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Partie 3 Analyse des résultats

2. Les contraintes inhérentes à la mise en place et à l’élaboration des activités

Nous allons expliquer comment le mouvement de grève a influencé la routine du groupe rouge ainsi que notre recherche. Puis, nous aborderons le travail réalisé en amont de notre intervention, et les difficultés liées à la conception des activités et à leur implantation.

2.1. Contraintes de temps

Le contexte dans lequel s’est inscrit notre projet a eu un impact sur sa mise en œuvre. Il s’agit de la grève nationale du personnel des jardins d’enfants que nous avons déjà évoquée lors de la présentation du dispositif au chapitre 5. Une des conséquences de cette circonstance a été d’intervenir dans une atmosphère délicate. Le personnel était très accueillant mais assez absorbé par les événements. Dans le groupe rouge, l’éducatrice a maintenu certaines activités dirigées et en a supprimé d’autres en faveur du jeu libre afin de dédier du temps à la préparation des manifestations à venir. Observer la routine du groupe rouge dans son intégralité n’a donc pas été possible. Cependant, nous avons cherché à mettre le temps libre des enfants à profit en proposant une petite révision des activités réalisées plus tôt dans la matinée.

59 Il s’agit des questions sur les langues utilisées à la maison et à l’école. 60 Idem.

Une autre conséquence de la grève sur notre intervention a été d’y ajouter une contrainte de temps. En effet, étant donné que la ville de Munich nous avait accordé trois semaines pleines, nous avons dû repenser toute l’intervention. Nous avons procédé à une sélection des activités qui avaient été prévues au départ, et nous avons veillé à offrir un programme d’éveil aux langues cohérent, et le plus varié possible. Cependant, nous n’avons pas été en mesure de créer, tout au long du projet, des conditions idéales pour la mise en place des activités. Par exemple, la séance portant sur les écritures aurait dû se dérouler sur deux jours afin de favoriser pleinement l’acquisition de la compétence visée : un qui aurait été employé à une présentation sous plusieurs formes et une manipulation des écritures, et un autre jour dédié à une révision et à la fiche. Les séances ont dû être condensées. Par ailleurs, les spécialistes de l’éveil aux langues recommandent des séances courtes et un programme d’une durée minimale de 30 heures. Nous avons parfois eu à proposer des séances dépassant les trente minutes, voire quarante ; notre programme comptait un peu moins de la moitié du nombre d’heures préconisées, effectuées en six jours. Cela constitue donc une forme intensive de sensibilisation à la diversité linguistique et culturelle dont nous analyserons les effets dans le chapitre suivant.

2.2. De la préparation des activités à leur mise en place : analyse des difficultés

Nous avons déjà évoqué le peu de ressources d’éveil aux langues disponibles sur les sites spécialisés pour la tranche d’âge que nous ciblons ainsi que l’accès réduit aux ressources en langues étrangères à DP. Avant de nous y rendre, il nous a donc fallu chercher ou créer des supports qui allaient permettre de conduire les activités et de mesurer les effets de notre intervention. Tout d’abord, pour certaines d’entre elles, il n’a pas été possible d’étendre l’éventail de langues proposées à des langues plus « exotiques » que celles que nous maîtrisons. C’est la raison pour laquelle la lecture d’albums n’a été proposée qu’en anglais et en italien et que les nouvelles versions de la comptine intitulée

Jean Petit qui danse n’ont été chantées qu’en anglais et en espagnol.

Ensuite, lorsque nous avons cherché à augmenter le nombre de langues, notamment pour l’activité des fleurs, où le mot bonjour était traduit en une vingtaine de versions, nous n’avons pas eu d’autre option que celle d’avoir recours à Internet. Le regard critique et éclairé d’un natif pour certaines traductions aurait été le bienvenu. A ce propos, trois des quatre versions de Frère Jacques ont été vérifiées par des locuteurs avertis : la version en croate a obtenu l’aval d’une des assistantes, originaire de ce pays balkanique, et nous avons approuvé la version en espagnol. La version en arabe n’a pas pu être contrôlée. Quant à la

quatrième version, la maman grecque, qui est d’ailleurs venue l’enseigner à un groupe d’enfants dans le cadre de nos activités, l’a entièrement modifiée. En effet, les paroles différaient complètement de la version française et cet aspect culturel n’avait pas été pris en compte sur Internet, puisqu’elles avaient été traduites littéralement.

Dans certains cas, inclure les langues de la classe n’a pas été chose aisée non plus. Par exemple, au Cameroun, il existe près de 280 langues (Grosjean, 2015 : 18). Nous avons rencontré le père de Jackson afin qu’il nous renseigne sur la version utilisée à la maison. Pendant l’activité des fleurs, il était clair que l’enfant demeurait impassible à l’évocation de ce bonjour. A la fin de l’intervention, il nous a été donné de rencontrer la maman qui nous a expliqué que, bien qu’au Cameroun ils vivent dans des villages voisins, son mari et elle-même s’exprimaient dans deux langues différentes. Jackson ne connaît le mot bonjour que dans celle de sa mère. Cette anecdote met en lumière la difficulté pour l’intervenant de créer ses propres ressources d’éveil aux langues et de mettre en scène les langues de la classe. Il en va de même pour la prononciation, qui faute de modèles, est probablement erronée.

La mise en place des activités n’a pas été non plus sans heurt. Tout d’abord, notre utilisation de l’allemand s’effectue dans des domaines restreints, ayant pour conséquence un niveau de compréhension plus développé que celui de la production. Cela signifie que ni la conduite des activités ni la traduction des fiches en allemand n’ont pu se faire de façon autonome. L’éducatrice a accepté de faire l’interprète lorsque nos compétences avaient atteint leurs limites. Ensuite, nous adressant à un public qui n’est pas encore entré dans l’écrit, nous avons dû compter sur l’aide des assistantes et de l’éducatrice afin d’assurer un bon déroulement au travail en groupes. Même si un retour sur les activités leur a été demandé, une observation avertie sur ce qui se passait aux différentes tables n’a pas été possible puisque le personnel n’a pas été formé aux principes et à la mise en œuvre de l’éveil aux langues. Cet exemple signale, dans tous les cas, un besoin d’assistance dans l’implantation des activités d’éveil aux langues au Kindergarten.