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Les représentations des fonctions de l’agriculture, facteurs de recompositions agricoles

recompositions agricoles

Notre posture s’inscrit dans le courant de la géographie sociale. La géographie sociale française a émergé à partir de la fin des années 1970, centrée sur une volonté d’ « enraciner le propos géographique

dans les sciences de l’homme et de la société » (Di Méo, 2008), se définissant comme une science des hommes plutôt qu’une science des lieux (Cailly, 2003).

Ce courant n’a pas pris particulièrement pour objet l’espace rural ni l’activité agricole. L’espace urbain a au contraire été initialement l’un de ses terrains favoris (en particulier pour la géographie sociale américaine, qui y a étudié la dimension spatiale des inégalités sociales et de la pauvreté urbaine).

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85 Depuis, certains géographes sociaux ont prix le chemin des questions rurales et agricoles, et ce, en particulier en réponse à l’évolution des demandes sociales qui s’exercent à leur encontre, comme le souligne Philippe Madeline : étudier « l’adaptation des exploitations agricoles (…) aux aspirations à un

développement rural durable exposées à la conférence de Cork en 1996 et aux enjeux sociaux et économiques de l’agriculture, pose des questions auxquelles les sciences sociales en général et les géographes sociaux en particulier ont à cœur d’apporter leur contribution » (Madeline, 2007).

Le choix d’une approche en géographie sociale ne se justifie pas tant pour la particularité de ses objets d’étude, que pour le regard qu’elle porte sur ces objets, en particulier pour l’importance qu’elle donne aux acteurs (Gumuchian et al., 2003). Les logiques de l’action sont envisagées dans le cadre d’interactions dialectiques entre acteurs et territoire : le territoire agit comme une matrice en influençant les stratégies des acteurs, leurs pratiques et leurs représentations, mais cet enchâssement territorial n’exclue pas l’autonomie de l’acteur (sujet), qui dispose au contraire d’une marge de liberté par rapport aux conditions d’action imposées par le territoire. Nous définissons ainsi dans les paragraphes qui suivent le concept de territoire, et ses liens avec les acteurs en géographie sociale.

3.2.1. Le territoire en géographie sociale

Le territoire est un concept très débattu, controversé, mais que l’on peut néanmoins qualifier de central au sein de la géographie, de part l’ampleur même des débats qu’il a suscité. Il l’est tout particulièrement en géographie sociale, comme le souligne Guy Di Méo qui en fait l’« outil

irremplaçable » de toute démarche se réclamant de la discipline (Di Méo, 1998).

Le territoire, un construit social

Le territoire, au delà d’une simple référence spatiale, est un « objet géographique dynamique construit par

les acteurs », le produit d’un ensemble d’interactions, notamment entre « économie, idéologie et pouvoir

inscrits dans l'espace géographique » (Gumuchian et Pecqueur, 2007). Guy Di Méo le décrit comme « un

écheveau complexe de relations socio-spatiales dynamiques, multidimensionnelles et multiscalaires ». Dans le Dictionnaire de la Géographie (Lévy et al., 2003), Bernard Debarbieux définit quant à lui le territoire comme un « agencement de ressources matérielles et symboliques capables de structurer les conditions

pratiques de l’existence d’un individu ou d’un collectif social et d’informer en retour cet individu et ce collectif sur sa propre identité », le plaçant ainsi par essence en interaction avec les acteurs. Les paragraphes qui suivent, en détaillant quelques-unes de ses principales caractéristiques, permettent de mieux saisir la complexité du territoire.

Le territoire, produit d’un corps à corps matériel et idéel (Raffestin, 1986) combine une double nature, matérielle et symbolique. Sa nature matérielle se manifeste par des objets et processus concrets (pratiques, lieux, paysages, …), mais « tout élément, même le plus physique ou biologique, n’entre dans la

composition d’un territoire qu’après être passé par le crible d’un processus de symbolisation qui le dématérialise » (Barel, 1984) et par lequel se constitue sa dimension matérielle. Celle-ci se manifeste dans les rationalités des acteurs, comme « référence stratégique dotée de sens » (Frayssignes, 2005).

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Le territoire contient également la notion d’appropriation, très marquée à l’origine dans une utilisation du terme en sciences politiques, puis en éthologie. L’appropriation renvoie ainsi au sens le plus ancien du « territoire », ce sens étant celui d’un espace « borné » et « contrôlé » ; dans une conception plus récente, elle peut faire référence à une appropriation plus symbolique et plus pacifique, sous la forme d’un lien identitaire au territoire (Lévy et al., 2003). « Leitmotiv » récurrent lorsqu’il est question de territoire, cette notion d’appropriation est néanmoins affaiblie par la diversité des acceptions qu’elle peut recouvrir, devenant de ce fait peu opérationnelle dans l’appréciation des « territorialités ».

Enfin, comme le suggère la définition de Bernard Debarbieux citée précédemment, le sens est le « ciment » du territoire, rejoignant Claude Raffestin pour qui il est de l’espace informé par la sémiosphère. Cette importance du sens fait consensus, en particulier chez les géographes sociaux, pour qui, suivant Di Méo, les territoires trouvent « leur principe unificateur et leur cohérence dans le sens

que les individus confèrent à leur existence terrestre, au travers de l’espace qu’ils s’approprient et dont ils font une valeur existentielle centrale ». Le sens nourrit la dimension immatérielle des territoires, et se nourrit des représentations des acteurs. Les représentations ont ainsi un rôle central dans la construction et la recombinaison des territorialités des acteurs, et par ce biais dans la construction des territoires (Joerin et Rondier, 2007).

Le territoire, « essentiellement une affaire d’acteurs »

Hervé Gumuchian fut l’un de ceux qui a particulièrement mis en avant le rôle central des acteurs dans la construction des territoires (Di Méo, 2008), le réaffirmant récemment dans un ouvrage l’associant à de jeunes géographes, ouvrage intitulé Les acteurs, ces oubliés du territoire (Gumuchian et al., 2003). Cette centralité de l’acteur a percolé dans les différents courants géographiques, au-delà de la seule géographie sociale, et Michel Lussault parle ainsi d’ « inflexion actorielle » de la géographie qui s’est accélérée depuis les années 1985, partant du principe que « l’action individuelle et collective est tout à la

fois organisatrice de et organisée par l’espace » (Lussault, 2003a). L’action constitue le trait d’union entre les acteurs et l’espace, comme le confirme Guy Di Méo : « le territoire, en tant qu’espace de l’action, espace

tissé d’un entrelacs de transactions, de stratégies, d’intentionnalités, de débats, d’interactions innombrables est bien, essentiellement, une affaire d’acteurs » (Di Méo, 2008). Le territoire est, de ce fait, un objet éminemment humain. L’étude des territoires en géographie sociale s’appuie ainsi largement sur l’étude des pratiques, des représentations et des interactions entre acteurs (Di Méo, 1987).

Cette étude des acteurs implique de se poser la question de la détermination des logiques de l’action. Le sujet est un inépuisable sujet de débat en sciences sociales, tout particulièrement en sociologie ; la place centrale, que nous venons d’évoquer, attribuée à l’acteur en géographie implique de définir la posture adoptée vis-à-vis des logiques de l’action. Dès 1987, Di Méo mentionne une partielle autonomie des acteurs (réfutant ainsi l’idée d’une pure détermination sociale ou spatiale), cependant leur appartenance à un, ou plus généralement à des territoires, influencent leurs pratiques. Il y a là le principe d’une « autonomie sous influence » des acteurs (ibid.). Nous nous placerons ainsi dans la lignée des écrits sur les « acteurs territorialisés », qui ont fait suite aux travaux séminaux de Guy Di Méo et d’Hervé Gumuchian : les structures sociales existantes sont à la fois contraignantes et habilitantes, renvoyant ainsi aux notions de contrainte et de compétence des acteurs (Gumuchian et al., 2003). Les acteurs sont influencés par les structures socio-spatiales au sein desquelles ils évoluent, mais ils

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87 disposent d’une marge de manœuvre individuelle. La géographie sociale explique leurs trajectoires « à

la lumière des contraintes de l’économie, de l’espace et des cadres socio-politiques, mais en tenant compte aussi de l’aptitude de chacun à ruser avec ces déterminismes » (Di Méo, 1998). Le territoire se construit ainsi à l’interface entre structures dominantes et singularités individuelles.

S’il s’inscrit dans des logiques socio-spatiales caractérisant les territoires, l’acteur territorialisé n’en perd pas sa singularité, il est « personnifié et pluriel », doté de compétences stratégiques (Gumuchian

et al., 2003). Incorporant certains attributs sociaux, dans le cadre d’identités collectives, il est aussi « sujet », « être humain qui se pose en tant que moi, et se différencie de l’autre, du collectif » (Di Méo et Buléon, 2005). Acteur à plusieurs dimensions, parfois acteur à plusieurs « casquettes », il ne peut être réduit unilatéralement à sa fonction au sein d’une institution, et comme le résume Hervé Gumuchian (2003), « l’acteur n’est jamais univoque ».

L’étude des stratégies des acteurs est ainsi un élément déterminant pour l’identification des territorialités et de la « consistance » des territoires : « la focalisation et la superposition de stratégies

d’acteurs et de groupes – endogènes ou exogènes - sur un espace contribuent largement à son identification en tant que formation socio-spatiale (…) beaucoup plus en tous cas que des données objectives comme l’environnement, l’occupation de l’espace ou une quelconque tradition culturelle » (Di Méo, 1987).

Le territoire, un objet dynamique

Cette approche du territoire par les acteurs implique de le concevoir comme un objet en perpétuelle recomposition (Lajarge, 2000). Le territoire se construit dans un processus permanent au cœur duquel se trouvent les acteurs. Ce processus dynamique fait autant l’objet de notre attention que le territoire lui-même ; c’est ce processus qui défini la « territorialité » des acteurs, à la fois producteurs de territoire par leurs pratiques, leurs représentation, leurs interactions, et éléments « subissant » cette territorialité, par l’« imprégnation territoriale » qui agit en retour sur leurs pratiques, leurs représentations et leurs interactions (Frayssignes, 2005). Le territoire n’est pas un simple support inerte de l’action, « il est surtout un acteur de la construction des accords et des désaccords puisque sa

délimitation et sa qualification supposent l’énoncé de règles, de normes et de valeurs » (Billaud, 2009). Cela invite à une approche en terme de processus plus qu’en terme d’objets : il s’agit de « territorialiser » plus que d’ « être territoire », de construire une consistance territoriale, porteuse de « sens », plutôt que de définir des limites et des périmètres, objets si propices à la remise en question.

3.2.2. L’agriculture étudiée à travers le prisme du territoire : quelles représentations

des fonctions de l’agriculture ?

Selon Hervé Gumuchian, « le géographe doit sans cesse être en quête du sens de l’espace, étant admis qu’un

même espace support se trouve chargé de valeurs et de significations contradictoires selon le groupe considéré : tout espace ne saurait être alors qu’un espace-enjeu » (Gumuchian, 1989). Nous suivrons cette posture, en replaçant l’activité agricole au sein de ces espaces-enjeux que sont les territoires : selon les enjeux identifiés, qui peuvent être différents selon les acteurs considérés, quel est le rôle dévolu à l’activité

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agricole, ou plus précisément, comment les acteurs se représentent-ils les fonctions de l’activité agricole ?

Une analyse qualitative des fonctions de l’activité agricole, par le biais des représentations

Après avoir présenté dans le premier chapitre les différentes approches possibles de la multifonctionnalité et des services environnementaux, nous prenons désormais de la distance, pour l’analyse, vis-à-vis de ces deux concepts, sur lesquels nous reviendrons cependant dans la discussion. Les premiers objets de notre étude seront ainsi les représentations que se font les acteurs des fonctions de l’activité agricole sur le territoire. Nous emploierons le terme de fonction, sans présupposer de la multifonctionnalité des systèmes agricoles que nous étudierons, ni de l’existence de services rendus par ces systèmes ; elles seront l’objet que nous recherchons dans les représentations des acteurs. Nous adoptons donc une posture constructiviste, au sens où nous ne recherchons pas à identifier (encore moins à évaluer) des fonctions dans l’absolu, mais les fonctions telles qu’elles sont représentées par les acteurs du territoire.

Nous faisons donc ici un rapide détour par le concept de fonction. S’il fut adopté par les sciences sociales, il est à l’origine un terme physiologique, renvoyant typiquement à la « fonction » des organes, au sein d’un organisme. La fonction ne s’y limite pas au rôle joué par l’organe au sein d’un système plus grand ; il est plus précisément « l’acte spécifique à chaque organe, en tant qu’il favorise le

déploiement du tout organique dans lequel il prend sens » (Ruby, 2003). La fonction traduit ainsi une interdépendance entre un sous-système et le système auquel il appartient : le sous-système joue un rôle spécifique, contribuant au fonctionnement du système, mais lui donnant un avantage, une spécificité, une plus-value qu’il n’aurait pas en son absence ; cette spécificité donne un sens à la présence du sous-système au sein d’un ensemble plus englobant. Nous retenons pour définir la fonction ces différents éléments : elle est une interaction entre un système (le territoire) et l’un de ses éléments (l’agriculture), les deux systèmes n’étant pas des systèmes fermés mais au contraire pouvant avoir des contours évolutifs. Le rôle spécifique joué par l’agriculture confère un sens à sa présence au sein d’un ensemble territorial. Ce sont les formes que prend cette interaction que nous rechercherons dans les discours des acteurs.

Ce type d’analyse, focalisé sur les représentations des fonctions de l’activité agricole, a déjà été mené, le plus souvent à des échelles infrarégionales (Bernard et al., 2006 ; Duvernoy et al., 2010 ; Guillaumin

et al., 2008 ; Lescureux, 2007). Certaines ont néanmoins une focale légèrement différente de la nôtre, s’attachant à définir les demandes formulées à la société envers l’agriculture, qui ne coïncident pas nécessairement avec les représentations des fonctions considérées comme effectives de l’activité agricole. Ce choix d’une approche par la demande sociale est celui de Frédéric Lescureux (2007), dans une analyse en géographie sociale, qui visait à identifier le désir d’agriculture dans les projets de pays par l’examen de leurs chartes de développement et des « fonctions assignées à l’agriculture » qui y sont mentionnées (les cas étudiés montrent une préférence accordée à la fonction paysagère). Dans ce type d’approches, l’importance de la compréhension du contexte local pour une approche normative de la multifonctionnalité est soulignée, celle-ci devant être définie « à partir des enjeux du territoire » (Guillaumin et al., 2008).

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89 D’autres analyses ont comme nous pris pour objet les représentations que se font les acteurs des fonctions de l’activité agricole. Ces représentations peuvent être mises en perspective avec celles qu’en a le monde agricole (Bernard et al., 2006), ouvrant la possibilité d’un dialogue entre l’agriculture et son territoire, et pouvant servir de base à l’élaboration d’un projet agricole commun. Certaines analyses adoptent cette posture, dans une visée indirectement opérationnelle (préconisations pour la conception de dispositifs prenant en compte les fonctions de l’agriculture), partant du principe que les représentations « participent aux mécanismes de coordination et à l’élaboration d’un projet commun » (Dulcire et Chia, 2004). D’autres se focalisent sur les représentations d’une catégorie de fonctions, par exemple sur les fonctions qualifiées de culturelles (Daugstad et al., 2006). Une étude a par ailleurs précédemment été faite sur les représentations de la multifonctionnalité sur l’un de nos terrains d’étude, le terrain réunionnais (Bonnal et al., 2003). A l’instar des études précédemment citées, elle s’intéresse aux fonctions de l’agriculture en général, et non, comme nous allons le faire, aux fonctions associées à une production agricole particulière.

Toutes ces analyses relèvent d’approches qualitatives de l’activité agricole, et non de la définition d’une liste de fonctions qui seraient quantifiées, encore moins d’évaluation économique de la contribution de l’agriculture au développement des territoires. Elles visent plus, et c’est ce que nous nous emploierons à faire également, à situer l’agriculture vis-à-vis des enjeux du territoire, à définir quels sont, pour les acteurs, ses fonctions qui font consensus, ou au contraire celles qui font l’objet de controverses, de débats, voir de conflit. Cela ouvrira, dans un second temps, sur l’analyse des recompositions territoriales induites par le jeu de ces représentations. Cela est en accord avec la proposition de Bruno Lémery, pour qui « étudier la multifonctionnalité, c’est donc caractériser ces processus

[de recomposition des activités agricoles], en dégageant la nature exacte des phénomènes aboutissant à remettre en cause les contours établis du secteur agricole et en cherchant à repérer quels nouveaux découpages sont, dans ces conditions, susceptibles de s’imposer » (Lemery, 2004).

Une approche par les représentations

Le champ des représentations suscite encore les réticences de certains géographes, qui se refusent à admettre le recours à ce concept dans la discipline, ceci pouvant être l’un des héritages de la période au cours de laquelle la géographie a cherché à se construire un statut parmi les sciences exactes (Amalric, 2005). L’engouement récent pour ce champ des représentations parmi les géographes, et en particulier les géographes sociaux, n’en est pas moins établi.

Il a été investi par les géographes depuis les années 1980 (Molina et al., 2007), notamment par le jalon important que fût le colloque de Lescheraines, Les représentations en actes, en 1985 (Guérin et Gumuchian, 1985). La Revue de géographie alpine, émanant des laboratoires de géographie des universités alpines (au sein desquels travaillaient notamment Jean-Paul Guérin et Hervé Gumuchian), a relayé cette adoption des représentations par les géographes (Amalric, 2005), travaillant notamment sur les représentations du milieu montagnard. Il est à noter que cette adoption ne se limite pas à la géographie francophone, les études rurales offrant à elles seules des exemples non francophones de travaux sur les représentations (Halfacree, 1993 ; López-i-Gelats et al., 2009). Aujourd’hui, selon Jean- Pierre Paulet, « l’analyse des représentations mentales n’est pas une branche de la géographie parmi d’autres…

il s’agit de l’essence même de la discipline », ceci parce que l’étude de la subjectivité des hommes est indispensable pour comprendre l’organisation de l’espace (Paulet, 2002). Ce constat est partagé par

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Bernard Debarbieux et Hervé Gumuchian, pour qui « lire l'espace en termes de représentations, c'est

admettre qu'il n'y a pas UNE vérité sur le réel spatial ; c'est privilégier le regard des utilisateurs de cet espace en retenant comme pertinentes pour l'analyse LEURS constructions du réel spatial; c'est appréhender - peut-être un peu mieux - les logiques des groupes producteurs d'espaces » (Debarbieux et Gumuchian, 1987).

Le concept de représentation étant issu de la sociologie, nous présentons ici quelques éléments de définition issus de cette discipline. Les représentations sociales, « en tant que système d’interprétation

régissant notre rapport au monde et aux autres, orientent et organisent les conduites et les communications sociales » (Jodelet, 1994), et sont un objet d’étude familier des sociologues. La représentation est une forme de médiation entre l’acteur et la réalité. Système d'interprétation de la réalité, comme le soulignait Denise Jodelet, elle conditionne en retour les comportements et les pratiques, constituant un « guide pour l'action » (Abric, 1994). Les pratiques et les représentations sociales sont en interaction et s’engendrent mutuellement. Selon ce même auteur, les représentations sociales ont quatre fonctions principales :

− une fonction de savoir : elles permettent aux individus de comprendre et d'expliquer la réalité ; elles facilitent la communication sociale en servant de cadre de référence commun ;

− une fonction identitaire : elles contribuent à définir l'identité des individus et des groupes sociaux ; elles permettent d’une part de situer les individus dans le champ social et d’autre part de sauvegarder la spécificité des groupes ;

− une fonction d'orientation : guides pour l’action, elles interviennent dans l’élaboration des

comportements et des pratiques ;

− une fonction de justification : a posteriori, elles justifient les prises de position et les comportements des individus (ibid.).

Les géographes insistent sur l’importance des représentations dans la construction du rapport au réel des acteurs : la représentation est un « modèle interne qui a pour fonction de conceptualiser le réel » (Gumuchian, 1991), ou, selon les mots de Jean Paul Guérin, « une création sociale ou individuelle d'un

schéma pertinent du réel » (Guérin, 1989). Elles renferment les codes que les acteurs mobilisent, notamment pour « décrypter notre environnement géographique, mais aussi communiquer avec autrui, rêver,

imaginer, planifier, et orienter nos conduites ou nos pratiques les plus diverses » (Di Méo et Buléon, 2005). Elles sont ainsi un facteur d’explication des processus socio-spatiaux, et le travail du géographe est de comprendre les représentations à l’œuvre afin de comprendre leur impact sur le territoire, lorsqu’elles sont traduites dans les stratégies, et finalement dans la sphère de l’action. Les représentations sociales sont un type particulier de représentations, partagées collectivement. Stabilisées par « leur ancrage