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Partie 3 Analyse des résultats

3. Les attitudes des enfants lors des activités

Lors de l’observation de classe et pendant les enregistrements, nous avons relevé la manière dont les enfants se comportaient pendant la mise en place du dispositif que nous leur proposions. Cette section présente, d’une part, les manifestations d’intérêt et, d’autre

part, leurs attitudes quant au format déployé pour l’éveil aux langues, c’est-à-dire le travail dans le coin regroupement, les fiches, et le travail en groupes.

3.1. Un accueil de la diversité chaleureux

Généralement, les enfants du groupe rouge ont montré une attitude positive vis-à- vis de notre présence et de notre intervention. Dès le deuxième jour, nous avons instauré un principe qui était de saluer les enfants dans une langue de la maison. Leur étonnement des premières fois s’est vite converti en sourires complices. Nous avons vu que la diversité linguistique et culturelle est élevée dans le groupe rouge et, vu que notre recherche se déroule dans un Kindergarten, nous pouvons supposer que la présence de leur-s langue-s familiale-s à l’école est une expérience inédite pour eux. Il est aisé de constater qu’elle est aussi appréciée des enfants.

Mary, notre mascotte anglaise, a également contribué à l’enthousiasme des enfants à l’égard du projet. Elle a plu aussi bien aux filles qu’aux garçons, et a été réclamée quotidiennement. Lorsqu’elle apparaissait, Mary a favorisé le maintien de la curiosité pendant les activités. Lors de la séance d’introduction, bien que les enfants aient été conscients que nous la faisions parler, ils ont accepté d’entrer dans le jeu de rôle et de lui serrer la main. Certains ont vraiment pris à cœur d’apprendre la comptine Frère Jacques dans une nouvelle langue dans le but d’aider Mary à s’endormir. L’utilisation d’une mascotte a permis d’inciter certains des plus jeunes à participer.

Ce qui nous a paru également révélateur de l’engouement des enfants pour notre intervention a été leur sollicitation. En effet, à leur demande, des activités ont été créées sur le moment et réalisées en dehors du temps qui nous était imparti, pendant les périodes de jeu libre. Par exemple, nous en avons proposé un qui alliait l’écoute, la réflexion et le mouvement. Les affiches sur lesquelles figurait le mot bonjour écrit en différentes langues ont été mises au mur et les enfants devaient écouter une version du mot et courir vers l’affiche correspondante. Ce sont des moments de l’intervention que nous n’avons pas pu examiner, étant donné qu’ils étaient spontanés, mais qui témoignent de l’attitude positive des enfants.

3.2. Implication dans le projet et attitudes

Le format proposé pour les activités s’est révélé différent de ce dont les enfants avaient l’habitude d’expérimenter au Kindergarten. Le travail sur fiches, par exemple, a représenté une nouveauté pour les enfants âgés de 3-4 ans et de 4-5 ans. Il nous a paru

indispensable à la recherche puisqu’il alimente le recueil de données et permet de mesurer les effets des activités orales sur les aptitudes des enfants. De plus, notre expérience d’enseignante dans d’autres pays d’Europe à des enfants appartenant à la tranche d’âge des 4-6 ans, a contribué à considérer le travail sur fiches pertinent, et donc à sa mise en œuvre. Le principe étant nouveau pour la plupart des enfants, il s’est révélé attractif. Cependant, il a engendré des complications au niveau de la mise en place. En effet, les déplacements du coin regroupement aux différentes tables étaient chronophages, et le fait de travailler assis ne faisait pas non plus partie de leurs habitudes.

Comme nous l’avions établi lors de l’observation de classe, le travail en groupes n’est pas une modalité retenue par l’éducatrice. Etant donné qu’il constitue l’un des principes de l’éveil aux langues, il a été appliqué. Cependant, comme nous l’avions relevé lors de l’élaboration à deux de la biographie langagière, cette absence de pratique au jardin d’enfants a engendré l’émergence de plusieurs « incidents ». Sur la fiche « Bonjour tout le monde » les deux options possibles portaient une couleur différente dans le but de faciliter l’obtention des réponses. Quelques enfants ont refusé de choisir la même couleur qu’un camarade avec lequel ils avaient eu un différend et qui se trouvait à la même table de travail. L’objectif même de trouver ensemble la réponse à une question ne représentait aucunement une priorité. D’autres menaient la réflexion et ne laissaient pas le reste du groupe y contribuer ; d’ailleurs, certains enfants ne l’envisageaient même pas. Nous avons également relevé cette situation pendant le travail sur les autres fiches du programme d’éveil aux langues. Une négociation franche sur la réponse à fournir, durant laquelle des désaccords sont exprimés et discutés a été encouragée mais n’a pas été véritablement observée sous une forme spontanée. Nous supposons qu’une maturité plus importante est requise pour ce genre d’échanges.

Lors des activités menées dans le coin regroupement, un taux de participation peu élevé chez les plus petits a été noté. Leur capacité de concentration s’est révélée brève et ils se sont montrés plus dissipés. Il se peut que cette attitude soit en partie causée par le mouvement de grève qui a perturbé leur routine. De plus, les plus grands répondaient plus promptement à nos sollicitations, ce qui a participé au manque de collaboration des plus jeunes. Le même constat avait été fait lors de l’observation des activités dirigées par l’éducatrice. En outre, la plupart des plus petits ont manifesté de l’inhibition lors des activités d’éveil aux langues. Comme nous l’avons déjà évoqué, ils gèrent leur répertoire en fonction du lieu de l’interaction et de l’interlocuteur, donc le pont créé par la démarche

plurielle entre leurs deux univers ainsi que la multitude de langues présentées les séduisent en même temps qu’ils les troublent. Ainsi, une durée d’implantation plus conséquente ainsi qu’un échantillon de langues moins intimidant seraient à prendre en considération auprès de ces enfants.

Suite à l’analyse proposée dans ce chapitre, nous pouvons établir la pertinence de la démarche biographique auprès de la tranche d’âge ciblée. Les enfants ont su tirer parti de la posture réflexive qui leur a été suggérée d’adopter, notamment en faisant part de leurs représentations sur les langues de leur répertoire. L’étude de la mise en place des activités a mis en lumière deux points :

- Les limites auxquelles l’intervenant est confronté lorsqu’il entreprend une démarche plurielle ;

- Les éléments du dispositif qui ont favorisé ou bien quelque peu ralenti l’implication des enfants dans notre projet.

Chapitre 9. L’éveil aux langues au jardin d’enfants : quelle

pertinence ?

Afin de mesurer la viabilité de la démarche plurielle que nous avons implantée dans le groupe rouge, nous avons pris en compte les réponses figurant sur le questionnaire, les fiches ainsi que sur le retour. Ces dernières nous permettront de mesurer les effets des activités proposées. En outre, les interventions des enfants qui véhiculent des traces d’attitudes, d’aptitudes et de savoirs lors des séances seront analysées puisque le développement de ces trois dimensions est visé par l’éveil aux langues.