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Multifonctionnalité et services environnementaux : des concepts qui accompagnent cette évolution

Pour traduire ces évolutions des attentes sociétales envers l’agriculture, les concepts de multifonctionnalité, et plus récemment de service environnemental, ont enrichi le vocabulaire des politiques agricoles. Ils visent à qualifier les « fonctions » ou « services » que l’agriculture est susceptible de rendre à la société, mais également à faire rentrer ces derniers dans un cadre économique, ce point étant considéré comme une condition de leur régulation. Ils sont ainsi présentés comme des outils susceptibles de faire évoluer les interactions entre agriculture et territoire, c’est pourquoi nous les présentons de façon détaillée dans ce premier chapitre.

Chapitre 1

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1.2.1. Des racines communes dans la progressive libéralisation des marchés agricoles

Les concepts qui vont faire l’objet de notre attention dans cette partie, la multifonctionnalité puis le service environnemental, trouvent leurs fondements à la convergence de deux évolutions de fond qui touchent le secteur agricole depuis une trentaine d’années. Ce sont d’une part, l’évolution des attentes sociétales vis-à-vis de l’agriculture, évoquées précédemment, et d’autre part l’accroissement des pressions internationales en faveur d’une libéralisation des marchés agricoles.

Sur ce dernier point, l’Uruguay Round, initié en 1986, marque la fin de l’exception agricole dans les négociations internationales. Il aboutit en 1994 aux accords de Marrakech, qui instituent l’OMC, et qui entérinent le principe de transition vers un modèle libéral des marchés agricoles, tout en autorisant les Etats à soutenir leurs agricultures en amont, par des soutiens qui n’aurait pas d’effets directs sur la production et les prix - aides dites découplées. L’article 2019

L’utilisation politique de ces concepts combine ainsi trois niveaux d’objectifs, qu’il est important d’avoir à l’esprit. Tout d’abord, ils affichent l’ambition de la politique agricole européenne de développer une agriculture « multifonctionnelle », « durable », ou « productrice de biens publics ». Ils justifient le soutien à la protection de l’environnement ou de l’emploi rural à partir du constat d’une défaillance du marché, et donc d’une nécessité d’intervention publique. Ensuite, l’emploi de ces concepts peut contribuer indirectement à re-légitimer la PAC aux yeux des consommateurs et des citoyens, et justifier ainsi les importants financements communautaires et nationaux qui lui sont alloués. Enfin, ces concepts sont mobilisés pour justifier le maintien des soutiens de la politique agricole commune vis-à-vis des règles de l’OMC. Si nous citons ici cet objectif en dernier, il n’en est pas le moindre : la libéralisation progressive des marchés agricoles exigée par l’OMC s’est traduite au sein de la PAC par un important transfert des aides à la production vers un soutien au revenu des agriculteurs, et ce transfert progressif peut être considéré comme le fil rouge des réformes de la PAC depuis une quinzaine d’années (Brehon, 2011). Le Bilan de santé de la PAC, en 2008, confirme cette tendance en préconisant une réorientation des fonds vers des objectifs environnementaux et de développement durable en agriculture, notamment par un transfert qui se poursuit du premier vers le second pilier.

de l’accord de Marrakech stipule par ailleurs que « des considérations autres que d’ordre commercial » peuvent être prises en compte dans les négociations. C’est une porte ouverte au concept de multifonctionnalité, dont vont se saisir certains Etats, notamment au sein de l’Union Européenne, pour en faire un « principe utilisable pour réformer les

politiques agricoles » (Delorme, 2003) et défendre un certain modèle agricole européen sans déroger aux exigences de l’OMC. S’appuyant sur l’existence de fonctions non productives de l’agriculture, et sur le constat de l’échec du marché à garantir leur pérennité, le concept de multifonctionnalité vise à introduire dans les politiques agricoles des dispositifs de soutien au nom de la sauvegarde de ces fonctions, qui rentrent ainsi dans la « boite verte » de l’OMC.

19 Accord de Marrakech du 15 avril 1994, Annexe 1A, Accord sur l’agriculture, Article 20 http://www.wto.org/French/docs_f/legal_f/14-ag_02_f.htm.

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1.2.2. Le concept de multifonctionnalité

Un concept européen de résistance au mouvement de libéralisation des marchés agricoles

Si les discussions sur le caractère multifonctionnel de l’agriculture dataient de bien avant, c’est à partir des années 1990 qu’il devient un élément à prendre en compte pour l’élaboration des politiques publiques agricoles, voire un facteur de rémunération des agriculteurs pour les biens et services rendus (Fleskens et al., 2009). Le concept de multifonctionnalité de l’agriculture (MFA) est apparu dans les arènes internationales à partir de la conférence de Rio, en 1992. L’article 14 de l’Agenda 21 qui en est issu en contient la première formulation explicite à l’échelle mondiale (Wilson, 2009) : il stipule que le « caractère multifonctionnel de l'agriculture et, en particulier, son importance pour la sécurité

alimentaire et un développement durable »20

Néanmoins, c’est sur le vieux continent que ce concept d’origine européenne a été le plus largement approprié (Hollander, 2004). Les réflexions sur la notion d’agriculture « plurifonctionnelle et durable » étaient déjà installées en France depuis les années 1980 (Landais, 1998; 1999). La multifonctionnalité fut ensuite intégrée dans les textes officiels de l’UE à partir de la fin des années 1990. Aux échelles européenne et mondiale, la France a été particulièrement active pour la promotion du concept de multifonctionnalité, par son rôle actif au sein du groupe des « Amis de la multifonctionnalité »

doit être pris en compte dans l’élaboration des politiques agricoles.

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Dans un contexte de généralisation de la libéralisation des échanges mondiaux, remettant en cause l’exception agricole, le concept visait à intégrer des enjeux sociaux et environnementaux dans la conception des politiques agricoles, afin de les rendre compatibles avec les règles de l’OMC. Faisant valoir un modèle agricole qui reflèterait l’histoire, les cultures, les choix spécifiques opérés historiquement au sein de l’Union Européenne, il peut être considéré comme un concept de résistance au processus de libéralisation : « m

(Bonnal, 2010 ; Waszkiel, 2002). D’autre part, elle a mis le concept à l’épreuve en l’institutionnalisant au niveau national, à travers la LOA de 1999 (nous y reviendrons dans les paragraphes suivants).

ultifunctionality is a response to what are seen to be the negative aspects of trade liberalization and could thus be described as a form of resistance that has been formulated at scales ranging from supranational to national to very local

Des définitions plurielles, entre approches positives et normatives

» (Hollander, 2004), ce qui nous semble être, nous y reviendrons, un point de divergence avec le concept de service environnemental.

Si le principe de multifonctionnalité de l’activité agricole n’est pas une idée nouvelle, comme le rappellent Mary-Anne Normile et Mary Bohman (« la multifonctionnalité de l’agriculture est un mot

nouveau décrivant une idée ancienne, selon laquelle l’agriculture fournit une quantité de services et de produits qui vont au-delà des aliments, des fibres, ou des produits de la forêt

20 Nations Unies, 1992, Agenda 21, Chapitre 14 : Promotion d’un développement agricole et rural durable

»), ou Luc Bodiguel (« la

multifonctionnalité de l'agriculture est un fait » et « les réformes agricoles européenne et française de 1999

n'ont pas inventé la multifonctionnalité », la pluralité des objectifs associés au concept a empêché la formation d’un consensus sur une définition unique (Bodiguel, 2003 ; Normile et Bohman, 2002).

http://www.un.org/french/ga/special/sids/agenda21/action14.htm.

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27 Ainsi, les différents courants promoteurs de la multifonctionnalité s’accordent en amont sur le constat général d’« objectifs multiples [associés à l’agriculture] qui concernent non seulement ses fonctions liées à la

production primaire, mais aussi ses fonctions environnementales et sociale

Concernant les approches positives, l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economiques) entreprend à la fin des années 1990 une « démarche de mise en ordre ambitieuse du

concept » (Barthelemy et al., 2002) formalisée dans son rapport Multifunctionality : toward an analytical

framework. Elle développe une approche économique néoclassique de la multifonctionnalité (Fleskens

et al., 2009), la définissant comme «

» (Laurent et al., 2003), mais ils l’ont ensuite décliné dans des approches différentes du concept. Parmi elle, la principale dichotomie se fait entre les approches positives et normatives du concept (Bazin, 2003 ; Caron et al., 2008a ; Van Huylenbroeck et al., 2007).

a characteristic, either present or not, of agriculture (or any other type of economic activity) whereby products are - either intentionally or not - co-produced

Encadré 1

» (OCDE, 2001). Selon cette approche positive, la multifonctionnalité est définie comme un caractère parmi d’autres d’une activité économique. L’objectif de ce cadre d’analyse est de définir les fonctions de l’agriculture, et de distinguer celles qui relèvent de l’action publique de celles qui n’en relèvent pas, selon des critères qui relèvent de concepts économiques : type de biens concernés, degré de publicité - en référence à la notion de bien public ( ) - de ces biens, degré de jointure avec la production agricole.

Encadré 1. Le concept de bien public

Dans sa définition économique, proposée par Samuelson, et reprise notamment dans les travaux d’Elinor Ostrom, un bien public se définit par les deux critères de non-rivalité et de non-exclusion (Ostrom, 1990 ; Samuelson, 1954). La non-rivalité traduit le fait que deux utilisateurs d’un même bien ne sont pas en concurrence pour cette utilisation (la consommation d’une personne n’a pas d’effet sur la consommation d’autres personnes). La non-exclusion signifie que personne ne peut être exclu de la consommation du bien. Cependant, dans la pratique on observe plutôt un continuum de biens, des biens privés jusqu’aux biens publics, définis par différents niveaux d’exclusion ou de rivalité. Un paysage peut ainsi être considéré de façon générale comme un bien public pur, mais certains contextes (restrictions d’accès, sur-fréquentations) peuvent aller à l’encontre des caractères de non-rivalité et de non-exclusion. Ainsi, les typologies des fonctions de l’agriculture proposées dans les approches positives, fondées sur le degré de publicité des biens produits, ne sont pas si aisément applicables dans la pratique.

Cette approche a fait l’objet de critiques, en particulier d’auteurs qui ont développé une approche normative de la multifonctionnalité. Ainsi, Geoff A. Wilson considère que cette entrée purement économique est incapable de traduire la complexité de ce qu’est la multifonctionnalité de l’agriculture (Wilson, 2008; 2009). D’autres auteurs mettent en avant le caractère local et contingent de la détermination de ce qu’est un « bien public », contestant la généricité du modèle proposé par Samuelson et son opérationnalité dans le champ politique (Allaire et Dupeuble, 2002). Enfin, pour certains économistes, la posture de l’OCDE, en promouvant « une multifonctionnalité telle que sa prise en

compte entraine le moins possible de distorsion sur le marché des biens primaires » revient à « rendre

l’agriculture la moins multifonctionnelle possible

A l’inverse, dans les approches normatives, la multifonctionnalité de l’activité agricole revêt une valeur en elle-même : améliorer cette multifonctionnalité devient un objectif. Les objectifs de la », en cherchant à dissocier la production primaire d’autres fonctions (Barthelemy et Nieddu, 2003; 2004). Ces auteurs parlent ainsi de définition « en creux » du bien public, défini comme « défaillant » par rapport aux critères de marché (non doté de bonnes qualités en matière de transaction et d’appropriabilité).

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multifonctionnalité doivent être définis collectivement pour orienter les choix politiques (Bazin, 2003). Ces approches se focalisent ainsi sur la demande de multifonctionnalité, exprimée du point de vue collectif ou de l’intérêt général (Van Huylenbroeck et al., 2007). Dans cette optique, « la MFA peut être

définie comme l’ensemble des contributions de l’agriculture à un développement économique et social considéré dans son unité » (Laurent et Thinon, 2005). Cette approche de la multifonctionnalité agricole comme projet politique prend le contrepied de l’approche positive de l’OCDE qui, en s’en tenant à une catégorisation selon les définitions standards d’externalité et de bien public, « ne laisse pas de place aux

acteurs et à leur définition du problème

Certains évoquent à côté de ces deux types d’approche une troisième voie, plus holistique, faisant le lien entre les approches « supply side » et « demand side », qui définirait la multifonctionnalité comme «

» (Allaire et Dupeuble, 2002). Ces auteurs mettent en avant le caractère de « problème public » plus que de « bien public » des externalités agricoles, qui deviennent ainsi un enjeu politique, nécessitant de s’intéresser à la construction du problème, et aux mécanismes de prise de décision.

a new kind of locally embedded model of agriculture

Figure 3. Les différentes approches de la multifonctionnalité

» (Van Huylenbroeck et al., 2007), et qui trouverait ses racines dans la sociologie et la géographie rurales. Cette approche promeut le développement de systèmes agricoles ancrés dans le territoire, considérant la multifonctionnalité comme un nouveau paradigme pour l’agriculture (Losch, 2002 ; Renting et al., 2009 ; Van Der Ploeg, 2000 ; Wilson, 2001).

La Figure 3 présente ces différentes approches. Elle illustre aussi le fait que nous n’avons présenté ici que les approches de type « socio-économique » de la multifonctionnalité, mais que d’autres disciplines, hors des sciences humaines, ont été utilisées pour caractériser la multifonctionnalité, en la considérant sous l’angle des processus biophysiques, biochimiques, écologiques, se focalisant de ce fait plus particulièrement sur les fonctions environnementales (Van Huylenbroeck et al., 2007).

Les fonctions de l’agriculture, une liste ouverte

Conséquence de cette absence d’une définition consensuelle, les fonctions que l’on regroupe sous le terme de multifonctionnalité ne font pas l’objet d’une liste arrêtée, mais plutôt d’une appréciation variable selon les territoires, les périodes et l’approche choisie (Laurent et Thinon, 2005). Le succès du

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29 terme est peut-être justement lié à cette polysémie, dans un contexte où le rôle attendu par la société de ses agriculteurs est de plus en plus difficile à saisir (Deverre, 2004).

Elles sont néanmoins souvent déclinées autour des trois axes que sont les trois piliers du développement durable, et regroupées ainsi sous les catégories générales de fonctions économiques, sociales et environnementales. Ces trois catégories sont déclinées en quelques items centraux qui sont le plus souvent cités : sécurité alimentaire, qualité et sécurité des produits, protection de l’environnement, préservation des ressources, préservation des paysages ruraux, des emplois et de la vitalité des zones rurales. (Van Huylenbroeck et al., 2007), dans une revue de littérature sur le concept, notent quant à eux que dans son sens le plus large, la multifonctionnalité intègre 4 types de fonctions :

− les « green functions » (paysage, biodiversité, cycle du carbone et des nutriments) ;

− les « blue functions » (qualité et disponibilité de l’eau, inondations, érosion) ;

− les « yellow functions » (vitalité et cohésion rurale, patrimoine historique et développement

culturel, identité régionale, agrotourisme) ;

− et enfin, les « white functions » (sécurité et hygiène alimentaire).

Quoi qu’il en soit, la pluralité des approches et des objectifs des différents promoteurs (ou détracteurs) du concept induit une pluralité des critères, et donc des fonctions, attribuées à l’agriculture. Les fonctions sont ainsi définies différemment selon que l’on adopte une approche positive ou normative. Dans une approche positive, elles sont définies à partir des concepts d’externalité et de produit joint. Pour les partisans d’une approche normative, elles sont définies par la demande sociale : « the factual

or potential provision of material or immaterial goods and services that satisfy social expectations, meeting societal demand/needs through the structure of the agricultural sector, agricultural production processes and the spatial extent of agriculture »22

L’Europe et la France à l’avant-garde pour la mise en politique de la multifonctionnalité

(Casini et al., 2004). L’approche positive met donc l’accent sur la demande de multifonctionnalité, les politiques publiques ayant à partir de là pour objectif de soutenir une transition des modèles agricoles vers les choix définis collectivement.

La fin des années 1990 et le début des années 2000 a vu une mobilisation importante du concept dans les arènes politiques, de l’échelle mondiale (OCDE, 2001) aux échelles nationales, en France tout particulièrement.

A l’échelle européenne, comme évoqué précédemment, le concept a nourri les réflexions sur la réforme de la PAC. L’Agenda 2000 est une étape importante de l’adoption de la multifonctionnalité dans les textes de l’Union Européenne. Dans ce projet pour l’UE adopté lors du Conseil européen de Berlin en 1999, l’agriculture occupait une place importante, et ce document entérinait au niveau européen le principe de soutien à une agriculture multifonctionnelle, associée à une baisse des soutiens directs à la production : «

22 Que l’on peut traduire par : la production, avérée ou potentielle, de biens et services matériels ou immatériels qui satisfont une demande sociale et des besoins exprimés par la société, à travers la structure du secteur agricole, les processus de production, et l’extension spatiale de l’agriculture.

Le contenu de la réforme [de la PAC] assurera une agriculture

multifonctionnelle, durable, compétitive, répartie sur tout le territoire européen, y compris les régions ayant des problèmes spécifiques, capable d’entretenir le paysage, de maintenir l’espace naturel et d’apporter une contribution essentielle à la vitalité du monde rural et de répondre aux préoccupations et exigences des

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consommateurs en matière de qualité et de sûreté des denrées alimentaires, de protection de l’environnement et de préservation du bien-être des animaux »23

Aux échelles nationales, les Etats se sont approprié le concept de façon différente, selon leurs orientations en matière de politique agricole. Au sein même du continent européen, on peut distinguer plusieurs types de conceptions politiques de la multifonctionnalité (Delorme, 2003). Les deux principales sont celui du « Club de Londres » d’une part, d’inspiration libérale, et promouvant une politique agricole découplée donnant la priorité à l’environnement, dans laquelle la multifonctionnalité considérée est surtout celle de l’espace rural, et le modèle franco-allemand d’autre part, qui se fonde sur une approche plus intégrée de l’activité agricole et promeut une réorientation plus profonde du développement agricole. Nous verrons plus tard que c’est la première approche, anglo-saxonne, qui sous-tend majoritairement les approches en termes de services environnementaux.

.

En ce qui concerne en particulier le contexte hexagonal, la France, en tant que plus grand bénéficiaire de la PAC sur le plan budgétaire, s’est beaucoup investie dans la construction des cadres politiques autour de la multifonctionnalité (Aumand et al., 2006). L’émergence du concept y a coïncidé avec la croisée des réflexions sur la nécessité de prendre en compte dans les politiques agricoles les nouvelles fonctions identifiées de l’agriculture et sur le « renouveau de la ruralité » (Hervieu, 2002). Le concept permettait d’articuler les réflexions agri-environnementales avec une approche de développement local, dans l’objectif général de « renouveler les termes du contrat qui unit l'agriculture à la Nation » (ibid.). Le point d’orgue de sa mise en politique fut la LOA de 1999 qui s’ouvre par les termes suivants « La

politique agricole prend en compte les fonctions économique, environnementale et sociale de l'agriculture et participe à l'aménagement du territoire, en vue d'un développement durable »24. Cette loi instaura notamment les Contrats Territoriaux d’Exploitation (CTE), directement inspirés du concept, fondés sur « la reconnaissance de la multifonctionnalité de l’agriculture, c’est-à-dire sur la capacité des systèmes

agricoles à contribuer simultanément à la production agricole et à la création de valeur ajoutée, mais aussi à la protection et à la gestion des ressources naturelles, des paysages et de la diversité biologique, ainsi qu’à l’équilibre des territoires et à l’emploi »25. Cette approche territoriale de l’agriculture est également favorisée par une loi contemporaine de la précédente, la Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire (LOADDT)26

Critiques, controverses, et recul du concept dans les arènes politiques

, qui incite notamment les décideurs à prendre en compte les aménités issues des espaces naturels et ruraux dans les politiques et les projets d’aménagement du territoire.

Au-delà de critiques fondées sur l’absence d’une définition consensuelle et d’un cadre théorique stable, le concept a été beaucoup critiqué, notamment par les pays du Sud, comme un prétexte mis en avant par les pays occidentaux les plus développés pour conserver des niveaux de soutien élevés à leurs agricultures. Il est ainsi dénoncé par l’ONG Solagral qui y identifie «

23 Union Européenne, Conseil européen de Berlin, 1999, partie I, point 20.

just a convenient pretext

24 Loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d'orientation agricole, Article 1er. 25 Guide pratique du CTE, 2000, p 8.

26 Loi n° 99-533 du 25 juin 1999 d’Orientation pour l’Aménagement et le Développement Durable du Territoire,

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Europe has found to justify prolonged use of high level of farm support27

Ainsi, on distingue selon Philippe Bonnal (ibid.) deux grandes phases dans l’histoire de la