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Chapitre 2 L’intervention dans ses contextes

2.2 Des violences coloniales aux violences contemporaines

2.2.1 Repères historiques

2.2.1.1 La colonisation

Le territoire de l’actuelle République démocratique du Congo (RDC) fût colonisé entre 1885 et 1960 par deux entités successives. La première période, celle de l’État Indépendant du Congo (EIC) commença en 1885, lorsque, suite à la Conférence de Berlin qui édicta les règles de la colonisation de l’Afrique par les puissances européennes, Léopold II, roi des Belges, prit possession du territoire à titre personnel, dans le but officiel de combattre l’esclavage arabo-swahili, d’instaurer la liberté de commerce et de navigation, et de protéger les Africains et les missionnaires européens. La deuxième période de colonisation commença en 1908, lorsque la Chambre des députés fit don de l’EIC à la Belgique qui l’annexa sous le nom de Congo belge. Elle se termina en 1960 avec la proclamation de l’indépendance.

On mentionne généralement la période de colonisation du Congo comme le début d’une spirale infinie de violences inédites dans cette région du monde. Or Ndaywel è Nziem note que si cette période en marque indéniablement l’accélération et la généralisation sous des formes particulièrement meurtrières, la violence existait dans les sociétés précoloniales -les formes les plus redoutées étant d’ordre surnaturel- et s’est drastiquement transformée avec

l’arrivée des Portugais sur le littoral atlantique au XVIème siècle. Selon lui, trois « innovations majeures » sont attribuables à cette incursion : « la révélation d’une technologie plus avancée, l’introduction d’une cosmologie nouvelle —le christianisme— et l’invention d’une culture inédite de violence, produite par la traite des esclaves » (Ndaywel è Nziem 2016a : 142). Loin de mettre fin à ce cycle et contrairement aux arguments humanistes avancés par Léopold II pour justifier l’annexion du territoire, la colonisation s’inscrivit dans la lignée des violences introduites avec la traite, sous des modalités particulièrement meurtrières, caractérisées notamment par une brutalité systématique et des traitements dégradants justifiés par la supposée inhumanité des indigènes.

Sous le contrôle de l'administration de Léopold II, l'EIC connût un développement inédit au service de la production du caoutchouc et de l’ivoire, basé sur l’asservissement des populations indigènes, à base de confiscation de terres et d’instauration d'un régime de travail forcé. Si la cession du territoire au royaume de Belgique en 1908 mit fin aux abus les plus flagrants du système léopoldien, la mise en valeur de la colonie qui remplaçait la prédation pure et simple ne fût pas pour autant bienveillante vis-à-vis des populations. Dans le but de développer et diversifier l’exploitation intensive des ressources et de maintenir la mainmise sur ses dividendes, le régime colonial instaura une organisation nouvelle. La destruction du système d’agriculture vivrière se poursuivit à travers l’accaparement des terres et de larges déplacements de populations; et faisant suite au bouleversement institutionnel qui avait vu éclater les royaumes au profit d’entités autonomes au service de la traite, les frontières furent étendues et délimitées, des divisions régionales et administratives furent établies, ainsi que des compagnies commerciales, des grands domaines fonciers étatiques et privés, et des réseaux de transport ferroviaire et fluvial. S’ajoutant aux violences physiques sans précédent26, l’instauration d’un régime d’inégalité basé sur la racialisation produisait une violence symbolique vouée à domestiquer les esprits en plus des corps, dans une opération qualifiée par Ndaywel è Nziem de « violence souterraine […] à la base de la démobilisation congolaise » (2016a : 145). Outre

26 Les estimations du nombre de morts dues à la colonisation léopoldienne (difficiles et sujettes à polémiques) varient considérablement (entre 8 et 30 millions de victimes selon l'Encyclopædia

l’administration et le commerce, le système colonial était en effet accompagné d’un troisième plan constitué par l’évangélisation et l’instruction, mises en œuvre par les missions catholiques. Si l’instruction développée par les missionnaires auprès de colonies d’enfants indigènes recrutés de force avait pour objectif premier de « constituer une pépinière de jeunes recrues destinées à devenir suivant la vocation de l’époque, des soldats- ouvriers, des combattants et constructeurs de postes » (Ndaywel è Nziem 1998b : 354), elle servait aussi le projet de cadrer et contrôler la population. Accompagnée par une vision ethnicisante qui figeait les appartenances, s’amorçât ainsi une entreprise catégorisante, discriminante et ségrégationniste, usant d’une dialectique opposant sauvagerie et civilisation, sous-développement et modernité, dégénérescence et santé. Une des pires séquelles de cette forme singulière de violence est probablement l’inoculation aux indigènes d’un mépris de soi tel que décrit par Fanon (1952) dû au clivage racial blanc/noir qu’on faisait coïncider avec celui de la civilisation/barbarie. Deux modalités opposées prévalurent alors. D’un côté la violence physique et « l’espace de mort » (De Boeck 2005 : 26) lié à l’exploitation, à la coercition, et au travail forcé; de l’autre la violence moins visible qu’on peut qualifier de structurelle, sous couvert de civilisation, hygiénisation, assainissement, puis progrès et modernisation.

La médecine coloniale était vue comme « la plus grande force de changement conceptuel, capable de forcer les Africains à abandonner leur vision non scientifique du monde » [Ranger 1981 : 261]. En conséquence, la modernité coloniale, dont la médecine était une icone déclarée, intervenait dans les aspects les plus intimes de la culture du colonisé, à travers ses essais de domestication et de contrôle de la sexualité indigène. Cela fonctionnait en imposant au sujet de nouvelles conceptions de l’espace, du temps, de la causalité, de la production et de la consommation, dans une tentative de reconfiguration de l’esprit de ce sujet et même de recherche génétique pour créer une nouvelle race de travailleurs.

De Boeck 2005 : 26-27

Si l’intensité des violences infligées aux indigènes par le régime léopoldien provoqua la réprobation de la communauté internationale, c’est en revanche dans un silence assourdissant que l’entreprise coloniale poursuivit son œuvre au Congo belge. À partir de la cession de l’EIC par Léopold II au royaume de Belgique, l’évolution de la colonie « fut régulière et se poursuivit même au travers des conjonctures particulières qu’elle rencontra, telles la Première Guerre mondiale, la grande crise économique des années 30, la Deuxième

Guerre mondiale, etc. » (Ndaywel è Nziem 1998b : 366). En 1959, à l’aube de la décolonisation, le bilan de l’entreprise coloniale apparaissait aux yeux de la Belgique comme positif : infrastructures et systèmes administratif, éducatif, et sanitaire couvraient le pays, le niveau de vie par habitant africain était le plus élevé d'Afrique et une élite congolaise (les évolués) émergeait, composée d’environ vingt mille fonctionnaires et commerçants résidant en dehors des cités indigènes. Cette réussite apparente était cependant accompagnée d’un fort mécontentement de la population réagissant aux différentes formes de violence qui lui étaient infligées. Localement, de nombreuses manières de résister émergèrent27, qui furent une à une brutalement combattues, occasions de renforcer le pouvoir colonial pour démontrer aux indigènes l’inutilité de telles entreprises. Malgré cela, un certain nombre de revendications et luttes politiques initiées par les cercles de réflexion et organisations semi-politiques et ethniques finirent par précipiter l’indépendance.

Le combat pour la conquête de l’indépendance ou plus exactement pour le domptage du cheval impétueux de l’incontournable décolonisation prit son envol. (…) On y retrouve un scénario qui deviendra courant lors des années quatre-vingt-dix. Le ras-le- bol populaire s’est exprimé en « pillage » des boutiques, maisons de commerce et habitations luxueuses de la ville.

Ndaywel è Nziem 1998b : 1420 2.2.1.2 L’indépendance, la crise congolaise et le régime de Mobutu

Face à la pression populaire, l’indépendance du Congo qui n’avait aucunement été préparée par les Belges, fut déclarée le 30 juin 1960, portant à la tête de la « République du Congo » deux leaders des évolués : Joseph Kasa Vubu (dirigeant de l’Alliance des Bakongo) comme président, et Patrice Lumumba (leader des cercles de Stanleyville) comme premier ministre. Cet évènement tant attendu ne se présenta cependant aucunement comme le début d’une ère de paix. À l’inverse, débuta alors une période dite de « crise congolaise », qui aboutît à l’assassinat de Lumumba en 1961, puis à l’accession de Joseph-Désiré Mobutu au pouvoir en 1965. Dans la succession d'épisodes qui jalonnèrent cette crise, outre les multiples

27 Selon Ndaywel è Nziem (2016a :155), seules les révoltes les plus importantes ont été signalées (dans le Katanga, le Haut-Uélé, le Sankuru, le Kwilu ou la région du lac Léopold II), occultant une réalité plus généralisée attisée par le climat d’insécurité à cause du travail forcé.

divisions congolaises internes, les prises de position et interventions internationales aggravèrent indéniablement la situation.

Dès 1960 [la décolonisation] n’a pas tardé à dégénérer en une multitude d’escarmouches avant de se focaliser à partir du mois de juillet sur les mutineries de la Force publique. A cela, se sont ajoutés d’autres évènements aussi démoralisants les uns que les autres, tels que la sécession katangaise puis kasaienne, la lutte des « gendarmeries » de ces deux États sécessionnistes contre l’Armée nationale congolaise et la division de l’ancien Congo belge en deux républiques « République du Congo-Léopoldville » et « République libre du Congo », chacune avec sa capitale son gouvernement central et sa représentation diplomatique. L’année ne s’est pas achevée sans que les forces de l’ONU ne viennent se mêler à cette confusion, internationalisant une crise pourtant prête à tout consumer au niveau interne. Le cycle s’est arrêté en 1963, lorsque, après l’effritement de l’État autonome du Sud-Kasaï de Kalonji et de l’éphémère République libre du Congo de Gizenga, l’homme fort du Katanga - Moïse Tshombe - finit par décréter la fin de la sécession katangaise.

Ndaywel è Nziem 1998a : 420

Et si la sécession katangaise prit fin en 1963, les soubresauts reprirent avec les rébellions Simba28 qui, entre janvier et novembre 1964, à partir de Stanleyville (actuelle Kisangani) couvrirent la moitié Est du territoire national. C’est donc dans une ambiance de confusion et d’incertitude que, le 24 novembre 1965, Mobutu renversa Kasa Vubu par un coup d'état militaire et s’installa au pouvoir, position qu’il maintint jusqu’à sa destitution en 1996. Outre l’usage d’un discours nationaliste29 qui, au départ, fit largement écho aux sensibilités des congolais sortant de l’oppression coloniale, le régime qu’il mit en place fut caractérisé par une économie de prélèvement des ressources quasi exclusivement tournée vers l’exportation des matières premières —suivant en cela le modèle belge. Le tout était assorti d’un système politique clientéliste permettant à ceux qui lui faisaient allégeance de bénéficier des subsides des entreprises et domaines dénationalisés, ainsi que d’une autorité implacable marquée par la brutalité des forces de l’ordre, l’emprisonnement systématique des opposants, et la censure. Il fut pour cela largement soutenu par les états occidentaux

28 Les rébellions « Simba », (dont les pratiques magiques de protection rappellent celles des Maï-Maï), conduites par Pierre Mulele dans l’Est du Congo, étaient composées de jeunes gens se réclamant de l’héritage de Lumumba, dans un esprit nationaliste-unitariste (Verhaegen 1997)

29 Ce discours fut concrétisé par la politique de Zaïrianisation, mise en place en 1971, lorsque Mobutu prit une série de mesures pour se détacher de tout ce qui pouvait rappeler l'Occident. Le pays fut renommé « République du Zaïre » ; les Congolais durent adopter des noms africains à l'image de Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu wa Zabanga ; la tenue vestimentaire abacost fut imposée aux hommes en lieu et place du costume-cravate ; une nouvelle monnaie - le zaïre - remplaça le franc congolais ; et de nombreuses villes furent rebaptisées : Stanleyville devint Kisangani, et Elisabethville Lubumbashi.

souhaitant s’assurer un accès aux ressources minières et contrer le développement du communisme, bien qu’il maintînt des liens avec la Chine et l’Union soviétique.

La première période de son règne —qui vit la disparition des principaux acteurs de la décolonisation— bien que jalonnée de révoltes étudiantes réprimées dans le sang, est généralement qualifiée de « paix retrouvée » (Ndaywel è Nziem 1998b : 421). Cette période fut aussi économiquement faste, ce qui probablement participa au calme relatif, les congolais aspirant alors chacun à recevoir leur part de richesse, fruit d’une modernité semblant à portée de main. Mais à partir de 1973, face à une crise économique aigüe due aux fluctuations des prix du pétrole et des minerais, Mobutu entama une privatisation des biens de l’État et une refonte du système foncier au profit de ses proches alliés, qui provoquèrent un appauvrissement considérable du pays et une désorganisation profonde du système social en milieu rural. Suivit, au courant des années 1980, la mise en œuvre de programmes d’austérité dictés par les politiques d’ajustement structurel du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque Mondiale (BM) qui provoquèrent le retrait de l’État des services sociaux et une chute vertigineuse des services publics30; et à la fin des années 1980, la cessation des programmes de coopération de la Belgique, l’Union européenne, la France et les États-Unis qui entrainèrent avec eux les principaux bailleurs de fonds privés, amenuisant encore les salaires des fonctionnaires et marquant l’effondrement de l’exploitation minière industrielle. Les promesses de la modernité avaient, à ce stade, totalement échappé à la majorité des congolais, parmi lesquels un certain nombre s’exilèrent en Occident, notamment en France et en Belgique. Parallèlement à cela, le territoire ne cessa d’être parcouru de conflits à caractère interne, mais aussi externe, certains groupes armés rebelles angolais et ougandais utilisant le territoire congolais comme base arrière avec le soutien de Mobutu. De nouveaux embrasements éclatèrent, avec les guerres des quatre-vingt jours (1977) et du Shaba (1978) dans le Katanga, les affrontements sur les rives du lac Tanganyika (années 1980). Et l’insécurité fut aggravée par « la criminalisation des interventions de la FAZ (Forces armées zaïroises) et des structures policières comme le CADER (Corps des activistes pour la défense de la

30 « Entre 1982 et 1985, le nombre d’employés de services publics diminue d’un tiers, passant de 429.000 à 289.000 emplois. La Banque Mondiale elle-même relève que les salaires des fonctionnaires ne représentent plus que le dixième de ce qu’ils étaient dix ans plus tôt. » (Braeckman 2006 : 9)

révolution) et la sureté nationale avec ses embranchements aux appellations multiples et continuellement changeantes » (Ndaywel è Nziem 1998a : 422).

Au tournant des années 1990, dans un pays à l’économie exsangue, les supposées tentatives de Mobutu d’amorcer une transition démocratique avec l’établissement de la Conférence Nationale Souveraine31 (qui fût rapidement avortée), ne parvinrent pas à désamorcer la colère, qui éclata sur deux fronts : dans les grandes villes, les manifestations, même réprimées, se multiplièrent sous forme de journées mortes, puis d’émeutes et de pillages (notamment ceux de 1991 et 1993 ayant débuté par des mutineries à Kisangani et Kinshasa); et dans le Nord Kivu, des affrontements interethniques se déclarèrent à cause d’occupation de terres par des Banyarwandas (rwandais Hutu), autorisées par Mobutu32. En

1994, le conflit rwandais aggrava les tensions ethniques préexistantes dans la zone, avec le déferlement d’une vague massive de réfugiés hutus dans l’Est congolais. Et la présence, parmi ces réfugiés, de membres armés des milices Interhamwe -qui tentaient d’établir des bases de reconquête du pouvoir- constitua une menace directe pour le Rwanda et l’Ouganda, qui commencèrent dès 1995 à planifier de possibles actions armées sur le territoire congolais.

2.2.1.3 Les guerres des Grands lacs

Alors que la dégradation de la situation économique et les tensions intérieures enclenchées par les tractations de la Conférence Nationale Souveraine avortée alimentèrent largement le mécontentement, ce sont les débordements du conflit rwandais qui déclenchèrent la guerre « de libération ». En effet, selon Ndaywel è Nziem (1998a), les violences internes, bien que clairement en réaction au « mobutisme », ne portaient aucune cohésion à même de renverser le pouvoir. Échappant à la logique autodestructive des pillages, mais entrant dans la rhétorique mobutiste, c’est donc l’argument ethnique déjà instrumentalisé dans les Kivu qui devint un ressort opérationnel pour le démarrage des violences guerrières. Ainsi,

31 La Conférence Nationale Souveraine, lancée en 1990, réunissait les délégués représentants toutes les couches de la population, issues de toutes les régions, ainsi que la diaspora du Zaïre, dans le but de mettre en place un pouvoir démocratique. Ces consultations qui enthousiasmèrent la population et aboutirent à la désignation d’un Haut Conseil de la République sensé préparer des élections, n’eurent aucune suite, la CNS étant suspendue quelques mois après son lancement par Mobutu.

32 Ces affrontements entre Banyarwandas et miliciens Hunde et Nyanga dans les régions de Walikale et de Masisi en 1993, provoquèrent la mort de 6.000 à 10.000 personnes et le déplacement de 250.000.

lorsque le Kivu s’embrasa en 1996, cet argument canalisa l’exultation des frustrations sans fin, et fédéra un certain nombre d’alliances parmi les jeunes qui s’y engagèrent, offrant la possibilité, en identifiant un ennemi commun, de (re)construire leur propre identité. Sous l’impulsion et avec le soutien direct du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda, les Banyamulenge33 pris dans des conflits terriens avec les Banyarwandas, s’associèrent à d’autres partis révolutionnaires de la région pour créer l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Zaïre (AFDL)34 menée par Laurent-Désiré Kabila, qui renversa Mobutu et « libéra » le pays, au terme de 8 mois d’une campagne militaire traversant le territoire d’Est en Ouest.

Les premières actions de l'AFDL consistèrent à s’emparer des villes proches des frontières orientales et s’attaquer aux camps de réfugiés qui offraient un refuge facile aux militants des forces Hutues du Rassemblement pour le retour de la Démocratie au Rwanda (RDR) provoquant un désastre humanitaire considérable. Ensuite, une fois les Kivus acquis, le reste de la guerre fut une longue marche de l'AFDL (dont il est estimé qu’elle était constituée de 30% d’enfants) et de ses alliés à travers le pays, jusque Kinshasa, où la population, lassée par le régime de Mobutu, accueillit assez favorablement les conquérants. Face à l’invasion, les soldats de l'armée zaïroise prirent la fuite, se rendirent sans combattre ou rejoignirent les insurgés, et le 17 mai 1997, après une dernière médiation avortée entre Mobutu et Kabila par Mandela, l'AFDL menée par une colonne de kadogos (enfants) atteignit le quartier de Masina à Kinshasa, rajoutant à l’humiliation de Mobutu. Kabila s'autoproclama alors président du pays, rebaptisé « République Démocratique du Congo ». Le triomphe fut cependant de courte durée, Kabila ne réussissant pas à gagner le cœur de la population kinoise. Face à cette situation, un an après son accession au pouvoir, dans une tentative de satisfaire aux attentes de la population mécontente, Kabila changea d’alliances (notamment avec le Rwanda et l’Ouganda), provoquant le déclenchement le 14 juillet 1998,

33 Populations Tutsies d’origine rwandaise présentes au Zaïre depuis plusieurs générations déplacées par le système colonial et par la suite instrumentalisées par Mobutu et principalement présentes au Sud Kivu. 34 L’AFDL réunit plusieurs mouvements et partis minoritaires du Zaïre dont le Parti pour la Révolution des

Peuples, le Conseil National de la résistance pour la démocratie, le Mouvement révolutionnaire pour la libération du Zaïre et l’Alliance démocratique des peuples, ainsi que des Banyamulenge. Dès sa création, l’AFDL fut fortement soutenue par le Rwanda et l’Ouganda. Laurent-Désiré Kabila, ancien rebelle marxiste originaire du Katanga, peu connu mais à la verve facile, en devint le porte-parole puis le leader.

de la deuxième guerre du Congo dite « d’agression », par des groupes armés de l’Est du pays. Ce conflit sur plusieurs fronts35, impliquant de nombreux autres pays soit directement, soit par soutien aux groupes armés locaux, dessina une partition du territoire national entre une zone Sud-Ouest occupée par les forces et groupes armés en faveur de Kabila et une zone Nord-Est occupée par des groupes et milices soutenus pas le Rwanda et l’Ouganda36. C’est ainsi que fin août 1998, une tentative de conquête de Kinshasa fut défaite en quelques jours par les forces zimbabwéennes et angolaises venues en soutien à Kabila avec l’appui de la population kinoise qui « se [livra], dans l’exaltation, à une terrible violence, qu’un sentiment anti-tutsi [alimentait] » (de Villers & Omasombo 2001 : 17). Au fil du temps, dérivant des motivations originellement sécuritaires et plutôt exogènes, les ficelles du conflit devinrent plus généralement économiques et se conjuguèrent à des enjeux