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Renforcer la reconnaissance de la pédopsychiatrie pour accroître son attractivité

A. LES PÉDOPSYCHIATRES

3. Renforcer la reconnaissance de la pédopsychiatrie pour accroître son attractivité

Un renforcement de l’attractivité de la pédopsychiatrie doit en ce sens faire l’objet d’une démarche globale, à travers une réflexion sur les conditions de la formation et sur les modalités d’exercice de la spécialité. L’entretien avec le Pr Bernard Jacob sur la conduite de la réforme de la psychiatrie en Belgique, lors du déplacement de la mission d’information à Lille, va dans ce sens : l’existence d’un DES de pédopsychiatrie coïncide avec une tarification spécifique des consultations de pédopsychiatrie.

Dans ce cadre, la mission d’information soutient le principe d’une réforme de la tarification des consultations de pédopsychiatrie, afin de prendre en compte la nécessaire association des familles, parfois éclatées, au parcours de soin de l’enfant. Le barème en vigueur n’opère pas de distinction entre consultations psychiatriques et pédopsychiatriques, contrairement à la pratique de nos voisins européens, belges ou allemands par exemple. Or, comme le souligne le Dr Catherine Lacour-Gonay, « ce n’est pas la même chose de recevoir toute une famille avec parents et grands-parents que de recevoir une personne seule. (…) Chacun a quelque chose à dire et il est important d’écouter tout le monde. Il faudrait donc que l’acte médical soit reconnu en conséquence »1.

Proposition n°40 : Réformer la tarification des consultations de pédopsychiatrie en ville et à l’hôpital, afin de prendre en compte la réalité du temps passé à l’écoute et pour la prise en charge du mineur et de son entourage.

Si la revalorisation de la tarification de la consultation en ville et à l’hôpital en pédopsychiatrie constitue une première réponse au manque d’attractivité de la discipline, elle participe surtout d’une stratégie d’ensemble, devant conduire à reconnaître la pédopsychiatrie comme spécialité médicale distincte de la psychiatrie. Les deux éléments vont en effet de pair, comme le montre le difficile recensement du nombre de pédopsychiatres. Le Pr David Cohen précise ainsi que « les chiffres du Conseil de l’ordre ne recensent que les pédopsychiatres exclusifs, mais en pratique, quelques psychiatres généralistes acceptent encore de recevoir des enfants. Mais ils ne le font qu’à la marge, car sinon ce n’est pas viable pour eux »2.

1 Audition du mercredi 18 janvier 2017.

2 Audition du vendredi 24 février 2017.

Dans le cadre de la réforme du troisième cycle des études médicales en cours de finalisation, l’architecture actuellement retenue s’articule, selon le Pr Benoît Schlemmer chargé d’élaborer le projet de réforme, autour d’un DES de psychiatrie en quatre ans, suivi d’une cinquième année optionnelle de formation en pédopsychiatrie.

Le Pr Marie-Rose Moro précise qu’ainsi, « les psychiatres d’adultes qui n’auront pas fait la spécialisation ne pourront pas prendre en charge les enfants »1.

En parallèle, cette affirmation de la spécificité de la pédopsychiatrie doit s’accompagner d’un renforcement des capacités de formation, passant notamment par une politique volontariste de nomination. Afin de former davantage de pédopsychiatres, la mission d’information recommande la présence d’au moins un poste de professeur d’université de pédopsychiatrie par université.

Proposition n°41 : Prévoir au moins un poste de professeur d’université de pédopsychiatrie par université.

Augmenter la représentation de la pédopsychiatrie au sein des facultés de médecine permet d’envisager une réforme plus ambitieuse du troisième cycle des études de médecine s’agissant de la psychiatrie.

La mission d’information recommande la définition d’un co-DES, aussi qualifié de système en « Y », où un tronc commun de psychiatrie générale se diviserait ensuite en deux branches distinctes, l’une pour la psychiatrie adulte, l’autre pour la pédopsychiatrie. Le co-DES, qui existe déjà pour d’autres spécialités2, conduit à des DES spécifiques, et l’entrée dans chaque branche fait l’objet d’un quota de régulation propre.

Le Pr Jean-Philippe Raynaud approuve cette orientation, en affirmant être « favorable à la création d’un DES de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. (…) Au niveau européen, les pédopsychiatres sont formés en moyenne en trois ou quatre ans. En France, ils sont formés au maximum en deux ans, ce qui est insuffisant pour leur garantir des compétences solides. Il est clair que nous serons moins nombreux. Il faut donc que nous soyons mieux formés et plus armés.

En Allemagne où existent un DES de psychiatrie de l’enfant et un DES de psychiatrie de l’adulte, on note, premièrement, une reconnaissance de la pédopsychiatrie ; deuxièmement, la transition dans le parcours de soins ; et troisièmement, une amélioration des relations entre la psychiatrie de l’adulte et la psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. »3

1 Audition du mardi 7 février 2017.

2 L’arrêté du 13 novembre 2015 fixant la liste des diplômes d'études spécialisées de médecine prévoit des co-DES pour quatre spécialités : chirurgie orale/chirurgie maxillo-faciale, anesthésie-réanimation/médecine intensive-réanimation, médecine cardiovasculaire/médecine vasculaire, médecine interne/maladies infectieuses et tropicales.

3 Audition du mardi 24 janvier 2017.

Proposition n°42 : Dans le cadre de la réforme en cours du troisième cycle des études de médecine, envisager dès à présent la mise en place d’un co-DES de psychiatrie des adultes et de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, avec une régulation du nombre d’internes dans chacune des deux branches.

Le schéma ci-après récapitule les trois modèles distincts : le cadre en vigueur, le cadre envisagé au terme de la réforme en cours, et le cadre préconisé par la mission d’information.

La définition d’un co-DES répondrait à deux objectifs complémentaires. En premier lieu, comme la comparaison du Pr Jean-Philippe Raynaud l’indique, en prévoyant une durée de formation plus longue en pédopsychiatrie, elle faciliterait l’insertion de l’architecture française dans le cadre européen, qui exige la réalisation de six stages en psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent. De plus, la mission d’information approuve la proposition de M. Michel Laforcade d’adapter les stages à la réalité des fonctions ensuite exercées par les psychiatres, en prévoyant des expériences dans le secteur médico-social.

Proposition n°43 : Dans le cadre de la mise en œuvre du co-DES, se conformer aux règles des équivalences européennes en matière de stages et développer les stages au sein de structures médico-sociales.

En second lieu, la mise en place du co-DES offrirait un moyen de régulation que l’association du DES et d’une option ne permet pas, ce que confirme le Pr Benoît Schlemmer : « le système à deux branches permet d’avoir à la sortie l’effectif que l’on souhaitait. L’option ne permet pas cela »1. Surtout, votre rapporteur estime que la réforme doit s’inscrire dans une refonte plus globale de l’internat, privilégiant une approche régionale dans l’objectif de répondre mieux aux besoins.

À cette fin, les épreuves classantes nationales (ECN) seraient régionalisées, et les spécialistes formés en fonction des besoins d’un bassin de population.

Le Pr Jean-Luc Dubois-Randé a indiqué lors de son audition2 que la conférence des doyens de faculté de médecine porte une proposition d’évolution en ce sens puisqu’elle souhaite que la régulation de l’entrée dans les spécialités sur l’ensemble du territoire national évolue et comprenne une part régionale.

Proposition n°44 : Substituer aux épreuves classantes nationales (ECN) des épreuves classantes régionales (ECR) afin de former le nombre de spécialistes nécessaires en fonction d’une carte régionale des besoins.

La reconnaissance de la pédopsychiatrie ne saurait intervenir isolément et doit s’inscrire dans une approche pluridisciplinaire, prenant acte du rôle de chef d’équipe du pédopsychiatre, régulièrement affirmé au cours des auditions.

C’est ce que Mme Anne-Marie Armanteras-de Saxcé précise en ces termes : « la formation est cruciale. L’articulation avec l’action des autres professionnels de santé qui prennent en charge l’enfant et l’adolescent l’est tout autant. Le comité de pilotage de psychiatrie co-présidé par le professeur Halimi travaille sur ce chantier avec nous. Il faut renforcer la coopération entre les pédopsychiatres et des professions telles que les orthophonistes, les psychomotriciens, les psychologues cliniciens, etc. »3

1 Audition du vendredi 24 février 2017.

2 Audition du vendredi 24 février 2017.

3 Audition du mercredi 1er février 2017.