• Aucun résultat trouvé

Harmoniser les pratiques et mieux prendre en compte les innovations

C. AMÉLIORER LA COORDINATION ET HARMONISER LES PRATIQUES

2. Harmoniser les pratiques et mieux prendre en compte les innovations

a) Harmoniser les pratiques et diffuser les connaissances

(1)Harmoniser les pratiques

La diversité des approches de soins et leur hétérogénéité sont un reproche généralement adressé à la psychiatrie et à la pédopsychiatrie en particulier.

Malgré les efforts engagés, ce constat semble toujours d’actualité et il figure notamment dans l’évaluation du plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015 par le HCSP. L’un des enjeux est d’éviter que les familles ne reçoivent des informations contradictoires de la part de leurs interlocuteurs successifs.

De nombreux interlocuteurs ont ainsi insisté sur la nécessité d’harmoniser les pratiques pour remédier aux inégalités de prise en charge. Des dispositifs d’harmonisation existent déjà. C’est notamment l’une des missions de la HAS que de diffuser les bonnes pratiques auprès des professionnels de santé. Il va de soi que ceci passe également par la formation continue des professionnels concernés. A cet égard, l’ARS d’Ile-de-France a donné l’exemple du programme qu’elle a engagé dans lequel un PU-PH référent anime la formation d’un ensemble de professionnels en pédopsychiatrie.

De manière générale, il semble que le recours aux méthodes évaluées soit encore trop peu généralisé. C’est le constat fait notamment par le Pr Purper-Ouakil qui a souligné la diffusion insuffisante des programmes de gestion parentale. Comme elle l’a indiqué lors de son audition1 : « Je souhaite également insister sur la nécessaire diffusion des programmes de gestion parentale, qui sont des modèles bien diffusés dans les pays anglo-saxons. Il s’agit de programmes destinés à des parents qui rencontrent des difficultés. Certains sont très généralistes. Il en existe en France, comme l’école des parents. Le problème est que souvent on n’utilise pas des programmes qui ont fait la preuve d’une vraie efficacité. Les programmes de gestion parentale sont utilisés à différents niveaux d’intervention, en particulier pour des parents dont les enfants présentent des troubles comportementaux. Plus ces programmes sont utilisés tôt, plus ils sont efficaces ».

Proposition n°33 : Assurer une plus large diffusion des meilleures pratiques. En particulier, permettre l’accès de tous aux programmes de gestion parentale.

S’agissant de la diffusion des pratiques validées scientifiquement, le rapport de M. Michel Laforcade évoque une « impérieuse nécessité » pour rejoindre « une médecine fondée sur les preuves ». La mission d’information partage cette préconisation tout en rappelant que la psychiatrie, a fortiori celle des mineurs, revêt des spécificités qu’il convient de prendre en compte et qui empêchent d’appliquer sans modification des méthodes utilisées pour d’autres disciplines médicales.

1 Audition du mercredi 25 janvier 2017.

Dans l’identification des bonnes pratiques, il convient également de prendre en compte l’expérience des professionnels, en particulier lorsqu’il s’agit d’interventions qui ne peuvent faire l’objet d’études randomisées et contrôlées pour des raisons méthodologiques et/ou éthiques.

(2)Diffuser les connaissances

Dans un contexte d’augmentation des connaissances issues des différentes sciences, notamment des sciences humaines mais aussi des neurosciences, de multiples innovations ont pu voir le jour et, sur des sujets précis, des initiatives se mettre en place sur différents points du territoire, en particulier avec la création des centres experts, centres de référence ou centres de diagnostic.

Face à l’émergence de multiples sources de savoirs spécialisés, la mission d’information note qu’il existe des appréciations divergentes sur le rôle que doivent jouer les centres experts dans l’organisation des soins. Selon la DGOS, il existe quatre réseaux de centres experts dont trois concernent des pathologies qui surviennent au cours de l’enfance et de l’adolescence : les troubles bipolaires (9 centres), la schizophrénie (10 centres), l’autisme de type Asperger (4 centres). Ces centres offrent des consultations spécialisées de diagnostic dans certaines pathologies afin de définir des indications pour une prise en charge médicale personnalisée.

Ce sont également des centres de recherche. Le Pr Marion Leboyer1 a ainsi indiqué à la mission d’information : « Nous avons apporté les premiers résultats médico-économiques de l’impact du déploiement des centres experts. On montre, que deux ans après le passage dans un centre expert, il y a une diminution de 50 % du nombre de journées d’hospitalisation. Un bilan précoce complet, accompagné de recommandations thérapeutiques, permet vraiment de faire des économies ».

Si les centres experts semblent avoir fait la preuve de leur utilité, il convient d’éviter une structuration trop verticale de l’expertise susceptible de remettre en cause la continuité thérapeutique. La mission d’information considère qu’il est nécessaire de s’appuyer sur les centres experts pour diffuser le dernier état des connaissances en matière de diagnostic.

b) Mieux prendre en compte les innovations

Il semble également exister un consensus sur la multiplicité des innovations portées par les équipes de terrain pour la prise en charge des mineurs souffrant de troubles psychiatriques. Certaines gagneraient à être généralisées mais une évaluation préalable est nécessaire. Tant la HAS que le HCSP ont en effet souligné que trop souvent une nouvelle pratique, qui a été mise en place pour répondre à un problème identifié par une équipe de soignants, n’est jugée efficace que par ses promoteurs.

1 Audition du mercredi 1er février 2017.

Il est en effet difficile de mettre en place des évaluations véritablement objectives. Même quand cette évaluation a eu lieu, certains projets dépendent trop du contexte de leur création pour pouvoir être d’emblée généralisés.

Le travail de recension et d’évaluation des innovations incombe aux administrations centrales et aux agences sanitaires, au premier rang desquelles la HAS. C’est pourquoi la mission d’information ne juge pas opportun de créer une instance ad hoc qu’il s’agisse d’ « un observatoire national des innovations en santé mentale » préconisé par le rapport de M. Michel Laforcade ou d’un « institut national de la santé des jeunes » qui serait créé sur le modèle australien afin de colliger et d’évaluer les ressources comme l’appelle de ses vœux le rapport Moro-Brison.

Proposition n°34 : Systématiser le recensement et l’évaluation, par les administrations centrales et les agences, des innovations en vue de leur éventuelle généralisation tout en respectant la diversité des approches.

TROISIÈME PARTIE : QUELLE GOUVERNANCE POUR LA PSYCHIATRIE DES MINEURS ?

A de multiples égards, la psychiatrie des mineurs, plus que d’autres disciplines médicales, ne peut être pensée isolément. Il est nécessaire de prendre en compte ses interactions et implications réciproques avec la psychiatrie des adultes. De plus, elle doit intégrer les dimensions, non seulement sanitaires mais aussi sociales et médico-sociales, des pathologies et de leur prise en charge.

La minorité du patient soulève pour sa part des enjeux spécifiques en termes de consentement et de relations avec les titulaires de l’autorité parentale et les différents intervenants du parcours éducatif et social de l’enfant et de l’adolescent.

La possibilité avérée de guérir certaines pathologies prises en charge précocement rend d’autant plus légitimes les attentes quant aux moyens mis en œuvre par les pouvoirs publics. La prise en charge au long cours des maladies dont seuls les symptômes peuvent être atténués impose elle aussi une organisation coordonnée des multiples réponses possibles.

Dès lors, disposer d’une vision cohérente de la psychiatrie des mineurs apparaît, bien que difficile, absolument indispensable. Or cet objectif ne paraît pas atteint dans les conditions actuelles.

Incontestablement, des efforts ont été entrepris depuis plusieurs années pour élargir et adapter l’offre de soins. De nombreuses innovations ont vu le jour. La psychiatrie a également fait l’objet de rapport nombreux, qu’ils soient d’origine gouvernementale ou parlementaire, et de plusieurs plans dont le dernier en date est le plan psychiatrie et santé mentale 2011-2015. Malgré cela, la situation de la psychiatrie des mineurs ne s’est pas véritablement améliorée et semble même pouvoir se dégrader dans les années qui viennent. Par ailleurs, de multiples plans gouvernementaux traitent d’une partie des questions qui en relèvent, ce qui contribue à morceler les approches. La politique en la matière paraît, somme toute, insuffisamment ambitieuse.

Les multiples états des lieux, d’ailleurs concordants, n’ont pas abouti à ce jour à un programme d’actions mobilisant tous les acteurs. Les pouvoirs publics ne semblent pas avoir été en mesure d’aller au-delà de la concertation pour préconiser des mesures fortes. Certains gouvernements ont fait le choix de la contrainte, qui s’est heurtée à l’incompréhension et au refus des professionnels, comme à l’occasion de l’examen de la loi « hôpital, patients, santé, territoires »1 et du rapport sur les missions et l’organisation de la santé mentale et de la psychiatrie2. D’autres ont fait celui d’un dialogue indéfiniment prolongé.