pu l’observer. Toutefois, lors de l’entretien, L.T. indique que seuls les francophones l’effectuent et que le fait de n’avoir qu’un groupe ce jour-là lui permet de leur consacrer plus de temps.

Une séance de sport est prévue le mercredi ; elle s’adresse à tout le groupe. En plus de s’y dépenser, les enfants y chantent, ce qui constitue une opportunité de réviser le lexique, et les germanophones y apprennent à suivre des instructions en français.

Le jeudi est dédié à une séance de yoga. L’éducatrice précise qu’elle dirige cette activité en allemand par commodité, afin d’éviter que celle-ci ne dure trop longtemps, mais qu’elle y insère quelques mots de vocabulaire, comme celui des animaux qui correspond à des positions de yoga. La séance n’a pas eu lieu lors de notre intervention. Il est à noter qu’aucune activité dirigée n’est planifiée le vendredi, ce jour étant consacré au jeu libre.

Deux activités font partie intégrante de la routine des enfants et constituent, au

Kindergarten, un contact quotidien avec le français pour les enfants du groupe rouge : le Morgenkreis mentionné plus haut et le moment précédent le déjeuner. C’est pour cette

raison que nous en proposons l’analyse. Tous les matins se tient une réunion matinale au sein du groupe rouge, avant celle qui rassemble toutes les classes du Kindergarten. L.T. est la seule éducatrice à en mettre une en place dans sa classe, multipliant ainsi les opportunités d’exposer les enfants au français. Il s’agit de deux séquences ritualisées qui favorisent la réalisation d’actes de langage modélisés. La réunion matinale vient mettre un terme à la séance de jeu libre. Les enfants s’asseyent sur le tapis du coin regroupement et L.T. se positionne face à eux sur une chaise. Dans la séquence observée, l’activité commence par une chanson intitulée Bonjour les amis, comment ça va ?, puis l’éducatrice demande au groupe-classe d’indiquer la date en procédant par étape : le jour, la date, puis le mois. Après chaque réponse donnée par un enfant, une chanson entonnée par tout le groupe permet de réviser, tour à tour, les jours de la semaine, les nombres de 1 à 10 et les mois de l’année. Une fois la date définie, l’éducatrice procède à des questions-réponses :

L.T. : aujourd’hui c’est mardi / et hier c’était quel jour hier E1 : lundi

L.T. : et demain alors on sera quel jour E2 : on sera mercredi50

L.T. est très présente dans le dispositif et son positionnement dans l’espace de la classe par rapport aux enfants traduit une invariabilité des rôles didactiques. Pendant l’activité, les échanges sont routinisés et nous n’avons pas observé d’engagement interactionnel entre apprenants. L’asymétrie de leur répertoire n’est pas exploitée. Pourtant celle-ci favoriserait l’apparition de séquences focalisées sur la négociation du sens, appelées SPA, ou séquences potentiellement acquisitionnelles (Matthey, 2013) qui pourraient s’avérer utiles à l’apprentissage du français. Toutefois, cette activité langagière quotidienne et ritualisée permet aux enfants de se repérer dans le temps et de fixer les actes de langage en français. Moore et Sabatier (2012 : 80) soulignent que l’activité du calendrier permet « l’oralisation de la langue et la prise de parole par les élèves dans un cadre d’interactions relativement sécurisé ». Les enfants y mobilisent leurs connaissances des jours de la semaine, des nombres et des mois de l’année et interagissent en français

avec l’éducatrice. Nous remarquons que certains enfants francophones appartenant à la tranche d’âge des 5-6 ans se réfèrent aux affiches suspendues au-dessus du coin regroupement désignant les jours de la semaine avant de formuler une réponse.

Nous avons noté que l’activité du matin et celle du déjeuner ont en commun d’être chantées ; la seconde l’est exclusivement d’ailleurs. Les enfants attablés ont été servis et sont sur le point de commencer leur repas. L.T. entonne deux chansons qu’ils reprennent tous en chœur. Elles permettent à l’éducatrice de contrôler la classe (les enfants, jusque-là engagés dans des conversations privées avec leur voisin, sont maintenant attentifs) et de donner un repère aux enfants (à présent, il est temps de manger). Les paroles51 sont ancrées dans le contexte puisqu’il s’agit de souhaiter un bon appétit à ses voisins de table. Ce lien avec la situation facilite l’apprentissage de la langue ; les chansons offrent également un aspect culturel à celui-ci tout en développant la conscience phonologique des enfants (Moore et Sabatier, 2012).