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Le renforcement du rôle des femmes : un aspect fondamental du développement

II. DÉVELOPPEMENT PARTICIPATIF, GESTION DES AFFAIRES PUBLIQUES ET

5. Le renforcement du rôle des femmes : un aspect fondamental du développement

La participation du double point de vue des hommes et des femmes

Il a fallu attendre la Décennie des Nations Unies pour la femme pour que l’on prenne conscience des multiples contributions que les femmes apportent au développement : ce sont elles qui assurent pour l’essentiel l’alimentation de leur famille, l’approvisionnement en eau potable et le ramassage du bois de chauffage, et qui prennent des initiatives déterminantes dans les domaines de la santé, de la nutrition et de l’hygiène. A cette occasion, on s’est aussi rendu compte des responsabilités qu’elles assument dans le secteur économique non structuré et de leur rôle clé dans la gestion des ressources naturelles, sans parler de leur influence décisive sur les taux de fécondité et l’éducation des enfants.

Parallèlement, il est devenu manifeste que les approches classiques du développement ont gravement sous-évalué les nombreuses tâches et responsabilités qui incombent aux femmes, ainsi que leurs besoins et leurs problèmes spécifiques. Cela a nui à l’efficacité globale des efforts de développement, en réduisant tout particulièrement les avantages que les femmes pouvaient en retirer. Les organismes donneurs ont donc révisé les conceptions qu’ils avaient

jusque-là du développement pour mettre au point de nouvelles stratégies proches des Principes

directeurs du CAD sur la participation des femm es au développement, lesquels reposent pour

l’essentiel sur les mêmes fondements que le développement participatif.

Pendant longtemps, on a supposé que l’environnement socio-économique avait la même influence sur tous les individus, quel que soit leur sexe. En fait, les femmes sont plus vulnéra­ bles en raison de la position particulière qu’elles occupent, vis-à-vis des hommes, dans la famille comme dans l’économie. Pour pouvoir profiter des services, des ressources et des possibilités qu’offre la société, les femmes doivent faire face à des difficultés exceptionnelles. Obligées en permanence de s’occuper des enfants et d ’accomplir d’autres tâches domestiques, tout en exerçant une activité rémunératrice, les femmes n ’ont plus guère de temps ni d ’énergie à consacrer à d’autres responsabilités. Le milieu culturel, les valeurs sociales et le système juridique leur sont souvent défavorables, les empêchant d’accéder librement aux biens et

services essentiels tels que la terre, le crédit, l’éducation, la formation et la technique. Vouloir améliorer la situation des femmes suppose que l’on mette au point des stratégies qui tiennent pleinement compte des différences entre les sexes. Pour réussir, cependant, les projets de développement qui s’adressent aux femmes démunies ne doivent pas seulement se soucier de ces différences : ils doivent être axés sur les exigences et les priorités que les femmes ont elles-mêmes formulées. On s’aperçoit à l’heure actuelle que les méthodes de type participatif élaborées pour la conception et la mise en œuvre de projets constituent un bon moyen d’élargir les possibilités ouvertes aux femmes, parce qu’elles parviennent à les motiver davantage en s’intéressant d’emblée à leurs besoins, à leurs capacités et à leurs préoccupations. Avec l’analyse des problèmes spécifiques des hommes et des femmes, ces méthodes tendent d’ailleurs à être de plus en plus utilisées par les donneurs afin d’assurer la pleine participation des femmes au développement communautaire comme au développement national.

Renforcer la participation des femmes à l’activité économique

Plusieurs raisons pressantes justifient que l’on fasse un réel effort pour offrir aux femmes davantage de possibilités d’emploi et, en particulier, pour soutenir leurs activités génératrices de revenu dans l’agriculture et le secteur non structuré, où elles jouent un rôle de premier plan en tant qu’agents économiques. Dans bien des cas, c ’est le travail de la femme qui constitue la principale source de revenus pour les familles. En Afrique, il est fréquent que les chefs de ménage soient des femmes en raison des divorces et de l’émigration des hommes vers les villes. En Amérique latine, près de 50 pour cent des ménages en milieu urbain ont à leur tête une femme. Et même lorsque le chef du ménage est un homme, ses revenus sont en règle générale insuffisants pour assurer le minimum vital aux membres de la famille. En outre, de nombreuses études ont montré que le revenu des femmes est normalement consacré à l’acquisition de biens essentiels pour l’alimentation et à la santé de la famille.

Des obstacles de taille devront être surmontés pour améliorer la productivité des femmes et faciliter leur participation à l’activité économique. Comme on le verra ci-après, certains problèmes tels que les difficultés d’accès au crédit, le manque de temps disponible ou l’absence de moyens de transport, ont pu être résolus de manière satisfaisante dans le cadre de projets de développement. Par contre, c’est à travers l’action gouvernementale qu’il faudra s’attaquer à tout ce qui restreint, sur le plan juridique et institutionnel, l’accès des femmes aux ressources productives. De ce point de vue, le dialogue que doivent mener les organismes donneurs et les pays bénéficiaires sur les mesures à prendre peut jouer un rôle très important.

La plupart des banques commerciales subordonnent l’octroi de leurs prêts à la fourniture de garanties, sous forme de titres fonciers, de biens d’équipement ou d’épargne, que la majorité des pauvres, et plus particulièrement des femmes, sont incapables de fournir. Pour contourner ce problème, des initiatives originales ont été prises, notamment au Bangladesh, en Inde et dans certaines régions d’Afrique, avec l’appui conjoint des gouvernements et des donneurs, et la participation de groupes de femmes et d’organismes de base, qui ont pour but de prêter de l’argent en misant sur les qualités personnelles des emprunteurs et sur la viabilité des projets, plutôt que sur la fourniture de garanties. Grâce à la pression sociale qui s’exerce au sein même des communautés, le taux de remboursement des emprunts ainsi contractés est généralement très élevé.

Les femmes consacrent beaucoup trop de temps à des tâches ménagères et agricoles non rémunérées. Dans nombre de régions du Tiers monde, elles ont plusieurs heures de marche à faire par jour pour aller chercher de l’eau, et elles passent désormais plus de temps qu’aupara­ vant à ramasser du bois de chauffage à cause du déboisement. Tous ces travaux seraient bien moins contraignants si les femmes pouvaient disposer, à la maison et dans les champs, de moyens techniques peu coûteux qui économiseraient leur force de travail. Les fourneaux de cuisine à faible consommation d’énergie et les petits véhicules tels que chariots et brouettes pour le transport de l’eau, du bois et des produits agricoles en sont quelques exemples particulièrement prometteurs. Certains de ces moyens, utilisés dans le cadre d’initiatives géné­ ratrices de revenu, permettraient en outre aux femmes d’abandonner leurs activités à faible rendement pour des tâches plus rentables. Il existe aujourd’hui toute une série de techniques simples et efficaces pour le traitement des denrées, par exemple des machines à peler et à broyer le manioc, des plates-formes de séchage solaire pour le poisson et les légumes, des machines à décortiquer le riz et des pressoirs à huile, qui sont adaptés à la force physique des femmes.

L’accès des femmes aux services essentiels

L ’inégalité d’accès à l’éducation continue de poser un grave problème dans la plupart des pays en développement. Bien que les faits observés dans le monde entier confirment l’impor­ tance de l’éducation des femmes pour le développement, l’écart entre le nombre de filles et le nombre de garçons scolarisés ne cesse de se creuser. A l’heure actuelle, une femme sur trois seulement sait lire et écrire en Afrique subsaharienne. Donner une éducation aux femmes, pourtant, c ’est améliorer la santé de la communauté et réduire la taille des familles. Avec une meilleure éducation, les filles auraient davantage de chances de tirer un revenu plus important d ’activités agricoles ou d ’emplois dans le secteur moderne. Elles seraient non seulement plus qualifiées, mais aussi mieux équipées pour vaincre les obstacles qui se dressent depuis longtemps devant elles et entrer en force dans la population active, à travers des domaines d’activité plus variés. L ’éducation donne aux femmes la faculté d’exercer leurs droits et leurs devoirs de citoyennes.

S’il y a tant d ’avantages à éduquer les femmes, pourquoi les différences sont-elles alors si marquées entre les sexes en matière d ’éducation? La réponse à cette question réside dans un faisceau complexe de facteurs économiques et culturels. Outre ses coûts directs - frais d’ins­ cription, achat de fournitures et manque à gagner pour les parents qui perdent ainsi une main- d ’œuvre gratuite à la maison ou sur le marché - l’éducation des filles entraîne en effet des coûts d ’ordre culturel dans la mesure où elle va à rencontre des idées reçues en ce qui concerne le comportement des femmes. Pour bien faire, les gouvernements et les donneurs doivent absolu­

ment tenir compte de tous ces facteurs, tout en s’efforçant de convaincre peu à peu les parents qu’ils ont intérêt à envoyer leurs filles à l’école. De nombreux pays ont déjà commencé à offrir des encouragements dans ce sens en proposant notamment des bourses d ’étude pour les filles. Mais il reste encore beaucoup plus à faire. D ’après des informations communiquées sur les pays islamiques, par exemple lors de la Conférence mondiale sur l’éducation pour tous qui s’est tenue à Jomtien en 1990, la mise en place de services conformes aux valeurs culturelles et la présence de femmes dans le corps enseignant parviennent souvent à vaincre les résistances des parents qui hésitent à envoyer leurs filles à l’école.

La participation des femmes aux décisions

De tout temps les femmes ont joui d’un large pouvoir de décision dans les domaines de compétence et d’influence qui leur étaient spécifiquement réservés. Mais le processus de modernisation engagé avec l’aide extérieure a eu tendance à limiter nombre de ces prérogatives traditionnelles, alors que les femmes n’ont pratiquement conquis aucun nouveau droit sur d’autres terrains.

Accaparées par une charge de travail accablante, les femmes sont forcément tenues à l’écart de nombreuses occasions où se prennent normalement les décisions, ce qui fait qu’elles ne sont souvent pas directement concernées par la démocratisation de la participation. D ’autre part, lorsqu’elles ont vraiment la possibilité de prendre part à des réunions publiques, elles ne sont pas censées s’y exprimer ouvertement, alors qu’elles sont désormais privées de l’influence plus discrète qu’elles exerçaient auparavant. Faute d ’éducation et d ’information, qui plus est, elles ne connaissent pas toujours l’étendue de leurs droits en vertu des nouvelles constitutions et des nouvelles lois. Si l’on ne trouve pas les moyens, au stade opérationnel, d’assurer la participation active des femmes aux projets et aux programmes, il est certain que les bonnes intentions resteront vides de sens, que des ressources seront gaspillées et que les mesures appliquées continueront de produire des effets indésirables.

L ’un des éléments positifs à noter à cet égard est le rôle de plus en plus actif que jouent les associations de femmes. Les organisations féminines traditionnelles, ainsi que les nouveaux groupes d’intérêts qui en émanent, se révèlent en effet aujourd’hui des filières efficaces pour la prestation de services et d’autres concours sollicités par leurs membres. Ils semblent en outre constituer un excellent cadre dans lequel les femmes sont amenées à formuler leurs priorités aux niveaux familial, communautaire, national et international. Nombreux sont les groupes de femmes qui œuvrent dans le sens d’une plus grande participation de la population féminine aux mécanismes de décision : dans le centre du Kenya, par exemple, des groupes aujourd’hui bien établis sont en train de s’intégrer avec succès au Programme de vulgarisation et de formation du ministère de l’Agriculture.

On peut se demander si l’ascension rapide des femmes à des postes de responsabilité ne devrait pas figurer parmi les priorités de l’action à mener contre la discrimination entre les sexes au cours des années 90. Dans la même optique, les donneurs pourraient s’interroger sur les mesures à prendre pour préparer les organisations féminines à prendre une part plus active au débat public sur les stratégies et les politiques nationales en matière de développement. Il y aurait beaucoup à gagner, par exemple, si les dirigeants et les femmes susceptibles d’offrir un modèle de conduite pouvaient inciter davantage de jeunes filles et de femmes à entreprendre des études universitaires et à se lancer dans des branches plus variées de la formation profes­ sionnelle et de l’enseignement supérieur, y compris dans les domaines scientifiques. Au plan politique, certains gouvernements ont déjà pris des mesures en vue de rééquilibrer la situation.

Ainsi, le gouvernement de l’Ouganda a fait voter une loi obligeant chaque district du pays à élire au moins une femme au parlement. Celui-ci comporte maintenant quelque 25 pour cent de femmes parmi ses membres. Dans un grand nombre de pays, cependant, la loi continue de défavoriser les femmes. En Thaïlande, par exemple, il est interdit aux femmes d’occuper certains postes élevés de l’administration.

Valeurs sociales, cadres juridiques, droits de l’homme

C ’est souvent le statut juridique des femmes, pour beaucoup d’entre elles condamnées par la loi à rester mineures durant toute leur vie, et par conséquent incapables d’agir pour leur propre compte, qui exige de modifier les modalités de la fourniture des services. Dans beau­ coup de pays, les femmes ne peuvent pas devenir membres de coopératives parce qu’elles ne possèdent pas de titres fonciers nominatifs. Ainsi, faute de pouvoir contrôler les moyens de production, elles n’ont qu’un accès réduit aux services et aux équipements. Ailleurs, l’obliga­ tion de faire contresigner leur demande d’adhésion par le mari ou un parent proche de sexe masculin a un effet dissuasif. Dans d’autres cas encore, les femmes sont autorisées à vendre aux coopératives, mais le produit de leurs ventes est directement versé à leur mari ou à celui qui est censé leur servir de «garant». Autrement dit, elles ont accès aux services mais pas aux avantages qui en découlent.

Il est important que les donneurs appuient toutes les initiatives visant à créer un cadre juridique qui garantisse l’égalité des droits des femmes et des hommes et, en particulier, à éliminer tout ce qui empêche les femmes, sur le plan juridique, de participer pleinement à la vie économique et politique. Refuser aux femmes le droit d’hériter et de posséder des biens propres est un acte non seulement discriminatoire, mais qui a aussi des conséquences économiques préjudiciables sur les activités génératrices de revenu qu’entreprennent les femmes, dans la mesure où celles-ci ne peuvent produire les titres fonciers qui leurs sont demandés pour obtenir des crédits. Pareilles entraves freinent gravement le développement national et cette question mériterait sans doute de faire partie des thèmes qui sont abordés dans le cadre du dialogue entre les donneurs et les bénéficiaires.

Le droit de maîtriser sa propre fécondité est un droit fondamental reconnu par la Conven­ tion adoptée en 1980 sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, et ratifiée depuis par 104 pays. D’après ce texte, en effet, les femmes «ont le droit de décider librement et en toute connaissance de cause du nombre et de l’espacement des nais­ sances et d’avoir accès aux informations et aux moyens nécessaires pour leur permettre d’exercer ce droit». Pourtant, dans de nombreuses sociétés, on refuse aux femmes l’assurance de pouvoir accéder facilement à des services de planification familiale efficaces et sans danger, ou on ne leur en donne pas la possibilité pratique. Des grossesses trop nombreuses, trop précoces, trop tardives et trop fréquentes constituent un grave problème de santé pour les femmes et pour leurs enfants. Faute de pouvoir disposer des moyens de contraception dont elles ont besoin, de nombreuses femmes sont contraintes de recourir à l’avortement. Les avortements illégaux, pratiqués dans des conditions épouvantables, sont une cause majeure de décès chez les femmes en âge de procréer dans les pays en développement. Cette grave violation de leur droit à la reproduction contribue elle aussi à la pression démographique qui menace sérieusement le bien-être des générations d ’aujourd’hui et de demain.

Il faudrait également porter une attention particulière aux violations des droits de l’homme qui concernent tout spécialement les femmes et que tolèrent les Etats, telles que les violences sexuelles infligées aux détenues ou la pratique discriminatoire qui consiste, dans les procès, à

faire corroborer par des hommes les témoignages apportés par des femmes. Les donneurs pourraient fournir un appui aux groupes chargés de lutter contre les pratiques traditionnelles qui menacent la vie des femmes, comme l’immolation des veuves sur le bûcher en Inde, ou qui portent atteinte à leur intégrité physique et à leur dignité, comme l’excision des petites filles dans certaines régions d’Afrique.

A mesure qu’elles se mobilisent en plus grand nombre pour revendiquer l’égalité des droits et une participation plus active dans leurs sociétés respectives, les femmes se font davantage remarquer en tant que militantes, féministes, étudiantes, syndicalistes et avocates. De ce fait, elles sont aussi plus exposées à l’intimidation et à la répression. Amnesty International signale qu’un nombre croissant de ses dossiers concernent aujourd’hui des femmes, qu’il s’agisse de militantes, de prisonnières politiques ou de réfugiées. D ’après les rapports du HCR, les femmes dans les camps de réfugiés sont victimes des mêmes abus que les femmes détenues (viols, prostitution forcée, etc.), étant obligées de se soumettre à la volonté des autorités pour obtenir la nourriture et les secours dont elles-mêmes et leurs familles ont besoin.

Il n’est pas facile de s’attaquer aux problèmes d ’ordre social et juridique, car cela suppose un changement d’attitude qui risque d’être long à venir. C ’est pourquoi il faut poursuivre sans relâche les efforts de sensibilisation des bénéficiaires, notamment par des programmes de formation destinés à faire prendre conscience de la discrimination entre les sexes, ainsi que dans le cadre du dialogue sur les mesures à prendre, en vue de favoriser une réforme des structures juridiques.